SA MAJESTÉ DES MOUCHES : L'ADAPTATION DE AIMÉE DE JONGH CHEZ DARGAUD


Soixante-dix ans après la publication du roman culte Sa Majesté des Mouches de William Golding, cette œuvre intemporelle a été brillamment adaptée en bande dessinée chez Dargaud. Le résultat, il faut le dire, est convaincant. Le récit propose une réflexion sur des thèmes universels tels que la société libertaire, la cruauté humaine et la nature véritable de l’homme lorsqu’il est livré à ses instincts primaires. L’histoire, située dans les années 1950, débute après un accident d’avion. L’appareil s’écrase sur une île déserte au cœur du Pacifique, et seuls des enfants en réchappent. Point commun entre ces jeunes survivants : ils viennent tous d’un milieu privilégié de la haute société anglaise. L’album s’ouvre sur les premiers rassemblements des rescapés. Grâce à un simple appel sonore produit en soufflant dans un coquillage, les enfants convergent vers la plage et cherchent à se regrouper. Rapidement, des individualités émergent, et ce sont ces figures marquantes qui vont se disputer le rôle de leader dans cette joyeuse mais chaotique communauté. Parmi eux, un enfant grassouillet, surnommé « Cochonnet », peine à se faire une place. Marqué par les moqueries qu’il subissait à l’école, il redoute de voir ce surnom humiliant se répandre de nouveau parmi ses compagnons d’infortune. Cependant, ne vous attendez pas à des portraits d’enfants brisés ou plongés dans une profonde détresse psychologique. La petite société s’organise rapidement : les survivants partent cueillir des fruits, construisent des cabanes de fortune et tentent désespérément d’allumer un feu pour signaler leur présence; effort qui, hélas, pourrait bien tourner au drame. Ils envisagent également de chasser des cochons sauvages, une tâche cruciale mais lourde de conséquences. Car l’appel du sang, une fois ressenti, menace de bouleverser l’équilibre précaire de cette communauté infantile. À mesure que les jours passent, la tension monte inévitablement. Confrontés à une liberté quasi absolue, ces enfants doivent décider : obéir à des règles communes ou céder à leurs instincts. Cette confrontation entre ordre et anarchie devient alors un enjeu d'avenir.




La civilisation commence à vaciller dès qu’elle se retrouve face à un monstre, qu’il soit réel ou qu’il ne soit que le reflet d’elle-même. L’inconnu suscite toujours la peur. Cependant, le véritable monstre n’est peut-être pas celui que l’on observe ou que l’on ne comprend pas, mais plutôt celui qui sommeille en chacun de nous, attendant simplement des circonstances favorables pour se révéler au grand jour. Aimée De Jongh propose ici une adaptation particulièrement réussie, sans doute en grande partie grâce à son admiration pour le roman de William Golding, qu’elle a dévoré dans sa jeunesse. Ce profond attachement à l’œuvre originale transparaît dans la qualité de son travail. Fidèle à la structure du roman, elle maintient une division en chapitres et s’appuie sur un dessin à la fois simple et direct, en parfaite adéquation avec le jeune âge des protagonistes. Cette société, qui démarre sur des bases sauvages et utopiques, évolue progressivement vers une reproduction brutale des dynamiques de domination, où les plus forts écrasent les plus faibles avec une cruauté implacable. Cela soulève une question essentielle : et si la véritable sauvagerie consistait simplement en l’application de la loi du plus fort, qu’elle s’exprime par la force physique, le pouvoir des institutions ou celui de l’argent ? En tout cas, Sa Majesté des mouches, pour ceux qui n’auraient jamais lu le roman, devient ici accessible grâce à une bande dessinée magistralement réalisée, disponible depuis quelques semaines chez Dargaud.


