LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : DEUX FILLES NUES


 Dans le 190e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Deux filles nues, album que l’on doit à Luz et qui est édité chez Albin Michel. Cette semaine aussi, je reviens sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de l’album Les navigateurs que l’on doit au scénario de Serge Lehman, au dessin de Stéphane de Caneva et c’est publié aux éditions Delcourt


- La sortie de l’album Maison du peuple 65 que l’on doit au scénario de Patrick Weber, au dessin de Baudouin Deville et c’est publié aux éditions Anspach


- La sortie du deuxième et dernier tome de 1629… ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta que l’on doit au scénario de Xavier Dorison, au dessin de Timothée Montaigne et c’est publié aux éditions Glénat


- La sortie de l’album El Diablo qui est sorti dans la collection Le Marsupilami vu par… des éditions Dupuis, un titre que l’on doit au scénario de Lewis Trondheim et au dessin d’Alexis Nesme


- La sortie de Gala, deuxième tome de la série Dali que l’on doit au scénario de Julie Birmant, au dessin de Clément Oubrerie et c’est publié aux éditions Dargaud


- La réédition en intégrale de l’album Paroles de poilus, albums choral publié aux éditions Soleil.



 
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OPUS HUMANO 1985-1995 : METAL HURLANT SE RÉINVENTE


 Le second volume de Opus Humano se propose de retracer les dix années qui courent de 1985 à 1995 et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il s'en est passé, des choses, pour la célèbre revue Métal Hurlant ! Des choses positives mais aussi particulièrement négatives, puisqu'à un certain point de son existence, sa publication est interrompue (1987). Jusqu'à ce qu'un jeune Suisse effronté de 24 ans, Fabrice Giger, décide de relever la franchise, de la racheter à Hachette et de relancer avec brio (mais aussi un poil d'inconscience et de morgue) le fleuron de la bande dessinée hors des cases en France. Son intronisation va bien entendu susciter quelques grincements de dents et des départs, mais aussi des arrivées, de nouvelles directions et parfois même des réussites brillantes, qui vont être à la base de la nouvelle assise du magazine. Par exemple, l'inénarrable  Jodorowsky, que nous retrouvons ici au sommaire (nous en parlerons un peu plus loin). Tout comme dans le premier mook de l'anthologie publiée par Les Humanoïdes Associés, nous avons droit ici à une alternance de récits courts mais aussi d'albums plus longs, avec un fil conducteur, à savoir les différents épisodes de Calibre 38. Dans chacun d'entre eux, c'est une arme - d'où le titre de cette série - qui s'exprime et qui revient sur les déboires de tous ses propriétaires légitimes ou illégitimes qui se succèdent et qui un jour décident d'en faire usage : ça peut être un inspecteur de police véreux, ça peut aussi être une jeune fille qui fugue et qui veut se défendre pour que personne ne puisse la rattraper, ça peut devenir un poète inconscient… en tous les cas, les individus qui croisent la route de l'arme finissent par succomber d'une manière ou d'une autre à la puissance mortifère qu'elle leur confère. Ces pages sont illustrées avec le trait incisif, voir chirurgical, de Jean-Luc Fromental, et elles ressemblent parfois à un bon polar argentin qui se lit avec un plaisir indéniable. Le premier album complet est F.52, dans lequel Yves Chaland déploie une fable postmoderne au style marqué par l’élégance froide de la ligne claire. Tout démarre avec le vol inaugural du premier avion atomique, reliant Le Bourget à Melbourne sans escale. Derrière cette prouesse technologique se cache un microcosme impitoyable. Un couple aisé, sans scrupules, échange son enfant trisomique contre une fillette perdue, installée en classe économique. Ce crime cruel devient le catalyseur d’une réflexion sur les rapports de classe, exacerbés dans l’espace confiné de cet avion, véritable miroir de notre société. Le F.52 (destiné au départ à un album de Spirou qui fut refusé), parangon de progrès, révèle un échec profond – celui d’un idéal égalitaire dévoyé en ségrégation et domination. Qui peut aussi être d'ordre sexuelle, avec les avances lourdes et incessantes d'un des membres du personnel à l'égard de la stewardesse intérimaire, amie du "héros" de cette Bd. L'artiste explique tout cela avec une rigueur formelle impressionnante : son trait épuré, héritier d’Hergé (il s'agit de la dernière aventure de Freddy Lombard, un personnage qui partage certaines caractéristiques physiques de Tintin) et de la BD franco-belge classique, renonce aux excès stylistiques pour nous "convaincre de plein fouet". Les scènes, comme celle de l’enfermement de la fillette, sont dénuées de sarcasme : elles touchent par leur tristesse brute. Chaland sait nous émouvoir, nous secouer, avec la force tranquille du dessinateur au sommet de son art.




