COSPLAY MANIA (11)

Place au cosplay aujourd'hui, avec notre rubrique irrégulière consacrée à ce phénomène désormais bien ancré dans la pop-culture en général. Au passage les premières photos de la PCE de Paris sont là, très bientôt je vous proposerai un regard plus vaste sur cette manifestation, et le cosplay sera bien sur mis à l'honneur car à ce niveau ça valait le coup d'oeil.


Han Solo et son ami poilu débarque de l'Etoile Noire, en grande forme!


Normalement, la série The Walking Dead est censée être interdite aux jeunes enfants. Mais bon, s'il y a des cookies (joli clin d'oeil)...


Thanos, lors du dernier Romics, et son créateur. J'espère pouvoir vous proposer un papier sur ce cosplay prochainement... 


Paris PCE : Les héros anglais à la rescousse. God save the Queen


Le soldat d'hiver de féminise. Buckette Barnes est dans la place


Le Punisher fait équipe avec Felicia Hardy. Team-Up cosplay, quoi...


Cosplay simple à réaliser mais sympa, l'univers de Mario Bros vous tend les bras


Deux super-héros aux pouvoirs musicaux. Daft Punk for one day. Amusant



L'ANTHOLOGIE WONDER WOMAN : UNE AMAZONE CHEZ URBAN COMICS

Lors de la création de Wonder Woman en 1941, William Moulton Marston à insufflé dans ce personnage son amour pour la mythologie antique, et une certaine forme de féminisme très moderne pour l'époque. Et pourtant tout aussi progressiste qu'il paraît, le scénariste présente initialement une héroïne particulièrement naïve et influençable. Les Amazones vivent isolées du contact des hommes, mais il suffit qu'un seul exemplaire de mâle échoue sur la plage, après un combat contre les forces aériennes japonaises, et voici que la princesse héritière du royaume, la future Wonder Woman, en tombe amoureuse at first sight. J'ai toujours pensé que la figure de Steve Trevor était ce qui est arrivé de plus triste au destin de Wonder Woman; c'est finalement une tentative de réduction de la grandeur du personnage, une banale façon de la renvoyer à son état de femme, qui tout aussi intelligente et puissante qu'elle puisse paraître, a bien du mal à envisager une existence sans une épaule masculine sur laquelle s'appuyer, et en l'absence de laquelle elle pourra contenir de chaudes larmes qui n'attendent qu'à couler. Comme si la femme forte ne pouvait être telle que si associée à un homme tout aussi fort, habile, parfois misogyne, et qui lui sert de caution. Pendant plusieurs décennies comme on peut le constater à la lecture de cette anthologie, Wonder Woman -qui a pourtant les facultés et le pouvoir pour se hisser au-dessus du commun des mortels- envisage son existence comme le prolongement d'une hypothétique histoire d'amour impossible entre un simple mortel et une fille des dieux grecs. Les tous premiers épisodes recèlent un charme totalement suranné, avec une technique narrative aujourd'hui brutalement dépassée, un verbiage ultra présent qui déborde sur toutes les vignettes, une tendance à la redondance et à tout élucider à travers les mots. Les dessins de Harry G Peter non rien d'extraordinaire; plus encore que les femmes ce sont les hommes chez lui qui sont représentés à la hâte, avec des visages qui peuvent devenir franchement disgracieux et des corps distordus que nous classement aujourd'hui à la rubrique caricature (on dirait dans certaines cases du Robert Crumb super-héroïque). Caricaturale est aussi la sidekick de Wonder Woman dans ses premières années, une certaine Etta Candy, petite boulotte qui passe son temps à dévorer des sucreries et à tirer du pétrin son ami amazone, avec qui elle forme un duo hautement improbable. Même transformée en singe, comme dans un des épisodes présentés ici par Urban, elle n'est soulagée de retrouver sa forme normale que pour manger des gâteaux à nouveau. Vous pourriez avoir l'impression que je snobe le golden Age de Wonder Woman, mais détrompez-vous, au delà de cette mauvaise foi évidente que je déverse aujourd'hui, c'est un plaisir de relire ceci avec le sourire en coin, et de plus, Urban a comme toujours fait un travail éditorial remarquable pour tout restituer dans son contexte. Vous en doutiez encore? 


