MARVEL TWO-IN-ONE : LA CHOSE ET DES VEDETTES DANS LES 70'S

Dans les années soixante-dix, une des manières de mettre en valeur les personnages les plus populaires de Marvel étaient de leur proposer un mensuel spécial, dans lequel ils pouvaient faire équipe avec l'invité du jour, pour des aventures pas toujours indispensables, mais qui fleurent bon l'ère des seventies, quand on revisite ça avec nostalgie, des décennies plus tard. Si Spider-Man tissait sa toile dans Marvel Team-Up, la Chose avait le beau rôle dans Marvel Two-In-One. C'est sur les pages de Marvel Feature #11 et #12 (avec des personnages différents à chaque fois) que l'idée est née. Il faut dire que quand c'est Len Wein et Jim Starlin qui s'y collent, et qu'on retrouve Ben Grimm et Hulk, face au Leader, il y a de quoi rêver. Plus encore dans la suite, avec Iron Man, Thanos et les frères de sang. C'est d'ailleurs ici que démarre vraiment ce qui sera dès lors une longue saga à succès, avec Captain Marvel et Thanos, et qui marquera au fer blanc de la gloire la légende même de Marvel. C'est ainsi que prend son envol Marvel Two-In-Oe, où apparaissent aussi les autres membres des Fantastiques, et d'autres super-héros qui se relaient avec la Chose. Certains épisodes se rattachent à des histoires en cours et sont donc d'importance capitale ou notable, pour qui aime recouper les aventures des uns et des autres, et profiter de la richesse narrative du sous-bois marvelien. Dès le numéro un, Ben rencontre Man-Thing, et la menace des Badoons, une race extra-terrestre, plane de toute son ombre. Défilent ensuite nombre d'intervenants, comme Wundarr, Namor, Daredevil, Captain America, ce qui rend le mensuel attrayant, un vivier pour vedettes de l'héroïsme, guest stars le temps d'une grosse vingtaine de pages. Steve Gerber n'oublie pas non plus de faire apparaître des vilains d'envergure, terrifiants et vraiment pas commodes, comme le Mandrill ou encore Nekra. Pour l'épauler dans cette tâche, on trouve Gil Kane et Sal Buscema, loin d'être les derniers venus, et dont la classe ne se dément pas, surtout pour le dernier cité, auteur d'une prestation remarquable.




Steve Gerber étant aussi très occupé avec les Défenseurs, ce n'est pas une surprise de retrouver la merveilleuse Valkyrie, mais aussi d'autres personnages comme l'Exécuteur ou l'Enchanteresse; du coup le scénariste se laisse influencer par l'occultisme et l'ésotérisme et son travail bascule clairement vers l'horreur. C'est donc fort naturellement que le Docteur Strange ou Ghost Rider font eux aussi une apparition pour le plus grand plaisir des fans. On trouve même par la suite ce bon vieux Chris Claremont qui vient prêter main-forte à Gerber, le temps d'une histoire où la Chose doit s'allier avec Thor pour affronter le Maître des maléfices. Claremont reste également le mois suivant alors que Ben est cette fois-ci aux côtés de la Veuve Noire, face ni plus ni moins qu'à Agamemnon. Bien entendu tout n'est pas d'une qualité irréprochable et parfois les dessins sont un peu bâclés, comme lorsque Herb Trimp ou encore Bob Brown s'occupent de produire des planches qu'on devine réalisées à la hâte... les deux ont déjà fait beaucoup mieux dans leur carrière! Néanmoins il s'agit là d'un plaisir coupable que de retrouver ces histoires extraites des années 70, dans un format relativement économique et qui mois après mois exhume tout un pan de l'histoire Marvel. Je vous ai déjà dit que j'étais fan de cette Epic collection? Oui je me répète, mais vraiment quelle bonne idée!



Pour acheter ce volume de Marvel two-in-one :



On se retrouve sur le blog 24h/24 

Et chez Panini le 2 janvier, devinez ce qui sort :


Pour acheter la vf chez Panini:

LE PODCAST "LE BULLEUR" PRÉSENTE : IN WAVES (DE AJ DUNGO)

Si la vocation première d'universComics est d'aborder le monde des super-héros et de la production américaine du genre, il nous arrive aussi parfois de plonger dans la bande-dessinée franco-belge ou le roman graphique plus "traditionnel". C'est donc tout naturellement que nous accueillons sur notre blog un podcast fraîchement créé, intitulé le Bulleur. Je vais être sincère avec vous, je fais comme le font la plupart des hommes politiques de notre pays, on fait d'abord travailler la famille... bref ce podcast est animé par mon frère, et si lui n'est pas vraiment un fan des aventures de Superman et consorts, c'est par contre un lecteur assidu de ce qui se fait sous d'autres latitudes; bref je vous invite à suivre les différentes chroniques mises en ligne, à commencer par celle de ce jeudi qui porte sur l'oeuvre d'AJ Dungo, intitulée In Waves, en compétition au Festival d'Angoulême, où nous serons présents, entre parenthèses. Rien ne vous empêche bien entendu d'aller faire un tour sur ce qui a déjà été posté précédemment, puisque nous en sommes à l'épisode 21! Et puis concernant la bande-dessinée franco-belge, ou en tous les cas les comics un peu moins super héroïques que ceux de Marvel ou DC Comics, restez à l'écoute car j'ai quelques chroniques sous le coude à vous présenter dans les prochaines semaines, et il y a du très bon au menu! Sur ce bon weekend.



Achetez In Waves chez Casterman


Et nous on se retrouve sur Facebook 24h/24!

REVENGE OF THE COSMIC GHOST RIDER #1 : REVIEW

Ils ne sont pas si nombreux les personnages chez Marvel qui parviennent à gagner une notoriété convaincante en quelques mois; c'est pourtant ce qui s'est produit avec l'apparition du Ghost Rider cosmique. Il s'agit en fait d'un mélange entre Frank Castle, notre Punisher bien connu, et l'esprit de vengeance que tout le monde appelle Ghost Rider, donc. Au service de Galactus, bras droit de Thanos, mort et ressuscité au Valhalla, membre très éphémère des Gardiens de la galaxie... cette version alternative venue d'un lointain futur de Castle a déjà connu mille et une péripéties dans sa brève existence éditoriale, chapeautée par un Donny Cates inspiré. Tout le monde le pensait mort, mais voici qu'il est déjà de retour dans une mini série en 5 parties, et c'est de ceci dont je vous parle aujourd'hui.  Amis de l'Éternelle Vengeance, c'est reparti pour un tour!



