LA MORT DE WOLVERINE : LOGAN TIRE SA REVERENCE DANS UN MARVEL DELUXE

Durant sa longue et riche carrière, Wolverine en a vu de belles. Les moments forts n'ont pas manqué, tout comme les tragédies. Le mutant griffu a été excorié, découpé, brûlé, torturé (c'est d'ailleurs ainsi qu'il a acquis le métal qui recouvre son squelette) et d'autres aménités du genre. On se souvient même de Magneto, qui dans la saga Fatal Attractions lui retire brutalement et sans anesthésie tout l'adamantium présent dans son organisme. Depuis ça va mieux, merci. Sauf que ces derniers mois, c'est le pouvoir auto-guérisseur de Wolverine qui flanche. Un pouvoir bien pratique pour encaisser une rafale à bout portant ou pour se reprendre d'un sabre dans l'estomac. Sans pouvoir, Logan est vulnérable, et pire encore, il finit par s'empoisonner à chaque fois qu'il sort ses griffes. Outre les problèmes pour cicatriser, il faut aussi prendre en compte les infections, la douleur, l'usure du temps. Bref Wolverine est presque bon pour la casse, et ça sent la fin de parcours, tristement. Sa "mort" (chez Marvel la mort n'est jamais si tragique ni définitive, vous vous en doutez) nous est contée dans une mini série en quatre épisodes écrite par Charle Soule, dont Panini propose justement, en concomitance avec la sortie du film Logan, une version librairie. Le héros cherche bien un remède à sa condition, mais manque de chance, les grands cerveaux comme Reed Richards semblent à court d'idées. D'ailleurs Mister Fantastic n'a jamais été capable de rendre à Ben Grimm son apparence humaine, alors notre mutant aurait du se douter que ça n'allait pas fonctionner. Dépité, abattu, sentant venir son trépas prochain, Wolverine s'en va sur une île presque déserte, où malheureusement il ne va pas pouvoir se reposer très longtemps. Puisque débarque Nuke, ce soldat dopé aux amphétamines de nouvelle génération (il pourrait envisager de remporter le tour de France assez largement), rencontré très souvent chez Captain America et Daredevil, acteur dans le final de l'inoubliable saga Born Again (Daredevil, justement). S'en suit une première épreuve à la dure pour Wolverine, qui démontre avoir encore de la ressource. 

Un contrat a été placé sur la tête de Wolverine. Voilà l'excuse pour passer en revue certaines des figures marquantes du cast de la série régulière, ou des personnages ayant des liens avec le mutant griffu. On va voir défiler, au fil des épisodes, l'ennemi de toujours Sabretooth, Viper (sexy mais méchante), Kitty Pride (possédée) et Lady Deathstrike. Mais le plus intéressant, c'est indubitablement un certain professeur Cornelius, que les fans de longue date connaissent bien pour être une pièce maîtresse du projet Arme X, là où est né notre mutant tout en adamantium, dans les pires souffrances. Et là deux choses : tout d'abord le récit fait une sortie de route. Ensuite, ceux qui ne savent rien du final, et se sont contentés d'acheter (ou envisagent de la faire) l'album en souhaitant s'épargner un spoiler, ceux-là sont invités à quitter cet article et à ne plus y revenir avant la lecture
Vous êtes encore là? Vous avez compris le risque potentiel? Continuons. De telles retrouvailles ne pourraient être que sanglantes, chargées en pathos, lourdes d'une vengeance couvée et désirée pendant des décennies, et la mort de Wolverine ne peut s'imaginer qu'en grand style, dans une dernière épreuve bigger than life. Au lieu de cela, Logan distribue trois quatre baffes, s'énerve un tantinet, et se retrouve momifié sur place comme le premier couillon venu, lui qui a su échappé à la mort en des centaines d'occasions, toujours intouchable. Tout ça pour ça alors! Des décennies de suspens, d'aventures, à rêver le jour où peut-être Wolverine tirera sa révérence, narquois, le cigare au bec (ah oui c'est vrai, le tabagisme ce n'est pas bien, etc...). Au lieu de cela, cette conclusion qui n'en est pas une, cette farce idiote qu'on voudrait nous faire passer pour un moment de légende. Superman a eu Doomsday, Spider-Man a eu Morlun, même Nightcrawler s'est sacrifié en héros. Wolverine se tape une cuve d'adamantium en fusion sur la tronche. Digne d'un video-gag. Je ne souhaite donc pas m'étendre plus encore sur ce que je pense de la trouvaille de Soule, tout juste rajouter que les dessins de McNiven proposent de fort jolis paysages, de belles scènes plastiquement soignées, mais qui manquent d'émotion, de drame, de grandeur. De la beauté trop polie, trop classique. De la beauté quand même, hein! Des adieux manqués, tronqués. On se consolera en se disant que de toutes manières, on le reverra tôt ou tard, notre mutant à griffes, que ce soit au cinéma (ce soir à Nice on organise l'avant-première du film, alors j'espère que vous serez avec nous) ou dans les comics (X-23 a pris la relève mais il se murmure qu'au terme de Secret Empire, le prochain "event" en Vo, Wolverine pourrait...). D'ici là, rest in peace



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JE SUIS WOLVERINE : L'ANTHOLOGIE DE LOGAN

