JOKER : LA SÉRIE INFINITE EN INTÉGRALE PAR JAMES TYNION IV


 La nouvelle série écrite par James Tynion IV, dans le cadre de DC Infinite, s’intitule sobrement Joker. Mais le titre aurait été encore plus pertinent s'il avait été Gordon car en réalité, même si le Joker est au centre de la plupart des épisodes, c'est le commissaire James Gordon qui est le narrateur de ces 15 numéros (plus un annual) et c'est lui qui, dans un premier temps, permet de faire le lien avec le criminel le plus dingue de Gotham, mais aussi très probablement de l'histoire des comic books. Les raisons sont nombreuses : le Joker a enlevé et mutilé Barbara, sa fille, qui est restée pendant longtemps paralysée, clouée dans une chaise roulante, après avoir reçu une balle dans la moelle épinière. Il a également enlevé le commissaire pour le torturer dans une fête foraine désaffectée (je vous conseille de relire The Killing Smile de Moore et Bolland); enfin, il est indirectement responsable de la mort du fils de Gordon, lui aussi particulièrement détraqué et sujet à des actes barbares, et qui a tenté de se racheter, en vain. "Jimbo" a donc de très nombreux motifs pour en vouloir au Joker. Pour autant, il n'a jamais cédé à la facilité qui serait de l'abattre, plutôt que de l'arrêter. Il porte donc une forme de responsabilité puisqu'à chaque fois que le dingue est mis sous les verrous ou incarcéré dans l'asile psychiatrique d'Arkham, il finit par s'évader aussi sûrement qu'il est entré, puis reprend sa sinistre habitude de semer des cadavres défigurés par des rictus atroces. Quoi de plus logique, lorsqu'une richissime est tout aussi mystérieuse blonde, vient proposer à Gordon une offre alléchante : 25 millions de dollars pour abattre le Joker, pour qu'on en finisse avec ce cauchemar. Et en attendant que la mission soit accomplie, une carte de crédit/débit dont les fonds sont illimités, pour mener la belle vie, que ce soit du Belize (territoire ou le Joker semble s'être réfugié) ou bien, Paris où il va fuir par la suite. Problème : il faut que le Gordon renonce à respecter son serment et qu'il accepte à son tour de céder aux sirènes du mal. Mais est-ce vraiment le mal que de vouloir adopter la plus radicale des sanctions dans le cas d'un type comme le Joker, que rien n'a jamais arrêté jusque-là. Batman et Oracle (Barbara Gordon) sont bien sûr radicalement contraires à cette hypothèse, mais quand vous avez consacré toute votre vie aux forces de police de Gotham, que vous y avez sacrifié votre mariage et que vous avez à peine de quoi vous payer une retraite décente, l'offre est assez tentante.




La liste des méfaits du Joker est interminable; pour autant, il n'est pas non plus forcément coupable de tout ceux qu'on pourrait lui attribuer. Cette histoire démarre avec la mort de tout un tas de pensionnaires de l'asile d'Arkham, empoisonnés par ce qui semblerait être un cadeau tardif du sinistre clown, qui s'est déclenché des mois après avoir été préparé en toute discrétion, dans l'institut. Mais le Joker dément : il serait victime d'un complot, une machination dont la source serait probablement à trouver dans la famille Sampson, incarnée par deux frères complètement givrés dont la passion est de démembrer et dévorer d'innocentes victimes, et qui ont eu la chance de découvrir un gisement de pétrole dans leur jardin. Au fil des épisodes, on fait aussi la rencontre avec tout un ensemble de clones de super-vilains, des criminels génétiquement modifiés prêts à servir au plus offrant. L'histoire mijotée par Tynion IV est complexe et plus on va de l'avant, plus elle se densifie et démontre un talent d'écriture assez remarquable, capable même d'aller puiser dans le passé pour en recycler certains éléments cruciaux. Les deux dessinateurs principaux sont Guillem March (au début) et Giuseppe Camuncoli (la fin), qui dans deux styles forts différents (plus baroque le premier, plus classique et essentiel le second) parviennent à livrer un travail convaincant et soigné. Les épisodes situés dans le passé du commissaire Gordon sont eux illustrés par Francesco Francavilla, avec des couleurs saturées et une approche totalement isolée du reste de l'album. Un énorme pavé qui vous tiendra occupé pendant un certain temps et qui constitue une des meilleures lectures à ce jour consacrée au Joker, même si ce dernier est loin d'apparaître à chaque page. 



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