LES TRENTE ANS DE DYLAN DOG : MATER DOLOROSA

Aujourd'hui nous mettons de côté la bande dessinée américaine, et nous franchissons les Alpes pour aller voir où en est la série régulière consacrée à Dylan Dog, le détective du cauchemar, publié en Italie par la maison d'édition Sergio Bonelli Editore. A l'occasion du 30e anniversaire du personnage, un numéro spécial de haute qualité a été publié intégralement en couleurs : Mater Dolorosa reprend dès son titre une partie de la trame d'un des numéros les plus célèbres de la série, Mater Morbi. Dylan Dog retrouve en effet dans cet album celle qui est considérée comme la mère de toutes les maladies : lui qui pensait être guéri, replonge ainsi dans une sorte de délire fiévreux, et l'histoire se partage entre différentes références au passé de son existence, comme il est normal à l'occasion d'un numéro anniversaire comme celui-ci. Le scénariste Roberto Recchioni -qui est aussi le superviseur (editor) actuel de Dylan Dog- multiplie les hommages avec par exemple l'enfance de Dylan sur un galion au XVII ° siècle, son adolescence avec la propriété de Moonlight, ou encore John Ghost une de ses plus récentes créations, un des rares personnages modernes inventés à l'occasion de ce qui doit être -en théorie- la version 2.0 du titre horrifique le plus vendu en Italie. Pour ceux qui l'ignorent, Mater Morbi est déjà une créature du sieur Recchioni (il y a sept ans déjà) dont elle est en gros l'incarnation des peurs et de la fixation sur toutes formes de pathologies, sous l'apparence d'une splendide dominatrice sado-maso.  Toute la partie qui fait référence au père de Dylan, occupé à mettre au point un sérum de vie éternelle sur le galion, alors que le fils est en proie au délire de la fièvre et que l'embarcation est pourchassée par des marins fantômes, est un écho fort à la grande période de DD, celle où Tiziano Sclavi avait entre les mains la destinée de sa création, qu'il quitta finalement au numéro 100, non sans laisser derrière lui un héritage si lourd et si bien défini que tous ceux qui lui ont succédé ont fini par se perdre, peu ou prou, si on en croit les lecteurs du premier jour. Il est ainsi presque logique de voir quelle est la fonction de John Ghost dans cette série, et cet épisode précisément : il est le ressort narratif, le tournant épocal, qui veut permettre à Dylan de rompre définitivement avec son passé (qui l'empêche d'aller de l'avant) pour embrasser son futur, et la gloire héroïque qui l'attend. Recchioni n'a aucun doute sur son talent et le bon chemin à entreprendre, mais les lecteurs eux ont eu tendance ces dernières années à choisir la désaffection.

Mais la chose la plus intéressante dans cet album ce sont bien entendu les dessins de Gigi Cavenago. Ce dessinateur lombard est absolument formidable; avec lui les planches deviennent organiques et n'ont plus besoin de la succession de vignettes pour exister. Son travail est remarquable, entre onirisme assumé et expressionnisme, et avec une mise en couleurs stupéfiante, qui permet d'accentuer les émotions des personnages, mais aussi celles ressenties par le lecteur. Ceci ne se fait pas au détriment du storytelling, puisqu'il respecte les intentions de Recchioni et en magnifie la narration. Certaines scènes sont iconiques et édifiantes, comme le face-à-face entre Morgana  (la mère de Dylan) et la Mater Morbi, un duel impitoyable sur ce qu'est la féminité et la maternité un peu didactique et forcé au niveau de l'écriture, mais d'un impact visuel exceptionnellement beau. L'ensemble fait figure de catharsis, la douleur qui suinte de chaque plan, qui est mise en images avec créativité et crédibilité, doit être acceptée, digérée, puis canalisée, pour faire partie d'un processus de croissance qui porte l'individu vers une version nouvelle et améliorée de lui-même. Si ce numéro ne fait pas l'unanimité et divise les lecteurs, c'est en partie à cause de la personnalité parfois contestée du scénariste, et d'un manque présumé d'audace dans la volonté de réformer vraiment la série. Mais il convient de noter et de reconnaître qu'il s'agit là d'un des plus beaux Dylan Dog jamais dessiné depuis l'aube de cette série. Une claque visuelle, un plaisir pour les yeux, et une immense joie en apprenant que Gigi Cavenago signera désormais toutes les couvertures, à la place de Angelo Stano, qui pour l'occasion livre son dernier travail sur la série régulière. Nous attendons clairement une version française avec impatience.


