ORIGINES : LE DERNIER ESPOIR DE L'HUMANITÉ 2.0 CHEZ 404 GRAPHIC


 Dans un futur lointain, où la Terre n’est plus qu’un écho virtuel et toxique de notre civilisation disparue, Origines ouvre les portes d’un monde où l’être humain n’existe plus que sous forme de vague souvenir… ou de projet de résurrection. Le pitch de cette merveille ? Un bébé nommé David naît dans un monde vidé de ses congénères : il a été conçu artificiellement comme le plan de secours de l’humanité. Mais attention : ce n’est pas un conte de fées post-apocalyptique, c’est plutôt un Eden où les serpents ont été remplacés par une intelligence artificielle baptisée Le Réseau, aussi mystérieuse que létale. Dès le premier numéro, on est saisi par l’esthétique flamboyante et glaçante de Jakub Rebelka, superbement aidé par les couleurs de Patricio Delpeche. Qui plus est, la qualité et le grain du papier choisi cette fois encore par 404 Graphic ne fait que renforcer cette stupeur visuelle. La nature a repris ses droits, certes, mais pas avec la douce quiétude d’un documentaire animalier. Chaque page transpire la mélancolie d’un monde où les vestiges humains – musées, carcasses, technologies mortes – ne sont plus que décors d’un opéra muet. L’ironie n’est jamais loin : le dernier bastion de l’espèce humaine n’est autre que… le Musée d’Histoire Naturelle. Comme quoi, Darwin avait peut-être tort, ou du moins il aurait dû prévoir une mise à jour. Le scénario, signé Clay McLeod Chapman (sur une idée originale d’Arash Amel, Lee Krieger et Joseph Oxford), joue la carte du mystère avec une rigueur presque frustrante au départ. Peu d’explications, beaucoup de silences, des dialogues sobres ponctués de flashbacks et de récits internes. David, en pleine reformation (littéralement imprimé en 3D pour le salut pour l’humanité), grandit sous la tutelle de Chloe, androïde (gynoïde) au cœur programmé pour aimer. Elle est la figure maternelle et morale, mais aussi l’une des créations de David lui-même, dans sa vie antérieure… car oui, twist biblique : David Adam n’est pas seulement un nouveau-né, il est aussi celui qui, autrefois, a précipité la chute de l’humanité !



La série flirte sans arrêt avec les mythes : on pense évidemment à Adam et Ève, mais aussi à Prométhée, Frankenstein ou même CARL 500. David est à la fois l’Alpha et l’Oméga, créateur devenu possibilité de rédemption, et sa mémoire originelle, toujours absente de sa conscience réinitialisée, flotte comme une épée de Damoclès narrative. Chloe, elle, craint que ces souvenirs ne soient trop lourds à porter – d'autant plus que la mémoire de David comprend aussi la source d'inspiration de sa propre création. De la mère à l'amante, le pas n'est pas si long. Au fil des pages, Le Réseau se dévoile, s'étend, telle une menace omniprésente. C'est une entité presque organique, un écosystème artificiel dont la mission semble être l’éradication de l’humain. Des nanites qui infectent le tissu végétal et ce qui reste du règne animal, pour donner corps à des formes de vie inédites, au service d'une traque à grande échelle. Je le répète, cet album est d'une beauté parfois renversante, mais il faut aussi tenir compte de son rythme, si on souhaite éviter l'incompréhension : contemplatif, parfois au bord de l’hermétisme. L’ambiance l’emporte sur les rebondissements et l'action, mais les lecteurs patients y trouveront leur compte et auront de quoi se rincer les mirettes avec des planches qui compteront parmi les plus saisissantes que vous dévorerez cette année. Origines n’est pas un simple récit de science fiction, c’est une parabole sur les responsabilités humaines face à la technologie, un poème visuel sur la fin de notre espèce, l'espoir de la voir renaître. Magnifique, énigmatique, et parfois un brin aride, la série joue habilement des préoccupations modernes, comme l'Intelligence Artificielle, pour en tirer un scénario apocalyptique mais aussi résilient, avec des machines nées pour servir, d'autres pour détruire. Humains ou tas de circuits imprimés, il semblerait que nous soyons tous condamnés aux mêmes errances, au même écartèlement. En tout les cas, que c'est beau !


 Pour plus de Jakub Rebelka, retrouvez notre avis sur JUDAS.

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