INTÉGRALE THE PUNISHER 1974-1981 : FRANK CASTLE DANS LES SEVENTIES


On ne pourra pas reprocher à Panini Comics de ne pas faire preuve de courage éditorial avec sa collection intégrale, ces dernières semaines. Après le super groupe canadien de la Division Alpha, que nous désespérions de voir proposer dans cet écrin, c'est autour du Punisher d'avoir droit à son moment de gloire. Le timing est audacieux, car soyons objectifs, le personnage n'a plus les faveur des pontes de Marvel, depuis que ce qu'il représente, à commencer par son célèbre crâne blanc arboré sur la poitrine de Frank Castle, a été récupéré par une frange  conservatrice et violente de la société américaine, forces de l'ordre en tête. Même si beaucoup nient encore cette évidence, il n'y a plus la moindre série régulière en vue. Ensuite un certain temps s'est écoulé depuis la série The Punisher sur Netflix, et aucune saison 3 n'est envisagée pour le moment, depuis que Disney + a récupéré les droits d'adaptation. Pour autant, voici que débarque le célébrissime anti-héros dans la collection Intégrale! Ce premier volume ne s'intéresse pas aux aventures à proprement parler du Punisher, mais nous montre ses toutes premières apparitions, qui pour la plupart ont eu lieu sur les pages de Spider-Man. Il faut dire qu'au commencement Castle a été recruté pour un contrat (Amazing SM #123), par un des ennemis récurrents du tisseur de toile, le Chacal. Ce n'est pas un "vigilante" qui fait dans la finesse ou l'introspection qui nous est offert, c'est un personnage facilement manipulable et totalement obsédé à l'idée de tirer sur Spidey. Mais attention, Gerry Conway le dote d'un code d'honneur, pas question d'éliminer un adversaire groggy ou à terre, le Punisher entend bien mener sa mission sur un certain pied d'égalité, avec des armes assez farfelues, comme ce fusil qui déploie un filin résistant pour bloquer Spider-Man. Castle a déjà un sale caractère, et lorsque le Chacal l'encourage à hâter l'issue fatale, il hérite d'une baffe monumentale qui l'envoie dans les cordes. Bien entendu, même l'aspect physique (le dessin est de Ross Andru) est ici bien éloigné de ce qu'on peut trouver aujourd'hui. L'homme est déjà vieillissant et pratiquement dégarni des tempes, c'est un ancien combattant désabusé et sauvage, qui va rajeunir avec le temps. Sa seconde apparition est véloce, quelques mois plus tard, à l'occasion d'un combat contre le terroriste Tarantula, et ses redoutables bottines à dards empoisonnés. Dans un de ces quiproquos typiques des histoires de super-héros, le Punisher intervient en étant persuadé que les deux types en costumes devant lui sont de mèche, avant de se raviser, et de faire équipe avec Spider-Man à la fin du second épisode concerné par ce récit. Surprise, si Castle se moque bien de l'idéalisme angélique de son partenaire du jour, on croit rêver lorsqu'il se contente de traîner ses victimes assommées, comme de vulgaires sacs de pommes de terre, à remettre à la police. L'idée de Conway est d'emblée de placer le Punisher du bon coté de la barrière morale, d'en faire une victime de la violence urbaine (dois-je vraiment vous rappeler les origines du personnage, la famille assassinée lors d'un règlement de compte entre mafieux, dans Central Park?), sans pour autant qu'il soit possible de le justifier pleinement, ou d'en faire un exemple à suivre. 


Nous avons parlé de quiproquos. Voilà un artifice usé jusqu'à la corde, en ces belles années "vintage". La plupart du temps les "bons" finissent par rencontrer un congénère avec lequel ils se battent, sans raison apparente, si ce n'est une incompréhension passagère, comme par exemple un criminel qui se déguise et interprète le rôle d'un des contendants. C'est ainsi qu'un peu plus loin dans cet album, le Punisher est confronté à Spider-Man (once again) et à Nightcrawler, des X-Men, à la recherche d'un sniper dont tout le monde ignore la véritable identité. Tout ceci ne dépose pas en faveur des capacités cognitives et stratégiques de Frank Castle, qui il faut bien le dire passe le plus clair de son temps, dans les années 70, à endosser le costume du bourrin qui tire, avant d'émettre une faible pensée critique. Ces épisodes là jouent sur le même registre. Une menace criminelle apparaît (un détournement, l'enlèvement de JJ Jameson) et la route du Punisher et de Spider-Man se croisent. Les deux font la fine bouche (et parfois se tapent dessus) mais on les retrouve vite ensemble, pour un team-up du désespoir, où la résolution confirme que oui, le Punisher est bien plus cruel et pratique que le Tisseur, mais que oui aussi, il lui reste un semblant d'humanité, et ce ne sera jamais un vrai méchant (quand au sommet de la Statue de la liberté, il doit choisir entre sauver la vie de Peter Parker, ou de s'occuper d'un criminel qu'il souhaite éliminer, il opte pour la main tendue envers son allié du moment). Les enjeux se corsent un peu avec Marv Wolfman, qui écrit un Punisher encore plus sensible de la gâchette, qui tire sans se poser de questions, y compris sur l'Araignée! Avant que le lecteur ne pousse un gros soupir de soulagement, et remercie les balles en caoutchouc...  Ce qui est valable pour Spider-Man l'est tout autant, voire plus, pour d'autres rencontres fortuites, comme lorsque le Punisher est face à face avec Captain America. Les idéaux de ces deux-là sont fort éloignés, mais le respect du drapeau et de la justice chez Castle est réel, ce sont les moyens d'action qui alimentent le conflit inévitable, que nous retrouvons aussi dans cette première Intégrale. Soulignons également que le nom de Frank Miller apparaît en gros sur la couverture, juste après ceux de Conway et Andru, mais sa contribution est mineure, se cantonne aux dessins d'un annual, qui au final n'apporte pas grand chose de très original à un schéma qui se met en place peu à peu, quitte à ronronner. Nous sommes encore loin de ce que va devenir le Punisher dans les années 80, avec un discours qui va se radicaliser et s'éloigner dans un premier temps de l'univers des super types en costumes, pour se concentrer sur les ravages d'une guerre des gangs, de la drogue, des armes, qui à l'époque mettent l'Amérique de Reagan à très dure épreuve. Ce premier tome est alors une mise en bouche, les prémices d'un phénomène éditorial important et en devenir, qui s'insère dans une époque où l'idée de dompter le feu par le feu commence faire son chemin, à séduire de nombreux adeptes, n'en déplaise à Spider-Man et son angélisme à l'épreuve des balles. 


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