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ALPHA FLIGHT : LES AVENTURES DE LA DIVISION ALPHA DE JOHN BYRNE

L'omnibus de la Division Alpha par John Byrne est enfin arrivé en librairie, chez Panini. Sauf qu'il s'agit de la branche italienne, pas française : nos voisins transalpins ont donc eu droit cet automne à un formidable cadeau, indispensable pour les amateurs de comics des années 80. Il s'agit là d'une série anticonformiste et particulièrement réussie, qui correspond à une période de créativité extraordinaire et productive chez le scénariste-dessinateur le plus prolifique d'alors. 29 épisodes absolument superbes qui mettent en scène un groupe pensé par le même Byrne et Chris Claremont, sur les pages de Uncanny X-Men. La formation était alors au service du gouvernement canadien, et elle était guidée par James McDonald Hudson, c'est-à-dire Guardian, l'ami d'un certain Wolverine, plus connu de tous comme le mutant griffu des X-Men. La Division a été chargé d'aller retrouver Logan en Amérique, pour le convaincre de retourner au Canada et de travailler pour les forces locales. Byrne propose dans les années 80 ce qui a fait le succès des comics Marvel, lors de la création des premières séries légendaires, sous la houlette de Stan Lee : des super-héros avec des super-pouvoirs et des super-problèmes. Chaque membre du groupe possède des failles évidentes. Puck est un nain, Sasquatch un scientifique de renommée qui se transforme en monstre possédant un côté animal difficilement raisonnable, Northstar (Jean-Paul Beaubier, Véga en Vf) est un champion de ski gay, même si au départ les textes de Byrne sont retouchés pour ne pas que l'orientation sexuelle du héros apparaisse évidente. Sa sœur (Aurora) est schizophrène : une partie de sa personnalité est bourgeoise et complètement bigote, l'autre est héroïque, débridée, et aime la provocation (y compris aguicher les hommes). Guardian est un type froid, voire rigide. Snowbird (Harfang en Vf) n'est même pas vraiment humaine et cache de lourds secrets alors que Shaman, le magicien du groupe, n'est pas sûr de lui, et a des relations bien conflictuelles avec sa fille Talisman. Et je ne parle pas de Marrina, la jolie sirène, qui aura une relation avec le prince Namor, et qui est émotionellement instable. La série démarre de manière assez classique, face à la menace de Toundra, une entité ancestrale canadienne, et contre le Maître (Master of the world). Rien ne laisse présager que Byrne va rapidement transformer cette formation en un creuset étonnant de nouvelles idées, et de techniques narratives fascinantes. 