Je suis Wolverine. A part Hugh Jackman, le temps d'un dernier film, pas facile de revendiquer cela. Le mutant griffu signe son adieu (momentané, le mot n'a guère de sens dans les comics) au cinéma, et Panini Comics propose une anthologie qui revient sur certains des moments marquants de la carrière du sieur Logan. Avec un menu riche et varié.
L'occasion pour ceux (il en reste encore) qui ne le savent pas de constater que le personnage est apparu pour la première fois sur les pages de la série The Incredible Hulk (en 1974), dans un face à face avec le géant vert. Invité pour l'occasion, une autre créature légendaire, le Wendigo, abominable monstre à fourrure du nord canadien. Len Wein et Herb Trimpe signent là les débuts d'un phénomène qui allait devenir planétaire, mais ça ils ne le savaient pas encore.
C'est bien entendu dans les pages de Uncanny X-Men que Wolverine va devenir une référence pour les lecteurs. Plus âgé, violent, et désabusé que ses collègues de travail (des jeunots recrutés par le Professeur Xavier, pour palier initialement à la disparition des premiers X-Men, captifs de l'île mutante de Krakoa), il est cet élément perturbateur et énigmatique, plus sauvage et animal qu'humain, qui vient équilibrer la doctrine pacifiste et naïve du mentor chauve, et apporter cette touche badass que le premier Scott Summers et ses amis étaient loin de posséder. Dans cette anthologie nous dégustons deux épisodes. Tout d'abord le célèbre #205 où le personnage, attaqué et traqué par les cyborgs de Lady Deathstrike, est réduit à un état bestial, et rencontre la petite Katie Power, en pleine tempête de neige. La gamine sait qu'il est un héros, et pour cause, car elle appartenait alors au groupe Puissance 4 (pas le jeu Mattel, la traduction Vf de la série Power Pack). C'est dessiné par le grand Barry Windsor Smith (l'artiste derrière l'Arme X) dont chacune des rares apparitions sur le mensuel X-Men a donné lieu à des pages qui ont traversé le temps, droit vers la légende. Le #268 lui nous ramène en 1941 à Madripoor, cette île asiatique où la pègre joue à domicile. Un épisode qui se gausse de la chronologie officielle puisqu'on y trouve aussi Captain America (logique), Ivan Petrovitch et sa protégée (Natasha Romanof, encore enfant), les ninjas de la Main, et des nazis. C'est le grand Jim Lee qui donne vie à tout ceci, sous les ordres d'un Chris Claremont qui approchait de son chant du cygne, et qui fut le grand artisan de l'ascension de Wolverine au firmament des comics. 

Place aussi à la propre série de Wolverine, son titre à lui. En 1988 la popularité de Logan est telle que le griffu a obtenu depuis quelques mois sa parution régulière. On y retrouve Madripoor, mais surtout un des ennemis récurrents, dotés d'à peu près les mêmes facultés, mais sans la morale et le self contrôle qui en font un super-héros. Sabretooth (Dents de Sabre) est une pourriture qui aime infliger la souffrance aux autres, et dont le chemin croise depuis des décennies celui de son antagoniste. Bill Sienkiewicz et son style si particulier, sa folie graphique, que demander de plus pour un tel choc? 
C'est ensuite Larry Hama qui prend en main le destin de Wolverine, et ce scénariste va laisser des traces profondes, et appréciées des lecteur dans sa carrière. Avec Marc Silvestri (autre poids lourd qui allait vite atteindre le sommet de la vague) Logan se rend au Canada pour aller saluer Puck le nain (pardon, héros de petite taille) de Alpha Flight, qui joue temporairement les videurs dans un bar, histoire de remplacer la titulaire du poste, le temps qu'elle guérisse d'une fracture. La suite flirte avec l'incroyable, accrochez-vous donc : Lady Deathstrike, grâce aux pouvoirs de téléportation de Gateway, arrive sur les lieux pour en découdre avec Wolverine, histoire de se venger après avoir appris que les nouvelles de sa mort étaient grandement exagérées. Oui mais voilà, petit cafouillage dans le vortex qui permet de voyager dans le temps et l'espace, et tout ce joli monde se retrouve projeté en 1937, durant la guerre civile espagnole, en présence d'un certain... Ernest Hemingway. Oui, comics et littérature vont bon ménage, mais dans les moments les plus improbables.
On effectue un petit détour en 1995, le temps d'un numéro réalisé par Hama et le formidable Adam Kubert, et on saute à la série Wolverine considérée comme la "troisième volume, ou V3 pour les spécialistes", avec un tour dans la tête du personnage, dérangeant et surprenant, grâce au duo gritty et sombre Robertson et Rucka. Ensuite viennent Millar et Andrews, pour une plongée horrifique dans un camp de concentration, durant la seconde guerre mondiale. Un récit qui avait frappé les esprits à sa première publication, et pour cause. A découvrir si vous n'avez jamais eu ces pages sous les yeux. Enfin on a droit à une excursion dans des épisodes plus récents, notamment avec le scénariste Jason Aaron, qui va être lui aussi un artiste d'importance pour la représentation plus moderne et relâchée du mutant griffu.
Un Wolverine qui au fil des ans est devenu moins anguleux, moins bestial, au point de devenir le directeur d'un institut pour mutants, et d'avoir sous son aile de jeunes pousses mutantes ayant besoin d'être dirigées et conseillées. Et pourtant, en secret, Wolverine est aussi cet exécuteur implacable des basses besognes, dont X-Force avait grand besoin, quand d'autres ne voulaient pas se salir les mains. Une anthologie qui forcément ne peut pas embrasser toutes les facettes d'un héros qui demanderaient une encyclopédie grosse un double omnibus, mais qui offre de belles tranches de vie, pour un personnage momentanément "disparu" mais jamais aussi présent (X-23 ayant repris le flambeau, et la version Old Man Logan étant le meilleur Wolverine depuis longtemps, grâce à Jeff Lemire)





