PLANETARY DE WARREN ELLIS ET JOHN CASSADAY : VOLUME 1

Retour chez Urban Comics de Planetary, qui a droit à une version splendide (comme il est de coutume chez l'éditeur) sous la forme de deux albums imposants. L'occasion est rêvée pour (re)découvrir la série de Warren Ellis, composée de 27 numéros (entre 1998 et 2009 avec une pause entre 2001 et 2003), et qui met en scène une équipe de quatre membres, chargés de mener l'enquête et garder sous contrôle toute une série de phénomènes étranges et en apparence improbables, à la limite du possible. Planetary emploie donc Jakita Wagner, Le Batteur, Elijah Snow (Ambrose Pierce avant lui, tombé au combat) et un mystérieux quatrième membre, et face à ces individus nous retrouvons une autre organisation antagoniste composée de Randall Dowling, Kim Süskind, William Leather, et Jacob Greene. Un conflit qui va évoluer au fil de la saga, qui au passage nous révélera tous ses petits secrets, épisode après épisode. On a souvent parlé de golden age pour ce travail de Warren Ellis, car nous avons ici un retour aux sources du merveilleux, de l'action en soi, qui prime sur l'introspection torturée de héros dotés de super-pouvoirs extraordinaires. C'est ainsi que tous les premiers épisodes suivent une trame assez simple. Planetary (l'agence) est appelée à enquêter ou intervenir pour résoudre ou contrôler une situation digne d'un roman de science-fiction, avec une bonne touche d'humour briton et pas mal de désinvolture. On croise dans ces pages un policier fantôme qui descend les membres de la pègre locale à Hong-Kong, une île isolée au large du Japon et de la Russie où vécurent de gros monstres aliens, ou encore un nexus de toutes les réalités et un vaisseau venu d'un autre monde, enfoui depuis des siècles sous un building. Mention spéciale à l'expérience scientifique visant à créer un monde de fiction, et à en extraire un individu.
Le sense of wonder est à l'oeuvre avec cette série, qui utilise un personnage en particulier, Elijah Snow (amnésique), pour placer le lecteur dans la situation inattendue d'un explorateur, d'un archéologue qui revisite les strates de l'histoire officielle et officieuse, et y découvre au fil des pages tout un univers jamais dévoilé, et ses secrets impensables. L'inconnu, le dissimulé, ce n'est pas l'angoisse ou la menace, mais le merveilleux, l'ensorcelant. On vibre avec les différents membres de Planetary, mais plus pour ce qu'ils entreprennent, réalisent, que pour ce qu'ils ressentent, et expriment. L'important n'est pas les plaies et les biographies du quatuor, mais leur présence sur le terrain, leurs prouesses du moment, les portes qu'ils ouvrent sur le futur ou sur un passé ignoré. Planetary prend à rebours tous les codes et les tics du comic-book post-moderne. 


La science est bien entendu au centre de Planetary, mais c'est une science extrême, merveilleuse, aux confins de la magie, qui est d'ailleurs considérée comme une extension de son domaine d'appartenance. Les complots et les non-dits également. Comme la raison pour laquelle Elijah ne peut se souvenir de sa longue existence, lui qui fait partie des "enfants du siècle" à savoir ces êtres nés le premier janvier 1900. Ou encore l'identité du quatrième homme, dernier membre de Planetary, dont la résolution va de paire avec le mystère précédent. Une des clés du succès de cette oeuvre est la manière dont John Cassaday parvient à trouver une grande harmonie avec les intentions de Warren Ellis. Son trait est propre, magnifique, clair, ouvert à la poétique de l'image par mille et une trouvailles rehaussant les inventions scientifiques absurdes du scénariste, qui plonge tête la première dans toute une série de mythes ou de lieux communs modernes, dont il offre une version magnifiée. Urban propose avec ce premier album les douze premiers épisodes de Planetary, avec un premier bloc de huit qui se contentent d'être des récits indépendants les uns des autres, et le reste qui est une avancée indéniable vers la résolution ou tout du moins l'explicitation des conflits d'intérêts et des enjeux secrets que la série propose. Nous trouvons en complément deux numéros spéciaux. Planetary/The Authority, qui marque la juxtaposition (plus que la rencontre) des deux groupes, avec un Phil Jimenez toujours aussi soigneux du détail et aux planches plastiquement remarquables. Et Planetary/Batman, où le Dark Knight endosse plus que jamais son rôle de mythe urbain, vu à travers quelques unes de ses incarnations les plus savoureuses, alors que la ville de Gotham connaît des spasmes et que sa réalité même change d'un moment à l'autre. Un épisode fichtrement sympathique, qui est un gros clin d'oeil à une certaine continuity Dc Comics, comme lorsque Elijah évoque l'écroulement du multivers, évité de justesse en 1986, c'est à dire en concomitance avec Crisis on Infinite Earths. Planetary est loin d'être ce qui se fait de plus accessible ou de plus convenu, mais son charme fou et son inventivité en font une lecture hautement recommandé au coeur de l'été. 




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