C'est que l'artiste n'avait au départ pas une folle envie de s'occuper de cette série, qui ne fut crée que pour donner des antagonistes bon marché à la domination des X-Men. Mais il est clair, en relisant son travail, qu'il va commencer à se divertir de plus en plus, et jouir d'une carte blanche enviable, puisque la matière première est composée de personnages de second ordre, qui n'ont pas un impact dévastateur sur le reste du Marvelverse. Byrne aime se focaliser sur certains héros en particulier, avec notamment dans la première année du titre, des numéros exclusivement tournés vers Puck, ou encore Snowbird, et le duo des jumeaux Aurora et Northstar. A d'autres occasions ce sont les origines d'autres membres qui sont traités en tant que pages de complément, et qui viennent donc empiéter sur le récit mère (c'est ainsi qu'on en apprend plus sur Guardian, à titre d'exemple). Il expérimente, et ne manque jamais de souligner combien les Alphans, au départ, n'ont guère envie de collaborer ensemble, et sont trop marqués par leurs caractères différents, leurs tourments intimes, pour fonctionner pleinement en tant qu'unité chorale. Au long de cet omnibus, on croise une belle galerie de vilains pittoresques, de méchants subtilement vintage, mais qui firent leur bel effet, lors de ces belles années 80. Citons notamment les Omega Flight (autre groupe important car c'est là qu'apparaissent de futurs membres de la Division Alpha, comme Madison Jeffries capable de transmuter la matière métallique, et la sculpturale Diamond Lil). Sans oublier les Grandes Bêtes, ces créatures élementales qui empoisonnent le Canada et seront les ennemis les plus meurtries de la formation.Autre personnage très important, une femme au foyer, sans pouvoirs (au départ, cela changera avec un joli costume légué par le défunt mari). Heather McDonald-Hudson a tout de la secrétaire timide et pas très bien dans sa peau, mais c'est elle, avec la détermination et sa force intérieure, qui va lentement souder les autres, et s'attaquer à la désunion ambiante. On a droit a de belles apparitions dans la série, comme Susan Richards des Fantastiques, le prince Namor (et un rcit poignant avec Marrina, déjà évoqué) ou bien Wolverine, cela va de soi. Et n'oublions pas (j'en parle quelques lignes plus haut) que la Division Alpha n'a pas de chance, car comme le veut la tradition des eighties, très portée sur les décès d'envergure, et fondateurs, le leader de la team va trouver la mort, dans des circonstances presque absurdes, et choquantes. 
John Byrne est un dessinateur qui n'aime pas les effets spéciaux pour masquer le manque de matière. Avec lui, tout est axé sur la lisibilité, la clarté du story-telling, et ses formes souples et élégantes sont immédiatement identifiables et appréciées. Il s'amuse aussi parfois, comme avec une suite de pages blanches qui est censée représenter une tempête polaire, dans l'épisode consacrée à la semi-déesse nordique Harfang (ce coup-ci je la nomme en vf, la belle Snowbird). Alpha Flight est devenu depuis une série culte, et sur les forums, les réseaux sociaux, les appels à une réédition ne manquent pas, tant il subsiste aujourd'hui un noyau dur de fans nostalgiques qui n'attendent que ça. Je me range dans cette catégorie, même si étant aussi un lecteur de Panini Italia, mon voeu s'est trouvé exaucé cet automne. Je pense alors à ceux qui ne lisent que le français, et espèrent un signe du coté de Panini France. N'hésitez pas à leur demander gentillement, voire partager cet article, en attendant de récolter assez de lecteurs potentiels pour faire pencher la balance en votre faveur. Car c'était chouette, les Alphans de John Byrne! 




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INFAMOUS IRON MAN #1 : VICTOR VON DOOM ENDOSSE L'ARMURE

Soyons sérieux un instant : est-il vraiment envisageable que Victor Von Doom puisse s'amender, et qu'au terme des Secret Wars il soit devenu quelqu'un d'autre, désireux de se racheter une conduite, au point de pouvoir prétendre légitimement au statut de héros, et de se glisser dans l'armure d'Iron Man? Chacun peut avoir son idée sur le sujet, bien sûr, mais il convient de se poser la question des motivations de l'ancien dictateur, de ce qui peut pousser un type aussi riche et aussi puissant à continuer de briguer et tramer contre ses pairs. Que veut et que vaut-il réellement? Une scène extraite du passé récent, avec the Hood en élément déclencheur, permet d'aborder brièvement cette question. Tout comme elle sert de révélateur sur un des grands moments fondateurs de la carrière de Fatalis : la libération de sa propre mère, dont l'âme était détenue par un démon mineur. Gros problème de cette nouvelle série signée Bendis, le fait qu'elle soit consécutive à la fin de Civil War II, et que du coup elle porte en son sein un énorme spoiler quand au destin d'un des principaux héros impliqués dans cette saga. De plus, un simple raisonnement peut facilement vous laisser entendre ce qui a pu se passer, et vous ruiner la surprise (vous avez remarqué que Tony Stark laisse son armure entre les mains de Doom? A votre avis, c'est un choix où il n'est plus là pour s'opposer? En récompense écrivez à "Marvel spoiler" qui vous enverra une copie gratuite de ce premier numéro).
Infamous Iron Man est au fond un comic-book plus introspectif et psychologique qu'autre chose. On observe avec fascination, on veut comprendre, et certains points nous échappent encore. Pourquoi cette intérêt pour Stark et sa technologie? La rédemption entamée est-elle un vaste bluff qui sert un dessein plus grand et énigmatique? L'absence de Reed Richards laisse t-elle un vide si grand que Doom en perd ses motivations à faire le mal? Ou est-il poussé à semer le bien, comme plus grand esprit de la planète, désormais? Une scène avec Maria Hill et Diablo se révèle être assez savoureuse en terme d'écriture, d'humour, de justesse. On apprécie ce Bendis là, quand les dialogues sont efficaces et font mouches, quand on a l'impression d'avoir sous les yeux la version papier d'un épisode d'une bonne série télévisée. Et puis Alex Maleev reste un artiste qui sait régaler, pour peu qu'on adhère à son style, ses ambiances sombres et poisseuses.
Bref un premier numéro qui donne assurément envie d'aller plus loin, et de vérifier si toutes nos plus folles théories seront confirmées. Mais qui est publié trop tôt, et vient se heurter avec Civil War II et requiert un ordre de lecture précis et rigoureux, afin d'éviter de voir la surprise éventée. Encore que la couverture, et la connaissance de l'identité du protagoniste soient déjà suffisants en eux-mêmes. Marvel a si hâte de passer à la suite? 