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OLDIES : OVER THE EDGE - QUAND LE PUNISHER ELIMINE NICK FURY (1994)

Normalement, le Punisher fait partie des bons. Certes, ses méthodes sont discutables, mais il possède son propre code de déontologie, qui fait que pour lui la police (quand elle n'est pas corrompue) est sacrée. Alors pourquoi diable Frank Castle irait tuer Nick Fury? Bonne question, qui trouve sa réponse dans les années 90, où tout était possible, tout était permis.
En 1994, Marvel possède sa propre ligne de comics un peu plus violent et dark que la moyenne. Ils sont réunis sous l'étiquette Marvel Edge, et Bobbie Chase est l'editor choisi pour huiler le mécanisme. Afin de doper les ventes, l'idée est venue d'organiser un bon gros crossover, avec en point d'orgue l'assassinat de Nick Fury. A cette époque, les trois (!) titres mensuels du Punisher venaient de s'arrêter, et le justicier d'être incarcéré, détenu par les forces du Shield. Frank avait été vaincu par une grosse dépression nerveuse, et s'était senti trahi par son seul et unique allié/ami Michochip, qui en voulant l'aider avait fait pire que bien. Au sein des forces du contre-espionnage, un complot visant à se débarrasser de Nick Fury saute sur l'occasion. alors que Castle est soumis aux fréquentes visites psychiatriques du Docteur Samson : il est discrètement drogué et conditionné, pour que ses souvenirs se brouillent, et que le borgne le plus célèbre de Marvel y apparaisse comme l'homme derrière le meurtre de toute sa famille, à Central Park.


Je parle ce crossover, car ce récit va aussi inclure les titres de Hulk, Doctor Strange, Ghost Rider et bien sûr Daredevil, avec comme seule et unique ligne directrice : le Punisher s'évade, et veut faire la peau de Nick Fury. C'est très léger comme scénario, mais il faut croire que ça devait suffire, alors. Le Punisher va utiliser le fils de Nick, Scorpio, et lui faire passer l'arme à gauche, pour pousser le papa à bout. Il va éliminer tous les leurres automatisés (life model decoy) qu'utilisent le patron du Shield, puis il assassine froidement le véritable Nick, sous le regard de Danny Ketch, l'identité civile du Ghost Rider des années 90, qui avait voulu prêter main forte en toute discrétion, mais n'a servi qu'à distraire Nick et causer l'inévitable.
Le Punisher sera puni. Comment, par qui? Par le regard de pénitence de Ghost Rider, of course. Un petit tête à tête les yeux dans les yeux, et le voici guéri, et condamné par la même occasion. On enchaîne rapidement sur l'enterrement de Nick Fury, en grandes pompes, avec un dernier hommage à une figure mythique du monde Marvel. Comment ça il n'est pas mort? Comment ça vous avez lu des aventures de Nick, datant des années suivantes? Comment vous dire... Tony Stark avait fabriqué un Lmd un peu spécial pour Fury, et ça avait du lui sortir de la tête... Enfin bref, comme toujours, quand ce n'est pas un clone ou un skrull, c'est un automate. C'est Marvel Comics, baby.
A noter que le début et la fin de ce crossover sont présentés en Vo dans deux numéros spéciaux avec de jolies covers brillantes wraparound du plus bel effet. Over The Edga Alpha, et Omega, écrits par Larry Hama et John Ostrander, n'ont jamais eu de traduction Vf, si je ne m'abuse. Du coup vous êtes pardonnés si ça ne vous dit rien...

Fury, Daredevil, le Punisher, tous ensemble avec Ron Garney et Bill Reinhold dans le titre de DD



Et ça défouraille sec aussi dans le titre de Ghost Rider ...



L'instant fatidique. Danny Ketch est imprudent, et Nick Fury passe à la trappe



Requiem pour un Fury. Les obsèques




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Et bientôt en VO le gros tpb "Suicide Run" du Punisher




WOLVERINE L'ARME X : LE RECIT FONDATEUR DE BARRY WINDSOR-SMITH

Wolverine, à l'époque révolue où pour lire des comics en Vf il fallait aller piocher du coté de Lug ou Semic, c’était Serval. Autre nom, autre temps, autres mœurs. Un nabot poilu et teigneux, doté d’un pouvoir auto guérisseur et de griffes en adamantium (métal inconnu et ultra résistant), bourlingueur et dragueur impénitent, bière à la main, toujours prêt à se lancer dans la première mêlée venue. Le personnage avait aussi un autre trait distinctif : il ignorait tout de son passé, n’avait que des bribes éparses de souvenirs, un puzzle incomplet qui ne lui permettait pas de se connaître vraiment. Qui l’avait ainsi doté de griffes? Qui avait voulu le ravaler au rang d’animal, de cobaye de laboratoire? La question angoissait pas mal de lecteurs d’alors, tant et si bien que sur les pages de Marvel Comics Presents 72 à 84, le grand Barry Windsor Smith narra les expériences secrètes et le drame vécu par Serval (Logan, dans la vraie vie) au sein d’un complexe de scientifiques fous et sans scrupules, le projet « Arme X ». Le tout forme un récit angoissant et torturé, plein de maîtrise et de suspens, dans une ambiance glauque à souhait, claustrophobe et paranoïaque. Wolverine y est mis à nu, sans fards ni costume, une simple machine à tuer qui tente de s’évader et lutte pour sauvegarder un peu de son humanité. Déjà présenté dans la collection Best of de Panini puis dans un Marvel Gold, ce fut ensuite le tour de la collection Hachette (je me cantonne aux versions récentes) avant qu'arrive enfin l'album définitif, qui va définitivement enterrer tous les autres. Cette fois l'Arme X a droit à un écrin splendide, en grand format, qui va ravir ceux pour qui le crayon de Windsor Smith mérite l'accès éternel au musée des comics. Séquences oniriques, violence sauvage, collision entre l'art et la réalité avec un trait nerveux et souple à la fois, un jeu magistral sur les ombres et les formes, l'auteur prouve qu'il mérite l'appellation de "complet" et livre là un de ses travaux les plus aboutis et dérangeants.

