Et puis il y a Jason Fabok, qui réalise une mue spectaculaire. Il met de côté les planches ultra-calibrées des Three Jokers ou de Batman, pour miser sur une esthétique crue, rugueuse, presque grotesque. Ses créatures – sangliers titanesques, ours menaçants, oiseaux tournoyants comme des spectres perdus – hantent véritablement les pages. Reste une légère frustration dans tout ce tableau positif : si les masques sont très réussis, entre Power Rangers désabusés et soldats vétérans de la fin du monde, les personnages, eux, semblent figés. Ils parlent, ils tirent, ils souffrent, mais ils ne parviennent pas tout à fait à gagner en sympathie ou à faire naitre l'empathie. L’action semble se produire autour d’eux, sans qu’ils en soient les véritables moteurs. Le spectacle est dans la nature, pas dans l’humain. L'humain, lui, c'est la clé de l'effondrement. Celui qui ose penser pouvoir terraformer un monde vierge pour pallier la catastrophe qui est advenue sur sa planète de naissance. Celui qui emmène dans son sillage les espèces animales en voyage, pour coloniser et repeupler à son image ce qui ne lui appartient pas. C'est bien toute la tragédie d'Exodus : difficile d'être du côté de ces personnages, tant on souhaiterait, en fait, que la nature leur inflige une ultime défaite, nature balafrée et violée, au nom de la sacro-sainte technologie mortifère. Malgré cela, Rook : Exodus pose les bases d’un monde intrigant, vraiment. Entre Mad Max, bestiaire mutant et mélancolie post-héroïque, il y a là une matière puissante pour une saga ambitieuse. Il faudra que les prochains tomes donnent plus de corps aux personnages et plus de rythme à leur destin. Mais pour une première, le ton est là, le style aussi, avec une envie de briser les codes classiques du genre. Sans compter l'édition grand format très soigné d'Urban Comics, qui sait toujours comment nous appâter, sans avoir besoin de casque cybernétique.
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