Pour acheter le Cosmic Ghost Rider chez Panini


GREEN LANTERN TERRE UN : UNE ORIGIN STORY DES PLUS RÉUSSIES

Tout ce qui porte la mention Terre Un nous emmène dans un univers parallèle au notre, où les super-héros classiques sont réécrits d'une manière souvent fort différente. C'est encore le cas et peut-être plus que d'habitude avec ce Green Lantern. Hal Jordan est une sorte d'ouvrier de l'espace qui passe son temps à extraire un précieux minerai appelé le palladium. Mais la dernière extraction en cours perd de son intérêt alors qu'on annonce qu'une cargaison exceptionnelle vient de pointer le bout de son nez. Si l'expédition envisage un rapide retour sur Terre, ce n'est pas le cas de Jordan, qui est une forte tête comme vous le savez... il obéit rarement aux ordres qu'on lui donne et c'est la raison pour laquelle il continue de creuser, jusqu'à mettre la main sur les vestiges d'un vaisseau. À l'intérieur, lui et son coéquipier Volkov vont mettre la main sur un anneau qui détient évidemment d'étranges pouvoirs dont ils ignorent absolument tout. S'ensuit un affrontement avec ce qui est en réalité un Traqueur, et le début d'une évidence ; enfiler l'anneau au doigt donne des pouvoirs assez extraordinaires, comme celui de voler sans avoir besoin de combinaison spatiale et de faire apparaître des constructions ou inventer des armes ou des outils merveilleux. Foin de police spatiale interplanétaire dans cet ouvrage, les Green Lantern ici sont plutôt des combattants de la liberté aux prises avec des ennemis, des envahisseurs sans scrupule ni pitié. Et se débarrasser d'un Traqueur, comme le fait Jordan, ce n'est pas une chose si courante, alors pour en être arrivé là sans même comprendre comment fonctionne le l'anneau, c'est que le type doit avoir une trempe exceptionnelle, et qu'il est probablement destiné à devenir quelqu'un de très particulier. En tous les cas, il ne faut pas demander à Kilowog pour lui expliquer comment tirer l'essence même de l'anneau, car ici lui aussi est un peu paumé et il improvise en fonction de la situation. Un sacré duo donc, qui n'a que son courage et son inventivité pour s'opposer à l'ennemi. 




Corinna Bechko et Gabriel Hardman choisissent un chemin clair, celui de la science-fiction, pour introduire ce qui est du ressort du plus pur des super-héros. Et ça marche. L'atmosphère est à la fois proche de nous, terre à terre, et d'anticipation la plus complète, avec un anneau mystérieux et des porteurs totalement dépassés, même si Hal va vite se mettre au diapason. Sa relation avec Kilowog est bien tournée, et donne une épaisseur humaine bienvenue au grand oeuvre. Gabriel Hardman au dessin réalise ici une des meilleures prestations de sa carrière, avec une utilisation admirable des ombres, un trait certes loin d'être ultra léché et d'un photoréalisme criant, mais qui surprend par son intensité, son honnêteté graphique, offrant une vision de l'espace et de ce qui s'y déroule déroutante et juste. Déroutante car nous sommes dans un domaine éloigné des pages flashy des Green Lantern de lointaine tradition, ici le coté sombre et même angoissant et étouffant de l'immensité infinie est prenant, et c'est une toile de fond crédible et omniprésente qui donne du cachet à l'ensemble. Il y a sur Terre 1 suffisamment d'idées neuves et de respect de la mythologie des Green Lantern , pour faire de cet album une parution recommandée pour tous.



Achetez Terre Un chez Urban Comics

Suivez UniversComics sur Facebook. Likez la page

DYLAN DOG 399 : UN METEORE ET UN MARIAGE

Si la publication en français de Dylan Dog reste particulièrement hiératique et incomplète, la série continue d'être un des fers de lance de la Sergio Bonelli Editore en Italie. Toutefois les ventes s'essoufflent de manière systémique, aussi le curateur du personnage, Roberto Recchioni, a t-il lancé une sorte de version Rebirth du mensuel, qui s'est avéré être surtout prétexte à quelques retouches globales et superficielles, qui n'ont pas remodelé en profondeur la nature même de Dylan Dog. Certes, le célèbre Inspecteur Bloch est parti à la retraite, mais il continue de donner un coup de main régulièrement. Certes, un nouveau commissaire noir et passablement hostile à Dylan est arrivé, avec une adjointe voilée qui résiste aux avances de notre détective...Mais rien de bien folichon, et c'est finalement le vilain machiavélique et multimilliardaire John Ghost qui est la pièce principale du puzzle. Sauf que le lecteur ne comprend guère où tout cela va le mener...
Bref, le cycle du "météore", une trame complexe s'étalant sur treize mois de parution, agrémenté d'un compte à rebours anxiogène, devait redéfinir la donne. Force est de constater que plus de la moitié des parties de ce cycle sont de vieilles histoires déjà prévues auparavant, sur laquelle on a greffé quelques clins d'oeil au thème principal, et manquant d'envergure et d'inspiration pour soulever les foules. De quoi ça parle, au fait? Et bien un météore gigantesque fonce vers la Terre et menace d'anéantir toute vie sur la planète. Le monde est si angoissé qu'il en devient dingue, d'autant plus que l'approche du météore s'accompagne de manifestations physiques et psychologiques inattendues, avec des catastrophes et des présages fort sinistre... John Ghost lui oeuvre dans les coulisses pour tous nous sauver, mais à sa façon, et il semblerait que Dylan Dog soit son atout maître, sans qu'on comprenne pourquoi ou comment. En ce mois de décembre, le rideau tombe enfin sur le mystère, avec le 399 de Dylan Dog, moins 1 à la conclusion, anticipé depuis des semaines au format librairie, lors du dernier Lucca Comics & Games, et divulgué aussi dans la presse généraliste. Il faut dire que Recchioni avait de quoi faire discuter tout le monde, même ceux qui ne lisent plus, ou jamais, le mensuel de Dylan. Ce dernier se marie ! Et avec... un homme! Bon allez, quelques éclaircissements...


