LES SUPER VILAINS : MAIS POURQUOI SONT-ILS AUSSI MECHANTS?


 La fascination du mal, tout un programme. Et ne riez pas, sans ces grands méchants qui pullulent au cinéma, dans les comics, la littérature (la vie réelle?) qu'en serait-il des héros? Il est de coutume de souligner que pour atteindre la gloire éditoriale, un bon héros doit avoir face à lui un ou des antagonistes de grande qualité, capable de représenter un pendant négatif, une mouture si malfaisante, que l'opposition en devient pertinente, et les différences de l'un et de l'autre se nourrissent jusqu'à en constituer des versions plus efficaces, iconiques. Le mal et le bien, se définissant en opposition à leur contraire respectif, y compris sous la forme de costumes bariolés. Le public ne s'y trompe pas, lui a souvent par ailleurs une inclination naturelle à choisir le coté obscure de la force. La popularité d'un dictateur de la trempe de Darth Vader, pourtant loin d'être l'ami de la famille idéal, représente cette tentation d'opter pour le mal agissant, s'emparant de ce qu'il désire, comme il le désire, sans s'embarrasser de considérations morales, ou de déchirements intimes sur ce qu'il convient de faire ou pas. Pire encore, que penser des hordes de lecteurs, de fans, qui se sont pris d'amour pour Thanos, érigeant le Titan fou en une sorte de contre modèle absolu, dont le célèbre geste cristallisé à jamais (snap, le claquement de doigts) représente tout de même le pire génocide de l'histoire de l'univers, commis sans le moindre remords (et au nom d'une passion malsaine pour la mort, dans la version de Jim Starlin, ce qui est un hymne glaçant au nihilisme). Le président américain Donald Trump s'est même permis d'incarner Thanos le temps d'une campagne publicitaire annonçant sa candidature à une réélection, qui a connu la sortie de route que nous savons. Un  Trump qui éliminait ses adversaires, les supprimant de l'équation, comme le personnage annihilait lui ses ennemis, et tant d'innocents... Du reste, nous sommes prisonniers d'une société qui préfère, et entretient le mythe, du contre-exemple face à l'exemple. L'ennui d'un redresseur de torts, trop lisse, consensuel, se retrouve par exemple dans la difficulté à produire de bonnes histoires de Superman, et de passionner les foules avec l'Homme d'Acier. Il en existe de très poétiques, très délicates (All-Star Superman, Superman Blue...) mais elles commencent à dater, et force est de constater que le XXI° siècle est pour le moment celui de la proaction, du chancellement moral, du triomphe de l'anticonformisme, de la déviance célébrée, car exemple de possibilité de briser le moule, pour affirmer le "moi", réaction indispensable et universelle à l'ère où tout le monde peut s'exprimer, exister en parallèle, s'inventer une autre vie, réseaux sociaux et Internet aidant. Tout, sauf être "transparent" et suivre servilement les codes établis. Le mal, c'est transgressif, au point que ça en est cool, moderne, émancipant. C'est réducteur, probablement, mais rien de trompeur quand on affirme que l'anti-héros a supplanté, et de loin, le héros rassurant et tout d'un bloc. On appellera cela des zones d'ombre, un caractère contrasté, un homme tout en failles. Pauvre Thanos, dont l'enfance ne fut pas si simple, probablement n'est-il qu'un être sevré d'amour, le recherchant là où il se trouve? Pauvre Frank Castle, dont la famille est morte assassinée lors d'un picnic à Central Park. Cela justifie bien une vie de carnages permanents, et de se substituer à la justice, en tant que bourreau expéditif? 


Passons en revue les méchants des comics, et leurs motivations. Dominer le monde, voilà bien l'activité, l'ambition de la plupart des grands vilains, et cela depuis les années soixante, et l'apparition des superhéros avec de super gros problèmes, tels que pensés par Stan Lee lui-même. En pleine guerre froide, avec deux blocs politiques et idéologiques qui s'affrontent sur de multiples fronts, dans un climat de paranoïa permanente, le méchant est forcément communiste, et son physique même trahit le caractère vile qui l'anime. Le Mandarin trame contre les armées américaines depuis son repère chinois, le docteur Doom (Fatalis à l'époque, pour les français) règne en despote depuis la Latvérie, un état fictif qui flirte entre la rigueur soviétique et certaines réminiscences nazies, sont des exemples parfaits de cette folie des grandeurs, chez des individus qui sont fatalement destinés à perdre, à ployer sous le poids de leur mégalomanie dévorante. L'URSS est un vivier inépuisable de personnages qui emploie la politique ou l'espionnage pour subvertir les forces en puissance, et même la belle Black Widow apparaît dans un diptyque d'épisodes d'Iron Man, où elle est censé faire tourner la tête de Tony Stark  pendant que la Dynamo Pourpre accomplit ses basses besognes. Tout ceci est applicable, bien entendu, à l'échelle cosmique, dès lors qu'on élargit la focale pour jeter un œil à l'univers dans son intégralité. Point de frontières ou de complots internationaux avec Thanos, ou les empires Kree et surtout skrull, l'ambition est de vaincre, de s'imposer sur tout et tout le monde, sans que soit tolérer la moindre opposition. Plus tard l'univers de Star Wars, développé par George Lucas, proposera un Darth Vader convaincant, dont la parenté avec le Doctor Doom déjà évoqué est évidente, mais si pas forcément connue de tous. Une place particulière mérite le fascisme et plus encore le nazisme. Même si nous restons sur une dynamique de domination territoriale, exacerbée par une haine raciale ou ethnique, cette opposition politique entre l'Allemagne nazie ou le Japon, et l'Amérique, relève sur le fond d'une autre tautologie, celle du mal absolu, contre lequel il n'est pas possible d'avancer le moindre argument en faveur. Si on peut sourire parfois quand Iron Man déjoue les plans de la Dynamo ou de la Veuve Noire, dans sa première incarnation d'espionne soviétique, si on peut contester la primauté morale et spirituelle de l'impérialisme américain et être beaucoup plus clément avec les pays du bloc de l'est, comment sympathiser, ne serait-ce qu'un bref moment, avec Crâne Rouge et ses sbires? Le nazisme est un exemple de mal total, face auquel aucune justification ou tentative de compréhension n'est possible. La mort, le nihilisme combinés dans une puissance militaire en action, encore plus néfaste et mortifère que nombre de vilains des comics.