Suivez UniversComics sur Facebook 7 jours sur 7

THE SPECTACULAR SPIDER-MEN T01 : ARACHNOBATIQUES (RAMOS IS BACK)


Spectacular. Cet adjectif renvoie bien sûr à l'une des quatre séries mensuelles régulières du célèbre Tisseur de toile au début des années 1990. À l’époque, il s’agissait bel et bien de Spider-Man avec un "a". Aujourd’hui, nous avons affaire à Spider-Men avec un "e", marquant le pluriel en anglais. Entre-temps, le petit monde de Marvel a connu bien des bouleversements, notamment avec l’univers Ultimate et l’apparition de personnages marquants dans la continuité classique. Parmi eux, le plus emblématique des trente dernières années, un certain Miles Morales (sans vouloir manquer de respect à Deadpool), votre nouveau Homme-Araignée du quartier, qui cohabite sur le devant de la scène. Peter Parker et Miles Morales sont désormais collègues, à tel point qu’ils tentent de se fixer un rendez-vous hebdomadaire. L’objectif ? Mieux se connaître et se détendre après leurs aventures héroïques. Ces moments du quotidien offrent d’ailleurs des scènes plutôt amusantes, comme leurs passages au Starbucks local. Attention, nous sommes chez Marvel : pas d’alcool, uniquement des cafés au lait ou des chocolats chauds. Bien entendu, l’action ne manque pas dans cet album ! Vous n’allez tout de même pas débourser 19 € pour simplement regarder deux super-héros discuter autour de boissons. Dès les premières pages, l’intrigue s’intensifie avec l’apparition d’une version monstrueuse du Chacal. Pour rappel, le Chacal original, alias Miles Warren, était l’un des anciens professeurs de Peter Parker, tristement célèbre pour son rôle dans la saga du (des) clone(s). Mais ici, ce n’est pas le Chacal classique qui entre en scène. Surprise : l’histoire introduit le frère de Miles Warren, apparemment plus sympathique et bien moins menaçant… à première vue. Malheureusement, les ennuis ne s’arrêtent pas là. Voilà que plusieurs versions de Vermine, ce jeune homme transformé en rat humanoïde, font leur apparition. Les fans se souviendront peut-être du traitement brillant de ce personnage par Jean-Marc DeMatteis, il y a une trentaine d’années. Une chose est sûre : il se trame quelque chose d’étrange dans les parages. Parfois, il suffirait d’examiner de simples petites annonces collées négligemment sur un mur pour trouver des indices.




Bien entendu, cette aventure ne se limite pas à des histoires de monstres et de clones. Elle repose avant tout sur le plaisir simple de découvrir que, derrière le masque et le costume, les héros prennent parfois le temps de mettre un peu d’ordre dans leur vie personnelle. Ils ne sont pas inaccessibles, loin de là : ils sont comme vous et moi. C’est d’ailleurs l’une des recettes magiques des comics Marvel, où les personnages ont toujours été proches des préoccupations des lecteurs. Un point particulièrement important du récit réside dans son évolution, notamment à partir du troisième épisode signé Weisman. Il explore la thématique de la frontière entre fiction et réalité. Dès qu'Arcade entre en scène – vous vous souvenez sûrement de ce fou furieux, ennemi des X-Men, toujours occupé à créer des foires dont les manèges se révélaient être de véritables pièges mortels – l’intrigue prend une nouvelle dimension. Avec l’intelligence artificielle, il est désormais capable de concevoir des stratagèmes encore plus redoutables, plongeant ses victimes dans des mondes totalement fictifs où leurs rêves les plus chers peuvent se réaliser. Prenons, par exemple, Peter Parker, qui s’imagine en famille, marié à Gwen Stacy, ou encore Miles Morales, vivant une idylle harmonieuse avec Kamala Khan. Ces visions idéalisées, mais illusoires, ajoutent une profondeur troublante à l’histoire. Le tout est magnifiquement mis en images par Humberto Ramos, qui signe son retour sur Spider-Man. Son style caractéristique, dynamique et fluide, donne une impression d’énergie débordante. Les personnages, souples et étirés comme s’ils étaient faits de pâte à modeler, renforcent cette sensation de mouvement. Les fans de Ramos seront ravis, tandis que ses détracteurs n’auront logiquement pas envie de se procurer cet album. Au final, l’ensemble est frais et pétillant. Si elle n’a pas la prétention de révolutionner l’histoire de l’Homme-Araignée, cette parution offre néanmoins une lecture plaisante et décomplexée. 