C'est la fin. Ou presque. Comment stopper l'inévitable? Se peut-il que le météore ne frappe pas la Terre, au dernier instant? Oui, forcément, si on considère que nous sommes dans une bande dessinée, et c'est là que le récit de Recchioni développe une série de réflexions assez séduisantes, qui rendent la lecture pertinente. Dylan Dog est truffé, comme toute oeuvre du genre, d'archétypes et de situations improbables, recourant au Deux ex machina chaque mois ou presque. Comment se fait-il que Groucho parvienne toujours à lui lancer à temps l'arme qui lui sauvera la vie? Comment se fait-il que sa vieille guimbarde, détruite plusieurs fois par an, continue de rouler dans les rues de Londres? Et bien, c'est de la bd, baby. C'est de la narration. Le tissage complexe et simple à la fois d'une histoire, une vie qui est entre les mains d'un démiurge, comme on le découvrait sur les pages de l'Animal Man de Grant Morrison, par exemple. C'est pour cela que John Ghost a l'idée que c'est en poussant Dylan dans ses derniers retranchements, en le forçant à renier ses principes, tout en amenant le peuple à reprendre espoir devant son téléviseur, en regardant le mariage de notre détective, que la fin de tout peut être renvoyée aux calendes grecques.
Ah le mariage, donc! Dylan reste fidèle à ses habitudes, et c'est une jolie blonde de passage dont il ignore tout qui va l'accompagner à l'autel. Un geste d'espoir, pour tous, comme on vous a dit. Sauf que non, l'amour, le véritable amour, ne peut se plier aux caprices altruistes de Dylan, et pour que la cérémonie s'achève positivement, il faut que celui-ci reconnaisse enfin le vrai visage de celui qui a toujours été là pour le soutenir, l'épauler, le comprendre. Groucho, pardi! Et non, Dylan Dog n'éprouve aucune attirance physique pour le joyeux drille moustachu, c'est juste la reconnaissance ultime du statut si particulier de son assistant, le seul à être digne d'une relation indéfectible et que rien n'ébranlera jamais. Sauf la mort..?
Bref, ce numéro est intelligent, vraiment. Il comprend aussi une bonne partie totalement régressive, où tout le monde tue tout le monde, Dylan and friends contre les vampires, histoire de mettre un point final à certaines sous intrigues en cours. C'est bourrin, très bourrin. Ce numéro 399 est l'apanage de plusieurs artistes, qui se relaient au dessin, conjuguant passé présent et avenir de la plus belle des manières. Je reste classique, et fidèle, et je suis toujours aussi bluffé par la maîtrise totale des ombres de Corrado Roi, qui offre encore des planches crépusculaires et inquiétantes à souhait. A quelques jours (moins de 20) du grand bouquet final, et encore moins de la sortie du crossover improbable entre Dylan Dog et Batman (promis je vous en parle très vite), voilà un album qui mérite bien les 3 euros 90 du prix de couverture. 



Achetez Dylan Dog en français, chez Mosquito


Suivez UniversComics sur Facebook. Likez la page

NAMOR PAR JOHN BYRNE ET JAE LEE

Namor, le Prince des mers, c'était avant tout une série régulière de qualité (publiée dans Strange) avec deux énormes artistes, fort différents, qui se sont succédés. Une époque où il faisait bon suivre ses aventures, et où on sentait une vraie ambition, une vraie envie d'écrire quelque chose de cohérent et censé sur le personnage.
Bien qu'étant un des doyens de l'univers Marvel, bien qu'ayant connu un "golden age" des plus florissants et étant le tout premier mutant à avoir eu les honneurs d'une série mensuelle, l'ami Namor n'a pas pour autant un nombre d'estimateurs à la hauteur de son curriculum. Il faut dire que coté crédibilité, le héros se prête facilement au persiflage : nous avons affaire à un souverain soupe au laid, toujours prêt à péter un câble à la moindre contrariété, qui passe le plus clair de son temps à déambuler dans un slibard moulant et qui doit, forcément, dégager une certaine odeur de poissonnerie, ce qui n'est jamais un atout pour les relations sociales. Rendre Namor glamour, mission improbable? Demandez donc à John Byrne, il vous répondra qu'à l'impossible, nul n'est tenu. En 1990, il décide de proposer sa version du Submariner, revue et corrigée pour le public de la fin du siècle. Exit le super héros incompris et rageur, place à un mutant enfin libéré de ses angoisses, plus posé, qui se lance dans le monde de la haute finance pour protéger efficacement les mers dont il est le gardien écologiste implacable. Scénario et dessins, on n'est jamais aussi bien servi que par soi même, surtout lorsqu'on a du talent.
Première mesure, expliquer les sautes d'humeur d'un Namor irritable. Pour ce faire, notre héros rencontre dès les premières pages Cab Alexander, un vieux scientifique amateur, et sa fille, dont il va même tomber amoureux. Cab lui explique avoir deviné la source du problème : un déséquilibre sanguin occasionné par le trop plein, ou la carence en oxygène, consécutive à la dualité terrestre/amphibienne du prince des mers. Dès lors, Namor décide de profiter de sa nouvelle stabilité caractérielle pour investir la finance, via une compagnie écran, la Oracle incorporated. C'est en puisant dans les innombrables trésors qui jonchent les fonds marins qu'il va lever des fonds et lancer sa nouvelle croisade. Qui va lui valoir de perfides nouveaux ennemis, comme les jumeaux Marrs, rivaux à la bourse. Ce qui ne l'empêchera pas de tomber amoureux de la sœurette. Car oui, le Sub Mariner est un chaud lapin. Byrne met ensuite le mutant aux prises avec une créature engendrée par la pollution ambiante, un certain Slug, et lui fait éviter une catastrophe écologique provoquée par des fanatiques de l'environnement. Suivront les créatures végétales de K'un Lun (les H'yltris) et le retour sur scène de Iron Fist, que tout le monde croyait mort. Une visite en Allemagne, à peine réunifiée, pour un mano a mano contre les restes du III° Reich, guidé par Master Man le super soldat vert de gris. Le tout avec brio, humour, un sens certain de la narration fluide, et des dessins lumineux et toujours d'une lisibilité appréciable. Byrne restera 25 numéros durant, afin de céder le flambeau à un artiste alors quasi inconnu.