Ce nihilisme là, l'amour du mal pour le mal, est beaucoup moins nuancé que la présentation d'un opposant politique. Et permet de livrer des histoires horrifiques, dramatiques, ou les enjeux n'ont pas besoin d'être contextualisés, et argumentés. Il suffit de partir d'un axiome de départ, qui ne souffre aucune nuance, et le tour est joué. Galactus a faim, donc il se nourrir de planètes, et peu importe si celles-ci sont habitées. Darkseid est un despote à la tête d'un monde guerrier, inutile de pinailler. Thanos est amoureux de la mort et souhaite régner sur tout et tous, prêt à détruire l'intégralité de l'univers, et c'est ainsi, ne cherchez pas à négocier (du moins jusqu'à ce que Jim Starlin réussisse l'exploit de nuancer le propos, avec brio). Les Broods sont une race extraterrestre calquée sur ce que propose la saga cinématographique Alien, et la colonisation à travers des hôtes/victimes à travers la galaxie est le modus operandi unique et granitique de créatures dont l'impératif génétique correspond à nous autres, défenseurs de la Vie, majuscule de rigueur, et des libertés individuelles, au mal le plus profond. Cet aspect là du mal est d'autant plus utile de nos jours qu'une certaine surenchère dans la violence et le spectacle obligent les artistes à placer la barre très haute. La folie, la déraison, sont souvent convoquées pour proposer une version du mal absolu qui autrement serait contesté immédiatement. Le Joker en est un bon exemple. N'étant plus responsable de ses actes, car guidé par une démence furieuse et de plus en plus malsaine, on peut lui attribuer les crimes les plus atroces, sans qu'une remise en question ne soit nécessaire. Marvel use du même artifice avec le Green Goblin, ou Carnage, dont les exactions empirent avec les ans, à mesure que le sens logique, la raison, abandonnent totalement ces personnages maléfiques. Ce qui est de l'ordre de l'absence totale de raison peut être aussi idéalement remplacé par la non conscience totale, c'est à dire la bestialité, la sauvagerie, dénuées de toute trace d'humanité, telle que nous la concevons. Cela permet l'apparition de figures comme Doomsday, qui ravage tout sur son passage, avant de tuer (provisoirement) Superman. Inversement, atteignons avec aisance le point Goodwill avec le Crâne Rouge. Pas de folie (apparente) ici mais un plan diabolique, des convictions eugénistes et haineuses, ce qui en fait un personnage avec lequel il devient impossible d'entrer en empathie, d'évoquer des circonstances atténuantes (autrement c'est au lecteur de commencer à se poser les bonnes questions...)

Le mal est aussi et très souvent beaucoup plus modeste. Plus qu'un concept métaphysique ou idéologique, c'est un comportement, généralement vu à l'aune de ce qui est la loi en vigueur, qui fait qu'un personnage se retrouve du mauvais coté de l'échelle des valeurs. On parlera alors de criminalité urbaine, de micro société criminelle. Wilson Fisk est un être mauvais, foncièrement, mais on ne peut placer le curseur de ses ambitions et de sa noirceur à la hauteur d'un Carnage ou d'un Crâne Rouge. Spider-Man a passé des décennies à lutter contre des mafieux, des trafiquants sans scrupules, mais ceux-ci n'ont pas vocation à ouvrir le feu sur des innocents à tout bout de champ, ou à souhaiter commettre des génocides. Beaucoup aimeraient mettre la main sur le butin du jour, se remplir les poches pour s'assurer une retraite bien confortable, ou encore accéder à des responsabilités politiques ou économiques pour un jeu de pouvoir. Nous avons le micropojet des gangs de quartiers, ou des mercenaires attirées par une bonne prime (Tarantula, Crossbones, L'Homme aux échasses...) et le macroprojet ce celles et ceux qui utilisent ces moyens pour un objectif final plus ample, comme une domination quasi mondiale (la Maggia, l'Hydra). Fatalis occupe un pan à part de toute la littérature "méchante" chez Marvel, puisqu'il serait possible de le placer dans toutes les catégories, selon ce que le scénariste du jour a décidé de lui attribuer, comme méfaits. 



Mais toujours le mal est le contrepoint, celui qui permet au héros d'affirmer ses caractéristiques positives, et au lecteur de se rassurer, de se sentir placé du bon côté de la frontière. Quand Bullseye (lui aussi à ranger dans les personnages atteints de démence, donc justifié de plus ou moins toutes les exactions) assassine sur commande ou par plaisir, Daredevil prouve sa grandeur d'âme en ne tuant pas son adversaire, et le lecteur respire quand l'infâme criminel mord la poussière. Quand Batman rattrape le Joker et parvient à le faire entrer (pour la trois centième fois) à l'asile d'Arkham, même processus. Le Dark Knight réaffirme sa primauté, sa force, sa mansuétude (et quelle patience il faut pour ne pas en finir avec ce clown dégénéré) et le lecteur est à la fois apaisé (retourne chez les dingues, c'est ta place!) tout en n'étant pas dupe de l'évasion à venir. Le mal, comme ressort narratif, pour créer de la tension, de la division, pour interroger nos limites et nos valeurs, pour (re)penser notre société dans toutes ses composantes, pour apprécier davantage le bien, pour exorciser aussi ce qui reste des choses inavouables tapies en chacun de nous, et qui repointent régulièrement à la lumière du jour, attendant d'être chassées de nouveau dans les ténèbres de ce qu'on ne pourrait pas, jamais, accepter vraiment. Vive les super méchants, pourvu qu'ils soient super punis? 


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LE PODCAST LE BULLEUR PRESENTE : PUCELLE tome 2


 Dans le 95e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente le second tome de la série Pucelle qui a pour titre Confirmation, série que l'on doit à Florence Dupré La Tour et aux éditions Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- Une opération qui propose des bandes dessinées au format poche à 10 euros chez Casterman et 10,90 et 12,90 euros chez Futuropolis

- La sortie du second tome de la série Le convoyeur baptisé La cité des mille flèches, série que l'on doit au scénario de Tristan Roulot, au dessin de Dimitri Armand et c'est édité chez le Lombard

- La sortie d l'album La mort est dans le pré que l'on doit au scénario de James, au dessin de David De Thuin et c'est édité chez Delcourt dans la collection Pataqués

- La sortie de l'album Jours de sable que l'on doit à Aimée De Jongh et c'est édité chez Dargaud

- La sortie de l'album Un avion sans elle, adaptation d'un roman de Michel Bussi par Fred Duval au scénario, Nicolaï Pinheiro au dessin et c'est édité chez Glénat

