DIVINITY TOME 2 : SUPER COMMUNISME ET POUVOIRS DIVINS CHEZ BLISS COMICS

Alors que les Américains tentaient fébrilement d'envoyer le premier homme sur la Lune, l'Union soviétique elle avait déjà pris plusieurs longueurs d'avance dans la course à l'espace, en grand secret. Trois cosmonautes avaient été envoyé au fin fond de l'univers, trois bons communistes fidèles au régime, orphelins et donc sacrifiables. L'incident est survenu lors de la rencontre avec une entité mystérieuse, l'Inconnu, qui les a transformés en quelque chose de presque divin. Nous avons suivi le retour sur Terre, bien des décennies plus tard, du premier d'entre eux, Abram. C'était la trame du premier tome. Voici donc le second volume de Divinity, comprenant les quatre épisodes de la série Divinity II. La question qui se pose est : que sont devenus les deux autres, notamment Myshka, la femme copilote, qui elle est profondément marquée par l'idéal et l'idéologie communistes, et pourrait être un adversaire encore plus dangereux que Abram, qui finalement a été vaincu par l'équipe Unity (regroupant les principaux super-héros de l'univers Valiant) uniquement parce qu'il l'a bien voulu. D'ailleurs il a même accepté de coopérer. Myshka aussi est de retour vers la Terre, et elle aussi constate avec dépit et amertume que tout ce en quoi elle avait foi a désormais été éclipsé, que la Russie n'est plus ce qu'elle était autrefois... elle se met donc au service de Vladimir Poutine (oui oui le vrai, il apparaît dans le comics) pour restaurer la grandeur de la patrie. Paradoxalement le seul à pouvoir contrer son pouvoir divin est en fait Abram. Ce sera le point de départ d'une opposition titanesque, deux entités devenus pratiquement divines, et deux idéologies se faisant face, sorte de remake tout personnel de la guerre froide, dans un monde où ce genre de tensions auraient du être oublié depuis longtemps. Encore que l'actualité géopolitique du moment donne quelques sueurs froides alors... 




Trevor Hairsine est un dessinateur extraordinaire. Je vous l'avais déjà dit? L'alternance de plans resserrés et plus large, le dynamisme des combats, l'émotion qui suinte d'un regard, d'un geste, il y a du panache et de la variété dans cet album, qui est graphiquement d'un niveau excellent. Matt Kindt démontre lui qu'il est possible d'écrire une vraie bonne histoire sans avoir recours à des super-héros ultra connus du grand public, et en jouant habilement avec les idéologies occidentales et soviétiques sans pour autant condamner ou louer aveuglément. Il y a de la nuance, et en fait ces grandes valeurs de la patrie sont tempérées par les individus, leurs rêves, leurs passés, qui sont les moteurs de l'histoire, là où les traumatismes et les failles sont apparus pour la première fois, et la manière dont ils ont su les gérer et vivre avec par la suite. Les autres héros de l'univers Valiant ne sont que des fétus de paille, de simples parasites (il voir Ninjak impuissant...) qui n'ont aucune chance de s'opposer à ces forces primaires, qui jouent de l'espace et du temps, tentant d'en modifier le cours en susurrant au réveil de Staline, ou en incitant Gorbatchev à ne pas céder face aux pressions du capitalisme. Mais chez Valiant, l'histoire ne peut être récrite si facilement, et c'est tant mieux, cela évite de semer la zizanie dans la timelime, et on y gagne en lisibilité.
Encore une belle petite sortie à se procurer chez Bliss Comics donc, d'autant plus que ce second tome est riche en bonus, avec la genèse expliquée et commentée par les auteurs, les artistes. Ce qui est fort appréciable.