Le run de Byrne a donc été un très grand moment de lecture, pour beaucoup de jeunes Marvel fans de l'époque. Difficile de faire mieux, en arrivant derrière. On avait atteint un véritable pic de qualité qui faisait craindre le pire pour son successeur. Sauf que ce dernier, à la surprise générale releva le défi avec brio. Place donc à Jae Lee, un coréen d'origine de dix neuf ans à l'époque, avec à son actif une simple pige chez Marvel, pour la revue anthologique Marvel comics presents. Mais quand on a du talent, on peut compenser aisément le manque d'expérience. Le Namor de Jae Lee est radicalement différent de celui de Byrne, il n'essaie pas de singer ou de rendre hommage à son aîné, mais bien d'imposer une nouvelle direction artistique au titre, en le gratifiant de pages ultra expressionnistes, sombres et paroxystiques. Le Prince des mers y apparait massif, doté d'un physique dopé aux anabolisants et noueux, une force sauvage de la nature aux veines saillantes. Les différents personnages n'ont de cesse de se lover dans l'ombre et en sortir brièvement, alors que les cases implosent, saignent, fondent ou se mêlent. Le classicisme de Byrne est foulé aux pieds par un vent de modernité, une déferlante technique impressionnante, qui va redynamiser un comic-book plutôt gâté par le sort, avec de tels artistes à sa tête. Pour le scénario, Byrne prolonge quelques mois, le temps de dénouer les fils de l'intrigue précédente : Namor est devenu amnésique, privé de ses souvenirs (il ignore même son identité) par Master Khan, et il erre dans le midwest américain ou il prête main forte à des activistes écologistes, avant de tomber nez à nez avec Fatalis himself, à bord d'un chalutier de nouvelle génération, qui menace de porter atteinte à la faune marine. C'est ensuite Bob Harras qui prend la relève dans l'écriture, le temps de ramener le Prince des mers à Altantis, où une lourde menace pèse sur son peuple, celle de légendes et de mythes oubliés et craints, qui reviennent à la vie pour détruire le royaume fabuleux de Namor. De biens beaux épisodes qui furent publiés à l'époque sur les pages de Strange (pour les allergiques à la VO, sinon allez voir les Omnibus!) qui méritent absolument toute votre considération. C'est aussi l'occasion de voir naître un dessinateur inspiré, encore limité par une folle envie d'épater, et en recherche d'une maturité artistique, mais qui va laisser une empreinte substantielle dans les années suivantes. A la suite de Jae Lee, le titre va passer entre d'autres crayons moins experts (Geoff Isherwood notamment) qui tenteront sans succès de lorgner vers une synthèse maline du travail de John et Jae. Rien à faire, c'est la panne sèche, un scénario faiblard, et le déclin. Pour nous, la Nostalgie, un N majuscule de rigueur.


Achetez Namor par Byrne et Lee, omnibus Marvel


Suivez UniversComics sur Facebook, likez la page

LIVING WITH YOURSELF : DEUX PAUL RUDD POUR LE PRIX D'UN

Vivre avec soi-même, ce n'est pas toujours une chose facile, à fortiori lorsque l'expression est à prendre au pied de la lettre. Physiquement. Vivre avec vous-même, même séparés, en deux entités distinctes. C'est ce qui arrive à Will (Paul Rudd) le jour où il se rend dans un centre de massage aussi clandestin que particulier, sur les conseils avisés d'un collègue de travail. Il faut dire qu'il traîne depuis trop longtemps une forme de dépression latente, une morosité qui se reflète jusque dans son apparence physique, sa posture, ce qu'on appelle le langage corporel. La promesse des soins, qui coûtent tout de même la bagatelle de 50 000 dollars, est de sortir régénéré, en forme parfaite, mentale et physique, un homme nouveau en sorte. Et c'est ce qui se produit.  Sauf que.... que le vrai Will échappe de peu à la suffocation, enterré vivant en pleine forêt, dans un sinistre sac plastique. L'autre Will, celui qui pète la forme et fait des étincelles au boulot comme cela n'arrivait plus depuis des lustres à ce publicitaire autrefois inspiré, c'est en réalité un clone. Réplique parfaite, souvenirs et émotions comprises, ce qui fait que les deux lascars sont en tous points le même individu, avec les mêmes repères culturels, familiaux, les mêmes valeurs. Et ils ont une seule et même épouse! Celle-ci envisageait de quitter le mari, réticent à l'idée d'aller effectuer un test pour vérifier sa fertilité masculine, et toujours les traits tirés, la tête basse. Elle se retrouve avec un époux aux petits soins, pétillant, l'homme tellement parfait que ça en est même irritant, quand on est une femme qui approche de la quarantaine, et traverse les aléas de l'existence et ses petites fatigues, comme tout un chacun. Alors, lequel des deux Will va pouvoir vivre pleinement le vie de l'autre? Le "vrai" Will, tristounet et résigné, ou le Will "artificiel" et explosif? Ce dernier est invité à embarquer pour une île lointaine, et (re)faire sa vie en toute discrétion. Mais l'amour, ça ne se commande pas, et les sentiments, même si induits par clonage, ça ne s'oublie pas si vite. Bref c'est la panade! 



