FLASH INFINITE TOME 1 : EN UN CLIN D'OEIL


 Le moins que l'on puisse dire, c'est que Wally West n'a pas été le personnage le plus choyé par les grands cerveaux qui dirigent et décident le destin des personnages chez DC comics. Celui qui avait mis du temps pour s'imposer comme le remplaçant de Barry Allen, dans le costume de Flash, a pourtant fini par devenir un des préférés des lecteurs; mais lorsque Barry fut de retour, l'impression était alors celle d'une présence encombrante. Pas de panique, à l'occasion des new 52 DC comics fait disparaître le remplaçant de l'équation, avant de le ramener timidement, tout en lui réservant au fil des ans une liste de déboires capables de décourager les plus solides des héros. Voilà qu'à l'occasion de Rebirth il revient sur le devant de la scène, oui, mais plus personne ne se souvient de son d'identité... et bien entendu son mariage avec Linda Park et ses deux enfants ne sont plus d'actualité. Pire encore, lorsque se fait ressentir le besoin de relâcher la pression et d'aller se soigner dans un institut spécialisé pour les symptômes dépressifs et post dépressifs des types à super pouvoirs, Tom King lui fait officiellement commettre un acte inconsidéré. Wally West devient alors le responsable de la mort de plusieurs personnages importants, et il faudra de longs mois, pour ne pas dire plusieurs années, pour vraiment parvenir à expliquer ce qui s'est passé clairement, tout en le dédouanement de la responsabilité de cette tragédie (le point final est à lire dans cet album, justement). Aujourd'hui Wally West est de retour en tant que Flash, néanmoins son désir de préserver sa famille, qu'il a enfin récupérée, fait que le choix de renoncer à sa double identité a quelque chose de logique. Wally décide même d'abandonner ses supers pouvoirs, car la tentation de les utiliser est trop grande. C'est ainsi qu'il demande l'aide de Barry Allen pour se connecter à la force véloce et se priver une bonne fois pour toutes de ce qui fait de lui un bolide exceptionnel.



Évidemment rien ne va se passer comme prévu, sinon vous n'auriez pas cet album entre les mains. Parution qui constitue le premier tome d'une nouvelle ère pour le personnage, celle initiée avec la période dite "Infinite". Sous les yeux d'une foule admirative, Barry et Wally se mettent à courir pour pénétrer dans la force véloce, mais rien ne se passe comme prévu, sans que nous comprenions vraiment pourquoi (et d'ailleurs même lorsque les explications arrivent, il faut avoir un doctorat en science théoriques pour y comprendre quelque chose). Wally se retrouve isolé et projeté dans un passé très lointain, bien avant la préhistoire, sur une terre où vivent encore les dinosaures. Il est d'ailleurs attaqué par l'un d'entre eux, qui dispose aussi d'une super vitesse. Si on peut regretter que ces nouvelles aventures sont un peu trop chargées en humour, avec un ton badin, voire parfois carrément régressif, on apprécie beaucoup le fait que Wally se retrouve aux prises avec toutes les grandes époques importantes qui ont fait le succès de la série de comics The Flash. Le héros investit à certains momentanément le corps de personnes comme Jay Garrick (le premier Flash, ici face à Adoplh Hitler en personne), Impulse, ou bien le Reverse Flash, et ce sont autant de clins d'œil à des périodes différentes de la "légende écarlate", qui sont mises en valeur par un Jeremy Adams qui semble bien se divertir. Côté dessin, il y a bien entendu une liste impressionnante d'artistes qui se succèdent, chaque période, chaque situation étant mise en scène par un illustrateur différent. On trouve du beau linge comme Pasarin, Santucci, Peterson ou Lafuente, et c'est globalement décousu mais foncièrement beau. Un album qui s'avère plaisant à la lecture, qui souffre peut-être d'un manque de sérieux par endroits, à entendre dans le sens d'une trop grande volonté de divertir le lecteur au détriment du pathos, mais qui au final se révèle un assez bel hommage à la carrière de flash (des différents Flash), qui devrait ravir tout ceux qui aiment le héros, quels que soient ses incarnations à travers le temps. 