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JE SUIS DOCTOR STRANGE : UNE ANTHOLOGIE DISPONIBLE CHEZ PANINI

Un film = une anthologie. La règle est désormais bien établie, et l'arrivée du Sorcier Suprême sur grand écran n'échappe pas à la règle. Pour tout savoir sur Stephen Strange, Panini vous propose de lire une anthologie intitulée Je suis Doctor Strange. Bien sûr, impossible de présenter ce genre de produit sans en passer par les origines du personnage phare. Du coup l'ouvrage s'ouvre avec les premières aventures de Lee et Ditko, des récits brefs de sept huit pages qui remontent au début des années 60, dans un mensuel fourre-tout du nom de Strange Tales (d'où le nom du mage, au fait). Si les raisons pour lesquelles un chirurgien play-boy et égoïste devient le roi des arts mystiques ne sont pas explicitées au premier rendez-vous, c'est le cas assez rapidement. Tout comme apparaissent les premiers ennemis historiques, qui vont devenir des figures récurrentes au sein de la série. Le Baron Mordo est un ancien apprenti de l'Ancien, le mentor de Strange, dont il est une sorte de double maléfique, privé de la bonté et de la grandeur d'âme de son collègue. Dormammu est lui un démon majeur, déshumanisé derrière un visage enflammé et stylisé. On trouve aussi Cauchemar, qui règle sur le dimension des rêves, et d'autres adversaires moindres comme un certain Rasputin, qui volent des secrets d'état et use de la magie pour asseoir sa domination sur le monde. On peine à croire, avec le recul, que le bon Docteur ait autant de mal à vaincre de tels pieds nickelés, mais à le voir passer son temps sous sa forme astrale, à courir après ses amulettes et sa cape magique, on finit par se dire que ses premières années ont été fort cahotiques. Ce Doctor Strange des années 60/70 est un prétexte à retrouver avec plaisir de grands artistes qui ont écrit la légende des comics, comme le dessinateur Gene Colan, qui a illustré à plusieurs reprises le personnage, ici présent avec différents épisodes, dont un dyptique face à Dracula, un mini cross-over avec Tomb of Dracula, où le prince des vampires parvient (en apparence) à tuer le mage suprême. Grande joie de lire également une vingtaine de pages confiées à Barry Windsor Smith, du fantastique onirique qui emmène le lecteur au royaume de Cauchemar, avec la nature et l'hmme qui se confonde et se délivrent des messages, dans une folle inventivité débridée. 