Le récit présente certes les défauts de l’époque : les didascalies sont parfois un peu pompeuses, le style littéraire empâté. Les couleurs un tantinet trop flashy voire criardes pour certaines cases. Mais il indispensable de savoir recontextualiser, et comprendre l'importance de ce qu'on tient entre les mains : il vous faudra, pour les plus jeunes, réaliser que c'est la légende même de Wolverine qui vous attend, et l’accueil enthousiaste qu’elle reçut lors de sa sortie n'est pas galvaudé. Longtemps considéré comme la pierre angulaire du passé du personnage, l'Arme X est un album à respecter comme une des grandes influences de sa décennie, un de ces pans historiques qui ont contribué à créer le mythe des X-men. Et tout ceci avant l'incroyable inflation Wolverinesque qui s'en est suivi. Le mutant griffu a fini par apparaître dans toutes les séries Marvel possibles et imaginables : un coup chez les Uncanny X-men, un saut sur la série X-men, un coup de main en passant à Spider-man, et un détour chez les Avengers, sans oublier une seconde puis troisième série personnelle pour corser le tout. A cela j'ajoute des souvenirs enfin retrouvés (partiellement, puis finalement totalement), un Wolvie junior et un clone féminin, dont franchement on ne ressentait pas du tout la nécessité dans ces belles années 80; et dulcis in fondo, une pseudo mort peu inspirée, sous les crayons de Soule et McNiven. Wolverine nous a quitté, et c'est désormais sa version "Old Man Logan" qui nous accompagne, avec certes le grand talent de Jeff Lemire et Andrea Sorrentino, pour un des titres les plus intrigants du présent. Un personnage torturé autant par les scientifiques fous du projet Arme X que par les cerveaux en charge de la création chez Marvel, qui ont trop souvent eu de mauvaises idées, influencées par la perspective de quelques dollars de plus. Régalez-vous avec cette Arme X, truffé de dialogues qui coupent comme des rasoirs, porté par une construction psychologique exemplaire de Wolverine, et animé par de l'action, entre cruauté et hymne à l'humanité. La cadeau à (se) faire en cette fin d'hiver? Sortie chez Panini comics la semaine prochaine. 




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ELEKTRA #1 : UNE NINJA À LAS VEGAS

Si Elektra est un personnage entré de plein pied dans la légende Marvel, c'est à Frank Miller que nous le devons. Depuis la mort de la première petite amie de Matt Murdock, puis sa résurrection (forcément...), il y a eu assez peu de moments forts dans sa carrière éditoriale, en réalité. Je retiendrai, à titre personnel, le passage de Chichester et McDaniel sur le titre Daredevil (le controversé mais inspiré Fall From Grace) et la récente prestation de Mike Del Mundo, que Panini a publié l'an passé dans sa collection 100% Marvel. 
Avec l'arrivée de Netflix sur le marché, et la série télévisée Marvel's Daredevil, Elektra subit un lifting évident, ne serait-ce qu'au niveau du costume, qui se rapproche évidemment de ce qui est visible à l'écran. Objectivement la tenue rouge sang est classieuse et sexy, mais ce n'est pas ce qui se fait de plus discret pour des combats en mode urbain, au coeur de la nuit. La ninja est de retour donc, dans un contexte différent de ce que nous pouvions attendre. Place aux casinos de Las Vegas, l'enfer du jeu, qui est pavé de mauvaises intentions. Dans les hôtels de luxe de Vegas, tout se mise et le vice est de mise. Les filles faciles et l'alcool, la drogue, circulent aussi aisément que les billets verts sur les tables de baccara. Dans cet environnement de stupre et de criminalité déguisée, Elektra (grimée en blonde désabusée) se prend de compassion pour une des serveuses du bar, qui se confie à elle et subit les pires maltraitances de la part de son boss. Le bien peu regardant malfrat sera puni comme il se doit, et la ninja entre en action dans toute sa splendeur. A coups de shurikens et avec son saï bien aiguisé, elle va faire le ménage, et rappeler que sa réputation n'est pas usurpée. Avec un twist final qui nous montre qui tire les ficelles dans l'ombre, et risque d'être le principal antagoniste des numéros à venir.
Je m'attendais à un titre plus léger, voire inconsistant, mais la description des abus de ces ultra-riches qui exercent leur domination et leur influence sur le commun des mortels est assez impitoyable, et le scénariste Matt Owens n'économise pas les moments explicites, notamment avec des caméras de sécurité qui nous montre que derrière les portes closes, il s'en passent de belles, c'est à dire de mauvaises choses... De petits clins d'oeil sympathiques font référence au passé d'Elektra, et finalement le personnage n'est pas trahi, dans sa froideur et son efficacité en action. Bon point aussi pour Juan Cabal. Si j'ai du mal avec les planches qui respirent un peu trop le travail en digital, il faut admettre que la plastique des personnages, la grâce qu'il infuse dans les corps et l'action, fait de ce numéro quelque chose d'agréable à parcourir. Alors bien entendu, je ne pense pas que cette nouvelle mouture puisse entrer au panthéon du genre, soyons sérieux, mais ce premier numéro, qui se termine assez vite, assure pleinement la fonction qui est la sienne. 





