Après tout, si on regarde la situation politique actuelle, rien ne dit qu'un jour... En tous les cas, le principe de base sur lequel repose la série DMZ est simple. Une nouvelle guerre civile a enflammé l'Amérique, et désormais il existe deux types de territoires distincts, à savoir les Etats-Unis, et les états qui se sont autoproclamés libres. La DMZ, c'est en fait une zone démilitarisée, qui correspond peu ou prou à Manhattan, et c'est là que nous retrouvons un jeune photographe du nom de Matthew Roth, qui y pénètre accompagné d'un grand journaliste imbuvable, détenteur du Pulitzer. A bord de l'hélicoptère qui les emènent sur place, Matthew comprend que ce ne sera pas une partie de plaisir, et qu'il aura une marge de manoeuvre réduite. La star du reportage à produire, ce ne sera pas lui. Ceci jusqu'à ce que des coups de feu éclatent, et que ce soit la débandade. Pire encore l'hélicoptère repart en abandonnant le malheureux journaliste au sol, avant d'exploser en plein vol. Matthew a simplement une veste de journaliste pour le préserver de ce qui l'attend, mais il a de son coté une grande humanité, et la curiosité nécessaire pour profiter de l'instant, et en faire quelque chose de productif et positif. Il part ainsi à la rencontre des habitants délaissés, ceux que les médias complaisants définissent comme des insurgés, et entreprend de brosser le portrait du quartier, entre snipers toujours prêts à descendre les indésirables, et conditions de survie qui relèvent de la débrouille. Car si d'un coté du conflit, les faits sont présentés de manière douteuse et distordue, une fois sur place il en va autrement, comme le protagoniste s'en rend vite compte, en fréquentant les milices locales, ou un hôpital de fortune où chacun fait ce qu'il peut avec ce qu'il a. Notre jeune journaliste devient contre sa volonté l'intermédiaire entre les rebelles et l'armée américaine, et la parabole du pouvoir de la presse, qui lorsqu'elle est utilisée à bon escient reste une arme lourde de sens et d'implication.
Brian Wood réussi un joli tour de force avec cette série. Celui de proposer une Amérique totalement fictive et ensanglantée, tout en gardant une crédibilité et un vrai regard structure sur la manière dont les événements pourraient se produire dans la réalité. En tant que pacifiste convaincu, il porte là un réquisitoire complexe et argumenté sur la façon dont les individus se regroupent en communautés, pour s'adapter et reformuler l'environnement, même en période de grave crise, avec en contrepoint la politique et ses mensonges, ses racourcis, ses compromis.
Au dessin c'est l'italien Riccardo Burchielli qui assure une ambiance sombre, sale, et contribue à donner une patine particulière à ce titre qui sort largement des sentiers battus. Il nous avait confié à Naples (lors du dernier Comicon) qu'il était là alors à son premier travail d'envergure hors des frontières transalpines, et que son trait était encore en construction, mal assuré, mais il nous semble que le résultat atteint pleinement les objectifs, et que le choix de ne pas opter pour une approche gore (pas de cervelles qui explosent en gros plan avec des boyaux qui débordent) mais plus implicite favorise la lecture, qui se concentre sur le fonds et ne surjoue pas la forme. Burchielli se focalise sur les intenses émotions des personnages, et se met au service de l'humanité du récit de Wood, pour un travail organique et suintant l'adrénaline. Probablement déroutant si vous ne souhaitez lire que du super-slip à pouvoirs, mais assurément fort recommandable.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous nous lisez? Nous aussi on va vous lire!