Nous voici donc devant la nouvelle bande dessinée réalisée par la fine équipe de R.I.P. (Gaet's et Julien Monier), publiée chez Petit à Petit, destinée à créer l'événement en cet hiver pluvieux. Elle met en scène un personnage (Horse Badorties) qui a dépassé depuis longtemps la frontière de ce que l'on appelle la clochardisation. Il vit dans un appartement totalement insalubre où les immondices se sont entassés depuis des années, où plus rien ne semble être vraiment à sa place, au point qu'il est aisé de confondre l'évier avec un simple fauteuil. Il en est de même pour la propreté corporelle et les tenues vestimentaires du personnage, qui sont assez improbables et faites de bric à brac, avec beaucoup d'imagination, de sorte qu'une rallonge électrique peut servir de ceinture, un serpent en caoutchouc de cravate, ou qu'il se balade avec deux chaussures différentes. Et lorsqu'il sort dans les rues de New York, pour déambuler entre les quartiers de Greenwich Village et de Chinatown, en passant par Central Park, notre quasi vagabond se balade avec un ventilateur à piles à la main, qui l'accompagne dans ses pérégrinations. Sorte de doux rêveur qui interprète la réalité selon ses fantasmes, Horse Badorties est donc un type qui ne ferait pas de mal à une mouche, mais qui clairement semble vivre en marge de la normalité qui l'environne. Nous sommes bien entendu dans les années 1970 et c'est l'époque de la contre-culture, de la fumette facile, de l'exaltation de la marge comme mode de vie parallèle, et Badorties représente exactement tout cela. Lorsqu'il est dans les rues, c'est pour se lancer à la recherche de jolies filles, les "poulettes" comme il les appelle, à qui il propose de participer à une chorale de l'amour dans une église, en vue d'un concert qui doit se tenir à Central Park. Et bien entendu, toute cette inspiration musicale, il la trouve dans le bruit des hélices de son petit ventilo, un objet fétiche qu'il propose à tous les commerçants de la ville avec qui il a l'occasion de converser, et qui est aussi un instrument de musique mystique dont les sons vibratoires lui transmettent des rêves de beauté et d'harmonie. Bref, ne cherchez pas spécialement à comprendre, le type ne vit pas sur votre même plan d'existence, il a le sien, qui lui est propre.
L’adaptation de Fan Man, roman déjanté de William Kotzwinkle, est un pari audacieux relevé avec brio par Gaet’s et Julien Monier. Cette BD retranscrit l’irrévérence et l’humour absurde du livre original, tout en rafraîchissant certains dialogues pour un public contemporain (qui a vraiment lu le livre, ne trichez pas, bande de petits mythos). Son héros, Horse Badorties, électron libre aussi attachant qu’imprévisible, traverse un New York effervescent des années 1970 dans une errance burlesque où chaque rencontre est une nouvelle aventure (et la succession de personnages secondaires est un des plaisirs coupables du tout). Certes, ces temps insouciants sont désormais bien loin et peuvent apparaître totalement surannés aux lecteurs les moins portés sur la chose, sans compter des tics de langage omniprésents (le mot mec, par exemple) qui à la longue peuvent filer un peu d'urticaire. Le dessin expressif de Julien Monier donne vie à ce chaos subi, cette passivité géniale. Ses planches détaillées et colorées traduisent à merveille l’esprit anarchique du récit, tandis qu’une mise en page dynamique renforce le rythme effréné de cette plongée dans un univers décalé. L’ensemble forme une œuvre atypique, qui séduira autant qu’elle pourra désarçonner, tant par son ton débridé que par le flot ininterrompu des élucubrations de son protagoniste. Une bande dessinée aussi déroutante qu’envoûtante, face à laquelle vous feriez mieux de garder l’esprit (grand) ouvert et une bonne dose de second degré, pour en apprécier toute la finesse. Mec.
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Voilà , toujours pareil ! Les retours non objectifs qui ne captent pas toujours l'essence des œuvres ! RIP est un chef d'œuvre qui souhaitent mettre en exergue le dur labeur des croques-mort, l'enquête, quand bien même écrite, est un moyen pour tenir en haleine le lecteur.
RépondreSupprimerJ'étais persuadé que Fan Man a un sujet fond que les auteurs souhaitait développer celui de l'empathie tel que tu le développait.
Je suis bien tenté merci pour le partage !
Merci et bonne lecture, alors :)
SupprimerC'est moi plus haut ! Alchimie des mots
RépondreSupprimerFabulos
RépondreSupprimerY en a dans le ventilo!
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