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GREG RUCKA PRESENTE WONDER WOMAN TOME 1 : TERRE A TERRE

Excellente nouvelle pour les fans de Wonder Woman, puisque le run de Greg Rucka a droit à une splendide édition librairie, chez Urban Comics dans la collection DC Signatures. Le premier tome (sur trois) s'ouvre avec une histoire indépendante des autres, Hiketeia, que vous avez peut-être déjà lu précédemment chez Semic. 
Avis à tous les amateurs de fantasmes sado-masochistes : que penseriez-vous du scénario suivant ? Vous devez vous agenouiller aux pieds d'une brune sculpturale, une demie déesse, et prêter allégeance tout en remettant votre vie entre ses mains expertes, et en récitant le serment d'usage, vous enlacez une de ces jambes bottées, alors qu'au dessus de votre nez flotte un lasso prometteur... Pour la suite, libre à vous d'inventer... Cette cérémonie pour le moins suggestive porte un nom, dans la tradition grecque, c'est l'Hiketeia, donc. N'allez pas croire qu'il s'agisse d'une formalité, le serment lie véritablement les deux parties, et c'est plus encore au supplié à en gérer les conséquences, qu'au suppliant, qui peut dans certains cas utiliser cette allégeance à ses propres fins.
Dans un quartier trouble de Gotham, après une lutte farouche, une jeune femme poignarde un homme... Rapidement elle est pourchassée par Batman, elle réussit à lui échapper. Quelques jours plus tard, elle trouve refuge chez Wonder Woman et se place sous sa protection par ce rite antique, l'Hiketeia, remettant sa vie entre les mains de la belle amazone. Le problème pour Wonder Woman, c'est que Batman, un des ses plus chers collègues et amis, semble bien décidé à ramener l'assassine chez elle, pour que la justice puisse être rendue. Liée par son serment, Wonder Woman ne peut donc pas livrer celle qui s'est offerte à elle, et va devoir la protéger, d'autant plus que derrière ses crimes se cache des motifs qui ne vont pas la laisser indifférente non plus. Au risque, cruel dilemme digne des tragédies grecques, de devoir affronter Batman dans un périlleux duel qui n'a plus rien d'amical... La conception de la justice divine, des siècles passés, se heurte à celle de notre époque, purement légale, et le Dark Knight finit par y jouer un rôle ingrat, dans la peau du justicier psycho rigide pour qui les circonstances atténuantes et les traditions mythologiques n'offrent pas la moindre réduction de peine. Greg Rucka connaît bien ses classiques mythologiques, et cela se sent, notamment quand il convoque les Errinyes, ces figures de la vengeance, qui viennent hanter les coupables jusqu'à les porter au bord de la folie. Il est épaulé efficacement aux dessins par JG Jones, qui évite de tomber dans le piège classique de ceux qui doivent illustrer Wonder Woman, à savoir transformer leurs planches en tentatives ratées de faire du porno-soft ( ou du porno-chic, à vous de juger ) pour ados frustrés. L'action est subtilement dosée, la tension narrative toujours palpable, et les personnages agités par des sentiments et des convictions qui les rendent crédibles. Du bon boulot!

Le run de Greg Rucka peut ensuite vraiment commencer. Sa Wonder Woman est saisie dans sa quotidianité, plus exactement dans ses fonctions d'ambassadrice de l'île de Thémyscira; le lecteur est lui plongé rapidement dans l'univers de l'amazone, grâce à un subterfuge intelligent et classique, l'emploi d'un nouveau personnage, qui apprend lui aussi à se familiariser avec ce monde complexe. Il s'agit de Jonah, qui a postulé pour un emploi de secrétaire/spécialiste en relations publiques auprès de notre héroïne. Elle est d'ailleurs fort occupée puisque le livre qu'elle a publié, sorte d'autobiographie et recueil de ses pensées, l'oblige à faire la tournée des librairies, et déclenche immanquablement les jalousies et les saillies pleines de rancune de la part de certains ennemis. Les associations conservatrices sont en ébullition, comme "Protégez vos enfants" de Darrel Keyes, qui est outré de voir que wonder Woman propose aux nouvelles générations un système de croyances païennes, qui s'accorde mal avec la religion anglo-saxonne dominante aux Etats-Unis. Un prétexte à la haine en fait, stérile car Diana ne tombe pas dans le panneau. Mais dans les coulisses, les nuages s'amoncellent tout de même, et l'orage gronde. Avec le Docteur Psycho qui va revenir sur la scène, exploité, abusé, mais toujours aussi dangereux. Et aussi Arès, Dieu de la guerre, qui est passé maître dans l'art subtil des machinations, et qui se veut maintenant le spécialiste de la discorde. Comme il le dit lui même, quand il s'agit de "jeter un pavé dans la mare" il sait comment s'y prendre. A noter la représentation moderne, désabusée, des dieux grecs, donnée ici par Rucka. S'adaptant à la culture populaire, aux us et coutumes du XXI ° siècle, Aphrodite et les autres semblent sortis d'une série mélodramatique, mais restent attachants, et complexes. Le dessin est en grande partie l'oeuvre de Drew Johnson, et c'est agréable à regarder, avec une mise en page claire et simple à aborder, un trait souple et élégant qui rappelle vaguement Dodson, avec un peu plus d'angles et d'aspérités dans les visages et les silhouettes. Shane Davis suit un peu la même direction, et ce premier tome est au final une vraie bonne tranche de lecture, où l'action super-héroïque, la fiction politique, et une vraie réflexion de société cohabitent sans connaître de temps morts. Nous recommandons sans conditions. 