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LA VISION TOME 2 : À PEINE MIEUX QU'UNE BÊTE

La vie de famille peux réserver bien des difficultés, et receler bien des secrets. Ceci est d'autant plus vrai lorsque vous êtes un synthézoïde, c'est-à-dire une créature artificielle faite de circuits et de technologie ultra moderne, mais dotée des sentiments et d'une logique tout humaine. C'est cette étrange combinaison qui a poussé la Vision à tenter l'aventure d'une vie de famille normale, avec une femme et deux enfants, dont il est le créateur, au sens propre. Leur emménagement dans une banlieue paisible américaine a vite tourné au cauchemar, l'épouse de la vision ayant ainsi assassiné le Moissonneur, qui était venu causer un drame chez notre Avenger. Ensuite elle s'est retrouvée en partie coupable de la mort du fils d'un voisin, qui tentait de la faire chanter, après avoir filmé la disparition du premier cadavre. La Vision peut-il mentir pour protéger sa famille? Quelles seront les conséquences extrêmes des actes du premier tome et jusqu'à quel point la situation peut-elle empirer? Après un premier épisode qui revient sur la longue relation entre le héros et la Sorcière Rouge, leur mariage, leur histoire d'amour et leurs enfants imaginaires, qui sont à la base d'une des plus grandes tragédies de l'histoire Marvel, nous retournons dans le vif du sujet avec un Tom King qui signe là un des titres les plus extraordinaires qu'il nous ait été donné de lire chez Marvel, ces dernières années. Il faut des êtres de circuits imprimés pour obtenir une telle analyse, une telle finesse dans la description de ce qui peut bouleverser un être humain, lorsque les liens du sang et les choix forcés nous obligent à emprunter des sentiers que nous savons périlleux. La situation précipite d'avantage lorsque le "frère" de la vision, Victor Mancha, ancien membre des Fugitifs et des Avengers I.A,  s'installe au foyer...




La famille de la Vision est totalement désorganisée, proche du délitement. La femme est névrosée, piégée dans une vie au foyer qui ne lui convient pas, écrasée par les mensonges et ses actes qui inévitablement apporteront le désastre. La fille tente de vivre son existence d'adolescente pré-programmée, non sans pâtir du climat ambiant. Reste le fils, fasciné par le Marchand de Venise, la tragédie de Shakespeare, et qui sera lui aussi au centre d'un drame exemplaire. Victor apporte de son coté cette poussée décisive, ce dernier coup du sort qui ajoute la trahison au lot des frustrations quotidiennes, et pousse la Vision devant un choix crucial. Accepter les faits et se soumettre à ce que les autres attendent de lui (les Avengers) ou agir, au risque de se mettre à dos toute la communauté super-héroïque, et de précipiter le funeste destin qui rôde. 
Inutile de se répéter, cette série en douze épisodes est indispensable. L'écriture est d'une justesse remarquable, et l'ensemble fonctionne comme un mécanisme d'horlogerie diabolique, où tout se met peu à peu en place et implose au bon moment. Gabriel Hernandez Walta est parfait dans son rôle de dessinateur d'émotions, et il insuffle vie et grandeur à ces personnages synthétiques, pourtant si proches de nous, si semblables à l'humanité et ses contradictions. Notons aussi le passage de Michael Walsh, qui ne dépareille pas, et joue lui aussi dans un registre sensible et poignant.
La Vision, chez Panini Comics, est ce genre de comic-book qu'on définit "oeuvre d'art" sans avoir à rougir un seul instant. 




Pour acheter les tomes 1 et 2, ces petits bijoux :




