Matt Lesniewski sort l’artillerie lourde : des membres étirés à l’extrême, des postures grotesques, des détails exagérés qui donnent une identité unique à cette histoire. S'il fallait se prêter au petit jeu de l'accumulation des références artistiques, on pourrait parler d'un cocktail hallucinogène, avec une pincée de Michel Fiffe, un coulis de Paul Pope, un arrière-goût de Tradd Moore ou de Daniel Clowes. Les scènes d’action, sous ses crayons ? Une chorégraphie étrange entre le burlesque et l’épique. Les personnages sont aperçus tout à coup sous un angle monstrueux, difformes, assument l'identité de créatures des contes, ce qui permet de justifier, ou en tous les cas de dédramatiser, le funeste destin qui les attend. L’héroïne est d'ailleurs dépeinte comme instable, peu fiable, et on se demande souvent si elle est victime ou bourreau. Si son comportement ne fait pas d'elle une tueuse en série sans la moindre pitié, ou une femme qu'une juste colère incite à s'en aller découper du criminel de la pire espèce, geste exutoire et jubilatoire qu'on pardonnera aisément, compte tenu du trauma vécu. Lesniewski a de fortes chances d'être encore un inconnu pour la plupart d'entre vous. Moi-même, je ne le connais que très sommairement, mais il est évident, après seulement quelques pages, que nous tenons ici un de ces créateurs pour qui les cases sont bien trop étroites pour qu'on l'y enferme. Un de ceux dont la fantaisie repousse la possibilité même de raconter une histoire en images, qui peut s'émanciper des anatomies, du réalisme, du bon ton, sans craindre d'être mis au ban du genre. Lesniewski invente et c'est jubilatoire, débordant, très personnel. Bonne nouvelle, on le retrouvera très vite chez Delirium (qui ne s'est pas trompé sur le potentiel du lascar) grâce à un graphic novel à venir en 2025, Static. Ajoutons à cela que les couleurs de Bill Crabtree apportent une touche vibrante, presque maladive, comme si elles étaient elles aussi sous l’effet des psychotropes qui rythment une partie de cet album. Violent et mené tambour battant, Crimson Flower se fiche bien de la perfection et du qu'en-dira-t-on. En fait, ça ne ressemble à rien d'autre et c'est fascinant aussi pour cela. Une des découvertes les plus singulières et jouissives que vous allez pouvoir faire en 2025, selon toute probabilité.
Crimson Flower, chez Delirium, sortie le 15 janvier
UniversComics, chaque jour, la communauté sur Facebook :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous nous lisez? Nous aussi on va vous lire!