Empruntons la machine à remonter le temps et rendons-nous en 1820, en Californie, pour retrouver le jeune Don Diego de la Vega qui vient tout juste de rentrer chez lui après plusieurs années passées en Espagne, où il suivait des études et pouvait assouvir sa passion pour les arts. Il est de retour à la demande de son père, l'homme le plus riche de la région, qui est particulièrement inquiet devant les agissements du nouveau commandant Monasterio, une sorte de petit dictateur imbu de lui-même et méprisant, qui met en danger la sécurité de tous les habitants du village de Los Angeles. Le Sergent Garcia est à ses ordres, un petit bonhomme replet qui obéit aveuglément à ses supérieurs mais qui est loin de posséder la même méchanceté, et dont la bêtise insondable lui procure souvent bien des désagréments. Impossible de critiquer l'œuvre de Monasterio ou de parler ouvertement de ce qui se passe, c'est-à-dire la corruption, sous peine d'être arrêté et considéré comme un traître. C'est ce qui s'est produit avec Nacho Torres, un des voisins de la famille De la Vega. L'homme va toutefois être sauvé par un individu masqué et portant une longue cape noire, qui chevauche un cheval d'ébène, Tornado. Nous parlons bien entendu de El Zorro, le Renard, qui n'est autre en fait que Don Diego de la Vega : durant le jour, celui-ci fait tout son possible pour apparaître comme un riche désœuvré dans l'incapacité de poser des problèmes aux forces militaires, mais lorsque la nuit tombe ou que l'urgence le requiert, le voici devenir un bretteur d'exception, une sorte de justicier audacieux qui ridiculise tous ceux qui ont choisi de faire le mal, de la pointe de son épée. Il est aidé par son fidèle serviteur Bernardo, qui est muet et se fait également passer pour sourd aux yeux de ses adversaires, afin d'apprendre toutes les informations utiles pour la mission de Zorro. Gentil brigand dont les qualités sont au service du peuple et de la justice, Zorro est courageux et retombe toujours sur ses pieds. Il a un coup d'avance en toute circonstance, beaucoup d'imagination, sait se battre et affiche un sarcasme bienveillant qui contribue rapidement à sa légende.
Alors bien entendu la question de la double identité finit par devenir une épine dans le pied pour Don Diego de la Vega. Après tout, il n'est guère difficile de deviner qu'il est également le justicier masqué El Zorro : le Masque et la tenue de ce dernier ne cachent rien de sa taille, sa corpulence, sa bouche et sa fine moustache caractéristique. De quoi l'identifier, à moins d'être particulièrement distrait, d'autant plus que le jeune noble et le bondissant Zorro ne sont jamais aperçus au même endroit au même moment, sauf grâce à quelques subterfuges qui nécessitent beaucoup de crédulité… à un moment donné, on a même des silhouettes découpées dans du carton pour créer une illusion à travers la fenêtre, c'est pour vous dire l'ingéniosité des stratagèmes. Zorro doit aussi faire face à ceux qui aimeraient déstabiliser toute la Californie, pour ensuite la "vendre" au plus offrant. Il n'y a pas que la couronne d'Espagne qui est un problème dans une région où tout est encore à construire, pour ce qui est de la liberté et de l'égalité des chances pour tous. Zorro combat pour ces valeurs dans des histoires sommes toutes assez basiques, inspirées de la série télévisée, où il n'y a pas de place pour la nuance. Il y en a par contre beaucoup pour l'humour, notamment grâce au personnage du Sergent Garcia, qui n'est là que pour faire rire et dont l'incapacité totale de mener à bien la moindre tâche pose des questions sur la valeur des soldats déployés sur le terrain. Il va de soi que si aujourd'hui nous continuons de publier ces histoires, ce n'est pas seulement pour la qualité du scénario, mais principalement pour le travail graphique et le story telling du génial Alex Toth. Pour les vrais novices, sachez qu'ici vous aurez un aperçu brillant de la maîtrise absolue qu'il avait du récit, toujours sobre et efficace, sans avoir recours à l'esbrouffe ou des effets spéciaux qui alourdissent l'ensemble. L'élégance, la plasticité et le dynamisme que l'on retrouve toujours dans ses personnages sont au service de planches d'un noir et blanc très efficace, d'une lisibilité absolue, et qui pourtant étaient loin de recueillir toutes les faveurs de l'artiste, qui en voyaient surtout les (rares) défauts. Qu'importe, Zorro, c'est lui et il en sera toujours ainsi. Nous trouvons également dans cet album une histoire inédite réalisée par Howard Chaykin au scénario et Eduardo Risso au dessin. Un petit hommage au personnage mais aussi à ceux qui l'ont inspiré, comme le Mouron Rouge, qui fait partie des meilleures surprises de l'ensemble. Il faut également mentionner la partie rédactionnelle de qualité et surtout très fournie, avec interviews, analyses, explications… ce ne sont pas les pages qui manquent pour contextualiser cette œuvre et vous en faire profiter au maximum. Bref, le travail éditorial accompli par Urban Comics justifie à lui seul que l'on donne une chance à cet album. Contenu et contenant se mettent au diapason pour ce qui est en soi un petit pan de l'histoire de la bande dessinée populaire, que l'on relira toujours avec ce plaisir charmant que procurent des pages au parfum rétro et pourtant encore modernes.
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