- La sortie de l'album Les fantômes de Séville que l'on doit au scénario de Didier Tronchet, au dessin de Jérôme Jouvray mis en couleurs par son épouse Anne-Claire Jouvray et c'est édité chez Glénat

- La sortie de l'album Le bistrot d'Émile que l'on doit à Bruno Heitz et aux éditions Gallimard

 

 
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HOUSE OF M DANS LA COLLECTION "MUST HAVE" DE PANINI


 Quand la situation devient critique, et que la menace qui incombe sur nos frêles épaules devient écrasante, les super héros sont-ils capables de se salir les mains pour préserver la planète d’une catastrophe imminente, au risque même de devoir intervenir contre d’anciens alliés et amis ? C’est qu’avec la dépression de Wanda Maximoff, la question se pose. La belle sorcière Rouge n’a plus toute sa tête depuis que le souvenir de ses deux «vrais faux enfants disparus» la taraude, et comme son pouvoir sur les probabilités fait d’elle une des créatures les plus puissantes et inquiétantes de notre monde, est-il sérieux de la laisser en proie à ses affres personnels, au risque de la voir partir en vrille d’un instant à l’autre? C'est bien elle qui a semé le chaos et entraîné la dissolution, dans l'horreur, du groupe historique des Avengers! Voilà pourquoi une délégation en costumes moulants se rend à Genosha pour prendre le pouls de la situation, et intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Oui mais pour quel type d’intervention? Le frère de Wanda, Pietro Maximoff, toujours aussi retors et sociopathe, entrevoit la suppression pure et simple de Wanda, et pour éviter ce drame, il finit par la convaincre d’utiliser ses dons redoutables pour réécrire toute la réalité, ni plus, ni moins! Ce qui advient en un clin d’œil ; tout ce que nous croyions savoir de l’univers 616 (c'est-à-dire la continuité Marvel telle que nous la connaissons) est bouleversé drastiquement, et c’est une autre société, une autre géopolitique, qui attend nos héros dans cet énième représentation parallèle de notre Terre. Un monde où Magneto, seigneur du magnétisme et père de la sorcière Rouge, domine d’une main de fer (normal…) sans s’encombrer du gant de velours. Où les mutants ne sont plus pourchassés, mais où ils sont devenus la caste au pouvoir. Un monde où Peter Parker vit heureux en couple avec une jolie blonde répondant au nom de Gwen Stacy. Un monde où personne ne remarque l’incongruité des faits, si ce n’est un certain Wolverine, qui a conservé le souvenir de ce qui fut, et qui contraste terriblement avec ce qui est. Un Wolvie qui n’est plus seul lorsqu’entre en piste un nouveau personnage inventé pour l’occasion, celui d’une jeune gamine «qui sait des choses» (bien que nous, nous ne sachions pas quel genre de choses) et qui peut réactiver les souvenirs perdus des personnes avec qui elles entre en contact. Une certaine Layla Miller.


Wolverine finit par former un groupe de résistant, qui va tenter d’en finir avec cette nouvelle réalité distordue. Il recrute même Hawkeye, qui soulignons le au passage est décédé dans l’univers Marvel traditionnel (tout du moins à l’époque. Désormais il va mieux). Après moult batailles et rebondissements, Layla fait recouvrir la mémoire à Magneto, qui par vengeance s’en prend à son traître de fils, Pietro, que sa sœur, Wanda, sauve de l’oubli de la mort. Cette même Wanda qui finit par permettre à notre planète de retrouver son quotidien habituel, sauf que… Ses dernières paroles sont « Plus de mutant », et en effet, si le monde semble revenu à la normale, cela n’explique pas la soudaine disparition des pouvoirs de la très grande majorité des mutants existants, à commencer par le Professeur Xavier lui-même. Bendis a encore frappé, c’est à lui qu’on doit cette saga longtemps attendue et qui devait avoir des répercussions profondes par la suite. Entre autre la perte des pouvoirs mutants, et donc la fin d’un certain statut-quo voulu notamment par Grant Morrisson (des mutants à la pelle, toujours plus cool toujours plus voyants) qui provoquèrent un choc et un changement de direction pour les titres marqués de la lettre X. Puis une longue traversée du désert, et l'ascension de Scott Summers au rang de leader de la communauté mutante, prêt à tout pour préserver les siens. Des choix radicaux qui amèneront la Trilogie du Messie, et même la saga décevante Avengers Vs X-Men, ou pire encore Inhumans Vs X-Men. 

Coté dessin... Olivier Coipel hisse haut et loin les couleurs de la France en s’attelant avec panache à la partie graphique, et gagne ainsi définitivement ses galons chez Marvel, après un run remarqué sur Avengers notamment. C'est splendide. Vraiment. Et si vous ne l'aviez jamais remarqué, ouvrez grandes vos mirettes, et allez faire un tour en librairie où Panini propose une version pour toutes les bourses de cet indispensable, dans la collection Must Have. Un homme averti est averti. 

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PLUNGE : AU FOND DES OCEANS AVEC JOE HILL ET STUART IMMONEN


 En règle générale, quand vous détectez le signal de détresse d'un navire en perdition, vous vous précipitez pour lui porter secours. Là où le problème est beaucoup plus complexe, c'est lorsque ce signal est bref, audible durant quelques minutes seulement chaque jour, et qu'il provient d'un navire d'exploration scientifique qui a disparu il y a 40 ans. Il a fallu un tsunami pour que réapparaisse ce "bateau fantôme" et impossible de savoir ce qui s'est vraiment passé! Tout le monde pense à une erreur mécanique plus qu'à un phénomène surnaturel, au départ. L'histoire est alors centrée sur un groupe de remorqueurs d'épave, qui est embauché par un homme d'affaires sans scrupule, pour une mission qui sur le papier ressemble à quelque chose de tranquille et sans surprise. La biologiste Moriah Lamb se joint à la fine équipe et l'aventure peut commencer au milieu des étendues de glace du détroit de Béring. Evidemment le climat est assez claustrophobique, entre la peur abyssale des profondeurs de l'océan, le côté désertique et abandonné des lieux et de nombreuses scènes qui se passent en intérieur, des espaces confinés où on a vite fait de perdre la tête et de prendre des vessies pour des lanternes. Surtout qu'une fois arrivés sur les lieux, l'étonnement de tous est grand : apparemment certains des membres de l'équipage d'origine ont survécu et malgré les décennies qui ont passé, ils n'ont pas beaucoup vieilli. Certes ils sont dans un état physique délabré, ils semblent avoir perdu leurs deux yeux, et ressemblent presque à des âmes en peine, des malades. La réalité est simple. Ces pauvres marins ne sont plus vraiment eux-mêmes, mais ils sont devenus "autres" bien malgré eux, quelque chose de malfaisant et qui ne vient pas forcément d'ici s'étant emparé de leurs corps. Impossible d'en dire plus sur la trame de l'histoire, sans vous spoilez l'essentiel, aussi nous nous arrêtons là. Soulignons que Joe Hill, le scénariste qui est aussi le fils de Stephen King, est l'auteur de la saga à succès Locke and Key, et il réussit le tour de force de maintenir l'intérêt durant ces six numéros sans jamais connaître le moindre coup de pompe, faisant monter peu à peu la pression, entretenant un climat d'angoisse savamment dosé, et petite remarque qui n'est pas des moindres, en créant et orchestrant des dialogues naturels et cinglants avec souvent des punchlines très drôles et des échanges caustiques. Bref mention très bien à la traduction française, qui a su conserver tout le sel de l'ouvrage.
 