ED GEIN : AUTOPSIE D'UN TUEUR EN SÉRIE


Si le nom de Ed Gein n'évoque pas grand-chose pour vous, il est fort probable qu'après lecture de cet album publié chez Delcourt, les choses soient fort différentes, et pour longtemps! Nous sommes ici face à l'un des pires psychopathes de l'histoire américaine, un tueur en série aux actions monstrueuses, qui a par la suite inspiré des œuvres cultes comme le roman Psychose de Robert Bloch (porté à l'écran par Alfred Hitchcock) ou encore le terrible assassin du Silence des agneaux. Au départ rien ne prédispose le petit Ed à devenir le monstre qu'il sera ensuite, si ce n'est malheureusement sa famille. Et oui, rappelons-le, les brimades de l'enfance, l'ambiance dans laquelle on grandit sont très souvent à la base de névroses ou de comportements déviants qui peuvent alors gravement nuire au développement individuel, mais aussi à la société dans son ensemble. Avec une mère religieuse fanatique, un père alcoolique et soumis, et pour finir un frère qui semble être le "préféré de la famille", ou en tous les cas le plus débrouillard, Eddie n'a pas tiré le bon ticket à la loterie de la vie. Ne parlons pas de ses relations avec les filles, puis les femmes en grandissant... elles sont inexistantes! Pour lui l'univers féminin relève principalement du péché absolu, ce qui explique pourquoi il deviendra plus tard l'assassin de nombreuses d'entres elles, qu'il va découper méthodiquement, allant jusqu'à conserver puis utiliser les parties intimes et génitales. Oui vous avez bien compris, il faut avoir le cœur accroché pour lire cette bande dessinée. Attention, il s'agit de quelque chose de très fort, qui est absolument a déconseiller pour les plus jeunes ou les plus sensibles. Certaines pages sont particulièrement intenses, choquantes, et non seulement ce qui est décrit est difficilement soutenable, mais c'est aussi montré, illustré sobrement mais puissamment. 




Le travail réalisé par Harold Schechter est assez remarquable; la reconstruction des faits, quasi journalistique, permet de comprendre, à défaut d'excuser, ce qui a poussé un individu qui a grandi dans la frustration et l'ignorance de la vie réelle à devenir une créature déséquilibrée et probablement manipulatrice, comme en témoignent les scènes où il est interrogé par la police, les avocats ou les psychologues. C'est l'apparente banalité de l'individu qui accentue l'horreur de la situation. Au premier coup d'œil, rien ne permet de distinguer Ed, le citoyen banal, d'un assassin en série dont il faudrait se méfier. Certes, à bien y regarder, des indices sont disséminés tout au long de sa vie, et en effet, une fois que la vérité éclate, il s'avère qu'il aurait probablement été possible de comprendre où étaient passées certaines des victimes, de ces femmes enlevées et assassinées, et de percevoir à travers les propos du tueur des mots, des demi-aveux, qui deviennent évidents avec le recul. Mais avec des "si" on mettrait Paris en bouteille, alors pour ce qui est de mettre un serial killer en prison... Parfois il est nécessaire de combler les informations glanées par quelques petites libertés scénaristiques, mais ça n'est jamais forcé et cela sert toujours parfaitement un récit, qui est maîtrisé d'un bout à l'autre. Il faut dire que le dessin d'Eric Powell est également extraordinaire. Toute l'histoire se présente dans des tonalités de gris d'une élégance extrême, qui contrastent avec l'atrocité de ce qui est présenté. Le réalisme est ici parfaitement associé au style propre d'un artiste qui parvient à rendre haletante et tendue des séquences pourtant statiques, ou basées sur un regard, un mot, un non dit. Même le quotidien anodin devient menaçant et nous fait frissonner. Certaines pages sont pourtant chargées en didascalies, en informations, mais on les parcours très vite car une fois immergé dans la lecture, il y a comme une urgence à aller au bout de ce récit glaçant, qui en même temps nous contraint à certains endroits à marquer quelques poses, devant l'ampleur de la déflagration conceptuelle. Oui, Ed Gein est le genre de bande dessinée qui va creuser bien profond dans la psyché humaine, oui nous descendons là à un niveau rarement atteint dans l'abject en images, et en même temps, dans l'œuvre d'art aboutie. D'autant plus que l'édition proposée par Delcourt est de très grande qualité, avec notamment un carnet de croquis et quelques annotations bien utiles, qui en font un objet dont la place est sur les étagères de tout amateur de bande dessinée qui se respecte. Incontournable est un adjectif parfois galvaudé, mais certainement pas ici.



LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : CELLE QUI PARLE


 Dans le 125e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Celle qui parle, album que l’on doit à Alicia Jaraba, édité chez Grand angle. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie de l’album Cache-cache mortel à Bréhat, titre que l’on doit au scénario de Patrick Weber, au dessin de Nicoby et c’est édité chez Glénat

– La sortie de l’album Bagnard de guerre que l’on doit au scénario de Philippe Pelaez, au dessin de Francis Porcel et c’est édité chez Grand angle

– La sortie de l’album Moon que l’on doit à Cyrille Pomès et c’est édité chez Rue de Sèvres

– La sortie de l’album La limite n’a pas de connerie que l’on doit à Emmanuel Reuzé et aux éditions Fluide glacial

– La sortie de l’album D’eau et de boue que l’on doit au scénario d’Adam Smith, au dessin de Matthew Fox et c’est édité chez Robinson

– La réédition de l’album Billie Holiday que l’on doit au scénario de Carlos Sampayo, au dessin de José Muñoz et c’est édité chez Casterman




 
 

CROSSOVER TOME 1 : KIDS LOVE CHAINS


Pour ceux qui ne le savent pas encore, un crossover est une histoire qui met en scène différents personnages qui en temps normal vivent des aventures séparées, dans leurs propres mensuels, mais qui pour l'occasion vont voir leurs destins entremêlés, dans ces mêmes titres respectifs. Cerise sur le gâteau lorsqu'il s'agit d'un crossover entre différentes maisons d'édition; des personnages qui a priori n'ont aucune chance de se rencontrer; et qui tout à coup vivent une histoire en commun. Donny Cates invente de son côté le crossover complètement dingo, à savoir Crossover, tout court, un univers dans lequel tout à coup apparaît l'intégralité des personnages de comics, toutes maisons d'édition confondues, depuis que le genre existe. Tout ce beau monde se tape dessus à Denver, qui pour l'occasion se retrouve enfermé sous un dôme impénétrable et mystérieux. On ne sait pas comment et pourquoi ils sont apparus dans le Colorado, mais par contre on a vite compris que les dégâts allait être considérables. Ce qui explique pourquoi lire des comics est devenu une activité répréhensible, particulièrement mal vue. Nous n'allons pas vous mentir, bien entendu impossible pour les artistes de ce comic,book d'obtenir les droits leur permettant de mettre clairement en scène des super-héros comme Superman ou Spider-Man. On doit souvent se contenter de vagues silhouettes ou de références subtiles, qui font comprendre de qui il s'agit. Par exemple, nous avons l'impression de voir apparaître Batman en prison, dans la pénombre. Par contre, de nombreux artistes ont aussi permis à Cates de jouer avec leurs créations (comme le Madman de Michael Allred, les détectives du Powers de Bendis et Oeming, ou encore le Savage Dragon de Larsen). À ceci il faut ajouter les séries précédentes du scénariste, comme par exemple God country, qui consentent de mettre en scène d'autres héros et personnages pour l'occasion. Mais en fait, ils sont tous plus ou moins au second plan, car la protagoniste de cette histoire, au départ, est une jeune fille qui travaille dans un comic shop, une certaine Ellie. 


