ROCKETEER : LA CARGAISON MAUDITE (CHEZ DELCOURT)


 Plusieurs décennies après ses premiers exploits, Cliff Secord n’a toujours pas perdu le goût du danger… ni celui des ennuis. Dans La Cargaison maudite, Mark Waid et Chris Samnee prolongent l’héritage laissé par Dave Stevens avec un sens du respect et de l’enthousiasme qui force l’admiration. Pas de cynisme ici : le ton garde l’innocence un peu candide et la flamboyance des vieux serials hollywoodiens, tout en évitant la parodie facile. L’histoire respire la passion pour les pulps : un navire revient d’une île mystérieuse du Pacifique Sud, cargaison inquiétante dans la soute, et bien entendu, rien ne va se passer comme prévu. Mais j'en vois qui font de gros yeux. Rocketeer (et pourtant, je vous en ai déjà parlé récemment) ? Sachez simplement que Cliff Secord, cascadeur intrépide et pilote amateur, a hérité par hasard d’un prototype de réacteur dorsal qui a bouleversé son existence. Depuis, il jongle entre des exploits héroïques et des atterrissages forcés, voire foireux, dans sa vie privée. Fidèle à lui-même, il se débat dans cet album avec un triangle amoureux prêt à imploser, une réputation de tête brûlée qui le précède, et des événements qui risquent de le dépasser à chaque page. Comme chez Stan Lee, son alter ego héroïque reste la seule sphère où il brille vraiment, tandis que sa vie civile accumule les zones de turbulences. Mark Waid orchestre toutes ces tensions avec une économie de moyens bienvenue. Il laisse à Chris Samnee le soin de les traduire par le langage corporel et les silences. Un simple regard inquiet, visible à travers la visière du casque, en dit parfois bien plus que toute une page de dialogues. C'est un bon choix, Samnee est un vrai maître du storytelling !



Les antagonistes ? Pas de motivations torturées ou alambiquées : ce sont des méchants de cinéma, de ceux qui ricanent en triturant leur moustache imaginaire ou en proférant des menaces qu'ils ne parviendront pas à mettre à exécution. Un parti pris assumé qui colle à merveille à l’ambiance feuilletonesque et rétro qui a toujours fait le succès du personnage de Rocketeer. Et lorsque la "cargaison" se dévoile enfin, le récit bascule dans un délire réjouissant, aussi improbable qu’irrésistible. Samnee, toujours impeccable, alterne avec aisance combats aériens grand format et scènes intimistes, jouant des ombres et des lumières pour distiller le suspense. Des grosses bêtes aux dents acérées ou des gangsters à l'ancienne ? Tout y passe, tout est bon, c'est Samnee, quoi ! La Cargaison maudite ne cherche pas à réinventer le Rocketeer : elle s’amuse juste à le faire voler encore un peu plus haut. C’est du pur divertissement rétro, mené avec assez de panache pour qu’on en redemande. Et cette touche sexy pin up un peu naïve, avec le marteau qui s'appelle Betty (calquée sur qui vous devinez) et la jeune et pétillante Sally en tant qu'enclume. Cliff/Rocketeer est coincé entre les deux, et avec son identité pas si secrète que ça, c'est aussi l'occasion de rire un bon coup. Mark Waid est une encyclopédie humaine des comic books, il sait tout écrire, pour notre plus grand plaisir. Rafraichissant. 



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