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THE WALKING DEAD : LES RAISONS D'UN SUCCES PLANETAIRE

On peut se poser légitimement la question : comment expliquer le succès planétaire de la série The Walking Dead, que ce soit d'ailleurs au format papier ou pour la série télévisée, même si cette dernière est actuellement l'objet de critique en partie fondées? Bien entendu les qualités artistiques du scénario de Robert Kirkman et le talent du dessinateur Charlie Adlard, avec son trait incisif et essentiel, contribuent énormément à ce triomphe, mais la raison principale est probablement ailleurs. Dans ce que ce titre apocalyptique sous-entend, dans ce qu'il représente pour l'inconscient collectif. Au-delà de la simple chasse aux zombies, qui parcourt tout l'œuvre, c'est l'humanité tout entière qui est mise en question dans The Walking Dead. Le mythe du bon sauvage est réduit à néant, et nous nous rendons compte que lorsque la civilisation s'effondre et que tout semble perdu (c'est cela qui est formidable) tout est également à reconstruire et à propice à une renaissance inespérée. L'être humain est le principal prédateur pour lui-même; il est fascinant de voir que si aujourd'hui nous vivons dans une société extrêmement policée, The Walking Dead replonge ses personnages dans une sorte de Far West crépusculaire, où la loi du plus fort, du plus audacieux, prime sur le plus faible, qui doit se soumettre aux chefs de la meute. Il y a presque une exaltation du mal alpha, celui qui va conduire le troupeau et le faire paître en toute sécurité. Cela explique l'apparition de leaders charismatiques comme Rick, Negan ou le Gouverneur, les deux derniers étant pourtant de véritables ordures, mais leur comportement , leur agressivité, leur détermination, en font des individus parfaits, dans un univers où il n'est pas possible de se cacher, mais où la pro-action est l'unique moyen de rester debout. En parallèle à tout cela, il est amusant de voir que The Walking Dead professe presque une sorte d'idéologie bucolique. L'organisation sociale ayant rendue l'âme, nous voici donc exemptés d'aller pointer au bureau ou de remplir des formulaires, pour se prendre la tête avec l'administration. Finis les gamins à emmener à la crèche où les courses au supermarché du coin, chacun se sert, fait ce qu'il veut lorsqu'il le veut, du moment que cela lui permet de rester en vie une journée de plus et qu'il en a les moyens physiques ou l'ingéniosité. Pour avoir oublié l'existence de la nature et du cours naturel des choses, l'homme doit absolument retrouver sa place et composer avec elle, pour s'assurer un lendemain bien difficile qu'il doit conquérir à la force du poignet. Les zombies sont juste là pour nous rappeler que tout ceci se fera à la sueur du front.

De toutes manières, dans The Walking Dead, nous sommes tous condamnés : l'épidémie a déjà vaincu, il suffit de mourir pour être transformé en zombie, autrement dit tout le monde est déjà atteint. Ce n'est qu'une question de temps, à savoir l'instant où nous mourrons pour devenir un mort-vivant, à moins que quelqu'un quelque part ne découvre un remède au virus latent en chaque individu. Mais la force de Walking Dead c'est de présenter des situations qui reste emprisonnées dans une sorte de bulle géographique ou spatio-temporelle; ce qui se passe à l'extérieur ne nous atteint pas, nous n'en savons jamais rien et il faut accepter tacitement l'idée que la pandémie est généralisée, que c'est la planète qui est condamnée et périclite. The Walking Dead brise l'aliénation moderne : plus de voiture, plus d'avion, plus d'êtres humains enchaînés à la surconsommation, au crédit, à la production et au chômage, on retrouve le goût de planter des fruits et des fleurs, le labeur musculaire, le besoin de penser à soi et aux autres en termes d'immédiateté et d'efficacité, mettant de côté toute idée de productivité effrénée et de spéculation à l'échelle mondiale. L'argent perd tout à coup son rôle, le troc devient bien plus important que des billets de banque, une paire de biceps entraînés vaudra cent mille fois plus qu'une carte de crédit Platinum gold. The Walking Dead c'est aussi l'aveu que nous nous sommes fourvoyés collectivement. Le jour où tout notre système s'effondre, nous sommes obligés de nous recentrer sur les fondamentaux , de retrouver ce qui est essentiel pour assurer notre survie en tant qu'espèce, de mettre de côté le superflu qui nous a étouffé durant des décennies, pour se concentrer sur ce qui nous est vital. Les zombies menacent tout autour, pas très rapides et pas très malins, comme autant de présences spectrales qui obligent les personnages à révéler ce et ceux qu'ils sont vraiment au fond d'eux-mêmes. Les masques tombent un à un, l'hypocrisie est piétiné par l'exigence de rester en vie un jour de plus, et chacun est obligé d'abattre ses cartes sur la table. L'être humain dépouillé de son apparat social, démaquillé et mis à nu, n'a jamais été aussi proche de la création originelle que depuis que Kirkman lui a mis tous ces "rôdeurs" aux trousses. Le scénariste a inventé un Eden peuplé de revenants affamés, ce faisant il est peut-être aussi en train d'écrire en filigrane une nouvelle genèse, un autre monde, le nôtre nous ayant apparemment bien fatigué. Peut-être est-ce là que réside la fascination pour l'univers de The Walking Dead : l'idylle du cauchemar, mourir pour avoir une chance de renaître. 






