Endgame, le bien nommé. C’est la fin de partie pour un peu tout le monde, et le nouveau grand spectacle des Avengers ressemble avant tout au pot de départ du collègue qui bosse depuis vingt ans dans la même boîte, et offre un dernier verre avant une mutation et de nouvelles aventures, vers de nouveaux rivages. Les internautes redoutent plus que tout les spoilers, avant d’aller voir le film, mais les plus malins, ceux qui suivent l’actualité et savent qui sont les acteurs dont le contrat avec les Marvel Studios est arrivé à terme, peuvent déjà anticiper, en toute logique, une des clés de ces trois heures fraîchement débarquées au cinéma.
Trois heures, c’est long. Et ne vous attendez pas à des explosions, des combats épiques, des moments de bravoure, pendant 180 minutes. Il flotte dans Endgame comme un parfum de crépuscule, une mélancolie fatiguée, qui peut aussi se justifier par l’invraisemblable déroute subie au terme d’Infinity War, mais également par la nécessité de quitter la scène sur une sorte de manifeste métaphysique, d’hommage appuyé, tout particulièrement pour Robert Downey Jr et son Tony Stark si emblématique, de ce début de XXI° siècle made in Marvel Studios. On parle beaucoup dans ce film, parfois pour ne pas dire grand-chose, souvent car la parole est ce qu’on a inventé de mieux pour prendre un peu de recul ou magnifier un parcours remarquable, passionnant, iconique. Qui aurait pu penser, il y a une dizaine d’années, que la franchise des Avengers, longtemps remisée au second plan, derrière la forêt étoffée des lauriers des mutants ou de Spider-Man, allait un jour déchiqueter tous ses concurrents, pour ne laisser sur la table que les miettes de la gloire, instituant ainsi la référence absolue en terme de comparaison super héroïque ? Demandez à DC/Warner, qui avec sa Justice League a du subir moult quolibets et avaler quelques couleuvres de trop…
Et nous comme le film, on parle, on parle, mais cela ne nous (vous) dit pas ce que devient Thanos, et tous les héros qui se sont volatilisés, réduits en poussière, dans le film précédent ? La naïveté ayant ses limites, la seule et unique question qui importe est : quel est le stratagème choisi pour ramener tout le monde en grande forme, frétillants comme des gardons, prêts à s’engouffrer dans la prochaine phase de l’histoire des studios Marvel, qui s’annonce aussi périlleuse que fascinante ? Comme on pouvait le craindre, la réponse est en partie décevante, confirmant l’adage que c’est le voyage qui compte avant tout, son expérience en temps réel, plus que but, le terme du périple.
Car certes on parle, mais c'est un grand divertissement familial, alors on agit aussi, passée la première demie-heure où les héros pansent (pensent?) leurs plaies, à l'exception de Thor, dont la plaie est justement sa panse (jeu de mot que vous comprendrez uniquement si vous avez vu ou verrez le film). Le Dieu du Tonnerre aura vécu de bien drôles de mésaventures cette dernière décennie, et le voici cantonné à faire le clown triste de service, déchu de son piédestal de glorieux asgardien, par la (dis)grâce de choix artistiques douteux. Les autres sont mieux lotis, sauf peut-être Captain Marvel, qui vient d'être intronisée dans la catégorie des super poids lourds héroïques, pour finalement se contenter d'une petite dizaine de minutes à l'écran. Les Avengers disparus, et les autres pertes humaines, sont bien entendu remisés pour la résolution finale du diptyque de presque six heures, et c'est autour du noyau originel des Vengeurs que se tisse une trame qui rend hommage à la joyeuse brigade, agrémentée de nombreux easter eggs (clins d'oeil) qui font bondir de plaisir le geek patenté sur son siège, voire même l'amène à l'orgasme, quand retentit un "Heil Hydra" franchement jouissif.
Les fans de castagne, de gros effets spéciaux, de batailles en mode Playstation? On leur donne rendez vous au terme des 120 premières minutes, quand le feu d'artifice explose, et que Avengers Endgame se transforme en un parc à jouets, à budget illimité, confiés aux mains destructrices d'un enfant gâté. Des têtes roulent, les coups pleuvent, ça explose et ça cogne, les marteaux résonnent, les boucliers vrillent, à s'en fracturer. Et au terme de l'orgie, c'est l'émotion qui prime, et on a vu de grands sensibles sortir les mouchoirs, et jurer entre deux reniflements colossaux que "non, c'est mon allergie, mais tout de même, ils vont me manquer..." A moi aussi, les amis, à moi aussi, c'est vous dire l'entité du désastre!
Bon, n'attendez pas non plus que j'adoube Endgame au rang de meilleur film super-héroïque de l'histoire. Tout comme dans les comics, dès lors que vous tentez de mettre sur pieds une trame qui comprend des sauts quantiques, des bonds dans le temps, qui joue avec les paradoxes, vous finissez immanquablement par vous prendre les pieds dans le tapis, par être le jouet d'incohérences, que le Marvel Zombie acharné vous reprochera jusqu'à la troisième génération. Mais celui-ci n'est qu'une infime minorité, parmi la horde (le mot est juste, les séances à Nice sont complètes, c'est un petit ras de marée) de spectateurs qui ont voulu dévorer ces trois heures depuis mercredi; et les autres, tous les autres, veulent surtout leur dose de grand spectacle, et saluer une dernière fois certaines têtes connues et aimées, avant que ne tombe le rideau.
Endgame, pour tout le monde. Pour Stan Lee, certains des acteurs les plus charismatiques du Marvel Universe, une certaine idée du film super-héroïque...pour toute cette immense phase de l'enfance/adolescence du genre, qui quitte la scène sur un double salto arrière parfois disgracieux, mais qui retombe miraculeusement sur ses pieds. Délires de la foule, note (quasi) maximale du jury. Allez, à la revoyure, NextGame?
Indispensable! Le Gant de L'infini, le récit qui sert de base
aux deux films Infinity War et Endgame. Chez Panini