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COVER STORY RELOADED épisode 3 : IRON MAN #282 (ENTER...WAR MACHINE)

Cover Story (reloaded) c'est une cover, une histoire, quelques explications. Troisième  épisode, avec Iron Man #282 (1992)
Tony Stark a déjà eu une vie bien remplie. Il a affronté bien des épreuves, et en est toujours sorti grandi. Même la mort! Car oui, notre play-boy milliardaire des comics a déjà rendu l'âme, avant bien entendu une résurrection salvatrice pour Marvel. Ce petit miracle de la vie est du à Len Kaminski, auteur du story-arc intitulé War machine, et qui est disponible en Vo dans un pavé éponyme regroupant une grosse dizaine d'épisodes de Iron Man, soit 320 pages (numéros 280/291). A l'époque, le corps de Tony est rongé par un virus techno organique et pour le sauver, ses amis scientifiques décident de le cryogéniser. Personne n'est au courant, pas même son plus fidèle ami, Jim Rhodes, le black à tout faire (qui essuie les stéréotypes d'alors), qui à l'époque était encore un des protagonistes absolus de la série. Ce dernier est nommé directeur de la multinationale Stark, et il endosse à nouveau l'armure du vengeur de fer, modifiée cependant : cette fois de couleur gris métallisé, truffée d'armes à feu particulièrement puissantes. Ce sera donc la nouvelle "War machine", la machine de guerre, qui succédera provisoirement à la classique armure sang et or. Rhodes avait déjà joué le suppléant dans les années 80, quand Stark avait basculé dans l'enfer de l'alcool, au point de se retrouver dans la peau d'un sdf, ivre le plus clair du temps, à errer sur la voie publique. Mais il avait du renoncer à sa charge, terrassé par une sorte de dépression nerveuse, et rongé à l'idée de ne pas être à la hauteur et devoir rendre l'armure à son ancien patron.
Revenons à nos moutons. Stark reviendra vite à la vie (un gros trimestre d'absence aux States, pas plus) encore que longuement handicapé et soumis à un traitement intensif de rééducation (durant lequel il finira bien sûr par séduire sa kiné, cela va sans dire). Toute cette période de l'histoire de la série a finalement déjà beaucoup vieilli, surtout au regard de l'évolution actuelle du personnage. Toutefois cela reste un événement majeur pour les relations entre Starck et son laquais/best friend puisque de ce jour, plus rien ne pourra être comme avant. Ils vont se fâcher pendant plusieurs années. Et James va prendre du galon, et s'affranchir enfin de l'ombre de Tony. Kevin Hopgood dessine le tout avec ses traits brouillons et parfois approximatifs, mais qui au final se laissent regarder, sans génie, certes. A conseiller aux fans nostalgiques d'Iron Man qui n'ont pas conservé soigneusement leurs Strange de l'époque. J'admets, bien des années après, avoir été frappé par le visuel de cette armure guerrière et ultra dotée en armes, qui avait été une claque à sa présentation, en rupture avec un Iron Man trop tendre dans l'esprit. 



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SUPER SONS #1 : UN SUPER DEBUT POUR LES FILS DE BATMAN ET SUPERMAN

L'idée aurait semblé totalement improbable il y a encore quelques années, mais aujourd'hui les choses sont bien différentes. Oui, Superman et Batman on tous les deux un fils (ils ne l'ont pas fait ensemble, hein!)... nous étions habitués à Damian Wayne, le rejeton de Batman, qui a su se faire une place dans le cœur des lecteurs ces dernières années. Turbulent, arrogant, mes attachant, voilà un personnage qui a un potentiel presque illimité. Nous apprenons désormais à connaître Jon, qui est le fils de Superman et Loïs Lane. La version New 52 ayant été un petit fiasco, les scénaristes ont concocté un retour en fanfare de l'ancien Superman, qui est revenu avec sa femme et son enfant. Comme son père, Jon maintient le secret sur ses pouvoirs naissants; il ne peut pas encore voler par exemple, mais il est déjà très fort, et possède la plupart des attributs de son paternel. Son association avec Robin -à savoir Damian- fait tout le sel de cet épisode. On sent qu'une relation très amicale et en même temps chaotique va les lier. Les deux jeunes compères  partent en mission chez LexCorp, pour enquêter sur une affaire plutôt louche, ce qui est habituel quand on se mêle des activités de Lex Luthor. Mais le meilleur, c'est la vie quotidienne de ces deux garnements : Jon accepte de se mêler aux autres à l'école, tout en contenant avec difficulté ses dons, quitte parfois à devoir subir des brimades, dont il pourrait aisément se dispenser. Damian lui, est toujours en avance sur son temps : quand il ne se fait pas passer pour le chauffeur du bus scolaire, il est même capable de se grimer en professeur, pour dispenser des cours à Jon et ses camarades.


