Difficile d'être pressé de rédiger une chronique pour Shazam la rage des dieux quand on sait que l'univers DC cinématographique est sur le point d'être rebooté et que tout le monde est tombé à bras raccourcis sur ce second volet, avant même très probablement de l'avoir vu. Il faut dire que ces temps derniers, nous sommes assez peu gâtés avec le grand écran et les super-héros. Black Adam a été un échec cuisant renié par son acteur principal, le dernier Ant-Man est bien loin d'être un film digne des grandes heures des Studios Marvel… bref, comme le dit l'adage, jamais deux sans trois. Pour autant, s'il fallait faire un petit classement circonscrit à ce trio maudit, nous placerions Shazam 2 en tête de liste. C'est un film globalement frais et amusant avec un sous texte plutôt pertinent sur la mythologie grecque, qui présente tout un tas de trouvailles, des costumes aux licornes maléfiques de la fin du film, qui permettent de sauver le spectateur de l'ennui. Si votre serviteur avait eu un enfant de 12 ans à la maison, il l'aurait emmené avec plaisir au cinéma, sans la moindre honte et probablement l'enfant aurait apprécié. Le problème de base, en fait, c'est que j'en ai 48. Shazam, c'est bien sûr Zachary Levi et ses pitreries, un super-héros aussi puissant que Superman mais qui en réalité est un adolescent de 17 ans, qui curieusement devient encore plus immature lorsqu'il endosse le costume rouge du justicier magique. Ses frères et sœurs composent avec lui une famille héroïque assez attachante, avec notamment pour chacun la possibilité d'avoir des scènes pour briller, sans oublier leurs costumes magnifiques, qui constituent même un des points forts du film. Mon dieu, qu'elle est belle cette Mary Marvel interprété par Grace Caroline Currey ) ! Pour ce qui est de l'histoire en elle-même, disons qu'il s'agit des conséquences du geste imprudent de Shazam commis dans le premier film, qui s'est contenté de briser puis d'abandonner le sceptre du vieux Sorcier qui lui a conféré ses pouvoirs. Les trois filles du Titan Atlas décident de s'en emparer et de le "réparer" pour alors dérober les dons de toute la petite famille Shazam. Hespera, Kalypso et Anthea semblent dans un premier temps invincibles. Dans le cas de la dernière nommée, on ne pourra pas s'empêcher d'esquisser un sourire désabusé devant cette déesse vieille de 6000 ans, mais au corps d'adolescente, qui tombe amoureuse d'un jeune lycéen handicapé (Freddy, un des "frères" de Billy Batson/Shazam) juste parce qu'il prend sa défense devant de grosses brutes de harceleurs, dans les couloirs de l'établissement. Nous avons affaire à un film américain, aussi ce genre de situation est à prendre comme élément nécessaire à ajouter au tableau des charges. Constatons également que les frangines ne sont pas forcément d'accord sur les méthodes à employer et que seul l'une d'elle (Lucy Liu en mode extrémiste mythologique) est prête à tout pour atteindre son objectif. La doyenne (Helen Mirren qui passe du bon temps et encaisse un bon chèque) conserve son sens de l'éthique, et la cadette est aux prises avec ses hormones. Un trio assez hétéroclite, vous en conviendrez.
Cette rage des dieux est avant tout un divertissement pour toute la famille. Enfin, pour être exact, pour les plus jeunes, pendant que les parents consultent discrètement le portable pour regarder l'heure et jauger le temps qu'il manque avant de sortir de la salle obscure (pensez à réduire la luminosité de vos écrans, c'est extrêmement impoli et désagréable pour les autres). Si le film était sorti voici cinq ou six ans, il aurait pu engranger le double de recettes, selon toute vraisemblance. Seulement voilà, la routine est désormais connue de tous et la répétition lourdement insistante des mêmes tics d'écriture a fini par lasser le public le plus clément. Tout est systématiquement objet de dérision, de sarcasme, doit être drôle ou autoréférencé. Les enjeux sont énoncés et foulés aux pieds en quelques secondes, et l'éventuelle profondeur du sujet (Billy Batson est un orphelin, un de ses "frères" va faire son coming out, Freddy est handicapé…) n'est qu'un prétexte à d'autres blagues, à d'autres mises à distance assez saugrenues. Sur ce terrain, on appréciera tout de même ce que le réalisateur (David F. Sandberg, refroidi par l'accueil réservé à ce second essai au point d'affirmer qu'on ne l'y reprendra plus) a fait de la "base" des héros, ce sanctuaire éternel grâce auquel il est possible d'accéder à de multiples réalités, encore à explorer. Nous sommes plus proches de la salle d'arcade et du temple geek que d'un repaire poussiéreux pour dieux ennuyés. C'est d'une logique imparable, et ça s'inscrit dans la dynamique attendue des rapports qui unissent tous les personnages. Bon, ne nous emballons pas, ne désespérons pas non plus, l'univers cinématographique DC est sur le point de tout rebooter et de suivre la doctrine unique d'un James Gunn dans le rôle du messie. L'impression de "plus rien à foutre" qui surnage par endroits trouve une justification et accompagne le film vers la sortie, y compris lors d'une scène bonus qui ne fait sens que si vous avez regardé la récente série Peacemaker ou le second film de la Suicide Squad. N'attendez rien de Blue Beetle cet été, il s'agit d'un projet dans les cartons et retardé depuis plusieurs années, qu'on va envoyer au casse-pipe sans remords, en souhaitant que l'air des vacances estivales atténue le sérieux coup de froid qui va encore souffler sur un DCU à installer en position latérale de sécurité. Si vraiment vous comptiez aller voir tout de même le second Shazam, vous aurez au moins un exemple parfait (intéressant si vous êtes étudiants en économie ou marketing) de ce que signifie un placement de produit. Comment aboutir à une conclusion positive par la grâce d'une poignée de bonbons multicolores ? Skittles et ses parfums acidulés y sont parvenus. De tendres friandises dragéifiés, les seules gagnantes durant ces deux heures qui interrogent carrément la bêtise ou la pertinence d'un genre qui aurait besoin d'un peu moins de sucre et d'un second souffle.