Paul Rudd porte une grande partie du charme de cette relativement brève série sur ses épaules. Il campe le même homme, mais en deux versions bien différentes, jouant avec le corps et les expressions pour sauter de l'optimisme fulgurant de l'un, à la morosité poisseuse de l'autre. La prestations est très convaincante, et c'est ce qui permet à Living with yourself de décoller rapidement, avec des premiers épisodes menés d'une main de maître. L'ensemble commence à plafonner tout de même dès lors que l'existence du clone est révélé lors d'une soirée arrosée, avec un dernier épisode très inspiré (quand le nouveau Will tente de séduire son épouse) puis une fin de saison n'allant pas au bout de ses idées. On notera que le récit a tendance à fonctionner de manière circulaire, chaque épisode reprenant tout ou partie de la seconde moitié du précédent, changeant le point de vue, le rythme, pour en dégager quelque chose de nouveau, qui éclaire des points obscurs, ou mettre en valeur des détails que le spectateur aurait autrement ignoré. Living with yourself reste une agréable découverte, qui associe un esprit caustique et limite malsain à une comédie de science-fiction moderne, où les limites de la science sont dépassées, pour déboucher sur une situation trivialement cauchemardesque, un drame de la création qui tourne au vaudeville et à l'angoisse existentielle. Disponible sur Netflix, de quoi se faire une longue soirée sympa avant les fêtes. 


Si vous aimez les histoires de clone, la saga du clone
de Spider-Man est de retour chez Panini, hein!


Suivez UniversComics sur Facebook, likez la page

PRODIGY : LE NOUVEAU MARK MILLAR EST-IL VRAIMENT PRODIGIEUX?

Mark Millar ne s'arrête jamais. Il produit des séries originales à jet continu. Il a crée son étiquette, le MillarWorld, qui est passée sous le giron de Netflix, encaissant au passage de quoi vivre à l'abri du besoin de bien longues années durant, avec la promesse d'adaptations télévisuelles à venir. Bref, incontournable le sieur Mark. Oui mais voilà, en grattant un peu, on se rend compte que depuis deux trois ans, son travail est avant tout l'établissement de "concepts", c'est à dire un bon synopsis fichtrement bien troussé, des promesses à faire saliver, la possibilité d'adhérer d'emblée à un récit qui vous happe en quelques pages. Et puis basta. 5 ou 6 épisodes calibrés pour passionner le plus grand nombre, sans trop d'atermoiement et d'approfondissement des personnages, et des univers clinquants à première vue, mais assez vierges de sens et d'épaisseur, quand vous prétendez les analyser sérieusement. Certes, le plaisir de la lecture, lui, ne manque jamais, et c'est cela avant tout, un bon comic-book populaire, aussi vous ne m'entendrez jamais crier haut et fort "ne lisez pas le dernier Millar". Quelle sottise. Par contre, nous sommes loin des chefs d'oeuvres passés (Ultimates, Jupiter Legacy, les débuts de Kick-Ass, parmi d'autres) et la machine manque d'âme.
Prodigy revêt un caractère particulier en ceci que son démiurge nous promet qu'elle occupe une place importante dans son coeur. Un de ses meilleurs travaux. On voudrait le croire, mais c'est évident que l'hyperbole est gonflée (elle l'est, par principe). Le héros de cet album, c'est un touche à tout de génie. Un type qui sait littéralement tout faire, et bien, mieux que les autres. Depuis son plus jeune âge. Oubliez Batman, le meilleur linguiste, le plus habile des combattants, le plus précoce des chirurgiens (une scène très plaisante et éloquente à ce sujet...), le détective le plus rusé, c'est lui. Edison Crane. Le seul homme sur Terre, probablement, à savoir comment éviter la collision avec un astéroïde qui fonce sur notre planète. Il est tellement à l'aise avec le corps et l'esprit, qu'il est vu comme le dernier recours possible. Edison est si particulier et si flamboyant qu'il organise des cascades improbables et démentes, à la demande, selon les défis qu'on lui soumet. Il est au dessus de la mêlée, le sait, et aime en jouer. Play-boy richissime, aventurier, scientifique de renom, Edison Crane est en fait pratiquement intouchable, et comme tous les héros trop forts pour avoir une opposition valable, un poil chiant par moments. 


Le scénario de Millar finit par devenir assez retors, entre conspiration, trahisons, retournements de situation aussi improbables que convenus, dans la mesure où il ne peut rien arriver de grave ou définitif à un homme qui sait tout, et sait tout faire. Au demeurant également tout anticiper. De la Russie au Tibet, en passant par la Syrie et les profondeurs océaniques, Edison Crane marie James Bond et Batman dans un même élan, pour incarner la coolitude absolue de celui qui se joue de tous les dangers d'une simple pirouette, et qui peut être sur la sellette uniquement dans l'esprit de ses ennemis, quand ceux-ci le sous estiment, en passant l'avoir acculer à la défaite. Millar ne laisse pas planer le doute sur l'issue possible, la résolution de ses aventures, et ce Prodigy est l'hymne au triomphe de la perfection, qui se (re)connaît et s'assume.  Coté dessins, rien à redire tant Rafael Albuquerque est en grande forme. Chaque planche est électrique, vit d'une énergie convaincante, et on ne peut que souligner la qualité d'une prestation qui ne connaît pas de baisse de régime. Tout y passe, des paysages grand angle à couper le souffle, comme les expressions des personnages, le langage corporel. 



