BATMAN DAMNED : LA DAMNATION SELON AZZARELLO ET BERMEJO

Batman est ce qu'on appelle communément un control freak. Alors le voir se réveiller dans un lieu inconnu, sans la moindre idée de ce qu'il y fait, c'est déjà un élément inusuel en soi. D'autant plus que la télévision diffuse une nouvelle assez étonnante : on vient d'éliminer le Joker! Non pas qu'il va manquer à Gotham City, mais qui a bien pu commettre ce crime cent fois remis à plus tard? Commence alors pour le Dark Knight une aventure qui naît dans la confusion, avec à son chevet John Constantine, maître menteur et manipulateur dès lors que cela sert ses propres intérêts. Un Batman qui dans les premières pages apparaît sanguinolent, en bien mauvaise posture, avant de reprendre connaissance comme déjà précisé. Ce qui frappe d'emblée, c'est la fragilité, la vulnérabilité d'un héros habitué à incarner le justicier de marbre, inamovible. Comme lorsque de retour dans sa Batcave, il se soumet à un scanner intégral, nu comme un ver, ce qui est aussi l'occasion d'une petite polémique stérile dont les américains ont le secret, eux qui sont assez en difficulté avec les personnages masculins sevrés de vêtements (mais pas avec les héroïnes aux poitrines démesurées et dessinées comme des péripatéticiennes, assez curieusement). Bref, ce Batman d'Azzarello prend son envol de la plus énigmatique des manières. Impossible de comprendre quoi que ce soit, le lecteur doit se contenter de recevoir une dose massive d'informations et de pistes confuses, qui oscillent entre histoire surnaturelle (Zatanna, Deadman, Etrigan), violence urbaine (Harley Quinn), et souvenirs hantés de famille. Le scénariste donne à entendre clairement que le couple Wayne battait de l'aile, au point de se déchirer devant le petit Bruce, et que Thomas avait une amante officielle. C'est Constantine qui est la voix narrative de ces pages initiales, et on a l'impression que tous ceux que Batman rencontre, au fil de la lecture, ne sont là que pour étoffer artificiellement le récit, sans avoir de véritable pertinence ou caractérisation. Batman Damned se contorsionne, se cache derrière des écrans de fumée, entretient le mystére avec des visions angoissantes (des flashbacks). Du coup, quel est l'élément qui mérite indiscutablement de miser une pièce sur cet album confus? Le dessinateur, pardis. Mesdames et messieurs, voici venir Lee Bermjo. 


Bermejo signe t-il ici la meilleure prestation de sa carrière? Honnêtement, je ne suis pas loin de répondre par l'affirmative. Certes, il faut avoir une inclination évidente pour le style photo réaliste, pour ces pages glacées où chaque détail crédibilise l'ensemble, et dans ce cas vous allez jubiler. Toujours aussi maître dans l'utilisation des ombres, des contrastes, l'artiste donne ici une patine saisissante à la ville de Gotham, à son héros fatigué, dans une tenue aussi paramilitaire que possible. Tout est soigné et présenté comme "vrai", de la texture des bottes au reflet dans les flammes ou le sang. Ou plutôt comme "hyper vrai", puisque cette véracité est si exaspérée qu'elle en devient factice, mais fascinante et esthétisante à souhait.
Si Bermejo est au sommet, on devine Azzarello chez lui la bouteille de scotch à la main, presque vide, en train de maugréer sur son destin d'auteur maudit. Déjà que les deux premiers numéros (sur trois) sont décousus et incompréhensibles, voilà que le dernier volet a été retardé car DC Comics ne savait plus très bien comment gérer cette parution sur le Black Label, qui entre scènes discutables (Batman le sexe à l'air, Harley Quinn qui viole presque Batman sur un toit...) et structure ultra bordélique de la narration, semblait partir en live de page en page, au point que le premier lecteur a fournir une explication plausible sur ce qu'il a eu sous les yeux aurait mérité de remporter l'intégrale des aventures de Batman depuis 80 ans, et un voyage à Gotham. L'ami Brian veut faire dans le spectaculaire, le philosophique, il veut jouer à l'original maudit (Damned!), mais ses personnages sont juste ridicules (Etrigan en rapeur de quartier déshérité, Swamp Thing qui déboule sans qu'on sache pourquoi. Ah si, car Batman est sous terre, dans un cercueil. Ne me demandez-pas comment ça se fait par contre...) et ses intentions un mystère pour tout le monde. On croit deviner un semblant de chute (au sens propre comme au figuré) dans les deux trois dernières planches, qui pourrait rendre un strict minimum de cohérence à ce Batman Damned, mais il est clair que le point de non retour est franchi. Impossible de jeter l'album à la poubelle, car les comics c'est cher, et Bermejo y a mis son âme, ça se voit. Mais il faudrait me payer énormément pour que je m'y remette encore une fois depuis le début. 