La période plus moderne commence vraiment en 1976 avec le premier annual de la série en cours ces années-là. Elle est illustrée par P.Craig Russel, qui signe un petit chef d'oeuvre racé, alliant la légéretè et la précision, avec des personnages éthérés qui dansent comme des flammelles, et une aventure fort réussie où Strange se retrouve dans le royaume inconnu de Phaseworld, face à la souveraine locale qui l'emprisonne, et où les règles du bien et du mal sont momentanément brouillées. Roger Stern et Paul Smith opposent eux Strange et le Chevalier Noir, Dane Whitman, de retour à notre époque, mais avec de sérieux problèmes psychologiques qui le rendent violent et sujet à des crises homicides. L'influence de l'épée d'ébène le torture, et brouille sa réadaptation à notre monde. Un bon épisode agréable d'autant plus que j'adore le personnage. Les Défenseurs sont aussi de la partie dans cette anthologie. Cette formation de gros bras, comprenant entre autres Hulk, le Surfer d'Argent et Namor, a pour mission de sauver les îles Hawaï de l'ambition d'un démon qui fait des siennes, et a réveillé tous les volcans du coin. C'est censé être drôle mais c'est assez brouillon, en réalité. Il faut dire que nous avons là la quatrième partie d'un crossover entre plusieurs annuals, comme cela se pratiquait souvent autrefois en période estivale. Et soyons honnêtes, en général Marvel y incorporait des récits qui n'avaient pas leur place dans les titres réguliers, pour des raisons qualitatives. Sinon, plaisir de lire quelques pages dessinées par Alan Davis, où le Docteur reçoit Stan Lee en personne, et lui expose ses problèmes économiques du moment. Vraiment ironique et bien vu. On en fini avec un autre annual, beaucoup plus récent (2014) dans lequel le Doctor Strange est à la recherche d'un plus grand pouvoir, pour contrer les incursions des autres Terres, qui menacent l'éffondrement de toute notre réalité (oui, je parle bien sûr de ce qui a donné naissance à Secret Wars, sous la houlette de Hickman, ces mois derniers). Un face à face ésotérique face à un démon puissant donne au héros le prétexte pour l'aborber et en faire une sorte de combustible pour les durs moments à venir. Mais à quel prix? 
Comme souvent dans ce cas, l'anthologie propose des aventures allant du silver age à notre époque, alternant styles et techniques narratives fort différentes. C'est un témoignage éloquent de comment les comics, et le Docteur Strange, ont pu évoluer au fil des décénnies. A mon avis, ce sont les aventures de la fin des années 60, début années 70, qui tirent particulièrement leur épingle du jeu. A lire et découvrir, puisque le mage suprême n'a eu qu'une carrière fragmentaire et cahotique en Vf, avec Aredit/Artima, un éditeur qui ne prenait guère le temps de publier ses récits avec cohérence et logique. Aujourd'hui, l'offre librairie permet de rattraper un peu le retard, à l'occasion d'un film qui vaut le détour.



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WE ARE ROBIN : LA SERIE EN KIOSQUE DANS BATMAN UNIVERS HS 3

Quand le chat n'est pas là, les souris dansent, et quand Batman est absent, les rouge-gorges le remplacent avec plaisir. C'est que Batman n'est plus vraiment de la partie, ces temps derniers, du coup qui peut défendre Gotham contre les nombreuses menaces qui continuent de poindre, jours après jours? La réponse est simple : des jeunes gothamites, des volontaires, des individus animés de bonnes intentions mais pas toujours formés de manière adéquate, qui descendent sur le terrain, avec leurs poings et leurs compétences acerbes, pour faire régner tant bien que mal un peu d'ordre et de justice. Le plus connu d'entre eux pour les lecteurs s'appelle Duke Thomas. Son drame intime est simple : il a perdu ses parents, dans le sens où il ne sait pas où ils sont passés, depuis que le Joker à infecté toute la ville avec son virus sardonique. Peut-être sont-ils morts, peut-être sont-ils à la dérive dans les sous-sols du métro, toujours est-il que pour le moment sa quête reste vaine. Mais le jeune homme est vite recruté par une association mystérieuse, qui répond au nom de code du Nid. Il n'est pas le seul, d'autres adolescents font partie de cette bande de nouveaux Robin, sans pour autant qu'ils sachent véritablement qui tire les ficelles et leur donne des ordres dans les coulisses. Logiquement la plupart pensent que c'est Batman qui est derrière tout ceci, mais la vérité est toute autre. Duke est à deux doigts de se faire tabasser dans les sous-sols de Gotham par une bande de SDF fanatiques, qui a placé une bombe sous les archives municipales. Les gamins vont se donner fort à faire, et parvenir à désamorcer l'engin, mais ce ne sera pas sans y laisser des plumes, malheureusement. Et puis un nouveau Batman entre dans la danse, affublé d'une armure! Le commissaire Gordon ne ressemble pas à son prédécesseur, et ça ne lui plaît pas trop de voir ces kids volontaires mais maladroits tenter de jouer au super-héros.