La situation à bord du Derleth va de mal en pis. Et l'ambiance tourne au vinaigre, alors que les frères Carpenter, chargés donc de l'opération de récupération, doivent unir leurs forces et attendre leur tour... d'y passer? Si vous êtes sensibles à ces films d'horreur des années 80, où les personnages sont inexorablement voués à connaître une fin malheureuse, dans une atmosphère poisseuse et poissarde, vous allez être en terrain connu, et ravi. Cela dit accordons à Joe Hill l'intelligence de n'avoir pas joué la carte de la surenchère dans le spectaculaire et le gore, mais d'avoir su répondre à de multiples interrogations existentielles, comme ce qui peut motiver un individu à tourner le dos à tous les autres, ce qui peut exciter sa convoitise au point de lui faire perdre la tête, ou encore la manière dont une communauté est capable de négocier, quitte à perdre certains avantages, pour sauver ce qui peut l'être. Plunge est véritablement agréable  lire, aussi car Stuart Immonen est de retour! Voilà un des dessinateurs les plus talentueux de sa génération, mais qui ne court pas après les contrats, prend son temps, et se place volontiers en retrait alors qu'on lui ferait des ponts d'or du côté des grandes écuries. Chaque vignette est proche de la perfection, avec une palette d'expressions et d'émotions remarquables. Tout semble couler de source, tout semble être naturel, et ce comic book "confiné" bénéficie d'un traitement de première ordre des textures, et de l'emploi des ombres au noir pour densifier les silhouettes et jouer avec le côté spectral d'un récit quasi hallucinant, par moments. Plunge est beau et bien écrit, vous voudriez quoi de plus? 


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LE PODCAST LE BULLEUR PRESENTE : SWEET JAYNE MANSFIELD


 Dans le 94e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente l'album Sweet Jayne Mansfield que l'on doit au scénario de Jean-Michel Dupont et au dessin de Roberto Baldazzini et c'est édité chez Glénat dans la collection 9 1/2. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l'album Amours liquides que l'on doit à Lilith et aux éditions Delcourt dans la collection Tapas

- La sortie de l'album Open space, pandémie, télétravail et autres contrariétés que l'on doit à James et aux éditions Dargaud

- La sortie du deuxième tome de la série Black squaw intitulé Scarface, album que l'on doit au scénario de Yann, au dessin d'Alain Henriet et c'est édité chez Dupuis

- La sortie de la troisième édition de l'album L’incroyable histoire du vin que l'on doit au scénario de Benoist Simmat aidé ici par Laurent Muller pour la partie dialogue et au dessin de Daniel Casanave et c'est édité aux Arènes BD

- La sortie de l'album Hollywoodland que l'on doit au scénario de Michele Masiero, au dessin de Roberto Baldazzini et c'est édité chez Paquet

- La sortie de l'album Minneapolis, capitale du funk que l'on doit au scénario conjoint de Joe Illidge et Hannibal Tabu, au dessin de Meredith Laxton et c'est édité chez Les humanoïdes associés

 

 
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FANTASTIC FOUR ANTITHESE : NEAL ADAMS DESSINE (ENFIN) LES FANTASTIQUES


Il faut faire un tout petit effort d'imagination pour se replonger dans le passé glorieux, comme s'il s'agissait d'un épisode jusqu'ici non raconté et enfin dévoilé de la carrière des Quatre Fantastiques. Un album qui commence sur un tempo plutôt agité, mais des bases archi connues, avec
 une nouvelle tentative de Annihilus pour conquérir notre planète, ou pour être plus exact notre univers positif. Oui, le grand méchant vient de la zone négative (comme vous le savez tous?) et assez rapidement les Fantastiques parviennent à l'y  ramener. Mais à peine le temps de souffler et voici qu'un météore se dirige en plein sur New York, menaçant de provoquer une véritable catastrophe en termes de pertes humaines. Les 80 kgs qui vont s'abattre sur la ville ne sont pas en fait un simple rocher comme vont le découvrir les quatre héros, après avoir dévié intelligemment la trajectoire du bolide. Il s'agissait en fait du Silver Surfer en pleine perdition, venu chercher de l'aide et annoncer une nouvelle terrible : Galactus n'est plus! En fait il a été terrassé au combat et projeté dans la zone négative par un nouvel ennemi qui est apparu à travers une déchirure de l'espace. Voici venir l'Antithèse!
Du coup le Surfer et les Fantastiques unissent leurs forces pour s'en aller récupérer Galactus revenu à sa forme humaine (le simple Galan) et piégé dans la zone négative; mais pour la seconde fois en moins de 24 heures, ils vont se retrouver de nouveau face à face avec le seigneur des lieux, Annihilus donc, tout en devant faire très attention à ne pas perdre le seul ancrage leur permettant de revenir en arrière, dans le bon "univers positif". Oui en gros, je vous avais prévenu, le genre d'histoire qu'on était habitué à lire il y a une trentaine (quarantaine) d'années de cela, quand c'était la routine. Nous sommes d'ailleurs là à une époque où Valeria venait à peine de naître, comme l'indique Reed Richards à un moment donné, dans une bulle de dialogue. Etonnamment cela n'empêche pas la Torche Humaine de faire un mot d'esprit en employant l'expression "hashtag" comme le font aujourd'hui les jeunes (et moins jeunes) qui utilisent Twitter. Les Mystères de Marvel. 