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MARVEL DANS LES ANNEES 90 : L'X-PLOSION MUTANTE

Quand on parle du succès des mutants, on pense indiscutablement aux années 80, et à Chris Claremont. Pour autant, la franchise X n'avait pas été véritablement exploitée selon son indéniable potentiel, en grande partie car cela ne correspondait pas à la politique éditoriale de Jim Shooter, editor in chief de l'époque. Du coup, dans les années 90, décennie fabuleuse ou honnie, où le dessin explose à la limite du paroxysme et de la folie visuelle, au détriment du scénario, parfois si retors ou simpliste (des armes et je tire), les mutants ont connu de véritables heures de gloire inégalées (Age of Apocalypse, Jim Lee sur X-Men) et nombre de mensuels dérivés, à la pertinence discutable, fragile, ou honteusement méconnue (on regrette toujours la première mouture d'Excalibur, beaucoup moins certaines errances en solo de Cable). Panini Comics propose depuis quelques mois des ouvrages anthologiques, revenant chacun sur une décennie des 80 ans d'histoire(s) Marvel. Ce tome-là est donc une mine d'or, pour ceux qui désirent un cours de rattrapage sur les élèves du professeur Xavier! On passe en revue brièvement le contenu, qui est d'une variété remarquable.
On commence avec Excalibur #48, qui est une sorte de filiale britannique des X-Men, née de l'esprit prolifique de Chris Claremont. Si ce titre a laissé de si bons souvenirs, c'est qu'il savait manier l'humour et l'ironie avec délice, faisant fi de la sinistrose qui dévorait habituellement le discours chez Cyclope et compagnie. Ici C'est Alan Davis qui a pris la relève, texte et dessins, et nous retrouvons Captain Britain et les siens face aux Technet. Un exemple frappant de comment Excalibur pouvait être jouissif et débridé, un espace de respiration à part que beaucoup de fans avaient élu comme leur lecture favorite.
Chez Wolverine (#42) du coup l'ambiance est au pôle opposé. Le griffu est toujours prêt à donner dans la découpe, à se torturer les méninges au sujet de ses origines nébuleuses, et on n'esquisse que de rares sourires crispés. Il faut bien Deadpool, et encore. Larry Hama semble plongé dans les affres du travail de commande, et il reste Adam Kubert pour régaler le lecteur, d'autant plus qu'il traversait alors un pic de qualité qu'il semble avoir perdu depuis.

X-Factor #87, comment définir...c'est pour moi indispensable. Et dire que beaucoup ont déjà oublié la période Peter David (maître dans l'art de manier l'humour à froid) et Joe Quesada, dont le style explosif et novateur confine alors à la petite oeuvre d'art. On y parle problèmes psychologiques et dysfonctionnements individuels et de groupe, chez le docteur Samson, psychanalyste des stars, pardon des héros. Havok, Polaris, Vif Argent, Rahne, que cette équipe pétillante et truculente a pu me plaire, dans les années 90! 
Pour ce qui est des X-Men proprement dit (#91), on assiste à un affrontement entre le groupe, et Sinistre, dans la tradition établie, mis en scène par Fabian Nicieza et Joe Bennett. On pouvait rêver plus éloquent, plus grandiloquent. On préférera nettement relire la Generation X (#5) de Lobdell, Bachalo et/ou Buckingham, qui proposait de suivre les aventures des jeunots mutants, coachés par le tandem improbable Sean Cassidy (un Hurleur en quadra paternaliste mais pro actif) et Emma Frost (en garce reconvertie, mais pas trop, toujours prête à griffer). Le dessin est alors ultra sombre et inventif, les formes et la mise en page perpétuellement bousculées, et si ces standards ne dureront pas si longtemps, au moins les premiers mois furent remarquables. 
Arrive le cas X-Man (#5), Nathan Grey, le mutant le plus énigmatique de la décennie, consumé par son propre pouvoir qu'on devine incommensurable. Les histoires se concentrent toujours sur les tourments psychologiques (là aussi!) du protagoniste, avec des élans inspirés qui puise dans la science-fiction et les questions temporelles. Jeph Loeb est appliqué et pertinent dans les premiers épisodes (la suite part en eau de boudin) et Steve Skroce signe des planches anguleuses et plastiquement nerveuses, dans un style que je n'ai jamais apprécié sincèrement, mais qui avait aussi ses admirateurs. 
Et Uncanny X-Men dans tout cela? Et bien c'est le prétexte à voir l'évolution d'un artiste comme Joe Madureira, qui insuffle un esprit manga à des planches de comic-books, pour un face à face tendu entre Psylocke et Sabretooth, le classique vilain que les gentils tentent de remettre sur le droit chemin, ou en tous les cas n'ont pas le courage de liquider. 
Reste à lire un peu de X-Force (#55) une série qui ne s'embarrasse pas toujours d'une subtilité psychologique évidente, et qui est alors confiée à Loeb et Adam Pollina. X-Force vs The Shield, oui d'accord, mais ça n'a pas laissé de trace mémorable.
Deadpool lui, en a laissé des traces, au point de devenir la vraie star issue de cette décennie, celle qui va gagner les faveurs du grand écran et apparaître dans tous les titres possibles et imaginables les années successives. Ses premiers pas en solo, ici représentés par l'équipe Joe Kelly et Ed McGuinness, sont frais comme des gardons pêchés le matin, et pétillent comme du coca longtemps secoué avant d'ouvrir.
Au fait, n'oublions pas non plus Cable, qui passe le plus clair de son temps, dans son propre titre, à se complaire dans la violence et la tragédie. Avec Apocalypse au menu, c'est quelque part assez naturel. Épisode signé Casey et Ladronn, pour une série qui aura été loin d'épuiser son véritable potentiel.
Bref, à l'heure où ce sont les Avengers qui récoltent les moissons de la gloire, ce volume so nineties vient nous rappeler que ce sont les mutants qui ont porté Marvel à bout de bras, il y a 25/30 ans, avec une foisonnement de propositions diverses et variées, allant de l'excellent, au clairement bâclé. Ce qui est un bon résumé pour les années 90!



