CARICATURE : NEUF HISTOIRES DU FAUVE D'OR DANIEL CLOWES


 9 petites histoires, 9 petits destins cabossés qui nous sont brièvement exposés, avec des individus qui portent un regard singulier sur la société qui les entoure, dans laquelle (en règle générale) ils n'ont pas trouvé de véritable place. Ceci à un moment de leur existence où la perception des autres (et même de soi) se brouille. La difficulté de communiquer et donc de se positionner par rapport au reste du monde a toujours été une des thématiques chères à Daniel Clowes (Fauve d'Or 2024 à Angoulême avec Monica, sa dernière œuvre originale en date) et on retrouve une fois encore ce sujet dans ces bref récits, qui oscillent allègrement entre l'humour caustique et le drame existentialiste. Ce recueil porte le titre de Caricature et cela tombe bien, car la première histoire met en scène un certain Mal Rosen : c'est son métier que de dessiner les personnes qui le paient pour cela, tout en exagérant leurs traits physionomiques, dans des salons professionnels où le public vient se payer une petite œuvre d'art, à bon marché. Mal fait la rencontre d'une jeune fille à peine sortie de l'adolescence, qui semble être fan de son travail, ce qui l'amène à une sorte d'introspection artistique. On sent poindre aussi la possibilité d'une relation intime, qui est aussi vite abandonnée qu'elle est imaginée. Il y a beaucoup de tristesse, mais aussi d'observations pertinentes et aiguës sur l'existence, dans ces pages qui comptent parmi les plus intéressantes de l'album. Dans les nippes italiennes bleues, on se retrouve avec un jeune adulte qui nous présente ses différentes expériences de colocation et son rapport avec les femmes, qui n'a rien d'extrêmement brillant. La morosité poussée comme exercice de style, avec brio. La maman dorée est ensuite le premier de ces récits mis en couleurs. Le protagoniste va y suivre une trajectoire absurde et cauchemardesque, qui démarre dans un salon de coiffure, alors qu'il n'a pas l'argent pour payer la coupe qu'il a réclamée, jusqu'aux lieux de son enfance, qui marquent aussi le point de départ du délitement de son identité. Si vous sentez comme un petit courant d'air, c'est le souffle glacé du désespoir qui vient aussi vous lécher l'échine, chez Daniel Clowes.




Les souvenirs et notamment l'enfance sont importants chez Clowes. Que ce soit lorsqu'il s'agit de profiter de la soirée d'Halloween pour s'en aller frapper aux portes et se heurter à l'absurdité des relations humaines, ou pour évoquer des souvenirs de vacances avec des premiers émois sentimentaux bien stériles, qui se transforment en chronique de l'absurde et du désœuvrement, l'auteur n'a pas son pareil pour utiliser des instants de vide et en faire quelque chose à la fois triste, singulier et drôle. Le temps qui passe, c'est aussi le constat qui est dressé dans un court récit intitulé 1966 dans lequel cette fois, c'est le ton désabusé et sarcastique qui fait mouche, avec une société d'autrefois qui a disparu, prétexte pour laisser éclater l'humour décapant d'un dessinateur dont le trait caricatural et les personnages hébétés et parfois même inquiétants et repoussants, parviennent à saisir le non-sens présent dans tous les strates de la société. Des freaks, des losers, encore et encore. Les tous derniers récits sont peut-être les plus difficiles d'accès, ceux qui semblent un peu plus confus, métaphysiques, ou en tous les cas moins immédiatement abordables par le grand public. Nous trouvons une histoire plus longue que les autres, qui est aussi une réflexion sur la nature de l'artiste, avec un type qui a une relation avec l'épouse d'un gynécologue, mais aussi un récit plus bref qui permet de revenir sur la figure du super-héros et de sa place dans la société américaine. Un sujet que Daniel Clowes a abordé à plusieurs reprises, avec un sarcasme évident. Notons également les déboires d'une certaine Mona Beadle, seule protagoniste féminin de Caricature, qui transpose le mal-être de la classe moyenne chez l'autre sexe, tout aussi désorienté. L'ensemble est bien entendu de très bonne facture et permet d'approfondir, si besoin était, le rapport étroit entre Clowes, son pays l'Amérique, qu'il l'examine décidément sous toutes les coutures, mais aussi le média, la bande dessinée, qui est régulièrement le terreau dans lequel ces petites histoires prennent racine.
Cet album s'inscrit dans la série de rééditions publiées chez Delcourt, la collection "la bibliothèque de Daniel Clowes)



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