L'anthologie est donc passionnante, irritante, drôle, mouvementée, édifiante. Elle ne laisse pas indifférent, et c'est ce qu'on lui demande. Parmi les grandes périodes, les "run" de qualité, vous allez pouvoir lire de la Diana Prince sans pouvoirs, obligée de faire appel à des talents insoupçonnés en matière d'arts martiaux, pour lutter et défendre la liberté et la réputation de son cher et tendre Steve Trevor (encore et toujours, et cette fois aussi cette relation lui tire quelques larmes...). L'occasion de nouvelles tenues, influencée par la période "mod" et le psychédélisme. Nous en avions déjà parlé, sur UniversComics, il y a quelques mois. Plaisir visuel de lire de la Wonder Woman par Ross Andru ou Don Heck, dans un esprit silver age qui reste très naïf, ou sous les crayons de Roy Thomas et Gene Colan, face à une super criminelle qui a débuté sa carrière suite à des problèmes d'acné (!) qui lui ont valu la faveur des dieux grecs. Une peau grasse mène décidément à tout, on comprend mieux pourquoi Fatalis se réfugie derrière un masque. La période faste de George Perez est bien entendue abordée, avec une héroïne plus mythologique que jamais, et des planches d'une beauté inouïe, méticuleuse, qui ont fait l'histoire. Wonder Woman entre peu à peu dans l'ère moderne, s'émancipe vraiment du rôle de potiche qu'on lui taillait autrefois sur mesure, et malheureusement son coté iper-sexualisé va de paire avec cette croissance. Mike Deodato Jr, sous haute influence du courant propre aux années 90, a tendance à exagérer les anatomies, avec des jambes qui n'en finissent plus,, et des corps sculpturaux qui sont plus crédibles en tant que pin-up que super-héros. John Byrne fait souffler un nouveau vent de fraîcheur avec l'arrivée d'une nouvelle mouture de Wonder Girl, en 1996, avant des épisodes plus contemporains, où brille entre autres Greg Rucka (qui est à la base de plusieurs excellents arcs narratifs) ou la doublette Chiang et Azzarello, qui a fait le bonheur des New 52 avant que la série soit massacrée à la tronçonneuse par la famille Finch, qui semble avoir oublier le sens du mot subtilité. Comme toujours avec ce genre d'ouvrage, nous avons à boire et à manger, du petit-déjeuner au repas du soir. Tout prendre d'un coup peut-être indigeste, mais il est peu probable que vous ne trouviez pas de quoi amadouer votre palais, même si vous êtes un fin gourmet. Et puis un rendez-vous avec une amazone, ça ne se refuse pas, non?





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MOON KNIGHT #1 : LA REVIEW ALL-NEW ALL-DIFFERENT

Bon, il m'est très difficile d'être objectif, lorsqu'il s'agit d'aborder une série Moon Knight, c'est à dire un personnage que j'affectionne particulièrement, écrite par Jeff Lemire, qui se trouve être mon scénariste préféré de ces dernières années. Je choisis de le dire en préambule, car étant donné que je considère ce premier numéro comme un bijou de premier ordre, peut-être ce que j'ai lu de mieux en ce début 2016, autant être franc et direct. Nous revoici donc avec Marc Spector sur les bras, ce spécialiste du désordre mental, qui s'est inventé toute une série d'identités différentes pour mener à bien sa mission, aux ordres d'une divinité égyptienne (Konshu) qui n'existe peut-être nulle part ailleurs que dans sa tête, depuis des décennies. Du coup, ne soyez pas trop surpris de le retrouver dans un asile de dingues, où il est enfermé, et subit un (mal)traitement éprouvant, entre électro-chocs et coups de poing dans la figure. Marc n'a aucune idée de ce qu'il fait là, comment il est arrivé, pour quelles raisons. Et ce ne sont pas les autres patients qui vont l'aider, eux qui semblent baigner dans la neurasthénie la plus complète. Seule exception à cela, un certain Bertrand Crawley, qui compte sur lui pour briser ses chaînes et redevenir le justicier qu'il était. Ou pas... Car alors que Marc tente tant bien que mal de comprendre ce qui se passe, les exploits de la veille au soir passent à la télévision, et on y voit Moon Knight dans son joli costume blanc, en pleine action.... Marc aurait tout inventé, depuis le début? C'est là que Lemire offre aux lecteurs une formidable mise en abîme de tout ce qui s'est dit et écrit sur le personnage depuis sa création. Il parvient à faire douter son héros, et celui qui en suit les aventures du même coup. Moon Knight n'existe pas, ou tout du moins pas comme nous le pensions, sous les traits de qui nous le croyons? Ou bien s'agit-il d'une vaste conspiration, d'un traquenard dans lequel Spector est tombé, et qui va lui coûter les pires efforts pour remonter la pente, et triompher de cette folie ambiante? 



