ROOK EXODUS TOME 1 : UNE AUTRE VISION D'UNE AUTRE FIN DU MONDE


 Avec Rook : Exodus, Geoff Johns ouvre une nouvelle brèche dans le paysage des comics post-apocalyptique, et ce n’est pas une mince affaire : sur Exodus, planète de secours d’une Terre en ruines, tout s’effondre déjà. Décidément, l’humanité a le chic pour planter ses jardins dans des cimetières. Elon Musk devrait en prendre de la graine. En fait, le monde d’Exodus a tout du cauchemar écologique en cinémascope : une planète à l’agonie, des ruines technologiques, une faune mutante terrifiante, et des survivants masqués capables de contrôler des espèces animales. Mais ce don a un prix : à force d’utiliser ces casques psychiques, les porteurs s’animalisent eux-mêmes, et si le matériel tombe en panne, ils risquent aussi un sérieux retour de bâton. On découvre là une sorte de malédiction mentale et physique qui ne va pas sans rappeler la lente déshumanisation des super-héros, trop investis dans leurs pouvoirs. En tous les cas, c'est plutôt bien vu et ça permet de mettre en scène toute une faune aux ordres de rares survivants, qui ne sont pas tous des chics types. Au centre du récit, Rook, gardien des corbeaux, semble à la dérive : hanté par un passé tragique, assailli par les cris des volatiles dans sa tête, il s’enivre pour faire taire ce vacarme intérieur. Johns creuse ici un thème qui ravira les amateurs de révisionnisme héroïque : l’épuisement psychique du héros, la solitude du survivant, l’ambiguïté du pouvoir. Face à lui, Sanglier, parce qu'il contrôle ces charmantes bestioles, vit presque en harmonie avec ses bêtes. C'est une figure touchante et tragique, opposée à la brutalité d’Ursa, le géant dominateur des ours présents sur Exodus, qu'on devine d'emblée être le grand antagoniste de la série. 



Et puis il y a Jason Fabok, qui réalise une mue spectaculaire. Il met de côté les planches ultra-calibrées des Three Jokers ou de Batman, pour miser sur une esthétique crue, rugueuse, presque grotesque. Ses créatures – sangliers titanesques, ours menaçants, oiseaux tournoyants comme des spectres perdus – hantent véritablement les pages. Reste une légère frustration dans tout ce tableau positif : si les masques sont très réussis, entre Power Rangers désabusés et soldats vétérans de la fin du monde, les personnages, eux, semblent figés. Ils parlent, ils tirent, ils souffrent, mais ils ne parviennent pas tout à fait à gagner en sympathie ou à faire naitre l'empathie. L’action semble se produire autour d’eux, sans qu’ils en soient les véritables moteurs. Le spectacle est dans la nature, pas dans l’humain. L'humain, lui, c'est la clé de l'effondrement. Celui qui ose penser pouvoir terraformer un monde vierge pour pallier la catastrophe qui est advenue sur sa planète de naissance. Celui qui emmène dans son sillage les espèces animales en voyage, pour coloniser et repeupler à son image ce qui ne lui appartient pas. C'est bien toute la tragédie d'Exodus : difficile d'être du côté de ces personnages, tant on souhaiterait, en fait, que la nature leur inflige une ultime défaite, nature balafrée et violée, au nom de la sacro-sainte technologie mortifère. Malgré cela, Rook : Exodus pose les bases d’un monde intrigant, vraiment. Entre Mad Max, bestiaire mutant et mélancolie post-héroïque, il y a là une matière puissante pour une saga ambitieuse. Il faudra que les prochains tomes donnent plus de corps aux personnages et plus de rythme à leur destin. Mais pour une première, le ton est là, le style aussi, avec une envie de briser les codes classiques du genre. Sans compter l'édition grand format très soigné d'Urban Comics, qui sait toujours comment nous appâter, sans avoir besoin de casque cybernétique. 



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BATMAN GHOSTS OF GOTHAM TOME 1 : CLÉMENCE ET CHÂTIMENT


Cela fait de longues années que Bruce Wayne combat le crime sous le masque de Batman. En conséquence, son corps est aujourd’hui meurtri : on ne compte plus les balles reçues, les coups de couteau, les ligaments endommagés ou les os brisés. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’avec le temps, le justicier de Gotham soit peu à peu perclus de douleurs et perde en efficacité sur le terrain. Une opportunité extraordinaire se présente alors à lui : un sérum révolutionnaire, capable de régénérer le corps, de conserver une forme de jeunesse prolongée, et de réparer la plupart des maux liés à l’âge. Mais la scientifique à l’origine du projet (Scarlett) n’est pas une inconnue. Bruce l’a rencontrée lorsqu’il n’était encore qu’un jeune garçon. Sa mère n’était autre que la compagne de Joe Chill, le criminel tristement célèbre pour avoir assassiné les parents de Bruce dans une ruelle sordide de Gotham. Chill, on le découvre, était aussi d’une violence extrême avec cette femme, enceinte à l’époque. Si elle a pu accoucher loin de son bourreau, c’est parce qu’il avait été gravement blessé dans un accident de la route… et sauvé in extremis par un chirurgien d’exception : Thomas Wayne. Pendant que les services sociaux de l’hôpital faisaient croire que le bébé n’avait pas survécu et que la mère avait disparu, Thomas, en soignant un homme peu recommandable, offrait sans le savoir une seconde chance à celui qui allait bientôt devenir son assassin. Pour Batman, c’est un dilemme aussi cruel que personnel. Difficile à encaisser, d’autant qu’une nouvelle menace surgit dans les rues de Gotham : quelqu’un s’en prend à des adolescents fraîchement libérés d’un établissement de redressement aux méthodes extrêmes. On les retrouve morts… et vidés de leur sang. 



C’est un double dilemme en fait, pour Bruce Wayne. D’un côté, toute cette histoire ravive en lui les souvenirs de son père, chirurgien, et du fameux serment des praticiens : sauver une vie n’est pas négociable dès l’instant où l’on en a les moyens, peu importe le passé de celui qui en a besoin. La famille Wayne va bien entendu en payer le prix fort, à la fois pour cet altruisme, mais aussi pour les conséquences liées à ce fameux traitement capable de ralentir les effets du vieillissement — voire de rajeunir au niveau cellulaire. Il s’agit d’un traitement expérimental, ultra coûteux, réservé à une élite : la crème de la crème. Est-ce que ce n’est pas un peu trop facile, quand on s’appelle Bruce Wayne, qu’on est milliardaire, et qu’on patrouille en collants pour faire régner la justice dans les rues de Gotham, d’avoir recours à un tel produit alors que, dans le même temps, la population décline physiquement, année après année, sans aucun recours ? Ajoutez à cela le sort réservé à des adolescents, et donc le discours sur la possibilité de se racheter à un âge où tout reste encore possible, même quand on a mal commencé sa vie — et vous obtenez un scénario particulièrement intelligent de la part de Tom Taylor. Il signe ici des débuts remarqués et remarquables sur le titre Detective Comics. D’autant que, côté dessin, Mikel Janin est en très grande forme : ses planches flirtent avec l’iconique, sans jamais donner l’impression d’en faire trop ou de chercher à épater la galerie. Je me doutais que ce premier volume serait une lecture agréable, mais pas à ce point. C’est vraiment un album à recommander les yeux fermés à tous ceux qui sont sensibles à l’univers du Dark Knight.


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ROOK EXODUS TOME 1 : UNE AUTRE VISION D'UNE AUTRE FIN DU MONDE

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