Franchement voilà un nouveau titre qui va probablement faire douter les plus anciens lecteurs, mais qui est en réalité ultra sympathique, bien écrit, dynamique, et à mon sens une des surprises les plus fraîches de toute l'opération Rebirth. Je suis déjà fan du travail de Peter Tomasi, qui sait admirablement centrer l'action sur les interactions des deux ados, sans pour autant recourir aux illustres parents. Les dialogues sont plein d'humour, et sonnent justes. Tout est encore à découvrir pour les deux justiciers en herbe : leurs pouvoirs (Damian est en avance sur ce point, il est déjà une machine rodée au combat, mais son orgueil, sa suffisance, lui joue trop souvent des tours), leur amitié, leur faculté de s'appuyer l'un sur l'autre face aux dangers. Et Jorge Jimenez au dessin est simplement parfait. Il a tout compris des intentions de Tomasi, des caractéristiques du titre, et a cerné le lecteur potentiel. On est à la lisière du manga par moments, et en même temps ça reste du comic-book qui vit et explose, avec une saveur juvénile non exagérée, et maîtrisée. Espiègles et aussi différents que semblables, ces Supersons vont vite devenir indispensables à ce rythme!



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Pour découvrir qui est Jon :






LEGION : LE PILOTE DE LA SERIE MUTANTE (FX-MARVEL TELEVISION)

Alors, l'action? Non, l'esprit. c'est bien de cela qu'il s'agit, avec Legion, la série télévisée du moment, produit surprenant de FX (Fox) et Marvel Television. David, le protagoniste de cette histoire, est depuis toujours atteint de pathologies mentales, jusqu'au jour où il découvre que son problème est un peu différent de ce qu'on pouvait supposer. C'est un mutant, avec des pouvoirs psychiques capables de lui ouvrir les portes de l'impossible. Du coup, la série s'avère être avant tout un gros trip mental, qui plonge dans le cerveau, les pensées, les émotions. Bien entendu, vous lecteurs habituels, vous savez que Legion est une création de Chris Claremont et Bill Sienkiewicz, et qui a fait son apparition en 1985 sur les pages du titre des Nouveaux Mutants. Le fils de Charles Xavier possède des personnalités multiples, et chacune d'entre elles maîtrise un pouvoir différent. 
Du coup la série se concentre sur cet aspect, joue avec le doute et brouille la frontière entre ce qui se déroule vraiment dans la réalité, et ce qui est de l'ordre de la perception, de la folie de David Haller. De nombreuses références sont convoquées face à Legion. On a parlé de Doctor Strange (le film, qui est plus clinquant, ici l'ambition est intimiste et modeste, à coté) ou Inception (la vérité et les strates de l'illusion) par exemple. C'est la rencontre avec une autre patiente, une certaine Syd, qui fuit les contacts physiques, qui est le catalyseur de l'histoire. Avec le spectateur qui est amené à douter de tout, de la véracité même de ce qu'expérimente et vit le schizophrène mutant. En toile de fond, des jeux de pouvoir, l'envie de mettre la main sur les pouvoirs de David, de l'utiliser, qui devrait être le grand leit-motiv de cette saison dingue, car capable de prendre n'importe quelle direction, sans qu'il nous soit possible de le prédire, à ce stade. Tout est fait pour nous mettre mal à l'aise ou nous interloquer (le cadrage, le choix d'une narration fragmentée et pas chronologique) ou nous envoûter (la bande son). Même le choix de l'acteur principal (Dan Stevens, c'est à dire Matthew Crawley dans Downton Abbey) n'est pas dicté uniquement pas un critère physique (il sort de la peau du jeune minet sans épaisseur) mais correspond à une intuition heureuse, puisque ce David Haller là est crédible dès les premières minutes.



C'est Noah Hawley qui se charge de narrer les aventures de Legion sur le petit écran. Après avoir su bricoler adroitement avec Fargo, des frères Coen, il parvient d'emblée à imprimer un ton, un parti pris, qui fait que son travail se démarque du reste, par son aspect intrigant et très personnel. On notera que l'attention portée à la photographie, ou aux effets visuels, est remarquable, et pour être honnête, je n'avais pas était aussi enthousiaste, rapport à l'image, depuis les toutes premières minutes de Daredevil, sur Netflix, qui est dans son genre une autre bien bonne surprise. 
Attention, Legion n'est pas un mutant de second ordre. Retournez voir vos vieux épisodes, et vous verrez qu'à lui seul il est en mesure de rétamer toute la bande de ses aînés, et son influence, ses actes, ont été à la source de graves ennuis, de bouleversements épocals. Comme par exemple Age of Apocalypse, qui prend racine dans un de ses choix funestes, sa volonté de remonter le temps et d'aller tuer Magneto, sauf que ce fut Charles Xavier qui encaissa à la place. 
En tous les cas Legion est un personnage parfait pour une adaptation télévisuelle qui souhaite s'affranchir vite et bien des comics, d'autant plus que les rapports qui unissent ou rapprochent le "héros" du reste du sous-bois mutant sera probablement (par la force des choses) différent à l'écran. Avec une telle palette de possibilités, aussi bien scénaristiques que simplement visuelles, Legion pourrait devenir le coffre à jouet préféré des spectateurs dans les prochaines semaines. On ne demande qu'à voir.