Ellie est une jeune fille adepte du cosplay, dont les parents ont disparu pendant l'événement de Denver mentionné ci-dessus. Autres personnages importants, Otto, le propriétaire hippie un peu bourru de la boutique de comics où Ellie travaille, puis Ryan, le fils du pasteur Lowe, qui a fait de la lutte contre "ceux issus des bandes dessinées" sa grande cause. Et pour finir la petite Ava, une enfant mystérieuse droit sortie d'un comic book, comme l'indique son apparence physique (avec les fameuses couleurs tramées d'autrefois, c'est à dire ces lignes de points si caractéristiques). Quatre personnages dont les destins se croisent inévitablement et qui donnent lieu à une aventure pleine de rebondissements. Ava veut retourner avec sa famille, qui est restée à l'intérieur du Dôme tandis qu'Ellie est prête à l'aider, parce que sa mère et son père s'y trouvent aussi, et sont peut-être encore en vie. Y a-t-il un moyen de franchir la barrière? Oui, peut-être, si on en croit l'existence d'un homme qui peut transporter des gens des deux côtés du dôme. Ce héros a un grand "S" sur la poitrine et semble très puissant. Vous avez compris de qui il s'agit? Tout faux, ce n'est pas un kryptonien, en tous les cas! Cates se penche sérieusement sur des sujets comme le fanatisme, l'étroitesse d'esprit, et utilise tous les fantasmes nauséabonds de Fredric Wertham, le psychiatre à la base d'une épuisante croisade contre l'immoralité supposée des comics, dans les années 50. Pour laisser exploser son amour du média, et surtout sa grande connaissance, les deux allant souvent de pair. Il parvient clairement à s'amuser comme un fou, et le lecteur en profite grandement. Si dans un premier temps on ne peut que tiquer devant les dégâts que causent réellement ces super personnages, on se rend vite compte que le gouvernement, et les "humains réels" ne sont pas en reste, utilisant la détention, la torture, et de sordides expériences, pour atteindre leurs propres buts. Geoff Shaw est dans un état second, et signe au passage ce qui pourrait bien être le meilleur travail de sa carrière, tant il parvient à faire tenir debout ce projet baroque et ambitieux, à travers des planches d'une grande beauté, avec des visages humains, vivants, expressifs, et un sens du merveilleux, du mouvement, qui explose régulièrement dans des scènes de grand impact plastique et émotif. Crossover est une œuvre de méta bande-dessinée surprenante et cohérente, divertissante et intelligente; Et ce premier tome, proposé au prix extrêmement alléchant de dix euros(!) n'est que la partie émergée de l'iceberg. Dans les prochains épisodes, ce seront les créateurs des séries eux-mêmes qui vont tenir le haut du pavé! Impossible alors de renoncer à Crossover, qui est une de ces séries régulières qu'aucun amateur de comics américains ne peut décider de snober. Sortie cette semaine, à vos réservations! 





NEXUS OMNIBUS 1 : LA GRANDE SCIENCE-FICTION DE BARON ET RUDE CHEZ DELIRIUM


 Nexus, une série fascinante, singulière, avec un protagoniste qui l'est tout autant. Les premières pages de ce qui sera une longue saga palpitante qu'aucun initié ne saurait refuser, s'ouvrent sur une interrogation : qui est donc ce justicier en costume, doté d'une visière et de pouvoirs apparemment hors du commun, qui s'immerge dans une sorte de liquide amniotique pour y vivre de terribles cauchemars, avant d'en sortir, animé par l'intention d'aller tuer ceux qui viennent sinistrement de peupler ses songes? Une chose est certaine, Nexus est puissant, incommensurablement, et c'est malgré tout un être humain, avec ses fragilités, son histoire tourmentée. Sa base d'opérations est une espèce de lune artificielle du nom de Ylum, où il s'est entouré d'une vaste communauté de créatures extraterrestres plus ou moins humanoïdes. Son "règne" est sous le signe de la concorde, du respect, pourtant ses actions savent être radicales quand le besoin l'exige. Sa carapace est percée le jour où débarque la belle Sundra Peale, qui parvient peu à peu à faire brèche dans son cœur, et sera la première femme qui aura l'honneur de partager son lit. Ce sera aussi celle qui recueillera ses confidences, prétexte parfait pour Mike Baron, le scénariste, qui a ainsi l'opportunité de dévoiler aux lecteurs les origines de Nexus, qui bien entendu contiennent une bonne dose de pathos. Que ce soit du côté du père (et ici Nexus, c'est à dire en fait Horacio Hellpop, se révèle l'héritier d'un despote soviétique dont la carrière est entachée de bien sinistre façon...) ou de la mère (qui connaît un destin tragique en se perdant dans les dédales infinis d'Ylum), Nexus est un personnage fragile, en quête d'attaches, qui pourraient le définir comme un véritable être humain, un adulte responsable et construit. Quand il s'unit physiquement pour la première fois avec Sundra, Horatio ne perd pas seulement sa virginité, comme il l'avoue lui-même, mais il effectue un premier pas vers l'acte fondamental de naître vraiment à la vie, d'en apprécier la valeur, la substance. Autrement, que reste t-il de cet homme dont la mission inlassable est de rêver aux crimes atroces des plus grands meurtriers de masse de la galaxie, pour ensuite aller les exécuter?  Où est vraiment la justice, quand l'homme (le bourreau?) qui l'apporte ignore jusqu'à l'origine de la pulsion qui dicte ses gestes? Nexus dispose d'un pouvoir qui défie l'entendement, mais justement, un pouvoir qu'il ne peut pas saisir, ne peut pas appréhender, juste exercer. Un cycle infini de cauchemars, de chutes, de régénérations dans ce bain primordial dont il ignore la composition, et qui fait de lui cette entité vénérée par certains comme un dieu ou un empereur romain, sans jamais se départir de la fragilité toute humaine qui le caractérise. 