Pour obtenir un si bel effet, il faut aussi un dessinateur au diapason. Avec Greg Smallwood, nous voilà servis. L'artiste est capable de varier les styles selon les époques et les personnalités de Spector. Il lorgne sans aucune crainte et sans rougir vers le trait de Bill Sienkiewicz, et épate par une mise en page renversante, avec un découpage au service de l'histoire, tantôt nous plongeant lentement et inexorablement dans la démence, tantôt tournoyant autour du pauvre héros, anatomie visuelle d'un homme perdu dans les méandres de la folie, ou simplement englué dans une toile perverse tissée par des ennemis invisibles. 
Du très grand art. Si vous perdez ce premier story-arc, en Vo ou bien à sa sortie chez Panini (probablement dans un 100% Marvel), c'est que vous l'aurez voulu.  




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MILO MANARA - LE DECLIC : PULSIONS ET FANTASMES EN LIBERTE

Vous avez peut-être encore en mémoire la polémique qui fit rage en son temps, lorsque l'artiste italien Milo Manara avait dessiné une variant cover mettant en scène Spider Woman, dans une position aussi innaturelle que sexy. Certains diront d'ailleurs tout simplement vulgaire... les fesses en l'air, du plus mauvais goût. Mais à quoi bon polémiquer lorsqu'on fait appel à Milo Manara? N'est-il pas le spécialiste de la bande dessinée érotique européenne, capable de nous présenter les formes les plus généreuses, les courbes les plus affriolantes, et les récits les plus coquins? Un exemple, me demanderez-vous? Je vais vous en donner un. Si vous ne connaissez pas beaucoup ce dessinateur,  je vais vous entretenir en particulier d'un album intitulé Le Déclic. Premier d'une série de quatre récits portant le même titre, oeuvre ayant déclenché une salve incroyable de réactions effarouchées (au point que Manara lui-même accepte encore aujourd'hui d'en omettre trois planches, trop osées  pour la morale) en raison de scènes dites contre-nature (une mère et son jeune fils), ce Déclic (en italien il gioco) nous montre en réalité une femme, Claudia, dévorée par ses propres fantasmes et envies, cédant aux pulsions les plus inavouables de la bonne société à laquelle elle appartient. Mais elle n'est pas tout à fait responsable de son état libidineux. En effet le mari, relativement âgé et pas vraiment porté sur les choses du sexe, à une connaissance qui se désespère de passion pour la belle victime. Il va jusqu'à dérober l'invention d'un luminaire scientifique autrichien, qui permettrait de déclencher un désir irréfrénable et contrôlable à distance par le biais d'un mécanisme contenu dans un petit boîtier. Il suffit ainsi d'actionner un simple bouton pour que Claudia se livre aux assauts de tous et tout ce qui lui tombe sous la main... dans les cabines d'essayage des grands magasins, en pleine nature avec une amie, dans le secret de ses appartements ou dans un chalet à la montagne, le feu du sexe la dévore totalement.