On arrive ensuite ensuite en 1992, avec un album ancré dans l’Amérique des années 1930. Le photographe Lou Cale mène une enquête au cœur de New York, une ville aussi fascinante que dangereuse. Dans Le Centaure tatoué, deux corps mutilés sont découverts, ornés d’un étrange tatouage qui représente un centaure. Ce macabre dessin devient le fil rouge d’une aventure qui plonge Lou dans un univers sombre, peuplé de secrets, de trahisons et de personnages troubles. Armé de son appareil photo et de son flair, il met à jour un monde où les apparences sont trompeuses et où chaque indice le rapproche d’un danger plus grand. Amateurs de mafieux de l'entre deux guerres, soyez les bienvenus. Côté dessin, Warn's et Raives brillent par un style noir et réaliste qui fait revivre l’atmosphère moite et criminelle de l’époque. Le trait, précis et détaillé (on reste sur une influence plus ligne claire qu'autre chose), capte à merveille l’architecture des lieux, la sueur des personnages et la tension qui imprègne chaque scène. Le tout est sublimé par des jeux de clair-obscur dignes des plus grands films noirs. Parfait pour ceux qui aiment les intrigues tordues et les ambiances jazzy. Ceci avant de sauter au pur chef d'œuvre de ce second Opus Humano. La passion de Diosamante, album écrit par Alejandro Jodorowsky, nous plonge dans une fresque épique où l’amour et la rédemption s’affrontent à coups de tragédies. Diosamante, une reine d’une beauté aussi glaçante que son caractère, règne sans pitié sur son royaume. Mais sa rencontre avec Urbal, un roi sage et dévoué, chamboule son univers. Rongée par ses péchés, elle entreprend un périple initiatique où chaque épreuve la dépouille un peu plus de son orgueil et de sa cruauté. Sur son chemin, elle affronte des dangers mythiques, traverse des contrées sublimes et se confronte à ses propres failles dans une quête de purification spirituelle, qui mêle le bestial et l'élégiaque. Jean-Claude Gal magnifie ce récit avec des illustrations d’une précision d'orfèvre. Ses décors, ses palais antiques ou ses cités perdues, nous transportent dans un univers où chaque détail émerveille. Les personnages, sculpturaux et pleins de noblesse, dégagent une aura presque divine, renforçant le souffle épique de l’histoire. Si vous aimez les récits où la brutalité du voyage rivalise avec la splendeur des paysages, les anatomies et la démesure à la Corben, cette Bd vous tend les bras. On finit par du baroque déglingué : Adam Sarlech, une publication où chaque page semble suinter le mystère et la décadence. Dans ce récit gothique et oppressant, Bézian nous emmène au XIXe siècle, au cœur d’une demeure isolée où les ombres dansent autant que les secrets. Adam Sarlech, occultiste pourtant absent de la scène, est le prétexte aux doutes et errances de personnages brisés, chacun portant son lot de non-dits et de souffrances. La famille Malherbe est proche du cauchemardesque, avec une fille érotomane dévoyée, un fils qui se cherche des pouvoirs de médium, une mère castratrice qui protège de lourds secrets, ou encore un oncle catatonique dont les yeux pleurent toute la journée. Mais qui est réellement Adam Sarlech, au fait ? Un visionnaire, un manipulateur ou quelque chose de bien plus inquiétant ? Le dessin de Bézian est au diapason de son scénario : sombre, oppressant, empreint d’une esthétique qui rappelle les gravures du romantisme noir. Les visages anguleux, les décors alambiqués et les ombres omniprésentes ajoutent une tension palpable à chaque scène. L'étrangeté morbide cette histoire gagne en intensité au fil des pages, et n'oublie pas d'éreinter les convenances, la religion, le conformisme. Stylistiquement, c'est très différent du reste, et ça sait nous captiver. De quoi parfaire une menu éclectique et de bon goût, pour le survol de dix ans mouvementés et inspirés de la célèbre revue Métal Hurlant. Pour les dix années suivantes, l'attente sera brève, le troisième Opus Humano est prévu pour le 2 janvier. 