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ROYALS #1 : AL EWING RECADRE LES INHUMAINS

L'heure est venue de faire amende honorable. Il suffit de feuilleter ce premier numéro de Royals pour se rendre compte que Marvel admet que le chemin entrepris ces dernières années, avec les Inhumains, s'est avéré erroné. On revient donc aux fondamentaux, avec un trait tiré sur tous ces personnages récents mais peu suivis du grand public, pour se focaliser sur la famille royale (Royals, forcément...) et les proches de toujours (avec deux petits jeunes quand même). Les nouveaux Inhumains ne sont pas, ne sont plus des monstres. Ils ont compris et tiré une leçon de leurs erreurs. Car oui, admettons le, une race qui laisse mourir une autre pour assurer sa survie (c'est un peu ce qu'ils ont fait des mois durant avec le nuage terrigène) n'a pas grand chose de sympathique. Medusa a donc remis les siens du bon coté de l'histoire, mais cela ne se fait pas sans l'entrée dans un statu-quo pessimiste, avec son peuple désormais fragilisé comme le furent les mutants pendant longtemps. Plus d'options possibles, plus d'échappatoire, les Inhumains ne peuvent plus chercher à se faire une place sur notre planète, ils doivent juste lutter pour ne pas disparaître. Le pathos et la tension sont donc parfaitement compréhensibles et sentis, dans ce début qui nous promet aussi, grâce à un de ces flash forward que le scénariste affectionne, des retournements de situation qui ne finiront pas tous dans la joie et la bonne humeur.
Quand vous n'avez plus d'espoir sur Terre, où pourriez-vous donc aller chercher l'étincelle pour donner corps aux rêves? Dans l'espace pardi! Et du coup retour sur le devant de la scène de Noh-Varr, alias Marvel Boy, qui détient des informations, et semble jouer une partie toute personnelle. Pendant ce temps là Black Bolt garde le silence. Colère, frustration, le souverain des Inhumains est loin d'être ravi de la tournure des événements, et on comprend que la colère gronde. 
Jonboy Meyers s'occupe lui des dessins. Avec le coloriste Ryan Kinnaird, il forme une doublette qui semble sortie droit d'un caisson de cryogénisation, qu'on aurait mis sous glace à la fin des années 90. Alors oui, ses pages sont vibrantes d'action et il met de l'impact dans tous les contacts, mais parfois la construction et les vignettes chargées font un peu fouillis, et surtout ce style un peu caricatural et se jouant des canons physiques chers aux amants du réalisme risque de faire grincer des dents. La suite arrive déjà dans deux semaines, et on se prend à croire que nous tenons là un titre qui va avoir une vraie importance pour le futur de l'univers Marvel. La dernière page nous fait verser une larme... Peut-être le come-back de nos chers vrais Inhumains d'autrefois? 