Pour acheter ce volume, édité par Panini


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LE "NOUVEAU" JOKER : SKETCHS ET COMMISSIONS

Il arrive parfois qu'un personnage subisse un "lifting" avec succès, ou qu'une nouvelle version, un nouvel avatar, obtienne tant de succès qu'il en éclipse (momentanément ou pas) tout ce qui a existé auparavant. Regardez par exemple le Joker de Todd Philips. Le film marche très bien, au delà des espérances les plus folles, et le vilain interprété par Joaquin Phoenix est devenu ultra reconnaissable. Exit le coté burlesque et ironique des vieux Joker d'alors, l'aspect dérangeant et psychopathe du Joker aux joues entaillées, voici venir le clown triste, déprécié, rejeté, qui s'érige en symbole d'une partie de la société, et se rebelle contre les nantis. Ce Joker là, les habitués et les amateurs de beaux dessins le savent, il suffit de regarder les sketchs et les commissions demandés et réalisés par les artistes en conventions, ou sur Internet, pour le voir défiler. On en voit fleurir des portraits un peu partout, et notre page Facebook vous en a présenté de forts jolis ces temps derniers. Ce vendredi on revient donc sur le phénomène, avec quelques exemples de grand talent. Vous avez une préférence? 

Par Artgerm (Stanley Lau)

Une affiche "alternative" du film
Si vous connaissez l'artiste, dites le nous

Par Michael Pasquale

Par Gianluca Gugliotta

Par Fernando Dagnino

Par Cameron Stewart

Par Neozumi (deviantart)


Tout l'art du Joker, à découvrir chez Urban Comics


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STRANGE NOVA TITANS : QUE RESTE T-IL DE NOS AMOURS?

J'ai dépassé la quarantaine, ce qui veut dire que puisque j'ai commencé à lire des comics avant même d'entrer au cours préparatoire, j'ai connu toute la période de gloire des parutions Lug, puis Semic. À l'époque les super-héros en France appartenaient pratiquement à la contre-culture et ils n'avaient pas cette aura magnifique qui les accompagne aujourd'hui. Je sais que d'autres ont vécu des expériences fort différentes, mais dans la cour de récréation du lycée que je fréquentais, lire Spider-Man et compagnie n'était pas le top en terme de popularité. Dans les années 70 et 80, impossible d'aller en librairie pour acheter les dernières parutions américaines c'est en kiosque, chez le marchand de journaux, que nous allions religieusement dévorer ces bande-dessinées mensuelles, qui fonctionnait exclusivement sous forme de fourre-tout, à savoir un patchwork d'histoires qui n'ont pas forcément de logique entre elles. Spider-Man a longtemps fréquenté les Fantastic Four dans Nova,  et Daredevil côtoyait Iron Man dans Strange, par exemple. 
Parlons-en de Strange! Cette revue, qui à elle seule résume toute une période de notre existence, n'apparaît pourtant pas, avec le regard qui est le notre en 2019, d'une qualité irréprochable. Souvent les histoires publiées sont victimes de la censure ou d'un remontage cavalier; au diable les affres du "complètiste", tout n'est pas publié, certains numéros passent à la trappe, et une série peut en remplacer une autre sans crier garde (je me souviens encore des adieux à la Division Alpha...). La qualité du papier est elle aussi défaillante, souvent granuleuse, très fine, la texture des pages a vieilli souvent assez mal, et c'est la poussière qui y trouve un habitat naturel de premier ordre. Y a-t-il donc encore un intérêt à fantasmer sur ces publications, alors qu'aujourd'hui une vaste entreprise de réédition a été lancée, avec des intégrales dont nous ne pouvions que rêver dans notre prime jeunesse, sans oublier tous les volumes des différentes collections vintage que Panini propose régulièrement?  Je parle de Panini, car cet article concerne principalement Marvel Comics. Il faut dire qu'à l'époque les parutions de DC Comics, relayées en France par Aredit/Artima, sont encore plus anarchiques en terme de proposition et de distribution... suivre correctement les aventures de Superman et consorts relèvait du miracle permanent, et du reste assez peu s'y essayaient régulièrement.

Alors pourquoi continue-t-on de parler de Strange, à chaque détour de conversation, dès lors qu'on a dépassé un certain âge? Principalement pour l'effet nostalgie? Alors que nous grandissons, notre regard sur ce qui fut autrefois se teinte toujours plus de bienveillance. Nos goûts ont évolué et les comics également, avec une perte évidente de la naïveté des aventures d'alors, remplacée aujourd'hui par un cynisme et un sarcasme omniprésents; ce que d'autres appelleraient l'entrée définitive dans l'âge adulte des comics. Inversement on trouve aussi toute une panoplie de série décalées, à l'humour absurde et potache, et qui autrefois aurait vraisemblablement subit les foudres de la bien-pensance. Et malgré tout, beaucoup continuent de chercher ces numéros de Nova (petits formats délétères, qui ne rendent certes guère hommage au talent de Byrne sur les Fantastic Four, ou de Buscema sur le Surfer) ou de Special Strange, qui fleurent bons les années 70 et 80. Moi le premier, qui ne possède plus grand chose de l'ère Lug/Semic (j'ai conservé uniquement les RCM et Top Bd les plus marquants) je ne peux m'empêcher, dans une brocante, de feuilleter les fascicules que je trouve à la vente, et de ressentir un pincement au coeur en chaque occasion. 
Il est vrai qu'à force de noyer l'offre (avez-vous vu le nombre de sorties mensuelles, entre kiosque et librairie, tous éditeurs confondus? Il faudrait contracter un pêt bancaire chaque trimestre pour s'en sortir...) on finit par perdre de vue l'exceptionnalité, le sentiment d'avoir entre les mains quelque chose de précieux, qui défie la routine, qui échappe à l'ordinaire. Et qui existe en dehors de toute idée de spoiler, à l'ère d'Internet où nous savons déjà comment se terminent les sagas en cours, avant d'avoir commencé à les lire. Strange, c'était tout cela. Une présentation anarchique, un savoir faire artisanal au service d'un univers super héroïque qui n'avait encore que 15/20 ans d'histoires derrière lui, et pouvait surprendre, innover, dérouter, dans une société où le merveilleux n'était pas encore derrière chaque porte, avec une surenchère permanente dans le coup d'éclat, la violence, le marketing, l'esbroufe. Strange c'est un peu la période punk des comics, celles des fiches détachables en guise d'encyclopédie majeure, des couvertures magnifiques de Frisano, qui feront l'objet d'une exposition fort attendue au prochain festival d'Angouleme. Strange, c'est ce passé forcément revisité et magnifié, alors qu'il n'est pas aussi reluisant que cela, mais qui n'a rien à envier à notre présent, où abondance et modernité ne signifient pas toujours félicité. Si j'aime et apprécie grandement ce qu'est l'offre et la variété impensable ces jours-ci, en terme de comics, j'ai aussi la certitude d'avoir commencé quand il le fallait, la bénédiction d'avoir passé mes toutes jeunes années avec le tisseur de toile et tête de fer, plutôt qu'avec Fortnite. 