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KRAVEN : LE FILM DU CHASSEUR POUR EN FINIR AVEC SONY


 Nous connaissons, bien entendu, les moindres détails de la carrière et des caractéristiques de Kraven le Chasseur. C’est donc une grande douleur de constater que le film nous présente une version revisitée de ce personnage, qui ressemble davantage à un super-héros invincible, proche dans l’esprit d’un Wolverine écolo, qu’au chasseur obsessionnel et impitoyable que l’on retrouve dans les pages des comics Marvel. Cette réinvention radicale (et de mauvais goût) s’accompagne de motivations et d’une déontologie totalement étrangères à celles du personnage original, connu pour ses affrontements mémorables avec Spider-Man. Le point clé à retenir avant de découvrir ce film – ou d’en tirer des enseignements, genre "évitez d'aller le voir" – réside dans sa déconnexion totale avec l’univers du Tisseur de toile. Cette rupture semble être la principale cause de l’échec quasi inévitable des productions Sony dédiées aux personnages secondaires de ce petit monde arachnéen sans l'être. Comment, en effet, rendre cohérents et captivants des films sur Venom, Madame Web ou Kraven sans établir de lien narratif solide avec Spider-Man, qui demeure la pierre angulaire de ces récits ? Dans cette adaptation improbable, Kraven/Sergei Kravinoff est dépeint comme l’héritier d’un empire mafieux russe. Ayant subi toute sa jeunesse l’influence toxique et les brimades de son père, il choisit de se dresser contre le monde criminel auquel il était destiné. Après un tragique accident lors d’un safari, il revient à la vie grâce à une potion miraculeuse administrée par Calypso. Si cette prêtresse vaudou emblématique des comics Marvel fait son apparition, son rôle ici est réduit à un simple faire-valoir féminin, dépourvu de moments forts ou d’utilité réelle dans l’intrigue. Le film introduit également le frère de Kraven, destiné à devenir le Caméléon. Les deux dernières minutes du long-métrage, où ce personnage prend forme, comptent parmi les plus réussies, car elles offrent un aperçu des figures telles qu’elles auraient pu être si elles avaient respecté davantage l’esprit des comics. On y découvre un jeune homme ayant longtemps vécu dans l’ombre du père, manipulé et soumis à son emprise, mais dont l’évolution diffère profondément de celle de Kraven. L’aîné, quant à lui, concentre ses efforts sur les pires représentants de la corruption mondiale, qu’il pourchasse avec une violence expéditive. Son style de déplacement – bondissant d’un pont à l’autre à la manière de Spider-Man – et ses capacités physiques rappellent une version de Wolverine capable de grimper aux murs et de courir à la vitesse d’un véhicule tout-terrain. D'où la consternation, à maintes reprises. En réalité, ce Kraven revisité s’apparente davantage à un anti-héros écologiste, prompt à exhiber ses abdominaux saillants, qu’à l’iconique chasseur que les amateurs de Marvel connaissent. Il manque à cette version une fidélité fondamentale au personnage original, au point qu’elle semble n’avoir que peu de liens, voire aucun, avec l’œuvre dont elle s’inspire.




Kraven semble clairement avoir été conçu, dès le départ, comme le premier chapitre d’une saga, car l’intrigue du film est juste une ébauche préparatoire, une origin story qui appelle un prolongement : c'est la seule excuse au comportement "héroïque" d'un protagoniste hors sujet . Dans le tourbillon d’événements portés à l'écran (souvent dans la confusion), il faut saluer l’effort de Sony qui tente d’intégrer plusieurs éléments, même secondaires, liés au Spider-Verse. Cependant, tout ça reste souvent superficiel, sans réelle profondeur. Encore plus que Venom, Morbius ou Madame Web, Kraven expose ainsi les limites de la tapisserie finale, en live-action dépourvue de son héros principal qui l'a inspirée. Les clins d’œil à l’univers arachnéen perdent de leur impact si l’histoire reste déconnectée de son contexte central, comme déjà évoqué. Un autre point problématique réside dans la gestion des personnages secondaires et des antagonistes. La plupart semblent introduits de manière aléatoire, sans être soutenus par une écriture solide ou des motivations crédibles. Leurs évolutions paraissent dictées par les besoins de l’intrigue, au détriment d’un véritable développement cohérent. La remarque inclut les grands méchants du film (un Rhino qui passe au travers de son sujet dès lors qu'il apparait en costume. Ou l'Etranger, dont les pouvoirs et les motivations sont totalement voués aux oubliettes. 1,2,3 bonne nuit, vous comprendrez la référence si vous avez vu Kraven. Une plaisanterie !), mais aussi les alliés et les proches de notre bon Chasseur. Sans entrer dans les détails pour éviter tout spoiler aux retardataires, l’impression générale est celle d’un énième film de super-héros qui cherche à séduire coûte que coûte, sans vraiment aller au bout de ses idées. Tout en évacuant les moindres aspérités pour un produit fini consensuel et sans grande saveur. Au final, on se retrouve face à un long métrage qui se laisse regarder, sans éclat particulier. La mise en scène des morceaux d’action, cependant, surpasse les précédentes productions du même univers. C'est en partie dû à un cadre plus violent et mature, mais surtout à la présence charismatique et physique d’Aaron Taylor-Johnson. L’acteur incarne un Kraven quasi parfait, ce qui rend d’autant plus regrettable de ne pas pouvoir le voir évoluer dans un contexte narratif plus ambitieux et cruel. Les effets spéciaux sont globalement loin d'être à la hauteur : la CGI, notamment pour certains animaux et la transformation du Rhino, laisse à désirer. Malgré tout, le film offre une mise en scène globalement correcte, cohérente avec le talent de son acteur principal. J. C. Chandor n'est pas un tâcheron, ça aide grandement. Kraven, c'est finalement une tentative de refermer le coffre à jouets tout en en faisant le minimum syndical, sans parvenir à marquer les esprits comme c'était pourtant possible. Une conclusion à peine regardable, pour ce qui restera comme un énorme gâchis dans l'histoire du genre super-héroïque au cinéma. Merci (ou pas) Sony. 