Achetez Prodigy chez Panini


Suivez UniversComics sur Facebook. Likez la page

KINGDOM COME : DES HEROS ET DES DIEUX AVEC WAID ET ROSS

Dans quelques jours, Urban Comics réédite Kingdom Come. Comment ça de quoi s'agit-il? Vous voulez donc qu'on se répète? Voilà de quoi vous faire réfléchir :
Voici donc une oeuvre mûrement pensée, qui s'inscrit dans un même filon qui compte aussi des pierres angulaires du comics US comme Watchmen, ou Dark Knight Returns. Là où les héros sont désabusés ou franchement cyniques, plutôt que héroïques, justement, ou sans peur et sans reproches. Beaucoup de personnages DC et de la concurrence étaient solaires et représentaient jusque là cet esprit optimiste typique de la société américaine rêvée par tous. Avec l'avènement de Marvel dans les années soixante, les choses ont progressivement changé et les héros créés par Lee, Kirby et Ditko avaient une valeur novatrice et transgressive qui éclipsait celle des autres éditeurs. Le fait est qu'à partir des années quatre-vingt, les œuvres les plus subversives et révolutionnaires ont souvent été réalisées par DC, même si beaucoup persistaient et considéraient Flash, Green Lantern et d’autres personnages comme n'étant plus en phase avec leur époque. Mark Waid part de cette idée fausse avec Kingdom Come. L'histoire se déroule dans un avenir alternatif et peut être interprétée comme une réflexion aiguë sur le mythe du superhéros et sur le contraste entre les justiciers classiques et la nouvelle génération.
Dans le DCU décrit par Waid, les vieux super-héros se sont mis en retraite pour un certain nombre de raisons. Superman dirige une ferme, il est triste et mélancolique et n'a pas l'intention de penser au passé. Wonder Woman a été reniée par les Amazones et tente de donner un sens à sa vie. Bruce Wayne ne porte plus le costume de Batman, mais lutte toujours contre la criminalité à Gotham City, avec des méthodes douteuses. Et ainsi de suite. Mais les superhéros existent toujours. Ils sont jeunes, arrogants et agressifs et luttent contre les méchants. Mais ils sont aussi violents, inconscients, ils n’ont aucun sens des limites. Ils n'hésitent pas à tuer s'ils l'estiment nécessaire... et si une personne innocente décède au cours de la bataille, ils s'en moquent comme de leur premier caleçon. Sont-ce alors des héros modernes? Est-ce la seule façon de concevoir l'héroïsme?

Waid va plus loin et ne se contente pas de poser des questions similaires. L'histoire commence avec Wesley Dodds, alias Sandman, qui met en garde un prêtre mourant, Norman McKaye, d'un danger imminent, un Armageddon qui détruira toute la race humaine. Norman lui-même est tourmenté par d’étranges présages et de sombres visions, et il reçoit à un moment donné la visite de l’énigmatique Spectre. Il lui fait comprendre qu'une catastrophe pourrait effectivement se produire, lui faisant ainsi assister à des événements dramatiques impliquant des superhéros. Pourquoi donc Superman, Wonder Woman et toutes les vieilles gloires de DC ne se mêlent pas de ce problème? Leur intervention est-elle nécessaire, ou sont-ils eux-mêmes un élément clé de l'équation?
Lorsque Magog, l'une des nouvelles recrues, devient responsable d'un accident choquant, les «vieilles épaves» sont obligées d'agir et Superman, malgré lui, décide de réformer la Justice League; mais les choses ne seront pas faciles et les prises de bec ne manqueront pas. Bruce Wayne refuse d'aider son vieil allié; assisté par Oliver Queen et d'autres personnages, il collabore avec Lex Luthor et d'autres vilains, pour des raisons qui seront clarifiées au cours de l'histoire. Waid écrit des textes intenses et évocateurs qui conquièrent le lecteur grâce à leur profondeur. Et il se demande: dans quelle mesure un héros peut-il intervenir pour aider des êtres humains? La paix devrait-elle être imposée par la force, comme l'a théorisé Wonder Woman (et en réalité George W. Bush avec sa "guerre de civilisation")? Et si telle est la solution, quelle différence y a-t-il entre un super-héros et un fasciste?
Mais qu'est-ce qu'un héros? Avec Kingdom Come, Waid l'établit clairement. Un superhéros est avant tout un homme, puis un individu doté de super pouvoirs. S'il est dépourvu d'humanité, il ne peut pas être défini comme tel. Un superhéros ne tue pas. Personne ne prévaut. Ils ne peuvent pas être ces justiciers hypertrophiés qui dominent le marché, et avec Kingdom Come, Waid dresse une analyse amère des conventions narratives de la bande dessinée américaine. En termes simples, les vrais superhéros sont de la trempe de Superman. Pas comme Lobo, juste pour mentionner un personnage DC; ou comme le Punisher de Marvel. Et le superhéros peut acquérir un statut quasi divin, comme le texte lui-même l'indique aux lecteurs, mais également par le biais des images spirituelles et bibliques présentes dans l'intrigue.
Reste à parler du dessin, confié à Alex Ross, le même orfèvre qui nous a régalé le chef d'oeuvre intemporel Marvels. ici chaque planche peut être admirée pendant longtemps, riche en détails infinitésimaux qui ne font que confirmer le talent à couper le souffle de l’un des plus grands artisans de la bande dessinée. Comparé à Marvels, l'élément illustré et iconique est moins prépondérant. Dans Kingdom Come, les pages ne ressemblent pas à des illustrations statiques, comme cela se produisait précédemment; Ici, il y a plus de dynamisme notamment dans les séquences d'action. Cela ne signifie toutefois pas que Ross n’a pas réussi à représenter et à évoquer visuellement le charisme des mythes authentiques de la bande dessinée. Ses super-héros sont comme des dieux, et il suffit de regarder Superman  (ou Shazam) pour le comprendre. L'essence de l'esprit Dc saisie à merveille, pour résumer. 


Achetez la nouvelle édition chez Urban Comics


Suivez UniversComics sur Facebook. Likez la page

SUPERMAN YEAR ONE : LE REGARD DE JOHN ROMITA JR

Je ne vais pas vous raconter que Superman Year One, du couple Miller/Romita Jr, m'a particulièrement emballé. Cette revisitation du mythe tombe à plat, et ne vise pas juste, présentant un personnage parfois à coté de ce qui devraient être ses pompes. Néanmoins, le dessinateur américain JrJr a montré sur certaines planches des fulgurances intéressantes, qui rappellent à quel point il est doué pour mettre en scène un comic-book traditionnel, tel que le public d'outre atlantique l'attend, au risque parfois de confondre vitesse et précipitation, et de bâcler quelques projets. Au sujet de Superman Year One, Romita Junior s'est exprimé : 
Honnêtement, quand je dessine, je ne réalise pas tout de suite les changements de style dont je suis l'auteur. Certaines choses se produisent probablement automatiquement. Je n'ai pas le choix, les choses me viennent comme elles viennent. Je l'appelle le "style des délais". Tout ce que je parviens à faire à temps pour la date limite, ça me rend heureux. Mais pour moi tout effort conscient de variation est une folie. Superman est un personnage avec quatre-vingts ans d’histoire, il serait fou de penser  changer quelque chose de fondamental en 2019.
Cependant, s'il y a des moments où j'ai pensé laisser une trace personnelle forte, je peux évoquer quelques scènes. Peut-être celle avec le harceleur, ou le footballeur. Il y a tellement d'éléments solides à la base, y compris visuels, sur lesquels nous avons dû construire, que je n'avais pas beaucoup de champ libre sur le produit fini. Le travail s'est développé de manière organique. Vous ne pouvez pas avoir ce contrôle que permet un personnage moins connu. Avant tout, je souhaitais honorer Superman.



