MARVEL UNIVERSE 1 : THANOS (DE JEFF LEMIRE ET MIKE DEODATO)

Thanos est de retour. Tout simplement. Non qu'il soit parti très loin, et que ces temps derniers nous étions restés en manque du Titan Fou. Mais cette nouvelle série, confiée aux bons soins de Jeff Lemire, part du postulat que la nature a horreur du vide, et qu'en l'absence du personnage aux affaires, ce sont ses adjudants qui profitent des restes. Prenez par exemple un certain Corvus Glaive. Un des grands méchants de la saga Infinity, que nous devons à Jonathan Hickman. Autrefois simple laquais de Thanos, il a mis à profit son pouvoir et le trône vacant pour renforcer son influence, et régner sur une portion du cosmos, par la force. Depuis sa base qui est un clin d'oeil à l'Etoile Noire de Star Wars, Corvus rêve de grandeur mais doit accepter l'inévitable : le jour où Thanos revient, dans toute sa fureur tranquille, il ne peut rien faire que de voir ses ambitions se briser en pièces, et observer son propre trépas, la mort pour avoir oser donner corps à ses ambitions, face à un adversaire qui fait trembler l'univers, dès lors qu'on prononce son nom. 
Lemire n'utilise pas que Thanos, dans cette nouvelle série régulière tant attendue. Nous retrouvons aussi un des doyens de l'univers, souvent présenté comme une brute sans cervelle, le Champion (qui portait en son temps une des gemmes du pouvoir, tout de même). Et également Starfox (Eros en vf chez Lug et Semic) qui fut dans les années 80 membre des Avengers, et qui assume pleinement son hédonisme, en s'entourant généralement d'un harem de splendides créatures. Présence cruciale pour finir de Thane, le fils de Thanos, et de la Mort elle -même, qui a une place prépondérante. Après avoir été l'amante/promise assez fuyante et cruelle du père, voilà qu'elle se manifeste au fils, avec des intentions guère louables, ce qui assez logique pour celle qui symbolise la fin de tout et tous. Le "petit jeune" était jusque là loin d'avoir les épaules (et la cruauté) du paternel, qui lui même paraissait boxer dans une catégorie hors de portée du reste du Marvel Universe. Coup de théâtre ici avec une nouvelle génération qui glisse vers la folie (et le pouvoir), et l'ancêtre qui dépérit à vue d'oeil, car malade...


Jeff Lemire récupère donc toute une série de personnages étroitement liés aux vicissitudes de Thanos, voire carrément à l'époque du Gant de l'Infini. Outre les noms déjà cités, nous retrouvons aussi Nebula, et Terrax, ancien héraut de Galactus, qui s'est emparé d'une cargaison bien particulière, et qui risque fort de semer mort et destruction si elle tombe entre de mauvaises mains (et vous pouvez parier...). Thanos lui est envisagé sous un angle inédit. Pas seulement la bête furieuse qui tue tout ce qui se dresse sur son chemin (ici il n'a rien de noble ou de calculateur, c'est un monstre froid et implacable qui va jusquà éventrer Mentor son propre père), mais aussi l'être vivant faillible et miné par la maladie, dont personne ne connaît la cure, et qui se dirige vers une mort peu glorieuse, sans la force nécessaire pour s'opposer à ceux qui lui donnent la chasse, sur le long terme.
C'est Mike Deodato qui s'occupe des dessins sur les six épisodes que compte ce hors-série. Les fans de l'artiste vont en avoir pour leur argent, avec des vignettes très photo réalistes et retouchées, certaines plus réussies que d'autres. Le problème réside dans la mise en page, la superposition de cases et de bandes/constructions géométriques qui perdent parfois le regard mal entraîné, ne sachant si on a affaire à une double page, ou juste à un ensemble mal ficelé. De plus, cet artifice ne sert pas vraiment le récit de Lemire, si ce n'est à faire oublier quelques écarts pompeux, qui trahissent une stagnation, une lenteur de la narration. 
Si l'idée qui traverse ce numéro de Marvel Universe est intéressante, et si l'impression est que Thane (le fils) va enfin gagner une épaisseur inédite et un rôle de premier ordre dans l'univers Marvel, Thanos lui a connu des interprétations plus heureuses et subtiles dans le passé. A moins de six euros pour six épisodes, l'achat est tout de même fort recommandé, mais il est évident que nous attendions beaucoup plus de cette sortie cosmique. 



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