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ALL-NEW PUNISHER TOME 1 : OPERATION CONDOR

Une impression de déjà-vu ou de lassitude pourrait être tout à fait justifiée, car vous ne le savez peut-être pas, mais nous en sommes déjà à la dixième série du Punisher à être publiée chez Marvel, d'une manière ou d'une autre. Le dessinateur non plus n'est pas une nouveauté, Steve Dillon a déjà travaillé sur le personnage et il en est ici à sa sixième prestation avec notre anti-héros...C'est un coup porté au coeur que de voir ici ses dernières planches pour le personnage, puisque cet artiste nous a quitté en 2016. Bref avant de commencer cette nouvelle série all new all different j'admets avoir eu quelques doutes sur la pertinence de ce que j'allais lire. Et du reste les premières pages nous emmènent tout de suite sur un terrain connu. Nous avons affaire à un nouveau cartel de la drogue, le Condor, qui compte également dans ses rangs un ancien militaire qui fut en son temps  opérationnel sur le terrain avec Frank Castle. Aujourd'hui il a retourné sa veste et donne dans le trafic d'une nouvelle substance surpuissante (l'EMC) sans se faire trop de scrupules. L'essentiel de ces premières pages se développe autour d'un axe double : d'un côté nous avons une opération des forces anti-drogue (menée par la détective Ortiz, qui est appelée à jouer un rôle important par la suite) et qui est étudiée minutieusement depuis des semaines. Nous sommes à la veille du grand coup de filet et chaque détail doit être vérifié de multiples fois. De l'autre côté nous avons le Punisher, qui lui ne s'embarrasse pas de préparatifs et de la paperasse administrative, mais recourt à une technique bien plus meurtrière et expéditive. Du reste il va devancer la police pour faire le ménage à sa façon. Becky Cloonan nous offre donc une introduction sombre, violente, sans grande surprise, mais qui replace d'emblée le personnage dans un contexte qui a toujours été le sien, et dans lequel il s'avère très efficace. Une force de la nature inarrêtable, qui laisse derrière lui des cadavres de criminels qui l'ont bien mérité. 

Démanteler (ou plutôt éradiquer) Condor ne sera pas de tout repos. Il y a différentes strates à franchir, comme Face, un cinglé de première catégorie qui accroche les visages découpés de ses victimes comme des trophées. Ou de pauvres criminels du dimanche, qui pour faire tomber Frank Castle sont même prêts à utiliser une fillette, équipée d'une ceinture explosive, comme kamikaze innocente. Cloonan n'invente rien de nouveau mais n'épargne pas les scènes chocs, les moments de malaise qui font qu'on en vient, tout naturellement, à souhaiter un bain de sang catharsique avec le Punisher en grand artificier.
Dillon aux dessins nous fait plaisir, car on voit clairement qu'il s'applique et sort des planches qui comptent parmi les plus claires et précises qu'il a produites ces dernières années. Ce sont des épisodes qui respecte pleinement le cahier des charges, mais qui manque peut-être encore de cette folie propre à un auteur comme Garth Ennis (soupirs...).  Les visages sont inexpressifs, volontairement, et on devine dans ce masque figé de Castle toute la froideur d'un homme qui n'a plus guère de liens avec les sentiments du commun des mortels. Sauf qu'en cours de route, cela peut encore changer.. Un dernier hommage pleinement réussi donc à l'artiste, décédé brusquement l'an passé des suites d'une maladie, et qui a marqué de son empreinte la carrière éditoriale de notre justicier à la tête de mort. Dont la nouvelle série, chez Panini, joue la carte du classicisme désespéré, et cela fonctionne bien, et plonge le lecteur dans une aventure noire et sordide, qui ne nous fait pas aimer le genre (in)humain. 