La communauté comics vous attend sur Facebook :

JULIA TOME 2 OBJET D'AMOUR : UN EXCELLENT POLAR AU FEMININ (ALTER COMICS)


 Julia est un cas rare dans l'univers des fumetti : son personnage principal est une femme. Et pas n'importe laquelle ! Julia Kendall, une criminologue dans la trentaine, qui met ses compétences pointues au service de la police de Garden City pour résoudre des affaires particulièrement complexes. Son approche ? Simple et diablement moderne : elle plonge dans l'esprit des coupables, elle décrypte leurs motivations, identifie des schémas dans leurs modus operandi, et établit un véritable portrait robot psychologique. Cette méthode lui permet d’aider la justice à appréhender plus facilement les assassins, les violeurs, les pires ordures de la société. Mais rien n’est simple dans la vie de Julia. Son travail la met souvent en grand danger, et elle doit composer avec une société encore largement machiste, où les femmes peinent à s’imposer. Il suffit de humer l'ambiance au commissariat de Garden City, où son aide est requise, sans que personne ne semble trop enthousiaste (au départ) de ses succès. Créée par Giancarlo Berardi, célèbre également pour son western Ken Parker, la série aborde des thèmes féministes (mais pas que) tout en proposant des intrigues policières sophistiquées. Attention toutefois : la noirceur des crimes et l’intensité des scènes en font une lecture peu adaptée aux jeunes de moins de douze ans, surtout dans les premiers numéros. Il faut dire que la série explore également des sujets délicats, comme les pulsions sexuelles, les tabous, ou encore les interdits qui façonnent la psyché humaine. Ces réflexions enrichissent le récit et ajoutent une profondeur qui dépasse le simple cadre du polar. Fidèle à la tradition des fumetti, le dessin est assuré par un artiste différent chaque mois, ce qui renouvèle sans cesse l'esthétique de la série. En France, Alter Comics a décidé de reprendre la publication de cette œuvre culte depuis son premier numéro, sorti en Italie il y a 25 ans. Les trois premiers numéros forment un arc narratif complet – bien qu’ils puissent se lire indépendamment – qui raconte la traque d’un tueur en série. 



Le "coupable" du jour n’est autre qu’une femme homosexuelle nommée Myrna Harrod, que la frustration pousse à s’en prendre directement à Julia. Ce n'est pas un spoiler, puisque nous l'avons découverte dans le premier numéro, dans toute sa cruauté. Myrna est d'ailleurs destinée à devenir l’ennemie récurrente et principale de Julia, envers qui elle développe une véritable obsession. Dans ce second tome, nous la retrouvons accompagnée d’une belle orpheline prénommée Ruby. Myrna rencontre la jeune fille alors que cette dernière est maltraitée par un homme qui semble jouer le rôle de son souteneur. Touchée (et séduite, probablement), Myrna décide de la prendre sous son aile, et toutes deux entament une série de brèves aventures, marquées par des traces sanglantes laissées derrière elles. Cependant, la jeune ingénue demeure sous l’emprise de son aînée, tandis qu’une relation à la fois tendre et destructrice s’installe entre elles. Il est évident que cette fuite en avant ne peut qu’aboutir à une fin tragique. Leur parcours s’entremêle inexorablement avec l’enquête menée par la police de Garden City, renforcée par Julia, qui décrypte peu à peu les indices lui permettant de remonter jusqu’à l’assassine. Cette dernière s’est en effet donné pour mission de se venger de sa propre mère, qu’elle tient pour responsable de son malheur, en raison de l’abandon du foyer conjugal durant son enfance. Tout cela compose une intrigue sombre et tragique, mais écrite avec une précision implacable. Ce récit démontre à quel point cette bande dessinée est intelligente, moderne et poignante, et s’impose presque comme une lecture incontournable pour les amateurs de bande dessinée populaire de qualité. Et c'est Corrado Roi, devenu entre temps un des grands maîtres italiens de l'horreur (Dylan Dog, Ut) et roi du contraste ombre/lumière, qui illustre ces 128 pages impeccables. Si vous n'avez toujours pas découvert Julia, filez en librairie (ou activez la vente par correspondance), il ne vous en coûtera que 9,90 euros tous les deux mois. 


Notre page FB : www.facebook.com/universcomics

Notre mensuel gratuit : 