Revivez la grande époque, avec Nos années Strange


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LES ZOLA : LES AMOURS D'UN GRAND ECRIVAIN CHEZ DARGAUD

Derrière chaque grand homme se cache toujours une femme. Derrière un monstre sacré de la littérature comme Émile Zola, il n'est pas surprenant d'en trouver deux. Certes il ne s'agit pas là d'une apologie de la polygamie ou de la tromperie conjugale, tout simplement c'est une existence prise dans ses méandres et rebondissements amoureux, une autre manière de voir l'auteur des Rougon-Macquart. Par ailleurs bien plus passionnante et pertinente que s'il s'était agi banalement d'une biographie en bande dessinée. Meliane Marcaggi réussit le tour de force de nous intéresser à Zola uniquement à travers le prisme de ses relations sentimentales. J'admets que les premières pages m'avait laissé un peu froid, mais au fur et à mesure que l'histoire progresse, on finit par être totalement emballés par ce récit aux racines puissamment humaines, où Émile Zola devient quasiment un personnage secondaire, ou tout du moins laisse le devant de la scène à la figure de ses compagnes. Alexandrine Meley, la première, est née dans un milieu si modeste que la famille d'Emile a bien du mal à l'accepter. Sa formation intellectuelle est assez limitée pour frayer parmi les compagnons de son mari, il va lui falloir faire preuve de persévérance et d'ingéniosité pour être acceptée par la "bonne société des lettres et des arts"... encore que cela restera toujours prétexte à de méchants quolibets, placés au mauvais moment avec perfidie. La seconde femme d'importance pour Zola (Jeanne Rozerot) entre dans la maison familiale comme domestique. Très vite, sa fraîcheur et sa candeur séduisent l'écrivain, dont la femme s'est depuis quelques temps épaissie, elle qui souffre de ne plus pouvoir enfanter. La vie de couple des Zola semble ronronner, pour ne pas dire s'éffilocher. Émile aussi s'est empâté et a vieilli, et il est désormais devenu une sorte de grand bourgeois à la plume acérée. Le poète "italien" reste source de polémiques et de railleries, d'admiration et de jalousies. Comme l'a bien compris Alexandrine, toujours combative et inspirée, l'important est d'entretenir la légende, de faire parler de soi.  La femme de l'auteur est véritablement un puit de dévotion, et toute son existence, depuis sa rencontre avec Emile, est consacrée à l'édification d'une carrière exceptionnelle, qui connaît son apogée, alors que le mari a depuis longtemps plongé dans les affres et délices d'une double vie. 

On imagine le drame intime que cela a pu être pour la femme d'Émile Zola, d'apprendre que ce dernier avait déjà deux enfants illégitimes, qu'il entretenait dans un meublé, en toute discrétion. Inutile de dire il y a de quoi en devenir folle. Mais derrière la douleur se cache aussi la grandeur d'une âme capable par la suite d'accepter l'évidence et de rester malgré tout au côté de son époux, tout en rencontrant puis en chérissant la progéniture secrète du mari volage. L'album se termine avec des allusions à l'affaire Dreyfus et bien entendu à la mort de l'écrivain, qui reste toujours enveloppée de soupçons d'assassinat.  
Les dessins d'Alice Chemama sont particulièrement jolis avec de belles aquarelles réalistes aux couleurs lumineuses, qui s'assombrissent lorsque vient le moment de raconter le passé de la femme de Zola, à travers un long flash-back poignant. Que ce soient les déjeuners sur l'herbe en compagnie de Manet, ou la frénésie de la vie parisienne de la fin du dix-huitième, l'ensemble est toujours dépeint avec un mélange de réalisme attentif aux détails, et une puissance d'évocation subtile qui laisse au lecteur la possibilité de s'emparer des atmosphères, des émotions, pour les faire siennes. Tout ceci s'accorde très bien avec la sensibilité de Marcaggi, qui raconte son histoire sans porter de jugement ou sombrer dans le coup d'éclat à sensation, mais reste attentive à la dimension humaine, avec brio. Alexandrine et Jeanne sont les grandes dames de cet album, sans pour autant que leur Emile Zola en soit rabaissé, amoindri. Assurément une découverte que nous vous proposons en alternative à ces chers superhéros dont nous parlons ici même (presque) quotidiennement. 