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ESSEX COUNTY : LE CHEF D'OEUVRE ABSOLU DE JEFF LEMIRE

Essex County, coeur profond de l'Ontario. C'est là que Jeff Lemire a grandi, c'est son monde, le terreau fertile de sa sensibilité. Il ne s'y passe pas grand chose, l'histoire semble même s'y être arrêtée, d'une certaine manière. Mais derrière l'apparente immobilité du cours des choses, se cachent des récits poignants, ceux du quotidien d'êtres comme vous et moi, cette humanité impersonnelle qui va de l'avant malgré les drames, qui aime et souffre, pleure et jouit. Lemire va dépeindre tout cela avec une classe folle dans cette trilogie datée 2008 et 2099, qui sera deux fois nominée aux Eisner Awards, sans pour autant décrocher la récompense, injustice scandaleuse. Ce portrait croisé de cabossés de la vie s'ouvre avec un jeune garçon, Lester, qui vient de perdre sa mère, morte d'un cancer. Lester n'a jamais connu son paternel, et c'est son oncle qui en reçoit la charge, sans jamais l'avoir souhaité, et s'y être préparé. Les deux se regardent en chien de faïence, doivent apprendre à s'apprécier, à communiquer, à accepter ce que leurs existences respectives sont devenues. Au rythme fascinant des saisons, sous le manteau ouaté de la neige, Lester confie son ennui et ses distractions à un ancien joueur de hockey, solitaire un peu benêt, reconverti en pompiste isolé. Avec pudeur, retenue, sensibilité, des fils se nouent, se dénouent, la vie s'expose, dans sa beauté nue et crue. Ensuite, vient le récit d'un vieil homme atteint de la maladie d'Alzheimer, qui entre une période de conscience, et une autre de crise d'identité, se remémore les moments de complicité avec son jeune frère. Tous les deux entament même une carrière de joueur de hockey sur glace professionnels, mais la solitude de l'aîné contraste avec la félicité simple et pure du cadet, qui a trouvé l'amour, et souhaite avant tout fonder un foyer, et quitter la grande ville pour retourner vivre en Essex. Une présence féminine importante se glisse, qui va catalyser la séparation entre les frangins, et faire imploser cette fragile unité qui se désagrège inexorablement sous nos yeux. Un bonheur qui s'estompe, au rythme de la maladie qui ronge et rogne les souvenirs. Comment un artiste aussi jeune (trente ans) peut alors écrire de telles choses, avec une telle honnêteté, cela reste un mystère à mes yeux. 

Dernière partie de la trilogie, une belle histoire mettant en scène Annie, une infirmière, mère célibataire, en charge du vieillard déjà évoqué. Elle aussi n'a pas eu l'existence dont elle aurait pu rêver, étant petite, mais elle a su garder une humanité exemplaire, rester au service des autres. Les trois parties de la trilogie finissent par s'imbriquer, alors que les rapports et les liens familiaux et affectifs qui unissent les différents personnages apparaissent au grand jour. Le récit se fait saga générationnelle, tourbillon de trajectoires brisées, interrompues, ou simplement déviées, vers un nouveau départ, de nouveaux horizons. La sensibilité de Jeff Lemire n'est pas de la sensiblerie de bas étage, du pathos à pleines mains pour verser des larmes faciles. Le trait de Lemire peut dérouter, sembler simpliste et caricatural au premier abord, mais il est lui aussi chargé en émotions. Allant des grands yeux des personnages, à leurs oreilles décollées, le nez cabossé, à la variation dans l'épaisseur du trait, qui oscille entre le noir charbon et l'ébauche légère, selon le rythme des saisons et le ton dominant. C'est si peu orthodoxe et en apparence sommaire que le lecteur de passage peut voir cela comme un story-board à dégrossir, mais un regard plus attentif démontre à quel point la maîtrise du cadrage, le travail presque cinématographique (Jeff Lemire a fait des études de cinéma) de l'artiste prouvent qu'il contrôle parfaitement son oeuvre, comme peu en sont capables. Essex County est un chef d'oeuvre total et intemporel. Il associe existences privées et communauté rurale, folâtre douceureusement et joue avec nos sentiments. Et appuie avec mélancolie sur les absences, que ce soit celle de longs dialogues ou d'échanges verbaux prolixes (l'incapacité à communiquer les sentiments est un des moteurs de Essex County) ou d'une figure paternelle recherchée mais qui est fuyante, que la vie s'est refusée d'offrir, ou a emporté trop tôt. Dans le ciel cristalin et froid de l'Essex, une corneille vole par endroits, tisse de minces liens entre les histoires, comme le lecteur qui observe et aprrend, page après page, ce que signifie laisser fluire le destin, sans jamais pouvoir intervenir. Chef d'oeuvre total publié en VF chez Futuropolis.