EL DIABLO : UN MAGNIFIQUE MARSUPILAMI D'ANTAN PAR TRONDHEIM ET NESME


 Houba ! Oubliez l'animal si sympathique (et globalement inoffensif) que des générations de lecteurs ont rêvé posséder sous forme de peluche. Dans El Diablo, Lewis Trondheim et Alexis Nesme revisitent les origines possibles du Marsupilami (en tant qu'espèce), en plongeant le lecteur à l’époque des conquistadors. Le récit débute forcément sur un galion espagnol, dirigé par le capitaine Santoro, alors que la famine pousse l’équipage à tirer au sort un malheureux qui sera sacrifié pour être mangé. José, un jeune mousse plein de vivacité, refuse son triste sort et finit enfermé à fond de cale. Une terre inconnue apparaît presque aussitôt à l’horizon, ce qui offre une lueur d’espoir à tout l'équipage, et un peu de répit. À terre, José est envoyé en avant par le capitaine pour essuyer les premiers dangers, un rôle d'éclaireur malgré lui qu’il endosse avec bravoure. Entre ça et servir de pitance à des marins poussés au cannibalisme, le choix est assez rapidement fait. Au cœur de cette jungle luxuriante, José rencontre un animal étrange : jaune, tacheté de noir et doté d’une longue queue. Cet « esprit de la forêt » est blessé par Santoro, mais un lien mystérieux se tisse entre le jeune mousse et la créature, qu'il respecte et le fascine. Au cours d'une série de péripéties où l'humour permet de rendre les enjeux moins cruels, José est capturé par les Indiens Chahutas, réducteurs de têtes. Pourtant, il découvre que cette tribu, bien plus protectrice que hostile (tout est une question de point de vue), vénère l’animal, ancêtre du célèbre Marsupilami, comme une entité sacrée. Le lien chamanique qui semble s'être instauré entre José et l’esprit de la forêt permet à Trondheim d’explorer des thèmes adultes et toujours d'actualité : on y parle cupidité des hommes face à la nature, on dénonce la quête effrénée de l’or et de la gloire, on parle magie, avec les liens invisibles qui unissent les êtres.




Tout cette histoire alterne entre humour, action et petites saillies intelligentes qui ajoutent de la profondeur à une lecture accessible à plusieurs niveaux. Car El Diablo dépeint aussi un choc des cultures entre les conquistadors avides et les Chahutas attachés à leur terre et leurs traditions. Le noms des protagonistes changent mais l'histoire rejoue inlassablement la même triste pièce. La première chose qui frappe quand on prend en main cet album, c'est le dessin, mais aussi la couleur, absolument splendide. Il a d'ailleurs fait l'objet d'une pré publication dans le magazine Spirou et dès la couverture annonçant le premier épisode, les lecteurs savaient à quoi s'en tenir. Que ce soit la jungle luxuriante, les personnages tous croqués sous la forme de caricatures réjouissantes et sympathiques, ou bien sûr la version inédite de l'ancêtre du Marsupilami, à mi-chemin entre la bête féroce pour certaines cases, mais aussi le gros chat de compagnie à d'autres moments, tout est une invitation à la lecture. Une réussite graphique totale d'un bout à l'autre, qui bien entendu est en l'état un argument de vente massue en faveur de l'ouvrage. Fabrice Nesme a fait un travail formidable qui sublime le scénario de Trondheim, lequel est parvenu à distiller avec expertise les ingrédients nécessaires pour une adhésion familiale. El Diablo est une ode à l’évasion et à l’imagination, tout bonnement. Entre hommage au personnage à la longue queue et réflexion sur notre rapport à l’inconnu (et notre avidité congénitale qui nous pousse à la prédation), cet album vibrant et enlevé, publié chez Dupuis, séduit de la première à la dernière page.


Fans de comics et de BD : rejoignez la communauté : 

CAPUCHE BLANCHE : LA JEUNE FILLE ET LE (GRAND MECHANT) LOUP


Rien que le titre, "Capuche blanche", pourrait mettre la puce à l'oreille. Il s'agit d'une sorte de réécriture du conte du Petit Chaperon rouge, mais qui, au fil des pages, dépasse largement le cadre initial pour devenir un récit à la fois glaçant et moderne. Certes, l'histoire reprend certains éléments classiques, mais elle les transforme en quelque chose de profondément différent. Tout commence de manière bucolique, avec une magnifique double page qui illustre le cycle des saisons à travers une nature quasi déserte. Loin de l'agitation frénétique des villes, l'héroïne grandit dans un cadre boisé, isolée, marquée par des failles profondes et un manque d’amour évident, autant à donner qu’à recevoir. Sa mère a quitté le foyer conjugal, et son père, distant, ne lui prête aucune attention. Elle trouve quand même un peu de réconfort auprès de sa grand-mère, mais reste une enfant solitaire. Elle ne mange pas de viande, semble souvent perdue dans ses pensées, et ne fréquente pas l’école traditionnelle. À la place, elle voit défiler une série de baby-sitters et de professeurs à domicile. Un jour d’hiver, des traces de sang sur la neige mènent Capuche à une découverte inattendue : un loup, le dernier de la forêt. L’animal, blessé, affamé et probablement proche de la mort, ne lui inspire pas de peur. Au contraire, elle parvient à calmer la bête et à lui prodiguer les premiers soins. Mais soigner un loup ne suffit pas : il faut aussi le nourrir. La jeune fille commence par puiser dans les réserves du réfrigérateur familial, puis commande de la viande congelée pour subvenir aux besoins du canidé. Cependant, nourrir un loup sauvage avec des restes ne peut suffire à rétablir sa force. Pour vraiment retrouver son instinct et sa puissance, le loup aurait besoin de chasser… de véritables proies. Et pourquoi pas des proies humaines ?