Superman: Year One est une histoire au contenu émotionnel fort. Romita déclare, en ce sens, qu'il a pensé que décrire la destruction de Krypton à travers le regard d'un enfant donnait au lecteur tout son sens de l'horreur; Ce n’était pas facile à imaginer, mais c’était aussi fondamental pour distinguer ce récit de ses nombreux prédécesseurs. La planche dont je suis le plus fier jusqu'à présent? En fait, la dernière de la série. Quand je l'ai finie, je me suis senti très fier. Je sais que c’est la réponse la plus lâche de tous les temps, mais lorsque j’ai terminé, j’ai eu le plaisir de penser que j’avais réalisé l’ensemble du projet. Une fierté! 

Vous retrouverez Superman Year One en 2020 chez Urban Comics, l'occasion de se faire une idée sur les dernières aventures de Romita Jr chez Dc, lui qui conserve toujours une fan base solide, y compris parmi vous même qui lisez, j'en suis certain. 

Achetez Superman Year One chez DC 


Suivez UniversComics sur Facebook. Likez la page

BARRIER : L'ART DE LA COMMUNICATION SELON BRIAN VAUGHAN

Après Private Eye, le trio  Brian K. Vaughan, Marcos Martin et Muntsa Vicente s'est reformé, histoire de produire Barrier, une petite série inclassable qui débarque en cette fin d'année, sans publicité ou articles dithyrambiques, chez Urban Comics (normal, il n' y a pas de Batman dedans....). Barrier a en fait connu une première vie (avant la Vo papier chez Image) en digital, au format paysage (pour en profiter pleinement avec la tablette), avec la possibilité de payer ce qu'on souhaitait pour lire les épisodes.
Au départ, l'impression est que la science-fiction va être cette fois mise de coté, au profite d'une histoire qui se déroule à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, un récit politique et d'actualité, sur l'impossibilité de passer sereinement d'un pays à l'autre, entre murs qui refoulent les sud américains rêvant d'une autre vie, et ricains pur souche, sudistes surarmés, qui défendent leur territoire. Sauf que non, la fin du premier épisode fait basculer le lecteur dans quelque chose de complètement différent, un enlèvement par des aliens des deux personnages principaux. Bienvenue dans "la Guerre des mondes 2.0".
Personnages qui sont respectivement Liddy et Oscar . La première citée gère une propriété de l'extrême sud du Texas, et elle est veuve et en proie aux menaces à peine voilées des narcotrafiquants qui utilisent ces contrées pour leurs trafics nocturnes. Le second est un immigré clandestin qui est parti du Honduras, avec comme seul bien précieux un cahier contenant les dessins de son fils (et qui va avoir un rôle à jouer dans le #3).

Ces deux-là n'ont pas grand chose en commun, et du reste même la communication est malaisée, comme en témoigne le choix de conserver des dialogues en espagnol non traduits, à de nombreuses reprises, ce qui plonge le lecteur dans la réalité de l'incompréhension des personnages (bon, si vous avez fait espagnol lv2 au collège, vous allez recoller les morceaux...). Vaughan surprend, et propose un produit qui part à gauche toute, avant de virer à droite, d'un coup d'un seul, et avance en zigzagant, tout en profitant au maximum de la possibilité infinie du médium bande-dessinée pour s'exprimer. Le choix du format, maintenu sans modifications pour le passage au papier, permet une présentation quasi cinématographique, avec des "raccords au montage", des raccourcis stylistiques, une alternance des plans et du cadrage, qui offre la possibilité à Marcos Martin de faire exploser tout son talent de story teller. Non, ce n'est pas le trait le plus raffiné de tout l'univers des comics, mais comment on raconte une histoire, comment on trouve un rythme et un angle de vue permanent, c'est son dada! La mise en couleurs de Muntsa Vicente est splendide, à l'unisson de ce bijou recommandé.
Barrier déconcerte, surprend, joue sur les temps, les tons, la langue (le #3 est un épisode muet). Liddy ne comprend pas Oscar, qui à son tour ne comprend pas Liddy. Tous les deux ne comprennent pas ce qui leur arrivé, où ils sont, ce que veulent les créatures qui les ont enlevés. Le lecteur ne comprend pas tous des textes, qui jouent sur le langage. C'est dans l'observation, l'interprétation, que l'ensemble trouve son sens, sa beauté. Coup de maître!



Achetez Barrier Chez Urban Comics

Suivez UniversComics sur Facebook. Likez la page

SAVAGE : HISTOIRE DE SURVIE CHEZ BLISS COMICS

L'histoire d'un enfant de bonne famille élevé à la dure, au milieu d'une nature sauvage, ce n'est pas quelque chose d'inédit, alors pourquoi se pencher sur ce volume publié par Bliss comics, qui démarre sur ces prémices? Peut-être parce que tout ceci est présenté d'une manière plus moderne, avec un couple composé d'une star du football et sa femme, agent et business woman aguerrie. Le mari vient de signer un contrat dans le championnat américain pour relancer sa carrière et surtout sa "franchise", malheureusement toute la petite famille va se crasher en avion et se retrouver sur une île étrange, où le temps semble s'être arrêté à l'âge de la préhistoire. Le lecteur est plongé d'emblée dans l'action et sans arrêt deux fils narratifs se croisent. Le passé, qui nous explique le drame à l'origine du cœur du récit, et le présent, 15 ans plus tard, où le petit Kevin Junior a bien grandi, pour devenir un sauvage aux ongles et dents acérés, capable de découper la tête d'un dinosaure avec un silex. Dès les premières scènes, on se rend d'ailleurs compte que l'une des qualités de l'album, c'est son côté graphique. Lewis Larosa et Clayton Henry se relaient dès lors qu'il s'agit de dessiner autrefois et maintenant, et même s'ils ont deux styles forts différents, c'est vraiment spectaculaire et ultra bien léché. Larosa s'en donne à cœur joie avec les dinosaures et autres bestioles de la préhistoire, qu'il affectionne particulièrement, et qu'il dépeint avec un réalisme attentif au détail très saisissant.  Il n'y a pas énormément de dialogue et l'histoire avance vite, enveloppant le lecteur à un rythme effréné, et lui dévoile peu à peu comment ce "Savage" a grandi et pourquoi il a l'air aussi plein d'animosité envers les quelques hommes qui habitent l'île. Ces derniers, il faut dire, ne sont pas des plus accueillants...