Manara ne s'attendait pas à un tel succès, il pensait avoir signé la une simple histoire ironique, une récréation entre deux aventures en duo avec Giuseppe Bergman, et en attendant le lancement de la revue qu'il pensait fonder à l'époque avec son ami Hugo Pratt et Andrea Pazienza (qui sera en fait le point de départ de l'aventure Corto Maltese). En 1983 il gioco est traduit en France par Albin Michel, et s'attire les foudres d'une certaine censure, ce qui n'empêchera pas une adaptation au cinéma avec Florence Guérin, magnifique, comme protagoniste principale. Mais ce sera un échec car le film a trahi l'esprit original de la bande-dessinée, éliminant le ton ironique qui imprègne celle-ci. Reste une vraie histoire dérangeante et amusante, véritablement caractéristique des délires de Milo Manara, dessinée avec une grâce et une aisance spectaculaire. Une véritable ode à la sensualité et l'acceptation de ses envies qui nous tenaillent, un chant de libération sexuelle féministe, ou encore un délire phallocrate pervers...? Et s'il s'agissait simplement d'une bonne blague d'un artiste qui aime jouir de la vie, et dessine les corps féminins avec une maestria époustouflante et convaincante? 

Une image de la version cinématographique, avec Florence Guérin

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ALL-NEW ALL-DIFFERENT MARVEL : LES HEROS PEUVENT-ILS VRAIMENT ETRE NOUVEAUX ET DIFFERENTS?

All new all different Marvel, un simple slogan? Est-il vraiment possible que la maison des idées puisse proposer à ses lecteurs des héros tout nouveau et complètement différent, alors que ceux-ci hantent l'imaginaire collectif et les étagères de nos bibliothèque depuis plus de 50 ans? La réponse va de soi, c'est bien entendu impossible. Sur le fond les caractéristiques principales des personnages ne peuvent être modifiées en profondeur. Peter Parker ne sera jamais un assassin, même s'il s'agit de venger la mort d'un être cher, inversement le Punisher n'intégrera jamais l'équipe des Avengers, ses méthodes resteront tournées vers l'extrême et la justice expéditive. Daredevil ne sera jamais un redresseur de torts avec une vue parfaite. Alors comment est-il possible de proposer des récit all-new all-different en les présentant comme de subtiles variations sur le thème, capable de renouveler l'intérêt des anciens lecteurs, et d'en attirer un bon paquet de nouveaux, tout en respectant les canons du genre tel que Stan Lee les avait imaginés à son époque? Le premier artifice est bien sûr de changer l'identité de l'homme ou la femme qui se cachent sous le masque ou l'armure. Ces temps derniers nous avons eu droit ainsi à une nouvelle Thor, un nouveau Spider-Man (Miles Morales) a pris la relève, une nouvelle Miss Marvel (par ailleurs en phase avec un public adolescent friand de diversité) a repris le flambeau, ou encore un nouveau Captain America avec l'intronisation de Sam Wilson en tant que sentinelle de la liberté. Au passage on remarquera que Marvel parvient à apporter ces retouches importantes au tissu de l'histoire tout en y insérant des héros qui reflètent la société d'aujourd'hui, à savoir la composante multiethnique et la préoccupation de la parité et du rôle des femmes. C'est un des points de force de l'éditeur, celui d'avoir toujours humé l'air du temps, et d'avoir su intercepter les principaux courants, de les avoir insuffler dans ses comics chaque mois. L'idée de changer l'identité civile des héros n'est pas nouvelle, durant ces cinq décennies écoulées les éditeurs américains ont usé et abusé de cette technique, tous les principaux héros, de Batman à Superman, de Spiderman à Iron Man, ont tous à un moment donné dû faire appel à un remplaçant momentané. Il arrive même parfois que l'Ancien et le Nouveau titulaire du titre officie en même temps; c'est d'ailleurs le cas en ce moment avec Steve Rogers et Sam Wilson, qui vivent des aventures coude à coude, l'un n'exclut pas l'autre, au contraire. Parfois la succession est forcée, mal vécue, et une guerre s'engage entre le héros détrôné et son suppléant (et l'ancêtre s'impose généralement, comme Batman et Azrael, par exemple). Ce modus operandi n'est donc pas exceptionnellement novateur... depuis que je lis des bandes dessinées super héroïques, ces mêmes ficelles ont été appliqué pour créer un état permanent de sensation de all new all different. Mais aujourd'hui le public demande plus, encore et toujours, depuis que nos héros de papiers ont débarqué sur grand écran. 