Pour découvrir Les Zola chez Dargaud


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SPIDER-MAN DANS LES 90'S : LA SAGA DU CLONE EST DE RETOUR

La première (brève) saga du clone, dans les années 70, voyait le Chacal faire sortir de ses éprouvettes un clone de Peter Parker, et orchestrer un affrontement entre les deux sosies parfaits. La création artificielle semblait avoir fini sa courte carrière dans les cheminées industrielles d'une usine désaffectée, et le lecteur pouvait alors sereinement passer à autre chose. Sauf que vingt ans plus tard, ce sont les génies du marketing qui ont pris le pouvoir chez Marvel, et pour eux, tout est bon pour empocher quelques dollars de plus. La seconde saga du clone devait au départ durer six mois, mais dès les premières pages de Power and responsability, la saga d'ouverture, on comprend que les quatre titres mensuels du tisseur publiés dans la la décennie vont s'interpénétrer, et que chaque arc narratif sera à suivre sur les pages d'autres fascicules, obligeant ainsi le lecteur à tout acquérir, pour y comprendre quelque chose. Par la même occasion, les scénaristes se retrouvent obligés de fournir un long et fastidieux travail de coordination, qui après de bons débuts prometteurs, finit par partir en sucette, avec de l'inspiration last minute à tous les étages. 
Un des trucs narratifs les plus éculés fut mis en place alors. On balance de nouveaux personnages, dont on ignore le background, les motivations, la vraie identité (Scrier, Judas Traveler...) et on attend les réactions du lectorat, pour décider s'il vaut la peine ou pas de les exploiter en profondeur. Pour compliquer le tout, Peter Parker et le clone, baptisé Ben Reilly, se retrouvent au départ avec Kaine, une autre expérience "dégénérée", dont les bonnes intentions sont mâtinée d'un brin de folie furieuse. Ajoutez à tout ceci la mort, bien entendu. Octopus passe l'arme à gauche (depuis ça va bien mieux), mais aussi la Tante May, qui nous quitte dans un épisode d'une tristesse poignante et inoubliable, signée    De Matteis. Sauf que en fait non, ce n'était pas elle... Marvel marche vraiment sur la tête, et les coups de théâtre mensuels commencent à ressembler un peu à tout et n'importe quoi. La saga du clone part en eau de boudin...

En fait, il fallait rajeunir ce bon vieux Peter, et son mariage avec Mary-Jane avait fini par crée la sensation d'un personnage en état de sclérose créative. Comment faire revenir sur scène un Peter plus "jeune" et débarrassé d'années de lecture considérées comme autant de poids morts pour le héros? En le remplaçant par lui-même, pardi! Pendant ce temps le colosse se découvre des pieds d'argile. Chez Marvel la crise commence à faire sentir ses effets pervers, et dans les nineties, nous sommes loin des succès colossaux au cinéma, qui permettent une toute autre manière de considérer l'ensemble des héros de la maison des idées. Il est décidé de diviser l'ensemble des séries en groupes, ou familles, de limiter l'interaction entre celles-ci, de mettre de coté l'importance du rédacteur en chef global. Sauf que non, on revient assez vite à la formule de départ, et Dan Jurgens qui avait été appelé pour chapeauter les sorties consacrées à Spider-Man, quitte le navire car frustré de voir que le choix de faire de Reilly le véritable héros se fait au détriment de ce bon vieux Parker.
Et les histoires en elles-mêmes? C'est simple, celles prévues en deux parties sortent en quatre, des tas de clones ou de versions distordues, crées par le Chacal, entrent en scène et bondissent dans tous les coins. Le climat devient sombre, violent, Mary-Jane est enceinte, s'inquiète pour le bébé, accouche, son couple s'exile à Portland, puis revient, puis on pense enfin voir la fin de la saga du clone, mais c'est alors qu'arrive Onslaught, crossover inventé de toutes pièces pour surfer sur le pouvoir de la franchise la plus bankable alors, c'est à dire les mutants....
Bref, à ce point du récit, plus personne ne sait comment apporter une conclusion. Comment remettre Parker au centre des débats? Comment se débarrasser de Ben Reilly et de Kaine? Qui pointer du doigt comme vrai responsable de cet imbroglio? Allo monsieur Osborn, vous êtes libre pour servir de bouc émissaire?
Bref, comme dirait Pépin. Nous gardons tout de même de bons souvenirs de certains coups de théâtre, et un pincement au coeur à l'idée que c'est aussi dans ces années là qu'en France Semic se retire du marché, pour laisser les droits Marvel à Panini. La Saga du clone, interminable, ultra dense, parfois incompréhensible dans ses choix, à déjà fait l'objet d'une publication chez l'éditeur de Modena, sous la forme de deux omnibus, introuvables à prix raisonnable. Et voici que .... énième rebondissement, l'ensemble est de retour, dans des Omnibus un peu plus légers, au format plus grand, avec trois volumes de prévus. Vous suivez encore? Bravissimi. Si vous avez manqué cette page fondamentale et psychotique des années 90, c'est en ce moment que ça se passe, en librairie! 