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TOP 10 : L'EXCELLENTE SERIE D'ALAN MOORE ET GENE HA


 En ce jour de Noël, le blog fait relâche, ou presque. Retour sur une excellente série que tout le monde se doit d'avoir lue : Top 10.

Neopolis n'est vraiment pas une ville comme les autres. Tout d'abord, elle a été bâtie par des scientifiques nazis, après la seconde guerre mondiale. Ensuite, tous ses habitants sont dotés de pouvoirs, entre mutants à tête de chien, cyborgs armés et télépathes alcooliques. On trouve de tout dans cette volière, il y en a pour tous les goûts. Le grand problème qui se posait à Alan Moore était le suivant : comment rendre crédible, pour ne pas dire attachant, un tel foutoir ! L'exploit est relevé haut la main grâce à des dialogues aussi bizarres que savoureux, et une humanité qui suinte de chacun des personnages, pour aussi marginaux que leurs dons ou leurs physiques pourraient les rendre. Ce n'est pas une gageure, il fallait un fichu talent pour y parvenir. Et comprendre qu'il y avait mieux à faire que surjouer l'action et les coups de théâtre. C'est à dire s'arrêter sur le quotidien, celui d'un commissariat de Neopolis, et sa brigade très spéciale. Une sorte de Hill Street Blues à la sauce super héroïque, où le détail, l'anecdote, remportent les suffrages et permettent au récit de progresser subtilement sans jamais ennuyer. Les archétypes ne manquent pas au Top 10, le dixième district. A commencer par ce grand gaillard bleu et invincible, Smax, le portrait du flic peu bavard, voire franchement taciturne. Ou la jeunette fraîchement débarquée de sa formation à l'académie, Robyn, qui va devoir trouver sa place dans un environnement bien surprenant : des flics ont le visage d'un doberman, les avocats la tête d'un requin… Peu importe finalement l'enquête en cours, ou la chasse à ce dangereux tueur qui découpe ses victimes, à Neopolis. Ce qui rythme ce Top 10, ce sont ces trouvailles continues, cette prostituée qui a le pouvoir d'être immunisée à toutes les MST possibles, ce chauffeur de taxi zen qui conduit les yeux bandés, et laisse son véhicule errer jusqu'au lieu où il doit arriver, ou encore ce simple citoyen amateur de putes qui placé en situation de stress se met à gonfler comme un immense ballon…