C'est une chose de modifier subtilement des héros déjà existants, ça en est une autre de créer un personnage ex nihilo, et de faire de lui un protagoniste crédible au sein du Marvel Universe. Depuis Deadpool dans les années 90, combien de héros ont véritablement eu droit à leur heure de gloire, partant de rien, depuis lors? Des figures comme Jessica Jones sont trop éloignées du grand public pour concourir dans cette catégorie, et des new entry comme Sentry sont vite repoussés et chassés dans l'oubli et l'indifférence. Aujourd'hui les Kamala Khan ou les Miles Morales fonctionnent très bien, mais ils ne peuvent croître et prospérer que parce que héritiers d'une longue tradition installée et adoubée bien avant eux. Ils sont "different" mais pas essentiellement "new" dans le propos. D'autres idées comme celle de Phil Coulson, agent du Shield, ne doivent leurs existences qu'au cinéma, et aux yeux des puristes ils sont juste des tentatives de récupération stérile. Tout ceci s'explique par un simple constat. Chez Marvel les artistes, les créateurs, n'ont jamais la main. C'est la série ou le personnage qui priment, et ils appartiennent à la maison d'édition, qui n'a pas pour objectif de faire de la philanthropie ou d'expérimenter chaque début de mois. Marvel choisit le plus clairement du temps la voie de la réussite la plus évidente, et les exigences cinématographiques poussent en ce sens, car les chiffres en jeu sont colossaux. Il est toujours plus rentable de s'appuyer sur des franchises pré-existantes que d'en créer de nouvelles, inédites, quitte à passer à coté de concepts alléchants, comme ceux que développe (parfois avec succès, parfois sans trop y croire) Mark Millar avec sa propre étiquette, MillarWorld. Le public aussi est à pointer du doigt. Si vous et moi avons l'habitude de lire des choses un peu plus complexes, et nous réclamons des propositions différentes et plus abouties, la grande majorité du lectorat américain fait de l'esbroufe. Image, par exemple, propose des titres somptueux et adultes, mais les bénéfices engrangés seront toujours inférieurs à ceux que le trentième reboot de Spider-Man ou le re-retour de Steve Rogers en tant que Captain America peuvent générer. Marvel le sait très bien, et tient compte de tout cela. L'expérimentation se poursuit, avec des séries comme Hyperion, ou Squirrel-Girl, par exemple, mais dans la quasi totalité des cas, toujours avec la conscience avérée que passés les six premiers mois, à la rigueur une année, les titres seront annulés, sauf si le cinéma les maintient artificiellement en vie avec une exposition médiatique forte. A se demander si finalement il ne vaudrait mieux pas espérer en une génération de all-new all-different readers, avant d'attendre de Marvel une opération all-new all-different qui mérite pleinement cette appellation. C'est la loi des comics, tout change et rien ne change. Et quelque part nous le savons, et notre esprit conservateur s'accroche à cette idée. 