Le premier Omnibus est sorti. Voici le lien :


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JOKER DE TODD PHILIPS : LE GRAND FILM EVENEMENT DE L'AUTOMNE

La question que beaucoup semblent se poser est la suivante : Joker est-il le meilleur ciné comics jamais réalisé à ce jour? La réponse n'est pas chose aisée, tant ce long-métrage paraît échapper aux canons du genre. En s'émancipant de la sempiternelle figure du super héros ou vilain, le film de Todd Phillips entreprend de suivre la grand-route du drame social politique et psychologique, mais peut-être est-ce également une manière de souligner combien nos chers personnages de papier peuvent être beaucoup plus complexes que ce qu'il n'y paraît, aux yeux des profanes. De démontrer que leurs aventures possèdent un sous-texte d'une richesse évidente et stratifiée, pour peu qu'elles soit narrées par un auteur inspiré et clairvoyant.

Ici, le Joker n'est pas ce terroriste nihiliste vu chez Nolan, où cette icone postmoderne malsaine dans Suicide Squad, (mal) incarné par Jared Leto. Encore moins le clown baroque campé par Jack Nicholson. C'est avant tout un homme doux, mais à la psyché fracassée par d'évidentes problématiques familiales et affligé d'un handicap saugrenu, ce rire incontrôlable, irrépressible, à chaque fois qu'il se sent dans l'embarras. Ce Joker n'a rien demandé et ça tombe bien, car on ne lui a jamais rien donné! La société lui reprend même régulièrement le peu quelle lui propose, que ce soit des séances de psychothérapie ou un traitement médicamenteux. Le gouvernement Reagan, dans les années 80 (quand se déroule les événements), coupe les fonds du secteur social et abandonne à leur funeste destin les américains les plus précaires.

Ce n'est pas que la folie ou le handicap qui poussent un homme à incarner le Joker, mais c'est une addition de ces facteurs, intimes et sociaux, qui crée le monstre dont la trajectoire oscille entre tragique et comédie absurde. C'est parce qu'il est depuis toujours invisible que cet homme, Arthur Fleck,  désire plus que tout exister un instant, qu'il rêve de devenir comédien de stand up (mais il faudrait pour cela qu'il soit drôle comme le souligne jusqu'à sa propre mère) et d'apparaître en prime time dans son show télévisuel fétiche, animé dans le film par un Robert De Niro histrion à souhait. Ce Joker est un cauchemar car il est l'aboutissement de tous ces rêves qui échouent dans une impasse, quand l'humiliation quotidienne devient la norme, entre agressions impunies dans la rue ou le métro, et l'impossibilité de gagner dignement sa vie. Solitaire, il est l'expression d'une pression sociale inouïe, qui inéluctablement ne peut qu'amener à l'explosion.

Oui, ce Joker là est éminemment politique. Alors que la crise économique nous colle aux basques, que des mouvements comme Anonymous ou les Gilets Jaunes revendiquent le masque ou le chasuble fluo pour se distinguer, le "petit peuple" entend hausser le ton, et ne plus se contenter des miettes qui tombent de la table. Les riches font l'objet d'une stigmatisation, voire d'une chasse à l'homme, comme Thomas Wayne, qui est candidat à la mairie de New-York, et taxe de manière bien imprudente les habitants révoltés de "Jokers", c'est à dire en gros de bouffons, de pitres, de marginaux. Le hasard veut que les premières véritables victimes d'Arthur Fleck soient des employés du grand magnat de Gotham, ce qui permet au crime atroce (mais pas gratuit) d'obtenir l'absolution des foules, pour ne pas dire une admiration sans bornes chez les plus enragés. Non, le Joker naissant ne donne pas dans la politique, mais son geste inconsidéré ouvre des portes insoupçonnés, et offre une épaisseur morale et sociale à un cheminement vers la folie, qui autrement ne serait qu'effroi, stupeur, meurtres glaçants. 
Dans un tel contexte, le rire du Joker (quelle prestation que celle de Joaquin Phoenix, d'une justesse incroyable, habité par le role, amaigri de 25 kilos) est le grain de sable dans l'engrenage, qui rappelle à chaque saillie que quitter le chemin établi, pour fréquenter les ornières, est sévèrement réprimé par la société, qui n'accepte la différence que lorsqu'elle se modère elle-même, et accepte de camper la fonction qui lui est assignée (ce qu'on comprend dans les quelques lignes du carnet de bord de Fleck, là où il note ses blagues douteuses, et ses réflexions amères et désespérées).
Et comment ne pas conclure sans s'attarder sur l'incroyable métamorphose du réalisateur, Todd Philips. Non pas que Very Bad Trip (et ses suites, bien plus faibles) ne soit un sous produit à dédaigner, mais ici, le passage de la comédie au drame est aussi celui de la chenille en splendide papillon. Tous les ingrédients du véritable film d'auteur, du cadrage au choix parfait d'acteurs en transe artistique, de la bande son adéquate, aux sujets dérangeants et au vitriol, tout ceci converge dans un produit fini qui se revendique pourtant mainstream, et n'oublie pas, par brefs touches fugaces, d'adresser quelques clins d'oeil aux fans de comics américains, avec la présence de la famille et du manoir Wayne, et une scène émouvante et grinçante avec un petit Bruce et le grand méchant Joker, alors que celui-ci est sur le point de perdre définitivement le moindre ancrage avec notre quotidien à tous. Un quotidien aliénant, déprimant, une sauvage lutte des classes, une course effrénée à l'individualisme, qui trouve en Joker un étrange juge et bourreau dont le rire oscille entre démence pure et désespoir lucide; un grand film, on vous aura prévenu.



Un des récits marquants du Joker, une vraie belle histoire à (re)découvrir chez Urban Comics.