Alors, qu'est-ce qui différencie ce Savage d'un Tarzan écrit bien des décennies plus tard? Tout d'abord le ton. Ici  le lecteur est immergé d'emblée dans une histoire où des dinosaures rodent, et où un gamin animalesque et agressif tente de survivre à sa manière. On nous raconte comment il en est arrivé là, et bien entendu les scènes choc ne manquent pas, avec une mention spéciale pour la fin tragique que connaît le père footballeur, certes courageux, mais qui ne va durer très longtemps sur l'île où il s'est échoué. La mère elle est plus coriace, ou tout simplement plus prudente, ce qui lui permet de durer, mais sans espoir sur le long terme. Kevin Junior devient donc une arme vivante,  affûtée par les privations, les nécessités, le désir de vengeance sur ceux qui hantent le territoire, et tuent ce qui s'y trouve. On ne creuse pas vraiment les intentions et les replis psychologiques du protagoniste, ici Clay Moore envoie de l'action avant tout, de l'adrénaline, une histoire de survivalisme teintée d'anticipation, qui se déplie en un tome et promet de s'étoffer à l'avenir, en déplaçant les enjeux sur un autre territoire familier. On conseillera la lecture à ceux qui aiment la saine violence décomplexée, et les dessins de qualité. Les autres sont conviés sur d'autres pages. 



Achetez Savage chez Bliss Comics


Suivez UniversComics sur Facebook. Likez la page

LE BATMAN QUI RIT : LA BONNE BLAGUE DE SNYDER ET JOCK

Le Batman Who Laughs est le personnage qui a le mieux tiré son épingle du jeu, durant le crossover Dark Nights Metal, chef d'oeuvre de chaos et de confusion à la Scott Snyder. Ce même scénariste est le responsable de cette nouvelle parution, où le criminel, fusion du Joker et de Batman, est la star en solo d'aventures qu'on devine terrifiantes.
Tout commence par une enquête qui fait froid dans le dos, puisque Batman tombe sur un cadavre qui soulève bien des questions; celui d'un Bruce Wayne d'une réalité alternative, encore que se différenciant de peu de l'homme que nous connaissons tous. Un mort encombrant, et probablement une immense interrogation, qui aurait de quoi faire partir en vrille le cerveau du plus futé des détectives. 
Le Batman who laughs, lui? Il agit dans l'ombre, tire les ficelles, et en fin de premier numéro pénètre dans Arkham pour y faire des siennes, encore que d'entrée on nous prévient, et l'effet mortifère en est donc gâché. C'est donc dans le rôle du grand méchant loup qu'on le retrouve, privé du moindre scrupule, des notions de bien et de mal, des limites morales de notre Batman, ce qui fait qu'il "gagne toujours". C'est discutable, car Batman est encore là de nos jours aussi car il s'impose et connaît parfaitement des frontières, qui jalonnent son action. Sans cette axiome, le Batman who laughs pourrait aussi devenir un Batman inconscient, qui à vouloir se la jouer omniscient et insaisissable, commet impairs et petites bévues fatales. C'est ce qu'on va voir. En tout les cas l'idée même que Batman pourrait mener sa croisade en se fendant la poire à de quoi donner des sueurs froides à bien des habitants de Gotham. D'autant plus que le plan diabolique de l'ennemi est de "contaminer" notre Batou, le contraindre à voir les choses sous l'angle de vue distordue de l'autre, d'abandonner la raison pour le chaos. 

Scott Snyder est un peu plus clair qu'il l'est souvent, mais c'est tout de même assez confus par endroits. On a l'impression, à un moment donné, que Batman est condamné à devoir sombrer dans la folie de son adversaire, que rien ne pourra stopper l'inéluctable transformation, qui apparaît dans les bulles de dialogue, la manière de s'exprimer, qui se dégrade toujours plus. Mais il résiste, le bougre, et c'est tant mieux pour Alfred et le commissaire Gordon, qui chacun de leurs cotés vont passer de sales moments, et se heurter à la cruauté d'un scénariste qui aime placer les personnages dans des situations dramatiques, quitte à les résoudre sur une pirouette qui laisse un arrière goût de facilité abusive. Touchons un mot de Jock, le dessinateur, ici dans une forme olympique. Il se contente en apparence du strict minimum pour nous glacer l'échine, mais c'est que sa maîtrise des ombres, de l'horreur, aussi bien suggérée qu'explicite, qui fait de lui un choix évident et idéal pour Snyder, correspondant à merveille au ton choisi pour cette mini en six parties qui sont devenues sept. Les pages suintent la torture physique et mentale, le basculement dans la démence, et c'est ce qu'on attendait de l'histoire. Par contre, le choix de placer les didascalies et dialogues en rouge sur fond noir, ce n'est pas formidable quand vous êtes astigmate ou myope. Dans la VO c'était d'ailleurs illisible par endroits (je vous assure, j'ai du renoncer à quelques tirades à cause de cela). Tout ceci étant dit, il y a fort à parier que ce Batman qui rit va séduire le plus grand nombre des fans habituels du Dark Knight, surtout si vous attendiez des conséquences directes de l'événement de l'an dernier, Dark Nights Metal. 



Achetez le Batman qui rit chez Urban Comics


Suivez UniversComics sur Facebook. Likez la page

COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...