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JUSTICE LEAGUE : CRY FOR JUSTICE / LA JUSTICE A TOUT PRIX

Revenons ce dimanche sur la très belle mini série de James Robinson, Cry For Justice. Pour rappel, voici un petit résumé rapide de ce dont il s'agit, pour ceux qui sont passés à coté en son temps : Hal Jordan (Green Lantern) est en désaccord avec les méthodes jugées trop tendres de ses confrères de la Ligue de Justice. La mort de Martian Manhunter, celle de Batman (largement exagérée), ont fini par bouleverser le héros et le décider à appliquer des méthodes plus musclées et incisives, pour dissuader les criminels de mettre leurs plans à exécution. Pendant ce temps, d'autres personnages de l'univers Dc ressentent en eux un fort désir de "justice", expéditive si possible. Le peuple de Congo Bill a été massacré, le petit ami de Mikaal Tomas (Starman) a été supprimé, la colère de héros comme Ray Palmer (Atom, spécialiste en drames personnels) ou Supergirl, tout ceci vient s'ajouter au duo Green Lantern/Green Arrow (profitez en bien, le personnage est ici présenté dans sa version pré New 52 chère aux nostalgiques) dans une chasse au vilain de haute volée. C'est qu'un ennemi commun semble tirer les ficelles de ce qui ressemble de plus en plus à un complot de vaste envergure, mais qui? En définitive, c'est Prometheus qui a l'ambition de faire plier la Ligue, et qui est doté d'un intellect hors pair et d'une logistique à toutes épreuves. Ses connaissances quasi parfaites de tous ses antagonistes lui permettent de mettre en échec tous les grands héros Dc, et même d'en mutiler certains (le fils de Green Arrow étant la victime la plus illustre et moins chanceuse). Son plan est particulièrement bien huilé et risque de faire des millions de morts, la Ligue de Justice est dans une impasse : où elle libère son prisonnier ou elle aura une véritable catastrophe planétaire sur les bras. Un dilemme rageur.

Saluons au passage la talent et la trame mise au point par James Robinson, qui réussit parfaitement à tenir en haleine le lecteur, tout au long des sept parties de cette mini série. Une histoire qui se nourrit de la frustration des héros : c'est justement lorsqu'ils réclament plus que jamais la justice, au risque de la confondre avec la vengeance, qu'ils se retrouvent pris en otage d'un criminel sans remords, et doivent le libérer pour sauver des millions de vies. Le plan de Prometheus met du temps à se dessiner, mais une fois la couleur annoncée, ça en est jubilatoire et effrayant. La scène de combat "un contre tous" est probablement un peu too much dans sa dynamique, mais voir un seul homme se débarrasser avec un tel sang-froid de la JLA est un spectacle des plus pyrotechniques. Coté illustrations, Mauro Cascioli est pratiquement... parfait! Sa technique se base sur la photographie, puis sur la peinture en surimpression. Du très grand art, des planches stupéfiantes. Dommage qu'il ait besoin d'un petit coup de main au passage pour finir l'ensemble (Scott Clark à la rescousse). Son rendu des costumes, sa précision anatomique, tout ceci contribue à transformer Cry For Justice en une fresque super héroïque poignante et réussie. Un des derniers grands moments incontournables de l'univers Dc avant son reboot quasi complet, à savoir cette opération nommée New 52, et qui vient d'être désavouée avec Rebirth qui pointe le bout de son nez, dans quelques semaines. Panini a de son coté choisi de scinder le tout en deux albums, sous le titre La Justice à tout prix, et Urban Comics n'a pas encore décidé de republier cette aventure, mais cela ne tardera guère. A mon humble avis, un récit intelligent qui surjoue la violence et la testostérone, mais qui pose de véritables questions aux justiciers propres sur eux, et les amènent vraiment à revoir les fondamentaux de leur mission super-héroïque. Presque dérangeant, assurément jouissif à de nombreux moments. 



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LES DERNIERS JOURS DE SUPERMAN : QUAND ALAN MOORE RENCONTRE LE DERNIER KRYPTONIEN