Ce commissariat là est difficilement oubliable ! Alan Moore mélange habilement le genre super-héroïque avec le polar, en se concentrant sur les rocambolesques mésaventures de ces flics inédits. Top Ten pose aussi une autre question : à quoi ressemblerait le quotidien d’une ville où tout le monde serait Superman ? Réponse évidente : ce serait un chaos absolu. Loin d’opter pour une ambiance sombre et dramatique, Moore privilégie une narration sautillante, empreinte d’ironie, qui flirte souvent avec la comédie loufoque. De quoi obtenir une satire impitoyable des super-héros, enrichie d’éléments de science-fiction new wave et de touches cyberpunk. Ensemble, les héros du quotidien du dixième district affrontent des meurtres sordides, des rats mutants, des schizophrènes, des dragons géants alcooliques et même une créature extraterrestre star du porno. Moore s’en donne à cœur joie, multiplie les idées visionnaires tout en n'oubliant jamais l'essentiel, à savoir divertir le lecteur tout en se faisant plaisir. Chaque épisode ne manque pas de moquer ouvertement les clichés du genre super-héroïque, ainsi que certaines productions emblématiques de DC Comics. Entre les lignes, on décèle des piques sarcastiques envers le Preacher de Garth Ennis, des clins d’œil ironiques à Astro City de Kurt Busiek, ou encore quelques blagues sur Clark Kent. Quant à Marvel, elle est carrément malmenée, notamment dans un épisode où l’équipe de Top Ten affronte des divinités asgardiennes, ce qui offre à Moore l’occasion de parodier le Thor de “la Maison des Idées” et toute sa joyeuse famille. Cependant, au-delà de la provocations, Top Ten propose une réflexion subtile sur les comics populaires, et une histoire jamais banale. Aux crayons, Gene Ha est en forme olympique. Son style fouillé, très détaillé, et clair en même temps, remplit chaque planche jusqu'à l'invraisemblable et dépeint une Neopolis qui en devient crédible et grouillante de vie. C'est en 1999, chez ABC (America's best comics) que cette série totalement hors genre et iconoclaste a vu le jour. Elle est disponible également dans la collection de poche Urban Nomad, pour un prix qui défiera toute concurrence !


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SPIDER-MAN BLEU : L'ÉDITION DÉFINITIVE CHEZ PANINI


 Peter Parker aussi est un nostalgique; c'était mieux avant. En tous les cas, la vie était plus simple. Et pourtant, nous ne parlons pas d'une époque où l'existence était de tout repos et sans danger. Mais les premiers combats de Spider-Man avaient cet air faussement innocent et naïf, qui ont fait de l'époque de Stan Lee, Steve Ditko puis John Romita Sr, un souvenir inégalable et inoubliable pour tant de lecteurs. Puis est arrivé le grand drame qui marqua à jamais le destin du personnage, la mort de Gwen Stacy, la jolie blonde, la petite amie idéale, même si plus tard Peter se mariera avec Mary Jane Watson. Rien ne lui fera jamais oublier ce premier amour bouleversant, qui continue de le hanter comme une ombre. C'est la raison pour laquelle il monte parfois dans son grenier, les jours de Saint-Valentin, enregistrer sur cassette de petits discours, qui sont destinés à celle qui n'est plus. Ce prétexte est idéal pour permettre à Jeph Loeb de revenir sur ces années magiques de Peter Parker, entre un combat contre le Bouffon Vert et l'emménagement dans son premier appartement, en tant que colocataire du fils de son ennemi (Harry Osborn), sans négliger la rencontre inopinée de l'affriolante Mary-Jane et la tentative maladroite de séduire Gwen Stacy… C'est toute notre jeunesse, mais aussi celle du neveu de May Parker, qui est ici revue et corrigée, tout en conservant un grand respect du matériau d'origine, le long de six épisodes qui suintent la classe, l'amour des comics, et le regret des certains reflexes narratifs, qui aujourd'hui n'ont plus cours. Spider-Man Blue comme le blues qui résonne dans le cœur de ceux qui se souviennent et qui parfois se penchent en arrière, pour se remémorer ces instants fondateurs.



Si cette histoire fonctionne aussi bien, c'est aussi parce que le talent du scénariste s'accorde parfaitement avec les dessins du regretté Tim Sale. Celui-ci offre une version merveilleuse des potentielles petites amies de Peter Parker : Mary-Jane est pétillante et magnétique, Gwen est d'une beauté naturelle à couper le souffle. Les deux merveilles sont qui plus est affublées d'une garde-robe vintage et à couper le souffle, qui les rendent à jamais iconiques. Peter a bien du mal à choisir et tout le microcosme qui gravite autour de lui est attachant, dépeint avec justesse. Ainsi sont amenés sous les feux des projecteurs Flash Thompson, Harry Osborn, la tante May ou les criminels costumés comme Kraven et le Vautour. Les pièces du puzzle s'assemblent avec perfection aussi bien au niveau de la narration, que du côté de la partie graphique, qui lorgne vers la ligne claire et la poésie à l'état pur. Ce sont des choses que nous avons déjà lues et déjà vues, mais présentées sous un aspect retravaillé qui enchante. Après une approche similaire sur Daredevil (Yellow/Jaune, coté code couleur) Loeb et Sale choisissait ici d'évoquer le passé à travers les premiers frémissements sentimentaux de Peter Parker, ce qui humanise fortement une trame très sensible. Le lecteur moderne réalise alors combien le duo Lee et Romita a été fondamental, non seulement dans l'histoire du Tisseur de toile, mais tout simplement des comics moderne : c'est une leçon magistrale sur comment écrire une histoire, comment faire sentir au lecteur les personnages aussi proches de lui, comment mélanger soap opera et super héroïsme en conservant une tension continue. Certes, Bleu a été réédité sous différents formats (y compris très économiques) mais Panini propose cette fois un splendide écrin à la hauteur du contenu, que ce soit avec le rendu des couleurs que le format choisi. Pour une des trois ou quatre aventures de Spider-Man que tout le monde se devrait de posséder dans sa bibliothèque. 