La série we are Robin débarque donc sous forme d'un hors-série de 132 pages, publié chez Urban Comics, pour moins de 6 €. Ne cherchez pas, au niveau qualité-prix voilà un rapport exceptionnel, et je le répète pour la énième fois, nous adorons véritablement cette solution, qui est la plus simple pour que tout le monde puisse se procurer ces aventures. Lee Bermejo est au scénario mais aussi aux couvertures, et si le départ est un peu long, rapidement la sauce monte, et nous suivons les épisodes avec la certitude d'avoir entre les mains un produit pensé et bien écrit, pour les lecteurs les plus jeunes notamment. Côté dessins, Jorge Corona fait par moments penser à Humberto Ramos,  plus sage et moins audacieux dans la construction des planches. C'est d'ailleurs Rob Haynes qui s'occupe du découpage. C'est efficace, pas toujours très gracieux, alternant de bonnes planches à d'autres plus modestes. La série a énormément recours aux nouvelles technologies, avec des Robin qui passent leur temps à jouer du smartphone, ou se plaindre de ne plus avoir de réseau, alors qu'ils sont au front. Des ados de notre temps, quoi. Encore un titre qui n'a aucunement honte d'aller draguer sous la barre de l'âge majeur, avec interroge l'engagement ou l'apathie des ados devant une cause plus grande qu'eux. Ces Robin là ont fait leur choix, et tant pis si ça ne semble pas plaire à tout le monde. Dans l'univers Dc, la mise en danger de mineurs, après tout, c'est le pain quotidien des plus grands héros. N'est-ce pas Batounet? 


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DOCTOR STRANGE : LA REVIEW DU FILM

Nous avons eu le plaisir et l'honneur, mardi soir, d'organiser avec nos collègues d'Alfa BD l'avant-première du film Docteur Strange, au cinéma le Pathé Gaumont Masséna de Nice. Une sortie pas évidente, car il est clair qu'une grande partie du public était venue sans pour autant connaître le personnage, ou tout du moins avec une vague idée de qui il est, de quelles sont ses caractéristiques. Du coup, il est normal que le choix artistique de proposer avant tout une origin story soit considérée la meilleure des options, au moment de rédiger le scénario. Voilà concrètement un long-métrage qui ne nous épargne rien, et choisit de mettre en avant Steven Strange (non pas Stephen comme dans les comics), et sa personnalité discutable, avant qu'il ne devienne le maître des arts occultes. C'est qu'auparavant le héros était un brillant chirurgien, qui n'est pas sans rappeler à certains égards un dénommé Tony Stark. Contrairement à celui-ci, Steven  n'est pas un industriel, mais un médecin qui sauve des vies, en utilisant des techniques révolutionnaires, et avec une audace professionnelle qui lui vaut admiration, mais aussi jalousie et une pointe de mépris. C'est que le bonhomme est hautain, égoïste et imbu de lui-même; il aime le luxe et la volupté, l'argent, et affiche clairement sa condition sociale. Un modèle bling-bling de premier ordre qui passerait bien ses vacances sur le yacht de Bolloré. Mais on peut très bien avoir une belle collection de Rolex, et conduire un bolide ultramoderne, sans pour autant s'épargner une sortie de route spectaculaire, au sens propre comme au sens figuré. En fait Strange est victime d'un terrible accident de voiture, dont il sort vivant, mais sans pouvoir désormais utiliser ses mains si expertes pour opérer : elles ont été brisées dans l'impact, et même si il en récupère partiellement l'usage, il restera à jamais lourdement handicapé. Quand on ne parvient plus à se raser convenablement, dur d'imaginer pouvoir pratiquer une intervention à coeur ouvert. Bien entendu, l'orgueilleux médecin n'accepte pas cette situation, et passant de la dépression à l'agitation (la recherche d'une cure miracle) il va tout tenter pour inverser ce funeste destin, y compris dépenser ses derniers deniers pour s'en aller à l'improbable rencontre de guérisseurs orientaux, du coté du Tibet. Le seul cas de patient atteint du même handicap et ayant miraculeusement récupéré est passé par là, et Steven entrevoit là l'ultime recours, bien que sa formation purement scientifique se heurte très vite avec le savoir ésotérique et pratiquement new-age de l'Ancien, puits de science local, qui va devenir son mentor. L'Ancienne, plutôt, puisqu'au cinéma c'est Tilda Swinton qui hérite du rôle, de manière expressive et sobre en même temps.  