Les derniers jours de Superman, publié chez Urban Comics, est en fait un petit florilège de récits écrits par le scénariste anglais Alan Moore dans les années 80. Je pourrais tout aussi bien remplacer le terme récit par chef-d'œuvre, quand il s'agit d'histoires marquantes et qui aujourd'hui encore conservent une aura toute particulière. La plus célèbre d'entre elle est probablement la première présentée, à savoir Superman Annual #11, comic-book qui présente un superman figé dans sa forteresse de solitude. Sur la poitrine on découvre une plante parasite qui a fusionné avec son corps, et qui a plongé son esprit dans un état catatonique, le transportant dans une illusion mentale, le poussant à vivre une existence rêvée qui n'a jamais eu lieu, sur Krypton, en présence d'une hypothétique femme et de ses encore plus hypothétiques enfants. Mais dans la réalité Superman a une chance unique de s'en sortir, le renfort inattendu de Batman, Wonder Woman, et le tout jeune Robin, qui sont venus lui rendre visite au cercle arctique, afin de lui apporter ses traditionnels cadeaux d'anniversaire. On notera au passage que le pauvre Jason Todd (le second Robin) doit bien se les geler en culottes courtes sur la banquise, lui qui a de surcroît l'audace de faire des remarques sur la tenue plus que légère de l'Amazone au lasso. Cette histoire nous permet également de rencontrer Mongul, un alien surpuissant capable de rivaliser avec Superman en terme de force physique, et c'est aussi une excellente occasion pour se rendre compte du talent et de la grande facilité à raconter une histoire en images de Dave Gibbons (Watchmen). La clarté qu'il instille dans cette aventure est remarquable, les dessins sont précis, souples, et les expressions faciales particulièrement réussies et parlantes. Le dessinateur est autant à l'aise lorsqu'il s'agit de présenter des vignettes futuristes qui se rattachent à la science-fiction la plus classique, que lorsqu'il doit mettre en images de petites saynètes intimistes où des planches qui exsudent le combat. C'est vraiment une admirable réussite que nous lisons là, qui plonge à la fois dans les désirs et fantasmes inavoués du plus grand héros de la terre, et le rend ainsi plus humain que jamais, et joue avec malice sur le titre l'homme qui avait déjà tout, pour nous rappeler que fondamentalement Superman a déjà perdu l'essentiel, à jamais.

Place ensuite à Dc Comics Presents #85. Quand il s'agit d'aborder les derniers jours de Superman, il est logique d'évoquer sa mort. Ici, le surhomme n'en est plus très loin. Une météorite transportant un champignon kryptonien fatal a contaminé le héros, qui dès lors sent ses forces et ses pouvoirs défaillir, et l'abandonner inexorablement. Du coup, il prend le volant de sa voiture et roule vers le sud, pour s'en aller succomber au soleil, loin de tous. C'est probablement ce qui finirait par arriver, s'il ne rencontrait pas en chemin un certain Swamp Thing, la créature des marais, qui va être de bon conseil. Moore est ici aidé par Rick Veitch aux dessins. Ce dernier est un habitué de l'horreur, du fantastique, et son travail oscille entre onirisme et cauchemar, avec un Superman au bout du rouleau, comme en témoigne sa barbe mal rasée. Ne riez pas, car lorsque vous voyez Clark Kent aussi négligé, le message est clair, il ne va guère bien,e t c'est sérieux. On pourra sourire de cet artifice esthétique, mais cet épisode est bien mené et fort sympathique à lire. 
On en termine avec un diptyque qui est une pure merveille. Juste avant que ne débarque le reboot de l'univers de Superman, au terme de Crisis on Infinite Earths (confié à John Byrne, grâce à une mini série sobrement nommée Man of Steel), Alan Moore se voit confié l'opportunité d'écrire la dernière histoire de Superman, le point final de décennies d'aventures, pour boucler les mensuels que sont Action Comics et Adventures of Superman. Un récit en deux parties, où Lois Lane, mariée et mère de famille, relate à un journaliste les derniers jours de Superman, une décennie auparavant, sous forme de souvenirs héroïques. Tous les ennemis du justicier se liguent contre lui, à tour de rôle, et chacun apporte sa pierre à l'édifice, pour en finir avec la légende. La situation se corse quand Brainiac s'empare du corps de Lex Luthor, pour en faire sa marionnette, et lance l'attaque définitive, en compagnie de l'Homme de Kryptonite. Le grand combat qui se prépare dans la Forteresse de Solitude s'annonce tragique, comme en témoigne une touchante visite de la Légion des super-héros, venue rendre hommage une dernière fois à Superman. Un grand plaisir accentué par le trait classique et souple de Curt Swan, délicieusement rétro et encré avec soin par George Perez et Kurt Schaffenberger. C'est beau, tout simplement, prenant, poignant. Un dernier adieu magnifique, intelligent, qui en ferait presque regretter le reboot qui a suivi derrière. Une belle preuve d'amour, écrite par un scénariste des plus inspirés. Vous l'aurez compris, cet album est hautement recommandé. 





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