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OPUS HUMANO 1975-1985 : CHANGER LE VISAGE DE LA BD


 La revue Métal Hurlant, née en 1975 sous l’impulsion des géniaux trublions des Humanoïdes Associés — Jean-Pierre Dionnet, Philippe Druillet, Moebius et Bernard Farkas — n’a pas simplement secoué l’univers de la bande dessinée : elle l’a propulsé dans une autre dimension, à grands coups de cases explosives et de visions futuristes. Véritable OVNI graphique et narratif, interdite à la vente aux mineurs lors de ses premières années, elle a prouvé, dès ses premiers numéros, que la BD pouvait être bien plus qu’un passe-temps régressif : un art total, inventif et jubilatoire, capable de subjuguer les esprits les plus exigeants et de décoiffer les lecteurs les mieux peignés. Les auteurs de cette aventure hors normes avaient une idée fixe : libérer la bande dessinée des conventions poussiéreuses pour lui offrir une vie sauvage et un avenir sidéral et sidérant. Philippe Druillet, architecte du chaos (littéralement, en fait), dressait des planches démesurées, entre rêve psychédélique et cauchemar baroque. Moebius, quant à lui, se muait en alchimiste du trait, capable d’épurer le dessin jusqu’à l’essentiel tout en ouvrant des portes sur l’infini. Ce bouillonnement d’idées et d’images n’était pas qu’une prouesse esthétique : c’était surtout un manifeste en faveur de l’audace et de l'ouverture d'esprit. Les thèmes abordés par Métal Hurlant résonnent comme des avertissements sibyllins et des rêves fiévreux. Ici, la science-fiction n’est pas un simple décor : c’est un miroir déformant tendu au monde contemporain. Dérives technologiques, menaces écologiques, désenchantement existentiel, transhumanisme et voyages cosmiques — tout y passe, sous des formes tour à tour inquiétantes, poétiques ou ironiques. Les univers proposés sont souvent déroutant au possible, peuplés de machines capricieuses et d’humains désœuvrés, mais toujours habités par un souffle intemporel. Car si Métal Hurlant se projette vers le futur, il parle avant tout de nous, ici et maintenant. La nouveauté de cette revue résidait aussi dans sa liberté absolue. Oubliez les cases et les récits standardisés : ici, les planches explosent, s’étirent, s’effilochent dans une démesure graphique. Les scénarios s’aventurent dans des labyrinthes narratifs où le lecteur se perd en territoire inconnu. Chaque auteur devient démiurge de son propre univers, sans autre règle que celle du vertige esthétique. L’impact de Métal Hurlant est tel qu’il a irradié bien au-delà de nos frontières. De l’autre côté de l’Atlantique, il engendre (en 1977) Heavy Metal, version américaine qui transforme les comics en terrain d’expérimentation graphique et narratif. Mais au-delà des succès, Métal Hurlant a légué un esprit : celui de la liberté créative, farouche et joyeuse, toujours prête à repousser les limites. Après des années de silence, le magazine est revenu sur le devant de la scène récemment, sous la forme d'un gros pavé trimestriel (300 pages) qui fait la jonction entre la bande dessinée moderne et l'héritage d'autrefois. Cet héritage, il est accessible et synthétisé dans une série de mooks prestigieux, qui vous permettent, par ordre chronologique, de revivre la longue épopée de Metal Hurlant. On commence par la tranche initiale, une décennie qui démarre en 1975.