A partir de là Steven Strange peut enfin accéder à sa véritable destinée. Il étudie, et à mesure que son savoir grandit, ses compétences en matière de mysticisme deviennent de plus en plus importantes. Bientôt il est en mesure de produire de l'énergie avec un peu de concentration, ou d'ouvrir des portails dans l'espace temps pour sauter d'un point du globe à un autre, d'un monde à l'autre. Ce qui tombe bien, car un ancien disciple de l'ancien passe à l'offensive, bien décidé à faire régner son nouveau maître, le terrible Dormammu, en employant les forces de la dimension noire, pour soumettre notre plan d'existence. Une victoire finale pour la mort, que seule le plus grand sorcier de tous les temps, le Docteur (il insiste bien sur ce titre) Strange peut encore conjurer. Sauf que la route est longue, et que les premiers combats ne lui sont pas forcément très favorables....
Le film aurait pu être une purge, vraiment. Il aurait pu ressembler à un produit tardif, le genre de long métrage suranné qui aurait fonctionné dans les années 70 mais totalement passé de mode de nos jours. Heureusement, il évite ce naufrage en deux temps trois mouvements. Grâce tout d'abord à l'humour, omniprésent, avec notamment un Strange qui a toujours une boutade en réserve, pour chaque instant, y compris les plus délicats. On peut sourire (ou pas) mais globalement j'ai adhéré à cette version désinvolte. Ensuite, la durée resserrée du film, qui n'excède pas les 1 heure trois quarts. Du coup l'action est concentrée, pas de trop longs temps morts (juste quelques dialogues trop appuyés et didactiques de ci de là) et un public qui ne s'ennuie jamais. Dernière touche de génie, avoir choisi Cumberbatch pour le rôle phare, tant l'évidence est flagrante. Il est taillé pour la cape du Docteur, que ce soit physiquement, que caractériellement, avec cette morgue mystérieuse, cette outrecuidance sympathique, qui en font un héros sûr de lui mais friable dans le fond. Du coup autour de lui c'est un peu le régime à l'eau sec. Mordo (Chiwetel Ejiofor), le collègue apprenti (qui deviendra un jour un farouche ennemi) n'est guère subtil dans son jeu impassible, et le grand vilain Kaecilius (Mads Mikkelsen) est un gentil cosplayer avec du mascara sur les paupières pour faire peur. On a vu plus terrible, comme opposition. Mais l'essentiel n'est pas là, plutôt dans les scènes fantasmagoriques où la réalité se déchire et se reconstruit par gestes et à coups de sortilèges. Une tuerie visuelle qui emprunte beaucoup à Inception, mais va plus loin, ravalant le film de Nolan aux même rang que les 101 Dalmatiens ou la Belle et le Clochard, en terme de folie inventive. La 3D est pour une fois un plus appréciable, tant le décor et ses mutations extrêmes tendent à occuper le centre de la scène à de nombreuses reprises, éclipsant vraiment enjeux et trame du film. D'ailleurs celle-ci est fort linéaire, et le scénario, résumé de manière schématique, est assez mince. Le Doctor Strange de Scott Derrickson a placé toutes ses billes sur l'épate et les prouesses de l'image, et la caractérisation toute emprunte de coolitude égoïste d'un personnage principal qui a besoin de percer enfin dans le coeur des spectateurs. Dans les deux cas, le résultat est atteint, haut la main. Reste le sentiment que le plus dur commence, à savoir insérer Doctor Strange au sein du reste de l'univers Marvel cinématographique, et lui trouver une place et une fonction au sein du grand ensemble qui poursuit sa croissance. Mais avec un acteur comme Cumberbatch, ça n'a rien d'impossible.