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BATMAN DEVRAIT-IL TUER LE JOKER? (BATMAN CONFIDENTIAL #12)

Parmi tous les dilemmes qui peuvent assaillir un super héros sans peur et sans reproche, le plus récurrent est probablement celui de savoir s'il peut s'arroger ou non le droit de tuer son adversaire, voir de le laisser mourir sans lui prêter secours. La frontière ultime qui délimite le véritable héroïsme du justicier sans foi ni loi constitue cet acte fondamental, prendre une vie. Il est par exemple admis que Batman, dans sa version moderne (car il n'en était pas ainsi à ses tout débuts), est un super-héros qui ne tue pas et fera tout son possible pour l'éviter. 
Intéressons-nous ainsi à ce qui se passe dans le numéro 12 de Batman Confidential (dernier acte de l'arc narratif lovers and madmen); là encore le Dark Knight est aux prises avec son ennemi de toujours, le Joker (même si le récit se déroule aux prémices de leurs combats, en début de carrière). Ce dernier a la particularité d'avoir laissé dans son sillage, depuis des nombreuses années d'exercice où il a commis les méfaits les plus cinglés et répugnants, une armée de cadavres et de personnes traumatisées à vie, la plupart du temps sans véritable motif. Tout ceci pouvait encore être évité, à l'époque où se déroule l'épisode en question aujourd'hui. Le Joker est persuadé que lorsque Batman affirme que pour lui chaque vie compte, il ne s'agit que d'une déclaration hypocrite. Pour tester cette hypothèse, il se laisse tomber du haut d'un gratte-ciel, plaçant ainsi le justicier devant un choix cornélien : laisser son adversaire du jour s'écraser au sol (et ainsi débarrasser Gotham de la plus grande menace qu'elle connaîtra, épargnant d'innombrables vies dans le futur) ou bien se lancer dans un sauvetage périlleux, au risque de sa propre vie même, pour juste un dingo incurable. 
Une planche nous montre magistralement ce qui se passe dans la tête de Batman. Une alternance de vignettes lumineuses et colorées est présente, alors que le corps du Joker rapetisse au fur et à mesure qu'il chute. D'autres vignettes plus sombres nous montrent le masque de Batman, vu dans un plan toujours plus rapproché. Les didascalies nous explicitent le cheminement de la pensée du personnage, ses doutes et hésitations, qu'il ressent à cet instant. Qu'auriez-vous fait vous? Batman lui, ne peut pas échapper à ce que le lecteur attend finalement, à ses caractéristiques acquises. Il en a envie, sait que la perte pour la société sera bien maigre... Mais Chaque vie compte... Le meurtre est une violation de mon âme... peu importe à quel point cela me ferait sentir bien... (etc) et le voilà se jetant du haut d'un immeuble, exercice acrobatique impensable, pour aller sauver un serial killer qui ne mériterait aucune considération. Héroïsme absolu. 
Trop simple d'aimer les amis et d'haïr les ennemis, il faut aussi être capable d'empathie et de compassion envers les pires pourritures du monde, au risque parfois d'une rhétorique un peu naïve, et amenant des solutions narratives éculées, qui se répètent d'une série à l'autre. Le vrai bon super-héros ne tue pas, même le Joker. Batman serait-il donc en partie responsable de tous les méfaits que ce dément commettra à l'avenir?




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BERSERKER UNBOUND #1 #2 #3 : LE BARBARE DE JEFF LEMIRE

Combien de titres est capable d'écrire chaque mois le Canadien Jeff Lemire? C'est une bonne question, d'autant plus qu'en parallèle il est aussi dessinateur, et ces dernières années son rythme de travail est en train de faire s'éclipser lentement la légende de l'ouvrier soviétique Stakhanov. 
Parmi ses projets les plus récents, nous trouvons une série publiée chez Dark Horse, intitulée Berserker Unbound. Autre argument très sérieux pour se pencher sur la question, le dessinateur qui l'accompagne dans cette aventure n'est d'autre que Mike Deodato, qui a prévenu qu'il préférait se tenir en retrait des grands éditeurs comme Marvel... pour combien de temps, voilà qui est encore un autre sujet...

Sinon ce nouveau titre ressemble furieusement à du Conan le Barbare! Le héros de l'aventure est en effet un épigone de ce dernier. Dans un univers guerrier et sans pitié, sa famille est trucidée et lui est projeté sur notre plan d'existence, grâce à l'un des plus vieux ressorts scénaristiques du monde, autrement dit une sorte d'intervention mystico-temporelle assez vague.  Une fois chez nous, le roi guerrier doit composer avec des us et coutumes si différents qu'il ne comprend pas grand-chose à ce qui lui arrive. Par chance il va rencontrer un vieil ivrogne qui habite en bordure de la ville. Ce vagabond au grand cœur va petit à petit lui permettre de trouver ses marques; cela dit les deux ne parlent même pas la même langue, et quant à se comprendre vraiment, il ne faut pas trop en demander. Ils sont au départ l'un pour l'autre plus des potes de bouteille et deux béquilles pour palier leur défaillances, plus qu'autre chose. Les trois épisodes de publiés à ce jour se lisent vite, Jeff Lemire ne se perd pas dans les didascalies, mais les planches de Deodato saisissent par moment les visages et les expressions, cette double humanité en marge et privée de ce qui lui fait battre le cœur et du réconfort dont chacun a le droit et besoin. Réfugiés à la marge de la société, dans l'attente des événements à venir que l'on devine forcément peu ragoûtant, les deux personnages n'ont pas grand chose en commun, si ce n'est d'avoir été expulsé de leurs univers respectifs sans prévenir, l'un de manière factuelle, l'autre figurée. À défaut d'être un pur chef-d'œuvre totalement indispensable, cette série qui ne dit pourtant pas grand-chose est parcourue par un sous texte émotif et émotionnel qui la rend d'emblée attachante, et d'une humanité évidente.