Pourquoi cette Antithèse alors? Tout d'abord parce que pour la première fois Neal Adams dessine vraiment les Fantastiques. Une mini série en quatre volets, sur le tard d'une carrière brillante, mais tout de même! Le meilleur est derrière lui, mais l'évidence s'impose d'elle-même, Neal est toujours très habile et spectaculaire quand il s'agit de faire vivre une (splash) page, de créer un dessin, une séquence, qui prend le lecteur par les tripes et lui fait chavirer le cerveau. C'est un peu moins soigné quand il faut s'occuper des gros plans, des visages, des répétitions graphiques un peu plus banales (en gros la discussion, les moments "faibles") mais d'un autre côté, on devine que cette parution n'est pas non plus le challenge de toute une carrière. Mark Waid pour sa part a déjà écrit les FF (période Heroes Return) et c'est tel un vieux briscard des comics qu'il est en mesure d'écrire à peu près tout et n'importe quoi, et de le rendre un minimum intéressant. Ici nous avons droit à la crème cosmique, de Galactus au Silver Surfer, des retournements de situation assez originaux (ce qui arrive à Reed Richards, que nous tairons pour ne rien spoiler) et des développements crédibles et logiques des rapports familiaux unissant le quatuor vedette. Il y a d'ailleurs un mouvement de bascule des enjeux entre la première et la seconde moitié de l'album. Comme si le classicisme des premières pages subissait tout de même l'ambition de donner naissance à une vraie nouveauté, un twist qu'on n'avait pas venu venir, et qui mériterait presque une longue aventure à lui seul. C'est tout ceci qui fait de cette publication une lecture honnête qui fait son office, et qui ne devrait pas décevoir, ni le marvelophile chevronné qui veut sa dose de nostalgie, ni le nouveau venu qui n'a pas besoin d'un dictionnaire des personnages en dix volumes pour saisir l'essentiel. Bref, si cette Antithèse ne pourra rien pour vous au bac de philosophie, elle vous fera au moins passer une heure agréable après les épreuves. 

Les comics 24h/24

EXCELLENCE : RAGE AGAINST THE MAGIC CHEZ DELCOURT


 L'adolescence est l'âge de la rébellion, je ne vous apprend rien. Spencer Dales est en pleine révolte, contre tout et tout le monde, par exemple. Il faut dire que son enfance ne fut pas des plus heureuses. Rejeton de l'une des dix grandes familles influentes à posséder le don de la magie, il est appelé à rejoindre l'Egide, une société secrète construite sur un système de castes, où les maîtres magiciens se réservent le droit d'influencer la vie des autres, en l'améliorant. Hélas pour Spencer, ses dons tardent à se manifester, et le paternel, un des plus puissants mages et un formateur assez brusque et peu enclin à l'empathie, semble lui préférer un autre élève, comme s'il n'était pas vraiment son fils désiré, en raison de sa difficulté dans l'apprentissage. De quoi nourrir un ressenti assez profond, qui devient un abysse infranchissable quand Spencer décide de briser  un des tabous ultime fixés par l'Egide, à savoir utiliser la magie pour sauver la vie de sa mère mourante, contre l'avis et les ordres du père. C'est que pour appartenir à cette élite, il est nécessaire de respecter de nombreuses règles, un code de conduite rigide, qui suppose par exemple de ne jamais tomber amoureux des personnes qu'on est censés aider à s'améliorer, ou ne jamais utiliser de baguettes magiques "non certifiées", les "vives baguettes", qui ne sont pas sans avoir des conséquences sur le psychisme de ceux qui enfreignent les règles. Les punitions pleuvent, et peuvent aller à l'exclusion, la privation des privilèges. L'Egide est construite sur un modèle très hiérarchique, ou le respect des supérieurs, la conscience d'avoir une place prédéfinie, un espace à ne pas outrepasser, fait partie des motifs qui poussent aussi Spencer à se rebiffer. La gamin ne croit plus en ces impératifs qui lui sont servis comme seul horizon possible depuis l'enfance, il remet en cause l'intégralité du monde dans lequel il peine à trouver sa place, il est la voix des dominés ou minorités, qui ne comptent plus se laisser dicter la marche à suivre, par des dominants qui se complaisent dans la manifestation de leur grandeur supposée. 



Présenté de cette façon, Excellence est donc un récit générationnel, sur les relations conflictuelles entre un père et son fils, par extension une réflexion sur l'autorité et la société et son carcan. Le tout dans un monde où la magie est une réalité, entre les mains des plus puissants. Mais fait important, pour ne pas dire fondamental : Spencer, et la famille Dale, sont noirs. Une couleur de peau qui ne devrait pas définir un ou des individus, sous n'importe quelle latitude, pour aucune raison, mais qui ici fait écho avec notre monde réel, où l'actualité récente aux Etats-Unis nous rappelle que certains sont un peu moins égaux que d'autres, pour des raisons de pigmentation de l'épiderme et d'origines sociales. Les membres de l'Egide par exemple sont censés intervenir dans la vie d'individus qui ont été "élus" et reconnus comme méritants, les autres ne valant pas grand chose. Ou encore, dans cet univers là, tel que pensé par le scénariste Brandon Thomas, les femmes ne peuvent pas accéder à la magie de l'Egide! La caste dominante reproduit les même schémas, avec une infime portion de privilégiés, dont peu importent les intentions, est autocentrée sur la conservation et la protection de ces privilèges, qu'il est hors de question de remettre en cause, encore moins de manière violente, virulente. Il se trouve que Spencer est violent, qu'il a la rage en lui, un peu comme ce mouvement de réaction catalogué sous le slogan "Black lives matter" qui a bousculé et bouscule encore une Amérique, qui préfère souvent regarder ailleurs pour ne pas voir ses invraisemblables lacunes. Parallélisme limpide, et fort bien vu et construit. L'histoire est de surcroit bien servie par le dessin de Khary Randolph (assisté d'Emilio Lopez). Le trait est dur, anguleux, les personnages suintent la colère, la frustration, le tout étant accentué par une mise en page et une construction des planches (beaucoup de contre plongées ou d'explosions graphiques, notamment lors de la manifestation des pouvoirs magiques) qui se veut tout sauf rassurante et banale. D'ailleurs c'est le seul défaut (?) de ce Excellence, la nécessité d'une (re)lecture attentive, d'une vraie immersion, pour que se dessinent les intentions et les moyens mis en œuvre par des artistes, qui ont ici bâti en quelques épisodes un univers riche et fabuleux, dont l'écho avec nos propres travers sera le fil conducteur pour notre exploration personnelle.  