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LES X-MEN DANS LEURS PLUS BEAUX COSTUMES : L'HABIT FAIT-IL LE MUTANT?

Nous avons abordé hier les hésitations et problèmes actuels que rencontre Marvel, et toute sa nouvelle gamme de titres mettant en scènes des héros "nouveaux venus", souvent des versions féminines ou adolescentes de franchises reconnues. Un autre phénomène récent : la transformation de costumes et identités graphiques établies, pour adopter un ton plus urbain, voire streetwear, ou coller aux films et à une tentative de singer le réalisme. Le costume, les couleurs, les gadgets, les exagérations vestimentaires, tout cela fait aussi le charme du genre super-héroïque, où nous avons souvent pris notre pied avec des personnages bariolés, revêtant d'improbables combinaisons, ou des sous-vêtements par dessus le collant. Exemple flagrant, les X-Men. Les mutants sont des parangons de mode, ils ont débutés dans les années 60, ont pris de plein fouet les années 80 puis la décennie de l'exagération qui a suivi, avec des maîtres comme Jim Lee pour les guider. Ces temps derniers, les X-Men arborent un look un peu plus fade, moins iconique (Psylocke ou Tornade par exemple), ou carrément différent (Cyclope avant sa mort). Nous avons sélectionné ici nos dix tenues préférées, sachant qu'on pouvait en rajouter de nombreuses autres, et qu'on attend de pied ferme vos suggestions.  

1. Jean Grey - Phénix
Le Phénix des origines. Jean Grey où l'innocence et la beauté sublimée dans un costume vert magnifique. Une autre vision des X-Men et des comics, à coup sûr.

2. Wolverine. Yellow costume
En jaune, le Wolverine. C'est un peu voyant, mais iconique. On l'attendait au cinéma cette tenue! 

3. Ororo Munroe - Tornade
Maîtresse des vents, avec la cape et la tiare. On a tous fait un rêve d'Ororo un jour ou l'autre

4.Nightcrawler - Diablo
Lui aussi est intouchable. essayez donc de changer le costume de Diablo! Vous obtenez la version actuelle, un look médiéval pas terrible, vraiment. On le veut ainsi notre allemand préféré

5. Psylocke années 90
La ninja explose les rétines dans les années 90. Une tenue affriolante et un Scott Summers qui a même failly craquer du coup...

6. Colossus années 80
La période Byrne nous présente un Colossus attachant, fragile et puissant, et une peau/armure dans un costume simple mais parlant, pour le soviétique mutant. Génial. 

7. Gambit Jim Lee années 90
Avec son imperméable et son costume/armure en dessous, la tignasse folle, le Gambit des années 90 avait une classe folle, assurément!

8. Rogue (Malicia) années 90
Oui, l'époque Jim Lee a donné naissance à des costumes que nous n'oublierons jamais. La belle Malicia aussi fait partie des heureuses élues, avec une tenue classique mais efficace. Souvenirs de Terre Sauvage aussi...

9. Archangel (X-Factor)
Dans son incarnation avec ailes lames de rasoir, Warren Worthington devient Archangel, un splendide oiseau badass au sein de X-Factor, qui entre de plein pied dans la légende.

10. Magneto de Jim Lee
Oui bon, Magneto peut-il être classé parmi les X-Men? Oui, car il en a fait partie, et il en est de nouveau, en ce moment, avec les séries All-New All-Different. Dans son incarnation "Jim Lee" Magneto est le plus grand des ennemis des X-Men. Sublime, tout est parfait. 

Et vous, quel est votre version/costume préféré des X-Men?



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JUSTICE LEAGUE LA SAGA DE RED TORNADO (DC PAPERBACK)

 Brad Meltzer n’a pas seulement relancé la Justice League en 2006 avec The Tornado’s Path ( la saga de Red Tornado pour Urban) : il a voulu...