Nexus, c'est aussi la grande science-fiction des annés 80, celle qui se permet de rêver les yeux ouverts, à chaque page, sans s'embarrasser des limites étroites de la crédibilité ou des faits matériels. On y croise des despotes dont les ressources en énergie proviennent de millions de corps décapités, dont les têtes sont devenues autant de moteurs, de réservoirs pour alimenter leurs délires de toute puissance. On y rencontre des êtres singuliers, aussi belliqueux qu'attachants, comme un certain Judah Maccabee, qui a pris Nexus comme modèle de vie, et dont le père est -par le plus grand des hasards - un des "lieutenants fidèles du héros. On saute d'un monde aquatique, à une visite sur Terre, dans les geôles de la planète, aux bars les plus miteux de l'univers. On se retrouve piégé dans un "monde bol", dont l'unique accès est une sorte de singularité de l'espace temps. On croise le chemin d'une ambassadrice/espionne, qui a des plans bien précis pour séduire Nexus et découvrir la vérité sur ses dons. C'est un feu d'artifice, et chaque salve resplendit et illumine la suivante. En fait, c'est en 1979 que le scénariste Mike Baron rencontre le dessinateur Steve Rude, pour la première fois. Baron envisage déjà Nexus, et il écrit et dessine dans le même temps, jusqu'à ce qu'un ami lui présente "quelqu'un qui dessine tout comme toi". Dès le premier regard sur le portfolio de Rude, c'est l'évidence qui s'impose, la partie graphique vient de trouver son exécuteur. Au départ le titre est publié par Capitol Comics, sous la forme d'un comic book en noir et blanc et grand format, qui apparaît d'emblée comme bien structuré, ambitieux, extrêmement ramifié. Le troisième numéro comprend même un disque flexible avec une bande-son créée par Baron lui-même, des bruitages, des dialogues. En mai 1983 Capitol opte finalement pour la couleur, avec Les Dorscheid, et Nexus entame son ascension vers le titre de bande dessinée culte de la décennie. On a rarement manié avec autant d'équilibre et de justesse le grand drame cosmique, la science-fiction la plus traditionnelle, l'humour (Nexus est truffé de scènes absurdes, désopilantes, subtilement décalées...). Steve Rude place son trait élégant, épuré, au service de planches qui évitent les artifices comme la peste, et peuvent apparaître délicieusement rétro, quelque part entre Jim Steranko et Alex Raymond. Son storytelling, la pureté de ses personnages, sont au dessin ce que pourrait être à la conversation orale  une discussion cultivée, truffée de termes charmants et volontairement datés. L'érudition au service du beau. Aucune vignette qui dépareille, aucune tentation de prendre des raccourcis ou de hâter le produit fini, chaque épisode est fouillé, inspiré, et contient matière à étourdir le lecteur, sans avoir l'air de s'y appliquer pour autant. Vous comprendrez alors que l'arrivée de cette intégrale au format omnibus, chez Delirium, constitue pour nous un de ces événements majeurs que vous finissez par accueillir sur vos étagères, en grande pompe. Ce ne sont pas les bons papiers qui manquent sur internet, ni les blogs/sites plus ou moins spécialisés; pour autant je vous mets au défi de trouver un critique ou simplement un lecteur attentif de Nexus, qui ne soit pas sorti conquis à jamais de l'univers imaginé par Baron et Rude. Plus qu'une lecture, plus qu'une expérience, Nexus pourrait bien devenir pour vous -comme ça l'est pour nous- un véritable acte d'amour. 