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LE PODCAST LE BULLEUR PRESENTE : NOS CORPS ALCHIMIQUES


 Dans le 93e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente l'album Nos corps alchimiques que l'on doit à Thomas Gilbert et c'est édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l'album Léa ne se souvient pas comment fonctionne l'aspirateur que l'on doit au scénario d'Éric Corbeyran, au dessin de Gwangjo et c'est édité chez Des ronds dans l'O

- La sortie de l'album La petite dernière que l'on doit au scénario de Susie Morgenstern, au dessin de Johann G.Louis et c'est édité chez Dargaud

- La sortie du troisième tome de la série Dans les yeux de Lya intitulé Un coupable intouchable que l'on doit au scénario de Carbone, au dessin de Cunha et c'est édité chez Dupuis

- La réédition de l'album Anna que l'on doit au scénario de Stéphane Bétbeder, au dessin de Christophe Bec et c'est édité chez La boite à bulles

- La sortie du premier tome des Suites Algériennes que l'on doit à Jacques Ferrandez et c'est édité chez Casterman

- La sortie de l'album Sélénie que l'on doit à Fabrice Lebeault et c'est édité chez Delcourt



 
 

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PULP : LE NOUVEAU CHEF D'OEUVRE DE BRUBAKER ET PHILLIPS CHEZ DELCOURT


Vous pouvez être tout de suite rassurés, le duo Ed Brubaker / Sean Phillips est parfaitement à son aise lorsqu'il s'agit d'écrire des polars bien poisseux, construit d'une manière particulièrement intelligente. D'ailleurs avec Pulp ils fournissent une énième démonstration de leur(s) talent(s) par le biais d'un one shot à la pagination assez contenue, mais qui ne se perd pas en disgressions inutiles. Une petite leçon de storytelling pour un album qu'on vous recommande les yeux fermés, ou tout du moins grand ouverts au moment de le lire. Pulp nous ramène dans l'Amérique d'autrefois, celle des privé qui arpentent
 les rues et les bars comme dans les vieux films au cinéma, celle où les gangsters et les héros sont vieillissants et où les conversations se terminent souvent autour d'une bouteille, la tête fracassée par les déceptions et les vapeurs de l'alcool, par des choix cornéliens… la vie tout court, qui ne fait pas de cadeau. Prenez Max Winters par exemple. Le type ne roule pas sur l'or, il est même dans une mauvaise passe, malgré son âge avancé, et il se contente de publier des récits de cow-boy qui sont publiés dans des magazines bon marché. Plus le temps passe et moins son éditeur le rémunère au mot. C'est que des petits jeunes ont pris la relève et se révèlent être encore moins chers ! Les temps sont impitoyables pour les auteurs de pulps justement, mais là où cet album devient une mise en abyme intéressante, c'est que l'histoire que raconte Max n'est pas totalement le fruit de son imagination… en effet l'auteur s'inspire de ses  propres faits d'armes, à l'époque où il se baladait le colt à la main et menait une vie de hors-la-loi, recherché par les détectives de la Pinkerton. La jeunesse de Max correspond vraiment à une Amérique oubliée qui est passée à autre chose, qui s'est complexifiée, densifiée, qui a perdu grand nombre de ses illusions.  Les héros ou les aventuriers sont rincés, ils finissent par être simplement oubliés. L'âge d'or des grandes chevauchées est dorénavant révolu, tout comme celui des pulps d'ailleurs, puisque la crise produit son effet (nous sommes au début des années 1930) et que les auteurs ne sont plus respectés. Eux présentent leurs histoires et les éditeurs se permettent de les retoucher, de les réécrire, ou tout simplement de les jeter à la corbeille (et là on peut aussi comprendre que la critique est toujours valable, conjuguée au présent). Le protagoniste de notre récit n'est pas non plus en grande forme au niveau de la santé. A chaque fois que Max fait un effort de trop, à chaque fois qu'une émotion l'étreint, c'est la crise cardiaque qui guette ou l'emmène directement à l'hôpital, comme lorsqu'il subi une agression violente en pleine rue. Il faut dire que l'ambiance est particulièrement délétère avec une montée préoccupante du nazisme en Amérique. L'extrême droite s'affiche ouvertement dès qu'elle en a l'occasion, dans une nation qui est profondément divisée. N'oublions jamais ces "détails" de l'histoire, et de resituer les choses dans un contexte historique crédible, c'est salutaire.


Une dernière danse, alors, un dernier coup d'éclat. Max n'a guère le choix, s'il veut assurer une existence décente à sa femme après son trépas, qui ne saurait tarder. Mais voilà, son travail d'écrivain ne lui rapporte que des miettes, et le peu qu'il gagne, il le perd dans une rixe, et l'argent finit dans les poches de l'engeance
 antisémite qui l'agresse. L'idée de reprendre un revolver pour s'en servir, et d'aller prendre les billets là où ils sont lui traverse bien l'esprit, mais clairement il est hors du coup, et par un heureux concours de circonstance, Max fait une rencontre décisive. Un homme issu de son passé turbulent de "outlaw" l'empêche de commettre l'irréparable, et lui propose une dernière chance de faire le bien autour de lui, avant de tirer sa révérence. En apparence un plan presque parfait, dans les faits, ce sera bien plus compliqué…
Comme toujours Brubaker fait preuve d'une maîtrise époustouflante. Aucune page de trop, aucun moment faible, c'est tendu comme une corde que le récit décoche sa trame, et fait mouche. Pulp, c'est un savoir faire, un produit typique d'une époque achevée, et c'est aussi le genre d'aventure que va vivre Max, une ultime fois, lui qui gagne son existence à écrire des romans de ce type, qui sont basés sur ses propres escapades de hors-la-loi. Le Max Winters de Brubaker est au final un homme, un humain imparfait, rempli de failles, qui est orienté vers le bien tout en ayant sa part d'ombres, et qui parfois a choisi le mal. Son but ultime est louable, et on en vient à justifier ses idées de "revanche sociale", puis carrément à adhérer de tout cœur dès lors que ses besoins personnels se mêlent à une croisade contre les nazis américains. Mais le monde est différent, le far west est bien loin, et les trafics d'influence, les politiciens, les financements occultes, ont plus d'effets que les balles perdues ou les rixes de saloon. Nimbée d'une fatigue existentielle et historique, le monde s'apprête à opérer un mouvement de bascule qui marquera profondément l'Histoire moderne, et Max Winters, comme beaucoup d'autres, n'ont déjà plus le logiciel adéquat pour appréhender ce qui est et ce qui va suivre. Le baroud d'honneur ne peut être que poignant, et ce Pulp est magnifique, pour cela également. Au service de l'histoire, un Sean Phillips en état de grâce. Le trait dur et marqué, mis en valeur par une maîtrise du cadrage cinématographique, des ombres soignées qui burinent à souhait les visages et marquent les corps de personnages un peu paumés, tout frise la perfection, de la première à la dernière case. D'autant plus que le fiston, Jacob, se met au diapason et use de couleurs sablonneuses ou grisâtres qui renforcent le lien avec ces pulps d'autrefois, avec cette idée de monde en plein délitement, qui disparait, inéluctablement. Tout cela ressemble fort à une leçon, et à un album indispensable, à dévorer d'une traite.



