NEMESIS ROGUES' GALLERY : LE RETOUR ET LA REVANCHE POUR NEMESIS


 Mark Millar a toujours eu un faible pour les figures amorales qui se jouent admirablement des travers de la société et du néocapitalisme, et Nemesis reste l’un de ses monstres de laboratoire les plus jouissivement détestables. Né comme une sorte de Batman pervers et animé par des valeurs opposées, Nemesis a tout pour lui, sur le papier : l’intelligence, la discipline, des ressources infines… et zéro conscience morale. Sa première incarnation n’était qu’un riche oisif en mal de sensations fortes ; depuis, Millar a remanié le concept, multiplié les mini-séries et intégré le personnage dans son Millarverse, aux côtés de Kick-Ass, Hit-Girl et autres titres à succès, qui ont fusionné lors du crossover Big Game. Rogues’ Gallery démarre dans une position humiliante pour le héros démoniaque : quadriplégique, gardé comme un lingot dans un hôpital de haute sécurité, suite à une déculottée infligée par l’alliance des justiciers maison (le crossover sus-nommé). Mais chez Millar, comme dans toute l'industrie du comic book en réalité, les super-vilains ne restent jamais cloués au lit bien longtemps. D'ailleurs ce qui se produit dans cet album rappelle vaguement les vicissitudes d'un certain Benjamin Pondexter, alias Bullseye, lors des années 1980. Ici, un vieux mentor (clone à peine dissimulé de Ra’s al Ghul, immortel, manipulateur et parfaitement imbitable, Millar ne va jamais chercher bien loin) lui rend ses jambes… contre un service et une somme colossale, évidemment. La suite : un improbable récit “Batman & Robin” sauce ketchup/hémoglobine, où Nemesis entraîne un sidekick baptisé “Rookie”, qu’il coache et pervertit une bonne fois pour toutes, avec le sourire carnassier d’Adam West en pleine crise psychotique. Ce duo, entre mignardise vintage et hyperviolence à la Kill Bill, fonctionne sur un ton étrange : derrière les tripes qui giclent (Millar oblige), il y a presque du cœur. Presque. Car Nemesis reste ce sociopathe intégral qui, s’il vous tend la main, c’est pour mieux vous la couper à hauteur de poignet. Et autour d’eux se dresse une galerie d’ennemis plutôt bien écrits, décidés à lui faire payer ses casseroles passées. Bref, pas juste des punching-balls à exploser en pleine page, mais des types avec de vraies motivations pour passer à l'action.



Il n'y a pas grand monde qui mérite l'absolution avec Mark Millar, en particulier tous ceux qui possèdent l'argent, le pouvoir, qui fréquentent le milieu des entrepreneurs qui dirigent le monde en grand secret, ou tout simplement le show-biz. On les retrouve par ailleurs tous sur une sorte d'île d'Epstein, là où toutes les turpitudes sont autorisées, puisque c'est bien connu, lorsque l'argent coule à flot, la loi et la justice ferment un œil, pour ne pas dire les deux. Résultat : les actions ignobles de Nemesis et de son side-kick en deviennent par moment acceptables, voire à encourager puisque ceux qui subissent les effets de leur violence sont en fait des personnes qui l'ont bien mérité ! C'est un peu le tour de force de cet album, nous faire vibrer en permanence pour des individus qui sont de véritables ordures mais qui la plupart du temps écrasent de leur botte la tête de richissimes dépravés, qui ne valent guère mieux. Et tant pis si ceux qui leur donnent la chasse ont eux par contre tous subis un drame personnel et familial. C'est le propre des comic books et des œuvres de fiction, de temps en temps, de nous ranger du côté des méchants, de la pire engeance, histoire d'opérer une catharsis salutaire. Côté dessin, Valerio Giangiordano livre un travail solide : lisible, rythmé, parfois raide dans les expressions, mais capable de rendre un combat aussi viscéral qu’un uppercut en IMAX. Lee Loughridge apporte une couleur vibrante qui fait claquer chaque impact et accentue le plaisir coupable. Au fond, Rogues’ Gallery n’est pas tant un retour aux origines qu’une variation inattendue : moins thriller pur que casse sophistiqué à la Kingsman, avec un parfum de Silver Age perverti. C’est sale, c’est brutal, et parfois, c’est presque attendrissant… ça reste cependant du Mark Millar, entertainment calibré et décomplexé, ne demandez pas la Lune non plus.



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