Comme une sorte de fil rouge à ce album, nous trouvons une série de récits brefs de Moebius, qui déroutent par leur étrangeté, leurs sens presque hermétique de l'étrangeté, l'impression de pénétrer dans un monde dont les règles et la géographie ne sont clairement plus les nôtres. Mais aussi, nous avons beaucoup de plaisir à lire les Fariboles sidérales d'Alias, qui parvient à démontrer toute l'absurdité du genre humain avec beaucoup d'humour, en un minimum de planches. Du côté des récits plus longs, nous en découvrons trois dans ce volume de Opus Humano. Le premier revêt un caractère post-apocalyptique particulier puisqu'il est censé se dérouler dans le sud de France. Michel Crespin signe Armalite 16, une aventure aux couleurs automnales dans des paysages presque désertiques, avec une jeune fille abandonnée à elle-même, qui ne revient dans le village, parmi la civilisation, que pour mieux comprendre ce que vaut véritablement le genre humain, les problèmes qu'il peut causer et les raisons pour laquelle il est parfois plus prudent et sain de s'en tenir éloigné. C'est d'une beauté plastique remarquable et d'une mélancolie profonde. Le second récit long est une succession rocambolesque d'événements signée Daniel Ceppi. Le repaire de Kolstov tient à la fois des expérimentations les plus dingues des Humanoïdes Associés, du roman de Jack Kerouac ou encore de la paranoïa à la plus pure, dans un noir et blanc rehaussé de teintes de gris. Nous suivons les pérégrinations un peu folles d'une sorte de beatnik qui traverse la Turquie et l'Afghanistan et à qui on demande de livrer d'étranges petits rouleaux en échange d'une somme d'argent. Plusieurs individus lui donnent la chasse et accompagné de sa petite amie du moment, le dénommé Roland va devoir se méfier de tout le monde et démêler les fils de cette affaire complexe. Enfin, place au plus somptueux des trois longs récits, La vengeance d'Arn de Jean-Pierre Dionnet et Jean-Claude Gal. Ici, le dessin touche au sublime, il n'y a pas la moindre faute de goût dans ces planches qui associent l'ultra-réalisme et la science-fiction des grands espaces. L'album raconte le parcours d'un esclave qui va peu à peu s'imposer, de l'évasion des prisons d'Atalis jusqu'à la conquête des royaumes environnants, c'est une fantasy cruelle et extrêmement inspirée qui nous est offerte; c'est aussi une excellente manière de replonger dans une décennie où les codes semblaient destinés à fondre dans un magma imaginatif et thématique apparemment sans fin. On peut même être dérouté, voire complètement perdu, quand on découvre certains de ces récits aujourd'hui, tant il y avait de l'audace et de l'irrespect pour le formalisme guindé qui avait précédé. Ceux qui n'ont jamais compris en quoi les Humanoïdes Associés ont fonctionné comme un électrochoc pour la bande dessinée feraient bien de se pencher sur ce premier tome de l'anthologie Opus Humano.



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AMAZING SPIDER-MAN : L'INTÉGRALE 1989-1990 AVEC McFARLANE ET LARSEN


 Il est inutile de tenter de nous la faire à l'envers, à nous qui avons vécu la fin des années 1980 et le début des années 1990 en temps réel. Ces décennies marquantes nous rendent naturellement plus circonspects face à ce que nous lisons aujourd’hui, notamment en ce qui concerne la série consacrée à Spider-Man. Il faut bien le dire : nous avons été nourris par des artistes d’exception comme Todd McFarlane, puis Erik Larsen. C’est d’ailleurs de cette époque dont nous allons parler aujourd’hui, car cette intégrale nous replonge dans une ère fabuleuse que certains critiquent parfois un peu trop précipitamment. On rembobine : Peter Parker est marié à une Mary Jane absolument splendide. Bien que toujours confronté à des problèmes d’argent, il parvient régulièrement à renflouer son compte en banque grâce à quelques bons plans. Ainsi, nous le voyons évoluer aux côtés de Paladin et de la mercenaire Silver Sable, engagés dans une intrigue internationale mêlant complots politiques et scènes d’action spectaculaires. C’est également l’occasion de rencontrer Solo, un personnage intriguant, à mi-chemin entre le mercenaire et le terroriste, doté d’un dispositif de téléportation comparable à celui de Cable. Ce pouvoir lui permet d’apparaître et de disparaître à volonté. Si cela peut sembler anecdotique aujourd’hui, il faut savoir que Solo a connu son heure de gloire, allant jusqu’à bénéficier d’une mini-série. Et bien sûr, dès qu’il est question de complots et de politique, Captain America ne peut être absent. Sa présence entraîne naturellement celle de Crâne Rouge, son éternel adversaire. Quelle affiche ! Comme si tout cela ne suffisait pas, Spider-Man doit ensuite affronter les Sinister Six, le célèbre groupe de super-vilains mené par le Docteur Octopus, revenu sur le devant de la scène. Parallèlement, fidèle à la tradition des comics de cette époque, le super-héroïsme s’entremêle à des intrigues dignes de feuilletons, ce qui enrichit la vie quotidienne des personnages secondaires. C’est cet équilibre qui fait tout le charme de la série dans ces années-là. Par exemple, nous assistons à l'évolution de la relation sentimentale entre Felicia Hardy, alias la Chatte Noire, et Flash Thompson, l’ancien caïd du lycée devenu avec le temps un proche de Peter. Pourtant, les intentions de Felicia ne sont pas innocentes : son véritable but est de briser le cœur de Flash et de se venger de celui qui l'a abandonnée dans le même temps. Dans un autre registre, nous découvrons les mésaventures de Nathan, le compagnon âgé de Tante May, malheureusement cloué dans un fauteuil roulant. Ce dernier est victime d’une agression orchestrée par une bande de voyous, derrière laquelle se cache en réalité une histoire d’addiction aux paris. En fait, à chacun ses problèmes…




