Le monde des comics et de la bande dessinée est actuellement sur le pied de guerre avec l'apparition de l'intelligence artificielle, qui permet au quidam moyen de se rêver artiste, le temps de créations originales aussi spectaculaires qu'il faut bien le dire, stéréotypées. Et bien, la lecture de ce véritable combat des titans que représentent les festivités pour le 60e anniversaire conjoint de Hulk et de Thor n'est pas loin de ressembler à la version scénaristique de cette évolution douteuse. Nous pouvons admirer Donny Cates, qui est parvenu à se faire rémunérer le scénario de ces cinq épisodes, pour ce qui représente probablement un travail rédigé en quelques minutes sur un coin de table, dans un café, entre le dessert et l'adition. En gros, Hulk et Thor se tapent dessus depuis soixante ans; leur puissance respective font qu'ils sont deux adversaires amis et ennemis, que les lecteurs apprécient retrouver dans leur embardées sauvages. Ici, les revoilà tous les deux contraints de cogner dur durant une centaine de pages, à coups de marteau, à coups de poing, à coups de tête. Hulk est accusé d'un drame survenu à El Paso, dont il n'est pas véritablement responsable. Thor est écrasé par le poids les responsabilités, depuis qu'il est le nouveau souverain d'Asgard après la mort de son père Odin, dont la conscience est désormais préservée dans le marteau Mjolnir. Tous les deux connaissent une phase assez particulière, à la limite de la schizophrénie. Thor parle à son marteau, donc à son père, et il est le seul à entendre sa réponse, tandis que Hulk n'est plus qu'une sorte de vaisseau réceptacle pour un Bruce banner qui le pilote à distance. Une des trouvailles les plus -au choix- jouissives ou stupides de toute l'histoire éditoriale du colosse vert. Un moment donné d'ailleurs, ils sont tous les deux surpris d'entendre l'adversaire converser avec une présence que l'autre ne peut percevoir. Donny Cates s'amuse bien, aussi la véritable question qu'il va maintenant falloir se poser est : et nous alors, allons-nous en retirer le même plaisir ?
Alors qui est le plus fort entre Thor et Hulk ? La réponse est constituée par l'addition d'un nombre invraisemblable de coups; et encore, il n'est même pas certain que nous soyons fixés définitivement. Par contre, ce qui est sûr, c'est que Donny Cates ne recule devant aucune rodomontade scénaristique : vous voudriez voir l'effet que ça ferait si les radiations gamma finissaient par contaminer Thor ? Vous auriez envie de voir un Hulk brandir le marteau enchanté Mjolnir ? Vous voudriez assister à un nouveau combat entre un Hulk plus en colère que jamais et Iron Man, dans une nouvelle armure Hulkbuster taillée pour l'espace ? Oui je vous l'ai dit, il ne faut pas demander quelque chose de raffiné au niveau du scénario. On assiste en réalité au développement typique d'un jeu d'arcade des années 1980, où il suffit de taper rapidement sur la manette pour terrasser l'adversaire. Les deux personnages sont aussi victimes des éléments et des conditions extérieures, ils n'ont plus trop leur destin entre leurs mains, mais il aurait été souhaitable et possible d'apporter tout de même un peu plus de subtilité et de profondeur à l'histoire. Mais de toute évidence, Donny était déjà en train de préparer son départ hâtif de la série Hulk, sur laquelle il ne laissera finalement aucun souvenir impérissable. Au dessin, Martin Coccolo nous démontre que si Marvel l'a choisi pour faire partie de la génération montante, la dernière mouture des Young Guns, ce n'est pas un hasard. Orchestrer des chocs à la manière Marvel, les rendre vivants, explosifs et toujours très lisible, c'est quelque chose qu'il sait faire à merveille. C'est du coup la partie graphique qui est la plus intéressante dans ces cinq épisodes qui sont clairement à prendre comme une récréation jouissive, comme un grand moment de régression, pour fêter un double anniversaire important. Cela dit, ces temps derniers chez Marvel, la régression et la jouissance sont des excuses un peu faciles pour oublier parfois que les enjeux sont quasi inexistants. Et tous les lecteurs alors, qui aiment le pathos et la grandeur du Marvel Universe, vous n'auriez pas tendance un peu à les négliger ?