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JUPITER's LEGACY SUR NETFLIX : NOTRE AVIS SUR LA SERIE



 Les générations se parlent, se toisent, mais ne se comprennent pas toujours. Une évidence qui se vérifie dans de nombreuses familles somme toutes banales, et qui trouve un écho particulièrement pertinent dans celle qui est au centre du récit de Jupiter's Legacy, première des nombreuses séries issues du "MillarWorld" à être adaptées par Netflix, pour le petit écran. Mark Millar est souvent accusé d'écrire directement en pensant au format cinéma ou télévisé, mais jusque là, l'attente n'avait pas été concrétisée, si ce n'est les plutôt drôles et réussis longs métrages centrés sur le petit monde de Kick-Ass. Ici, les superhéros sont avant tout un prétexte pour une réflexion sur le temps qui passe, la manière dont une société et le noyau familial peuvent évoluer, les limites morales, éthiques, qu'impliquent la possession de grands pouvoirs. Il faut dire que le patriarche de la famille au centre de notre attention, un certain Utopian est du genre psycho-rigide. Pour lui les limites sont claires, et les surhommes sont là pour inspirer la population (américaine, bien entendu, toute la série est autocentrée sur le mythe américain), certainement pas pour imposer un point de vue économique ou politique, encore moins pour s'ériger en tant que juge et bourreau, et tuer. Le meurtre, tabou ultime, même en cas d'urgence absolue. Son frère, doté de pouvoirs psychiques extraordinaires, aurait tendance à penser différemment, et à vouloir reprendre les rênes d'une société en plein délitement, pour ne pas parler du fiston, Brandon, qui se sent perpétuellement mis sur la sellette, considéré comme un individu immature et incapable de prétendre à l'héritage familial, malgré ses propres dons hors du commun. Chloe, la sœur, présente un cadre pathologique encore plus préoccupant, avec une vie dissolue et irresponsable, noyée dans les vapeurs de l'alcool, elle aussi traumatisée par l'absence d'un père castrateur, incapable de confiance et d'amour véritable envers sa progéniture. Ou tout du moins de l'exprimer correctement, en temps et en heure. Tout l'équilibre du super héroïsme made in Jupiter's Legacy repose donc sur un code, une loi claire et jamais remise en cause, dont l'Utopian est le dépositaire absolu. Le monde a bien changé, la menace des criminels a franchi un cap (des cambriolages d'autrefois aux grandes corporations d'aujourd'hui) mais rien ne parait devoir entamer cette conviction granitique, ce crédo issu d'une ère révolue, celle de la fin des années 20 et de la grande dépression économique. Le présent et le présent sont par ailleurs associés à travers de nombreuses scènes de flash-back, qui ont l'intérêt de lever le voile sur l'obtention des pouvoirs de tous les personnages de la série, mais aussi d'expliciter l'inflexible code moral déjà évoqué, qui trouve ses racines dans une affaire familiale qui a mal tournée, où là encore les secrets et un manque de déontologie ont amené la catastrophe. 




Toute la difficulté est d'éviter de flirter avec les extrêmes. Que ce soit celui du mal qui se complait dans la destruction (une scène particulièrement longue et sanglante permet de lancer véritablement la série et d'exposer plus clairement ses enjeux) ou du bien qui se vautre dans ses propres oripeaux plutôt que d'affronter la réalité et ses nuances de gris. Les personnages de Jupiter's Legacy n'ont d'autre choix, s'ils veulent aller de l'avant, que d'embrasser et appréhender la complexité d'un monde, qui a clairement acté le changement générationnel. Du coup on se demande si le choix d'un va-et-vient permanent entre deux Amériques, deux époques aussi différentes, est si pertinent que cela. Tout d'abord car cette technique vient trop souvent rompre avec la tension et le rythme de l'histoire (qui par ailleurs est loin d'être spasmodique, on est parfois à un poil de la contemplation stérile, il s'en faut de peu), ensuite car l'obtention des pouvoirs est en réalité assez anecdotique, par rapport à ce que Mark Millar énonce dans son œuvre en bande-dessinée. Ici le showrunner Steven S. DeKnight se doit d'étaler la sauce et d'épicer le plat, pour combler les huit épisodes commandés, mais si cette dilution fonctionne sur le plan technique (oui, le travail d'adaptation est réussi et le cahier des charges coche toutes les cases) elle peine à convaincre sur celui de l'émotion, de la jouissance pure et simple d'un récit autrement plus concis, passionnant, explosif, au format comics. Autre handicap de poids, la tentation de présenter ce produit comme une sorte de Watchmen, ou pire encore, de The Boys (je parle bien sûr des avatars télévisuels). Jupiter's Legacy n'a pas du tout la patine décapante et furieusement foutraque du second cité, ni l'intelligence et la profondeur du premier. Et dulcis in fondo, ne peut pas non plus miser sur des effets spéciaux bluffants et le spectaculaire de scènes homériques pour rafler la mise, car c'est surtout l'aspect un peu trop cheap qui prédomine, avec des décollages/atterrissages qu'on a déjà rencontré plus crédibles sur Playstation, et des chorégraphies dans le pugilat qui se contentent du minimum, sans y croire. Dit comme cela, on pourrait presque croire au naufrage, et pourtant Jupiter's Legacy garde suffisamment de bagout pour nous convaincre d'aller au terme de cette première saison, mais sans coup de génie, sans ces petites bulles effervescentes qui pétillent longtemps sous la langue. On a le sentiment d'avoir moins soif, ça fait son office, mais l'étiquette grand cru serait assurément un mensonge grossier. Bref, Jupiter's Legacy? Pourquoi pas... 

