Atlantis Rising nous ramène au run de Tom de Falco, sur les Fantastic Four, en pleine (folle) période des années 90, où il était possible de trouver tout et n'importe quoi sur les présentoirs de nos chers comic shops. Après de longs et fructueux mois marqués par des coups de théâtre permanents (la mort de Reed Richards, la compagne de la Torche est une skrull, le retour du père de Reed et la Fantastic Force...) et une fusion presque parfaite entre soap opera et super-héroïsme traditionnel (oui, on a adoré le duo De Falco/Ryan, au départ), un coup de mou a fini par se faire sentir, visible durant cette résurgence d'Atlantis, qui émerge des flots, provoque des catastrophes climatiques au niveau planétaire, et va entraîner les Inhumains dans cette épopée improbable. Tout commence avec Namor, en disgrâce chez les atlantes, où le trone est occupé par Lyron, son prétendu fils. Il affronte en combat singulier la menace mystique de Wraith, et se retrouve prisonnier (mort, psychiquement parlant) de son épée magique. Pendant ce temps-là, sur la Lune, une bévue commise par mégarde par Nathaniel Richards (le père de Reed) entraîne la disparition de la citadelle du Gardien, et de tout ce qui se trouve à proximité, y compris le refuge des Inhumains, menacés d'extinction. Pour les sauver, les Fantastiques arrivent à la rescousse avec leurs nouveaux renforts récents, Scott Lang (Ant-Man) et l'héritier de Fatalis, Kristof Vernard. Ils parviennent à miniaturiser la cité en danger, mais dans le chaos complet (tout le monde tape sur tout le monde) ils finissent par être terrassés eux aussi. C'est que la grande méchante de l'histoire s'appelle Morgane Le Fey, une sorcière à la plastique de rêve, mais d'une perversion unique en son genre, ancienne élève de Merlin, envers qui elle nourrit une haine féroce. Atlantis qui émerge et menace l'écosystème, c'est elle, avant tout. Sympa, la magicienne.
Ajoutons aussi Thor à l'ensemble. Le Dieu du tonnerre s'est fait manipulé l'esprit par la sorcière, et il attaque comme un bourrin les Fantastiques. Pas facile de relier ensemble tous les fils de l'histoire, car il s'agit d'unir une trame qui concerne au premier chef les FF et Namor, mais aussi d'y insérer de force les Inhumains (qui ne passent pas pour des foudres de guerre dans cette saga) et d'autres héros venus dire bonjour quand ils ont vu la lumière allumée (Par la barbe d'Odin!).
Le dessin est bien entendu très marqué par les années 90. Les épisodes de Namor, réalisés par Geoff Isherwood, sont loins d'être mauvais. Certes les corps sont exagérément distordus et musclés (un peu sur le modèle de Claudio Castellini, mais c'est moins grâcieux et spectaculaire) mais les pages fonctionnent bien, et offrent un spectacle visuel souvent réussi. Le reste est par contre très en déça. Ryan et les Fantastiques, ça reste correct, même si on trouve des planches trop surchargées, avec une baisse de régime évidente par rapport au début du run de l'artiste. Les spéciaux consacrés à Atlantis Rising sont hideux. Entre un Brett Booth (et MC Wyman) qui parvient à se caricaturer lui-même, et un Doug Braithwaite encore à la recherche de son identité, et mal encré, on a peine à prendre du plaisir devant de tels gribouillages. Reste un cas d'école, la série Fantastic Force, censée être dans les années 90 une nouvelle itération des F4, et menée par le fils de la famille Richards, Franklin, dans sa version adulte et psioniquement super puissant. L'italien Dante Bastianoni parvient à être le dessinateur le plus raffiné et propre de tout ce crossover, et on ne comprend pas pourquoi Marvel ne lui a pas confié d'avantage de travaux, avec de telles capacités (un mélange entre Byrne et Manapul, joli, vraiment).
Coté Vf, pas simple de s'y retrouver. Il n'existe bien entendu pas d'album librairie chez Panini (soyons honnêtes, pour quelles raisons auraient-ils publié ça?) et les revues kiosque de l'époque, marquées par le saussisonnage propre à Lug et Semic,se sont contentées d'une partie de l'ensemble, sans aller dans les détails, et de manière anarchique. A relire dans Nova, passé au grand format à son tour. Chez Marvel, on commençait sérieusement à vaciller, avec l'inspiration en cale sèche, ce qui allait décider plus tard la compagnie à tenter le tout pour le tout et se jeter à l'eau avec Heroes Reborn, malheureusement. Reste Atlantis émergé, un royaume de créatures asphyxiant à l'air libre, spoliés de leur véritable écosystème, mais tout le monde s'en fiche un peu, car l'important c'est de reloger les Inhumains, en premier lieu. La crise de l'immobilier a fait nombre de victimes, dans la décennie, y compris dans ces pages que la plupart des lecteurs ne relisent jamais.
Le gros volume avec l'ensemble pour une trentaine d'euros
7j/7 24h/24 tout sur les comics, likez la page Facebook