Cette intégrale propose aussi un crossover qui s'insère dans les célèbres Actes de Vengeance de 1989. Raison pour laquelle vous lirez aussi six épisodes un peu différents, issus de Spectacular Spider-Man et Web of Spider-Man, qui viennent compléter ceux de Amazing. Pour gagner un peu d'argent et assouvir sa passion pour les sciences, Peter Parker travaille également comme assistant du Professeur Lubisch, qui tente de capter une source d'énergie inconnue avec un appareillage loin d'être à la hauteur. Du coup, ce qui devait arriver arriva. Une explosion, et une décharge si puissante que notre monte en l'air préféré va découvrir, combat après combat, qu'il est désormais doté de nouveaux pouvoirs totalement inattendus. Le premier a en faire les frais est le pauvre Trapster (le Piégeur), qui avait pourtant mis la pile à Spidey peu de temps auparavant. Puis c'est au tour de Titania. Le tisseur lance désormais des rayons avec les doigts, sa toile assume formes et constructions selon sa pensée, un peu sur le modèle de ce que peut faire Green Lantern avec son anneau vert. Mieux encore, un affrontement avec Magneto lui révèle qu'il peut altérer et modifier la structure moléculaire des substances, transformant ainsi l'acier en verre, rien qu'en le souhaitant. Et ce n'est pas tout ! Spidey vole ! Spidey est capable d'envoyer Hulk en orbite autour du globe d'un bon montant du droit ! Mais que se passe t'il donc avec les pouvoirs de Spider-Man, et n'y a t'il pas de quoi avoir peur, au final, quand on devient aussi puissant, d'un instant à l'autre, au point d'en devenir quasi invulnérable ? Sans parler de la convoitise de certains vieux ennemis du Tisseur, qui au même moment se lance dans ce que Marvel appela donc à l'époque les Actes de Vengeance. En fait, les grands noms du mal made in Marvel s'échangent leurs ennemis naturels, pour mieux les surprendre et en venir à bout. Absolument pas grand chose à retirer au niveau introspection et psychologie dans cette saga (hormis le sens des responsabilités et la culpabilité récurrente de Peter), par contre, action à foison, et le plaisir jouissif de voir l'Araignée assumer un rôle et un costume qui le rapproche étonnamment de Superman, l'homme d'acier de Dc comics. Place à Captain Universe, un nouvel avatar pour Peter Parker ! Coté artistes, saluons le travail de Gerry Conway et David Michelinie, les démiurges derrière cette idée sympathique. Aux dessins, on retrouve forcément Todd McFarlane (Spidey Vs Hulk) et son épigone d'alors, Erik Larsen, pour une version légendaire et ultra dynamique du héros. Mais aussi les crayons anguleux et immédiatement identifiables de Sal Buscema, ou encore Alex Saviuk, le plus brouillon et oubliable de ces grands noms, qui était en charge du titre Web of Spider-Man, souvent le parent pauvre de la famille à la fin des années 1980. Un petit bijou de comic-book naïf, pour revivre des moments si particuliers et étranges dans la vie de Peter Parker. Désormais incorporé à la ligne Intégrale, qui n'en finit plus de s'étoffer et de rendre honneur à la grande Histoire Marvel. 



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