Vous aimez les comics, la Bd ?
On vous offre 84 pages chaque mois, avec le Mag', gratuit.




ULTRAMAN LES ORIGINES : MARVEL TOKUSATSU


 Avec un peu d'audace, et le sens des affaires, on peut parvenir à produire des choses inattendues, qui ont le mérite de réjouir pas mal de monde, d'horizons différents. Ce fut le cas par exemple quand Marvel annonça un partenariat avec Tsuburaya Productions. Ultraman, héros créé par Eiji Tsuburaya en 1966, allait donc intégrer l'univers de Spider-Man et consorts, ce qui est une double surprise, car non seulement c'est un personnage qui y est totalement étranger, mais même en terme stylistique, de genre, il s'agit d'une approche fort éloignée. Nous sommes dans ce qu'on appelle le "tokusatsu" et Ultraman est extrêmement populaire au Japon. Pour simplifier, disons que chez nous ce sont plutôt les Super Sentai (c'est à dire les Power Rangers) qui incarnent la catégorie. D'ailleurs, Marvel ne s'y est pas trompée car le scénariste de Rise of Ultraman n'est autre que Kyle Higgins (en collaboration avec Mat Groom), qui a déjà montré l'étendue de son talent chez Boom! avec le titre des Rangers aux multiples couleurs (publié en vf chez Glénat Comics). Ici, le nouvel hôte "humain" s'appelle Shin Hayata. On ne nous le présente pas comme un type dont la vie est une grande réussite, puisqu'il n'est pas parvenu à convaincre la United Science Patrol de le recruter (pour faire court, une version nippone du Shield de Nick Fury, qui gère les affaires courantes, principalement les grosses crises à base de kaiju, ces monstres omniprésents au Japon). C'est Kiki, son amie, qui a atteint cet objectif, pour autant sa présence, son expertise, sont plus ou moins nécessaire. Notamment quand Kiki est impliquée dans une première mission de terrain qui semble être trop délicate pour son inexpérience. Shin donne certes un coup de main, mais il hésite au moment de neutraliser l'étrange forme lumineuse d'origine extraterrestre qui vient de s'échouer sur Terre. Au bout du compte, il entre en contact avec elle, geste imprudent qui va avoir des répercussions formidables sur son existence.



Il faut dire que le pauvre Shin a reçu un bon coup de pression au moment d'appuyer sur la gâchette. Car ce vaisseau alien échoué fait écho à une "incursion" précédente, en 1966 (vous avez saisi la référence, hein?) que l'agence gouvernementale japonaise avait réglé de manière bien expéditive. En fait, il s'agit d'un représentant de la race des "Ultra", des individus dont la sérénité et le contrôle des émotions leur permettent de s'affranchir des invasions de kaiju (qui prospèrent grâce à la peur, la jalousie, les pensées noires) et qui prêtent main forte aux races moins "développées" qui n'ont pas ces facultés, et donc sont sujettes aux assauts de ces monstres redoutables. Pas de chance pour notre planète, une crise d'ampleur nous guette, et il n'existe qu'une façon de s'y opposer concrètement, faire en sorte que le représentant des Ultra et le pauvre Shin unissent leurs forces, au sens propre, en fusionnant. Ultra + Man = Ultraman. Derrière ce scénario basique mais clair, qui prend vraiment son temps pour s'épanouir mais ensuite se révèle intelligent et respectueux du cahier des charges des aventures de ce type, se cache une synthèse clairement réussie entre deux univers presque antithétiques, et pourtant complémentaires. Et où en sommes-nous du côté du style, du dessin? Bonne nouvelle, c'est Francesco Manna qui a hérité de cette série. Je vous mets au défi de trouver une seule planche, voire une seule vignette, où l'artiste italien semble accuser un coup de mou. C'est plastiquement fluide, très élégant, avec une vraie attention aux expressions, au dynamisme, y compris quand les scènes sont assez statiques (dans le premier numéro, beaucoup de dialogues que Manna porte à bout de bras). Vous pouvez agrandir n'importe quelle vignette de n'importe quelle page, vous finirez par apprécier la finesse de son trait, au point qu'on assiste clairement, mois après mois (allez voir son Carnage en ce moment...) à l'avènement d'une des grandes stars de cette décennie encore bien jeune. De quoi donner à cet Ultraman un bon capital sympathie et lui ouvrir les portes et les cœurs d'un lectorat assez varié. De quoi en faire aussi un franc succès? 



