
Ressuscité pour la énième fois, Marc Spector entame un nouveau chapitre de sa carrière de justicier nocturne dans Moon Knight : Fist of Khonshu, relaunch post-Blood Hunt qui, sous couvert de numéro #1, s’inscrit dans la continuité directe de la série précédente. Toujours avatar de Khonshou, divinité lunatique et capricieuse, Marc tente tant bien que mal de jongler entre ses multiples personnalités et une criminalité new-yorkaise qui, elle, ne prend jamais de vacances. Le travail se réorganise dans l’église reconvertie qu'est la Mission de Minuit, QG de notre héros un poil dérangé, avec un retour aux fondamentaux : protéger les voyageurs de la nuit, qu’ils soient menacés par des dealers ou des super-vilains en mal de sensations fortes. Un nouveau venu, Achilles Fairchild, écoule une drogue surnaturelle baptisée Poudre de fée — de la poussière magique qui tue autant qu’elle fait planer. S’ensuit une première confrontation tendue dans un night-club et une plongée dans l’univers glauque d’une ville de New York rongée par la magie et le vice. Le scénario de Jed MacKay jongle avec efficacité entre exposition, dialogues tendus et séquences d’action. Il articule initialement son intrigue autour de deux lignes narratives complémentaires : les investigations de Mr. Knight d’un côté, et celles de deux policiers new-yorkais, Flint (retraité) et Frazier (en fonction), de l’autre. Les conversations autour d'une table sont aussi savoureuses que les échanges de coups de poing avec des vilains de seconde zone — mention spéciale à Cubist, antagoniste conceptuel et légèrement ridicule, dont les phéromones perturbent la réalité (et les narines). On n'oublie pas non plus le super-héroïsme plus classique, avec une incursion chez Tony Stark pour analyser la nouvelle drogue et tenter de créer un antidote. Stark oriente Spector vers une super-scientifique déjà croisée dans Avengers Inc. et liée à Tigra, qui partage ici une scène intime et tendue avec Marc — preuve que la série sait aussi ralentir pour explorer les failles émotionnelles de son héros. Et ça c'est chouette !

Mais la star de cet album reste sans conteste Alessandro Cappuccio, qui signe ici ses adieux à Moon Knight avant de filer dessiner Ultimate Wolverine. Son trait, désormais affûté comme une lame de croissant lunaire, marie élégamment la rugosité du polar urbain à la fantasmagorie mystique du personnage. Les combats sont chorégraphiés avec une grâce brutale, tandis que les visages — au départ encore hésitants — captent aujourd’hui l’ambiguïté et la tension de manière saisissante. Le tout est sublimé par la colorisation de Rachelle Rosenberg, fidèle partenaire de Cappuccio. Sa palette oscille entre bleus nocturnes, éclats lunaires et éclairs surnaturels. Le costume de Moon Knight brille comme une balise dans les ténèbres, tranche avec les néons blafards des clubs, c'est du grand art ! Du coup, la crainte de ce qui va suivre est légitime. Et ce sont deux dessinateurs qui vont se relayer, dès lors, avec l'italien Domenico Carbone, et Devmalya Pramanik. Petite rupture stylistique avec le premier, qui met dans ses pages une sacrée énergie encore brute et promet beaucoup de belles choses dans les mois à venir. Le second se rapproche plus de Cappuccio, avec moins de méticulosité et des compositions un peu plus chargées, mais ça fait agréablement le job, et la série a le mérite de ne pas tourner le dos à son identité graphique et tente de creuser un chemin cohérent. On a aussi le plaisir de réentendre parler de Hank Pym, personnage malmené et trahi par Marvel ces dernières années, et d'être amené vers une confrontation ultra musclée entre Moon Knight et Fairchild, qui n'est pas vraiment le mafieux lambda qu'on pourrait croire dans un premier temps. Bref, sans atteindre des sommets stratosphériques, le titre du Chevalier de la Lune reste un de ceux qu'on recommande toujours aux lecteurs qui veulent passer un bon moment avec la Maison des Idées.

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