
Quand on découvre Diana dans Absolute Wonder Woman, difficile de ne pas froncer un sourcil (ou deux) devant ce cocktail visuel aussi baroque qu’efficace : armure guerrière, tatouages tribaux, épée gigantesque, et un destrier ailé… mais mort. La cavalière de l’apocalypse, c’est elle. Et clairement, elle ne vient pas pour faire de la figuration. Bienvenue dans une version radicalement réécrite de la princesse amazone, orchestrée par Kelly Thompson et Hayden Sherman, toujours au sein du nouvel univers Absolute de DC. Ici, la mythologie classique est passée au mixeur infernal : les Amazones ont commis un affront à Zeus, se retrouvent réduites en esclavage, et la pauvre Diana, encore nourrisson, est catapultée aux Enfers où elle est confiée à la magicienne Circé. L’enfant y grandit entre flammes, démons et silences lourds de secrets. La règle absolue ? Ne jamais prononcer le mot "Amazone". Sauf que voilà, même aux enfers, la vérité finit par remonter à la surface. Et Diana, certes sans mémoire de ses origines, n’est pas née pour rester dans l’ombre. Élevée comme une sorcière-guerrière, elle développe un lien touchant (et fort bien écrit) avec Circé, qui oscille entre mentor, geôlière et figure maternelle. Le récit alterne passé et présent avec une efficacité redoutable. Tandis que des créatures infernales appelées sorties de nulle part sèment la panique sur la côte californienne, notre héroïne surgit, tranchante et silencieuse, pour défendre une humanité qu’elle ne connaît que de (très) loin. La narration, volontairement épurée, va droit au but : forger une nouvelle icône, débarrassée des atours diplomatiques de Themyscira. Fini l’ambassadrice de paix, place à une guerrière née. Et pourtant, au cœur de cette Diana sombre et cabossée, bat une âme sensible, tiraillée par des doutes, en quête d’identité, qui rappelle à certains égards la Wonder Woman émotive et courageuse des années George Perez — mais plongée ici dans un bain de soufre et d'acier.

Kelly Thompson offre aux lecteurs la possibilité d’évoluer en terrain familier, tout en leur proposant une nouvelle approche de la mythologie propre à Wonder Woman. Steve Trevor est également de la partie, tout comme Etta Candy, mais les personnages ne sont plus tout à fait ceux que nous connaissions jusqu’alors. Quant à Wonder Woman, privée de la présence de ses sœurs amazones et de son rôle d’ambassadrice, elle se présente ici comme une guerrière, dernier rempart entre une population menacée et un monstre gigantesque nommé le Tétracide, capable de dévorer non seulement les corps, mais aussi les âmes. Le style de Sherman est extrêmement épuré : les lignes des visages, comme la plastique des corps, sont parfois réduites à l’essentiel. Textures rugueuses, traits anguleux sont au menu, mais cette simplicité formelle finit par séduire, avec un petit côté naïf qui s’accorde bien avec les ambitions de ce nouveau titre. Ce qui ne change pas, en revanche, c’est cette image de Wonder Woman compatissante, toujours prête à se sacrifier – qu’il s’agisse d’une partie d’elle-même, d’un bras, ou de sa propre tranquillité. Elle a d’ailleurs quitté Circé, sa mère adoptive. L’héroïne choisit la voie de la compréhension, du partage, de l’amour. Le monde entier va donc faire connaissance avec cette héroïne inspirante, mais qui peut aussi susciter la peur – notamment chez certains militaires paniqués, peu enclins à se réjouir de voir une inconnue leur damer le pion et se poser en interlocutrice privilégiée face à un envahisseur sinistre. Découpé en deux parties qui se répondent – l’enfance de Diana aux Enfers et sa révélation au monde dans le temps présent – cet album s’impose comme une lecture simple, directe, sans fioritures, mais attachante.

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