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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : MADEMOISELLE BAUDELAIRE


Dans le 92e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente l'album Mademoiselle Baudelaire que l'on doit à Yslaire et c'est édité chez Dupuis dans la collection Aire libre. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :
- La sortie de l'album Beethoven : le prix de la liberté que l'on doit à Régis Penet au dessin comme au scénario et c'est édité chez La boite à bulles
- La sortie du premier tome de Jukebox motel adaptation du roman de Tom Graffin par Marie Duvoisin et c'est édité chez Grand angle
- La sortie de l'album L'attente que nous devons à Keum Suk Gendry-Kim et aux éditions Futuropolis
- La sortie de l'album Fourmies la rouge que nous devons à Alex W. Inker et aux éditions Sarbacane
- La sortie de l'album Joe la pirate que nous devons au scénario d'Hubert et au dessin de Virginie Augustin et c'est édité chez Glénat
- La sortie de l'album Comment devient-on raciste ? sur un scénario de Carole Reynaud-Paligot et Évelyne Heyer, un dessin d'Ismaël Méziane et c'est édité chez Casterman



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JYLLAND TOME 1 - MAGNULV LE BON : SUPERBE SERIE VIKING CHEZ ANSPACH


Comme vous le savez si vous êtes férus de littérature nordique, les Vikings n'étaient pas un peuple porté sur la sensiblerie ou les bonnes manières; il était tout à fait normal pour eux de s'en aller piller d'autres tribus et de revenir à la maison le drakkar comble de trésors frauduleusement acquis. C'est ce qui se produit avec messire Sten, qui est parvenu à mettre la main sur un butin si formidable qu'il doit en laisser une grande partie sur une île déserte, sous la surveillance d'un de ses hommes. Sten est l'incarnation du viking viril toujours prompt à guerroyer, mais en même temps il a ce côté retors, cette malice, pour ne pas dire cette fourberie, qui en fait plus un adepte de Loki que de Thor. De retour à la maison, sur les terres du Jylland (c'est-à-dire plus ou moins le Danemark continental) Sten a toutefois une fort désagréable surprise. En effet, son père, le souverain local, un certain Magnulv, a décidé de se convertir au christianisme et donc d'abandonner les anciens dieux nordiques, ce panthéon qui régissait jusque-là la vie de tous. Une conversion qui permet une pacification générale entre tous les clans, mais qui n'est certainement pas du goût d'un fils aussi fougueux et intraitable. Il voit d'un très mauvais œil ce changement radical des coutumes d'autant puisqu'il doit renoncer au butin de son précédent pillage. Inutile de ruer dans les brancards et de sortir le glaive pour trucider un peu tout le monde, y compris le missionnaire venu évangéliser ce joli petit microcosme, l'intrigant comprend qu'il s'agit avant tout de tuer une idée, plus qu'un individu précis... et pour tuer une idée il faut se creuser les méninges et préparer un plan machiavélique. Ce premier tome est d'ailleurs une petite merveille de ruse et de tromperie, de jeux politiques et de pouvoirs. Par exemple Sten est aussi l'amant de la fille du conseiller du roi, qu'il utilise pour obtenir des informations précieuses dont il serait privé autrement. Le Jylland est de surcroît en pleine fibrillation, son roi va bientôt mourir, et le fils prodigue ne pense qu'à une seule chose, monter sur le trône, qu'il usurpera ainsi à son frère aîné, prêt à rétablir la grandeur de la croyance d'antan, qui servait bien ses propres intérêts.


Les éditions Anspach continuent de grandir, peu à peu, et cette fort belle série est assurément une des grandes belles surprises en provenance de Belgique, cette année. Les personnages sont tous bien caractérisés par Bruno de Roover, qui agence là une histoire sans temps mort, qui parvient en une quarantaine de pages a tout dire, embrassant d'un coup d'un seul plusieurs thèmes passionnants comme la religion ou la bassesse de l'esprit humain, proposant alors une petite fresque d'aventure et d'action dont on a déjà hâte de lire la suite. Bonne nouvelle, elle arrivera très vite, puisque le second tome de Jylland est programmé pour très bientôt (les trois tomes en dix-huit mois), déjà édité pour le public flamand. Le conflit des générations est aussi au centre du premier volet, avec une opposition totale entre un roi moribond, clairvoyant et épris de paix (ah la sagesse des anciens...) et un fils qui ne lui fait pas honneur, fourbe et violent, au point même de tramer contre son propre frère! C'est aussi du tout bon au dessin avec un artiste polonais, Przemyslaw Klosin, qui insuffle réalisme et vitalité à des planches de toute beauté, mention spéciale sur l'attention portée aux expressions des visages et à la plastique des corps. Bien difficile, pour être sincère, de trouver un défaut à Jylland, qui est traversé par un vrai souffle épique et un parfum de corruption et de drame familial (les dernières pages nous promettent des règlements de compte sanglants dans le second tome...). Pour nous, une lecture indispensable ce printemps. 

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UNIVERSCOMICS LE MAG' #11 : CARREMENT MECHANTS

 



UniversComics Le Mag' #11 de mai 2021. 80 pages. Gratuit.

CARREMENT MECHANTS !
Au sommaire :
* Les super vilains, le dossier méchant
* Le mal vaincra. Sélection de lectures pour super vilains
* #DoctorDoom tombe le masque avec #AnthonyHuard
* #TylerCross tout sur le personnage et la série avec #EddyManiette
* #Harry Osborn. Le Green Goblin en question!
* Interview : #AndreaDiVito est l'invité du Mag'
* Le cahier critique. Le meilleur du mois écoulé chez
404 Comics
Ankama Editions
#PaniniComicsFrance et
Delcourt Comics
* Le portfolio, les dessins du mois
* Preview : ne manquez pas le sublime #Pulp à sortir en mai chez #DelcourtComics. De Ed Brubaker et Sean Phillips
* Focus : on admire les premières pages de #Jylland, très belle série viking chez
Editions Anspach
. on a vraiment accroché!
* Guide des sorties du mois de mai
Comme toujours, merci à toutes et à tous, pour votre fidélité, votre clémence (le Mag' n'est pas une revue professionnelle, et la rédaction est bénévole) et votre bienveillance. Aux lecteurs donc, mais aussi aux artistes et éditeurs qui nous soutiennent, et contribuent à ce que nous puissions proposer ce mensuel gratuit, dont vous êtes les destinataires. Pour que l'aventure continue, rien à payer, juste à partager, sur les réseaux sociaux, dans les forums, les groupes, parlez-en autour de vous, c'est ainsi qu'on sera là encore le mois prochain!
Cover de
Inkturon ART
qu'on remercie très chaleureusement. Allez-y pour une commission, contactez l'artiste!
Et encore merci à la magie de #BenjaminCarret

COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...