Et comme une bonne surprise ne vient jamais seule, sachez que Francesco Manna sera un de nos invités de choix au Play Azur Festival de Nice, les 14 et 15 mai prochains. En compagnie de Luca Maresca, Alessandro Cappuccio, Fabiano Ambu, Rosa Puglisi (Vorticerosa), Marco Russo, Benjamin Carret, et d'autres surprises à venir... Une artist alley 100% passion des comics et de la bd, dont on vous reparlera vite. Si vous ne pouvez pas être présent, mais que vous souhaite obtenir une commission de Francesco Manna (ou d'un autre artiste présent) n'hésitez pas à nous contacter en commentaire, ou encore mieux, à l'adresse universcomics.lemag@gmail.com 


Venez nombreux, moussaillons ! 

Et n'oubliez pas d'aller "liker" la page Facebook, ça va de soi ! 

UNIVERSCOMICS LE MAG' #22 AVRIL 2022 : WAR ZONE comics guerre et propagande

 


UNIVERSCOMICS Le Mag' #22
Avril 2022
84 pages Gratuit

Téléchargez-le ici :
#Lire en ligne

"WAR ZONE" Comics, guerre(s) et propagande.
Sommaire :
* La guerre, les comics, la propagande. Dossier du mois.
* Conseils de lecture. La guerre du Vietnam dans l'excellent Vietnam Journal chez Delirium, mais aussi 300 de Frank Miller, et le chef d'œuvre Maus.
* Derrière la carapace de COLOSSUS, un portrait psy inspiré signé #AnthonyHuard
* Flash Thompson, de héros à zéro. Flash part en guerre avec #AlexandreChierchia
* #Zagor / #Flash team up e collaboration inédite entre DC Comics et #SergioBonelliEditore
* Le cahier critique. On passe à la loupe l'intégrale Alpha Flight et Heroes Reborn chez Panini Comics France L'enfer pour aube chez Éditions Soleil Batman Detective (Infinite) chez Urban Comics Retroactive paru chez Les Humanoïdes Associés Soleil Noir publié chez Shockdom France Capitaine Vaudou dispo chez Éditions Delcourt et les films #TheBatman et le tout récent Morbius
* Le meilleur de la BD chroniqué avec le podcast #LeBulleur, qui vous emporte chez Rue de Sèvres Gallimard Presque Lune éditions Dargaud #Delcourt ou encore Futuropolis
* Preview ! On file découvrir le prometteur #RadiantBlack bientôt chez Delcourt Comics
* Preview double dose, avec le fort joli Chemin des hirondelles, qui va sortir chez #ShockdomFrance
* Le portfolio du mois d'avril
* La petite sélection VF librairie du mois d'avril

Merci beaucoup à #Aste17 pour la cover, et à Benjamin Carret Art Page pour le remarquable travail graphique.
Merci à vous tous, à celles et ceux qui pour nous aider partageront ce numéro, sur les réseaux sociaux, sur les forums. Le Mag' est mensuel, gratuit, pour vous, et c'est grâce à vous que le #23 débarquera en mai. N'oubliez-pas aussi que vous pouvez trouver tous les numéros en téléchargement direct ici : https://www.facebook.com/groups/universcomicslemag/files
Merci et bon mois d'avril ! !


PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE

Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terro...