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LE MAGIC 2017 A MONACO : BEAUCOUP DE BRUIT POUR PAS GRAND CHOSE

Ce samedi 18 février, nous nous sommes rendus au Forum Grimaldi de Monaco, pour assister au Magic, 3e édition du nom. Il s'agit d'une journée de conférences/rencontres avec des auteurs à la stature internationale, principalement centrées sur l'univers des animés japonais et du manga. Bien que je n'ai pas véritablement compris dans quelle démarche artistique (ou dans quelle perspective cohérente) le Magic invite aussi des auteurs de comics. Je souligne l'indéniable qualité de ces derniers, qui sont en règle générale de véritables stars du milieu. Cette année par exemple, nous trouvions deux artistes incontournables comme Frank Miller et Mike Mignola, prévus à l'affiche. Le premier a décliné quelques jours avant l'événement, ce qui a provoqué bien des émois chez ceux qui avaient prévu de se rendre à Monaco. Difficile de croire que ce désistement n'était pas envisageable, étant donné la sale habitude de Miller de poser des lapins, et sa santé fort défaillante.
Le Magic, alors? Ce n'est pas un festival, car il y a une trop grande pauvreté de contenu pour pouvoir -même de loin- se targuer de ce titre. En réalité, dans une ambiance feutrée, vous pouvez obtenir 2 ou 3 dédicaces, ou aussi acheter les albums des auteurs invités (et des figurines bien sûr) chez le seul libraire présent (les toujours dynamiques et premiers sur le coup Alfa Bd); et puis cela va de soi, assister à quelques conférences, et à un concours cosplay, qui n'est malheureusement pas ouvert aux quidams de la rue, mais ne fait appel qu'à des intervenants professionnels, renforçant ainsi le côté élitiste de la manifestation monégasque. Au risque de paraître blessant ou méprisant (après tout l'entrée était gratuite, mais ce n'est pas non plus une excuse pour faire taire toute objectivité) force est de constater que l'édition 2017 était d'une platitude désolante, et que le visiteur pouvait faire le tour du Magic en moins de 5 minutes, montre en main, fait exception de la file d'attente pour la ou les dédicaces souhaitées. Quelques cosplayeurs se baladaient parmi la foule peu nombreuse, Alfa Bd vendait les ouvrages des auteurs invités, quelques bornes d'arcade et de retrogaming, un bijoutier (que vient t-il faire là ?) pour rappeler qu'on est sur le Rocher, un petit café pour faire passer le temps (et il y en a du temps à faire passer) et vous aviez fait le tour de ce qui constitue la manifestation la plus déconcertante, de toutes celles à laquelle j'ai pu prendre part depuis bien longtemps. Il y a des bonnes intentions (je pense), il y a des noms ronflants, il y a un cadre idéal et un budget dont nous autres communs des mortels ne pourrions que rêver  de posséder pour nos propres activités, mais ça manque cruellement et totalement de cœur, de passion, de compréhension du public, et d'une direction artistique qui sait vers quoi elle décide de tendre.

Oui, le Magic est simplement un show-room. Une démonstration de la puissance commerciale et médiatique (plus médiatique que commerciale, en fin de compte) de Shibuya Productions, une ode élégiaque à son président Cédric Biscay. Pas très grand par la taille, le bonhomme compense amplement par son égo. Nous sommes à Monaco, le coté bling-bling omniprésent étouffe largement celui de la sincérité et de la passion. Pourquoi donc Shibuya investit dans le comic-book américain une fois par an, alors qu'en temps normal ce média leur passe au dessus de la tête ? Certes, je suis le premier heureux de pouvoir serrer la pince de John Romita Jr (en 2016) ou de Mike Mignola (façon de parler, les dédicaces furent très froides et formelles, avec une organisation omniprésente qui fixait des règles strictes et aseptisait plus encore le cadre de l'événement. Dommage) mais entre ces deux interludes magiques, qui est chargé de la promotion des comics, de sa défense et de son rayonnement, les onze autres mois de l'année? Shibuya est ailleurs, assurément. 
Les points positifs de cette édition 2017 ? Je suis rentré à la base avec deux albums dédicacés par Mignola (deux supports et pas plus. Et circulez il n'y a rien à voir. Ce qui est idiot car en fait les mêmes lecteurs revenaient faire la file à la seconde séance, et juste après être passés, pour le même traitement expéditif. Autant prendre un peu plus de temps, dans la convivialité, une fois pour toutes). Il y avait quelques conférences sympathiques, et l'occasion de voir Mignola dessiner. Du Cosplay pour les amateurs du genre, même si loin de l'aspect festif/ludique qu'on retrouve dans les véritables salons spécialisés. Il y avait Orelsan en dédicace. Non je plaisante, si comme moi vous êtes venus pour la Bd, Orelsan c'est un peu se moquer du monde. Il a fait du doublage pour le cinéma ? Très bien, mais à choisir, je préférais un artiste doué avec les crayons, vous savez. Il y avait un café globalement correct, j'ai bu bien pire en convention. Et surtout il y avait pas mal de monde avec qui j'ai pu échanger un mot, amis ou connaissances, et j'ai pris beaucoup de plaisir à tous les voir ou revoir. En plus ce n'est pas le temps et l'espace qui manquaient.
Le Magic de Monaco, c'est pensé, fait, et réalisé, pour satisfaire au mieux la "profession" et les intérêts médiatiques et commerciaux de Shibuya Productions. Accessoirement, on fait rentrer des gens sur invitation, ça crée un effet de foule. Ma foi, un drôle de concept.






LA NUIT DES LANTERNES CHEZ DELCOURT : LE DEUIL, LA COLÈRE, L'HORREUR

 Le personnage principal de cet album signé Jean-Étienne s'appelle Eloane. C'est une jeune femme qui retourne dans la maison familia...