Oscar Martin ne se contente pas de jouer avec les codes du Petit Chaperon rouge. Il propose une réinterprétation audacieuse, centrée sur un personnage profondément original, tout en abordant des thèmes forts comme l'emprise : celle qu'on peut exercer sur autrui, et la manière dont les individus acceptent parfois cette domination pour combler un vide intérieur. Peut-on changer la nature profonde des êtres ? Cette question prend tout son sens ici, d'autant plus que le récit oppose une adolescente à un loup – un prédateur qui incarne à la fois la liberté et une certaine forme de sauvagerie. Cependant, la jeune héroïne est loin d'être une innocente. À mesure que l'intrigue progresse, le lecteur découvre une réalité bien plus sombre et complexe qu’il ne l’aurait imaginée au départ. La cruauté traverse toute l’histoire, mais elle s'intensifie dans la seconde partie du récit, qui abandonne toute ambiance bucolique. Peu à peu, le personnage principal devient antipathique, voire détestable, au point qu’on en vient à souhaiter qu’elle connaisse un sort à la hauteur de ses actes. Elle traversera effectivement un drame, mais celui-ci s’inscrit davantage dans la catégorie des "dégâts collatéraux". Le récit suit une trajectoire sombre, s'enfonçant dans une pénombre où la rédemption reste possible, bien que fragile. Les illustrations de Tha (Joseph August Tharrats i Pascual), réalisées dans un style aquarellé sauvage et parfois brut, ajoutent une dimension saisissante à cette étrange relation mortifère, inscrite dans un cadre hivernal et solitaire. Les témoins sont rares dans ce conte revisité, et tout ce qui se passe entre l'adolescente et le loup reste secret, dissimulé au regard du monde. Les actions de la jeune héroïne, destinées à servir l’animal, s’inscrivent dans un registre trouble, qui mêlent non-dits et interdits. Ce petit ouvrage, paru à la rentrée 2024, revisite avec une cruauté saisissante le mythe du Petit Chaperon rouge. Nous avions jusqu’ici négligé de vous en parler, mais il était essentiel de réparer cet oubli. C’est une œuvre remarquable, à découvrir absolument, surtout en cette période de fêtes.


Retrouvez le meilleur des comics et de la BD sur notre page :

WONDER WOMAN HORS-LA LOI TOME 2 : L'AMAZONE INDOMPTABLE


Il se fait appeler le Souverain. Dans le plus grand secret, lui et sa dynastie règnent en maîtres absolus sur le destin des États-Unis, et par extension, du monde entier, depuis plusieurs siècles. Aujourd’hui, il a lancé une vaste offensive contre les Amazones en général, et contre Wonder Woman en particulier. Cette dernière est tombée entre ses griffes, et son objectif principal est clair : la briser à jamais. Mais voilà, anéantir la détermination inflexible, la compassion légendaire et le courage inébranlable de Wonder Woman n’est pas à la portée du premier super-vilain venu. Même pour un mégalomane convaincu que le monde entier lui appartient, la tâche est colossale. Certes, le Souverain possède un atout redoutable : le lasso des Mensonges. Une arme miroir du célèbre lasso de Vérité de notre héroïne, qui, au lieu de contraindre sa cible à dire ce qui est vrai, distille des mensonges insidieux. Pire encore, ces mensonges s’enracinent profondément dans l’esprit de la victime et jouent sur ses doutes les plus enfouis. Et si cela ne suffisait pas ? Pourquoi ne pas priver Wonder Woman de ses alliés, de ses amis, et de tout soutien ? L’isoler complètement. La pousser au bord de la folie. Enfermée dans un sombre cachot, elle doit faire face à des épreuves inédites imaginées un Tom King qui, à sa manière, fusionne les récits super-héroïques classiques avec des thématiques plus ancrées dans notre réalité contemporaine. Son regard se pose sur des enjeux géopolitiques, notamment le rôle des fake news et la façon dont ceux qui détiennent le pouvoir politique, économique ou médiatique redéfinissent le cours des choses, selon leurs propres intérêts. Pour eux, le blanc devient noir dès qu’ils le décident. En parallèle, l’auteur explore des réflexions profondes sur la condition féminine, qui mettent en lumière la façon dont les sociétés patriarcales, souvent appuyées par des doctrines religieuses, ont relégué les femmes à des positions subalternes. Une critique subtile mais percutante, qui renforce la profondeur de son récit.