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SWAMP THING PAR ALAN MOORE - TOME 1

Quand Alan Moore débarque sur le titre Swamp Thing, après la vingtaine de numéros, c'est pour donner un sacré coup de balai et une nouvelle orientation à la série. Du reste, c'est cela que l'on attendait de lui et au moins sur ce point, il va parfaitement mériter ses émoluments! Pour commencer c'est le concept de base qui va être profondément chamboulé. Non, Swamp Thing ce n'est pas à Alec Holland qui s'est métamorphosé en la créature des marais, c'est au contraire l'incarnation des forces primordiales de la nature, qui ont donné vie à une entité végétale, qui possède les souvenirs et les sensations du botaniste, sans pour autant pouvoir se targuer d'être humain. Cela change beaucoup de choses car l'un des grands drames était de savoir si Alec allait redevenir ou non un jour lui-même, et par extension si histoire d'amour naissante, qui se développe pleinement dans ce premier tome, avec la belle Abigail aux cheveux blancs, allait donc un jour être possible.  Comme si la demoiselle -par ailleurs déjà mariée, nous devrions dire madame) ne pouvait pas trouver une solution pour finalement embrasser un monstre de mousse et de branches, qui possède en lui certains champignons psychotropes lui permettant de vivre des expériences aussi psychédéliques qu'érotiques. Tout ceci est à suivre dans les derniers épisodes du tome 1. 



En attendant on y trouve également un antagoniste de choix, à savoir un autre botaniste, Jason Woodrue, qui est appelé à devenir l'homme Floronique. Lui aussi est un grand spécialiste, mais il a une conception un peu particulière de la nature et de la planète, et s'il veut faire payer au genre humain ses méfaits vis-à-vis de l'écologie, la punition qu'il a trouvé est assez radicale puisque il choisit d'exterminer toute forme de vie humaine.  Ceux qui ont suivi la série télévisée se rendront compte ainsi que la plupart des lignes narratrices adoptées pour le petit écran se retrouvent à l'intérieur de l' œuvre d'Alan Moore, comme par exemple cette scène terrifiante où Swamp Thing est démembré pour une étrange leçon d'anatomie, à l'issue de laquelle le lecteur apprend la vérité sur sa "composition". Ici nous trouvons aussi un autre grand adversaire en la personne du Roi-singe, qui est censé symboliser les peurs et des cauchemars qui se cachent en chacun de nous. Bref, Swamp Thing est une bande dessinée d'horreur, mais qui va également beaucoup puiser dans le symbolisme et la psychologie. Les dessins sont absolument magnifiques, avec plusieurs artistes qui se succèdent, mais le principal d'entre eux est Stephen Bissette, dont le trait ultra détaillé, baroque et romantique, fait merveille. Chacune de ses planches est une ode à la nature qui mériterait d'être regardée pendant de longues minutes, pour en apprécier les moindres petits détails. Comme toujours, Urban Comics ne se moque pas du monde et ce grand pavé à la couverture rigide est véritablement ce qui se fait de mieux pour découvrir un personnage aussi pathétique que passionnant. Le conseil que je vous donne est simple, si vous ne connaissez pas ces épisodes, procurez-vous absolument ce mastodonte, premier d'une série de trois. 


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Swamp Thing Tome 1 : pour l'acheter

CONTAGION #1 : ED BRISSON LANCE LA CONTAMINATION

Vous connaissez tous l'expression usé jusqu'à la corde, et bien quand la corde cède, on la change, on recommence, et on exploite jusqu'à l'usure une nouvelle fois. Je ne sais pas si je suis très clair, mais le concept de virus, de contagion, cela devient une constante inquiétante qui dénote un manque patent d'imagination. 
C'est ainsi que débute la mini série Contagion chez Marvel écrite par Ed Brisson, le scénariste de la nouvelle on-going consacrée à Ghost Rider. L'histoire débute à Kun-Lun alors que la nouvelle Tonnerre découvre une pièce condamnée, dans les sous-sols d'un temple, renfermant des cadavres contaminés, ainsi qu'une valise mystérieuse.  Dans le même temps, un gamin de Yancy Street vient demander l'aide de Ben Grimm pour retrouver certains de ses camarades disparus. Commence alors une plongée dans le métro new-yorkais où la Chose se retrouve confronté à ce qui semble bien être le début d'une contagion préoccupante... et ce n'est certes pas l'arrivée de ses coéquipiers, les Fantastiques, qui va arranger les choses, bien au contraire...

Cette mini série à l'intention de donner la part belle aux héros de la rue; c'est ainsi que Iron Fist ou Luke Cage par exemple, vont être de la partie. Loin de moi l'idée de dire que c'est mauvais, d'autant plus que le premier épisode reste très énigmatique, mais il faut bien admettre que cela ressemble fort à tout un tas de choses déjà lues, voire même lues en ce moment, avec DCeased chez DC Comics.  Les dessins de Roge Antonio sont de bonne facture, malgré un trait un peu lourd par endroits, et il donne vitalité et dynamisme à des pages qui autrement aurait couru le risque d'être trop statiques, notamment tous les passages introductifs en Asie, et au supermarché avec la Chose. C'est donc la question de fond suivante qu'il faut se poser : êtes-vous prêt à débourser 5 fois 4 dollars pour ce type de récit? Pour ma part je n'en suis pas si sûr.


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On vous recommande plutôt de miser sur ce Marvel Zombies Ultimate Collection. Bref, tout est republié dans de jolis volumes VO ! 

COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...