L'été, c'est aussi le moment idéal pour remonter le temps et se replonger dans la collection Chronicles que propose Urban Comics. Et ça tombe bien, nous avions le volume le 2 de l'année 1988 à terminer. Au menu pour débuter, une mini série, World of Smallville, autrement dit l'occasion de faire un petit tour dans cette bourgade du Midwest américain où a grandi le jeune Superman, avec des parents adoptifs aimants et un cadre de vie bucolique. Et ça démarre très fort avec des révélations inattendues qui concernent le passé de Martha Kent : vous l'avez toujours vu comme une épouse modèle, destinée à se mettre en couple avec ce cher Jonathan depuis le lycée… en fait, elle a été mariée une première fois à un richissime homme d'affaires local, atteint d'un cancer. Tout ceci vous est raconté (par Byrne et Schaffenberger) dans les deux premiers épisodes, avant que l'histoire se concentre sur Lana Lang, la petite amie parfaite pour Superman durant son adolescence, mais qui s'est révélée être l'objet des Traqueurs, une sorte d'espionne contre sa volonté, qui est depuis en quête de rédemption et semble avoir beaucoup à se faire pardonner. Mais ça tombe bien, Superman pardonne toujours, il a grand cœur ! Le cœur de Superman qui peut aussi l'amener à commettre quelques impairs. Il a beau être un super-héros quasi invulnérable et affronter des menaces cosmiques invraisemblables, lorsqu'il s'agit de parler de ses sentiments et de ses rapports avec les femmes, il se révèle être plutôt maladroit. Le jour où il décroche enfin le rencard qu'il espère avec Wonder Woman, c'est pour se jeter sur elle et l'embrasser directement, ce qui lui vaudrait en 2024 une campagne sur Twitter pour le contraindre à abandonner la cape et formuler des excuses publiques. Les deux membres les plus puissants de la Justice League ensemble ? En fait, John Byrne (et George Perez) nous expliquent qu'ils viennent de deux mondes différents, et cela va se sentir lors d'un combat face à Darkseid, qui a décidé de mettre les mains sur la demeure des dieux grecs, le Panthéon dont est issue Wonder Woman. Un épisode particulièrement intéressant à relire aujourd'hui, qui fait suite à d'autres un peu plus anecdotiques. Nous y retrouvons notamment les Metal Men ou la Silver Banshee, qui n'est pas forcément le personnage le plus réussi de l'époque.
Le problème avec Superman, c'est qu'il dispose de pouvoirs incommensurables, qui le mettent à l'abri de toutes les mauvaises surprises. Alors John Byrne fait comme tous les scénaristes, ils tentent d'escogiter des moyens qui permettront de faire redescendre le héros les pieds sur terre, le temps de un ou plusieurs épisodes. Quand ce n'est pas une sorte de nuage de particules fines provenant de l'explosion de Krypton, survenu bien des années auparavant (probablement une des excuses les plus invraisemblables jamais écrites), ce sont deux éclaireurs venus d'un monde extraterrestre, qui parviennent à faire croire à leurs ennemis qu'ils perdent tous leurs super-pouvoirs, un à un, et même Superman semble tomber dans leurs filets ! Un besoin d'humaniser absolument le personnage pour qu'il puisse avoir face à lui une menace de taille susceptible de lui procurer autre chose qu'un désagréable sentiment de chatouille. Lex Luthor a bien une bague de kryptonite autour du doigt, mais celle-ci a fini par contaminer son organisme, au point qu'il va falloir lui couper la main et lui en greffer évidemment une autre, toute robotique. Mais dans ces épisodes où intervient aussi la Doom Patrol et la mère de Jimmy Olsen (une jolie quadra aux cheveux blancs argentés, qui apparemment ne laisse pas Clark Kent de marbre), il y a un personnage particulièrement intéressant, qui est développé pour l'époque d'une façon assez audacieuse : le capitaine Maggie Sawyer, de la police de Métropolis. N'oubliez pas que nous sommes à la fin des années 1980, aux États-Unis, dans ce qui est probablement un des comic books les plus mainstream qui puisse être publié. Un personnage comme Maggie, une femme qui aime les femmes, ce n'était pas si courant, et ça l'était encore moins quand ses préférences sexuelles furent l'objet d'une tentative de chantage de la part de Luthor. Même si jamais la chose est toujours exprimée par des sous-entendus, ces derniers sont toutefois de plus en plus clairs, au point que personne ne peut se tromper. Aujourd'hui, ce serait quelque chose de totalement banal, voire incongru, mais en 1988, ça restait encore ce genre de secret qui pouvait peser sur une carrière et qu'on n'avait pas l'habitude de lire sur les pages de Superman. Ce gros volume est bien entendu complété par de nombreuses pages rédactionnelles, des fiches sur les personnages, la publication du courrier des lecteurs de l'époque, ou des articles qui approfondissent certains points clés des récits. L'ensemble est écrit ou traduit par Jean-Marc Lainé, toujours aussi efficace et sérieux, que nous saluons au passage ! Bref, si ce n'était une couverture dont la frise est parfois légèrement décalée et qui ne résiste pas trop au temps, nous serions convaincus de tenir, avec ces Chronicles, la plus belle collection jamais produite sur l'univers DC en langue française.
Retrouvez UniversComics sur Facebook :