Ce second volume de Hors-la-loi débute avec une parenthèse beaucoup plus légère, en l'occurrence un épisode dessiné par Guillem March. On y retrouve Wonder Woman et Superman dans une quête improbable : dénicher le cadeau d'anniversaire parfait pour Batman. Leur aventure les mène dans un centre commercial fantasmagorique, perdu au fin fond de l’espace. Les pages, souvent drôles et parfois touchantes, apportent une agréable pause dans le récit bien tendu de Tom King, avant que celui-ci ne reprenne le fil du discours pour seulement trois épisodes. On le rappelle alors : Daniel Sampere est fabuleux. Ses pages sont autant de petites pièces montées finement ciselées et assemblées, c'est du très très beau, à chaque case. C’est là que réside notre principal regret : la brièveté de ce second tome. L’histoire avance efficacement, et il ne fait aucun doute que ce run s’inscrit parmi les plus marquants pour ceux qui recherchent une introspection pertinente et moderne de Wonder Woman. Pourtant, on reste avec une sensation de trop peu, comme si l’on quittait la table avec encore un petit creux à l'estomac. En complément, cet album inclut une série de back-up stories consacrées à Lizzy, la fille (mystérieuse) de Wonder Woman. Élevée aux côtés de Damian Wayne et Jon Kent, qui jouent les grands frères protecteurs, Lizzy vit des aventures complètement déjantées, superbement illustrées par Belen Ortega. Parmi ces péripéties, on trouve notamment un voyage dans le temps pour un devoir scolaire, avec tous les risques de bouleversements chronologiques que cela implique. Ou Damian et Jon transformés en adorables chiots ! La complicité entre les trois jeunes héros fonctionne à merveille et apporte une touche rafraîchissante, qui contraste avec le sérieux de l'intrigue principale. Bref, rien à redire sur la qualité de cette proposition signée Urban Comics, si ce n’est un léger regret face à une pagination un poil trop modeste.



Retrouvez UniversComics sur Facebook, chaque jour.

UNIVERSCOMICS LE MAG' 48 DE DÉCEMBRE 2024 : QUI VEUT ENCORE DE VENOM


UniversComics Le Mag' 48

Décembre 2024. 60 pages. Gratuit.


Votre pouvez lire le Mag' et le télécharger ici :

https://madmagz.app/fr/viewer/672de90572f7c500147f98a3

Vous pouvez aussi utiliser le lien ici, vous retrouverez aussi tous les numéros depuis le premier :

https://www.facebook.com/groups/universcomicslemag/files/files


QUI VEUT ENCORE DE VENOM ?

* Dossier Venom. Des origines du personnage aux film avec Tom Hardy.

* AKIM, tout sur le héros de la jungle des années "petits formats" Mon Journal.

* Le cahier critique, les sorties du mois écoulé.

* Le podcast LE BULLEUR présente le meilleur de la BD.

* Portfolio : Hommage à Greg Hildebrandt.

* Preview : la superbe édition B&W limitée de JOSEPH (It Comics)


Couverture : une statue vraiment super chouette de George Evangelista, retravaillée par le graphiste olympique Benjamin Carret.

Merci à celles et ceux qui nous soutiennent et nous suivent chaque mois. On ne le redira jamais assez, il y a UNE CHOSE que vous pouvez faire. PARTAGEZ cette publication. Et parlez du Mag' autour de vous, proposez le à vos clients si vous avez une librairie, bref, ce Mag' est pour vous et à vous. Bonnes fêtes et rendez-vous en 2025. 




PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE

Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terro...