Nous remercions encore une fois très sincèrement les cinémas Pathé Gaumont (Masséna, dans le cas présent) et tout particulièrement Jean Beaugé pour nous avoir donné l'opportunité de préparer une avant-première un peu particulière. Bien sur, ces remerciements valent aussi pour Alfa Bd, toujours chauds quand il s'agit d'oeuvrer pour les comics et la Bd, et les cosplayers de Cosplay Azur. Et merci à l'artiste, mister Benjamin Carret! Si vous étiez dans le public, vous qui lisez ces lignes, merci également de votre présence. Venez la fois prochaine, ce sera bigger, stronger, better. 



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HOMMAGE A STEVE DILLON (1962-2016)

Comme c'est souvent le cas dans ce genre de tragiques circonstances, tout le monde est fan. Et pourtant, récemment encore, c'était loin d'être le cas. C'est juste, et normal, la valeur des artistes ne s'accorde pas toujours, loin de là, avec le consensus unanime. Steve Dillon nous a donc quittés, à l'âge de 54 ans, des suites d'une longue maladie. Ceux qui l'ont aperçu lors de la présentation de Preacher, la série télévisée, l'auront vu amaigri, émacié, mais toujours prêt à échanger un sourire ou une bonne blague. Ceux qui l'ont fréquenté le disent et le répètent, la gentillesse et la causticité du bonhomme étaient grandement appréciées. Dillon a débuté très tôt, à seize ans, sur un simple épisode de commande (chez Marvel Uk) pour Hulk, le géant vert, et depuis il n'a eu de cesse de collaborer avec les grandes majors du comics américain, laissant derrière lui une biographie qui force le respect, et dont les gemmes les plus précieuses, pour le grand public, sont le Punisher, Preacher, et Hellblazer. En collaboration avec un certain Garth Ennis, comme par hasard. Outre travailler ensemble, ces deux-là ont du aussi bien s'amuser, ça ne fait pas l'ombre d'un doute!
Dillon a grandement profité de la vague des auteurs britanniques, qui dans les années 80 ont commencé à déferler sur le continent américain. Je me souviens aussi de son passage sur Animal Man, titre dont je suis particulièrement friand, au point d'avoir l'intégral de ce qui le concerne. C'était Milligan et Veitch qui s'occupait du scénario, pour des aventures grotesques, voire horrifiques à un certain point. L'horreur, la violence. Voilà un peu ce qui deviendra le fond de commerce de Steve. Car son style, simple et même caricatural en apparence, permet une distanciation évidente avec la cruauté des situations, et les crédibilise tout en y ajoutant cette humour froid so british qui rend attachante la moindre scène d'éviration ou de décapitation. Dillon est très bon quand il s'agit d'humaniser les personnages, de les rendre complices avec le lecteur, et son story-telling est d'une grande simplicité, lisibilité, qui lui permet de toucher vite et efficacement la grande majorité des lecteurs, sans avoir besoin de rodomontades ou d'effets spéciaux encombrants. 



On lui a reproché souvent de produire des visages qui se ressemblent tous, d'avoir une certaine difficulté à caractériser les femmes (il est vrai que sa Elektra, au sein des Thunderbolts, n'avait rien de très sexy) mais il en était ainsi. Les apparences sont trompeuses, et si vous revoyez de plus près la Tulip de Preacher, où la gallerie de vilains qui jonchent le sol après le passage du Punisher, vous comprendrez que derrière cette évidente simplification se cache en fait un trait essentiel, direct, qui fait de Dillon ce type de mec qui rend toujours une bonne copie sans donner l'impression d'avoir passé la nuit à étudier, et qui fini toujours par récolter les bons points, même quand les têtes fortes de la classe se plantent eux-aussi régulièrement le jour des contrôles les plus pointus. L'année 2016 est donc particulièrement cruelle et avide de décès d'importance, et le départ de Steve Dillon est là pour le rappeler. Le meilleur hommage qu'on puisse lui rendre est en ce moment en librairie. Chez Urban avec l'intégrale du Preacher dans une version Deluxe absolument indispensable, et chez Panini avec le retour en Marvel Icons de l'irrésistible Punisher du duo Ennis/Dillon. Si vous ne connaissez pas encore je vous envie, car ce sont des heures et des heures de lecture d'exception qui vous attendent. Merci Steve. 


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