FLASHPOINT REVIENT : JOYEUX DIXIÈME ANNIVERSAIRE


 Petite anticipation sur le sommaire du prochain numéro de UniversComics Le Mag' (parution prévue le 1 juillet), un long article sur Flashpoint, à l'occasion des dix ans de ce récit qui marqua un nouveau départ pour l'aventure éditoriale DC comics (les New 52) et son adaptation française (Urban Comics publie ses premiers kiosques). Aujourd'hui on se contente de vous rappeler de quoi il s'agit.

En gros, la chose principale à retenir est que Flashpoint constitue ce moment crucial qui a amené l'éditeur (DC) à relauncher son univers narratif. Pour les novices, relauncher ça veut dire faire repartir les séries du premier numéro, sans hésiter à changer parfois drastiquement les origines et les caractéristiques des personnages. Un grand retour à la case départ. Tout commence un beau matin où Barry Allen s'est assoupi au travail, et grand mal lui en a pris. Quand il émerge du brouillard, c'est pour reprendre pied dans un monde totalement différent de celui qu'il fréquentait avant la sieste. Nous autres lecteurs sommes les seuls, avec Barry, a nous rendre compte de suite que rien ne va. En effet, le grand héros de la ville (encore que très contesté par la police elle même) semble être un certain Citizen Cold, qui fait bien sur écho au Captain Cold que nous connaissons pour être un vilain historique (membre des fameux Lascars) ennemi de Flash. Barry est d'autant plus stupéfait qu'il se retrouve sans son anneau et ses pouvoirs, et que la première personne qu'il rencontre, en quittant son lieu de travail, n'est autre que sa mère, pourtant décédée depuis des années. Nous y sommes, l'univers Dc va changer a jamais. Le monde aussi semble au bord de l'implosion, avec deux factions antagonistes (menées par Wonder Woman et Aquaman) qui sont en guerre, et ont déjà ravagé une grande partie de l'Europe. La reine des Amazones a conquis l'Angleterre alors que le Seigneur des mers a fait sombré le continent sous les flots. Apparemment, la présence de Batman sera nécessaire pour que les héros de cet univers puissent avoir une chance d'éviter la catastrophe finale qui s'annonce. Oui, mais de quel Batman parlons nous, durant Flashpoint? Certainement pas Bruce Wayne, qui a été tué dans une ruelle de Gotham, sous les yeux de Thomas, le père, qui va devenir, pour cette raison, qui vous savez...



C'est toujours un plaisir, dans ce type d'aventure, de voir à quelle sauce les personnages que nous connaissons vont nous être reproposés. Dans le monde de Flashpoint, par exemple, Superman n'est qu'un alien rachitique détenu dans un centre de recherches ultra secret, sans le moindre contact avec le monde extérieur. Batman n'est pas le Wayne que nous attendons, Aquaman et Wonder Woman sont des belligérants qui mettent la Terre à genoux pour assouvir leur contentieux. Geoff Johns n'a que cinq numéros pour convaincre (mais en parallèle les séries Dc s'étaient mis au diapason de l'événement et nous relataient les détails que la vue d'ensemble ne faisait qu'effleurer. Pour le moment, ça reste de l'inédit en Vf dans la grande majorité des cas, mais Urban Comics démarre en juillet une très belle initiative du nom de Monde de Flashpoint, avec précisément beaucoup de ces aventures!) mais il y parvient sans mal, à coup de scènes chocs (Flash qui se soumet à la chaise électrique pour recouvrir ses pouvoirs, ou Paris sous les flots, la Tour Eiffel émergeant, brisée) et de relectures intelligentes. Jusqu'à la révélation finale, où le grand méchant de l'histoire n'est pas forcément celui que l'on attend, démontrant si besoin est que les meilleures intentions peuvent avoir de bien néfastes effets lorsqu'elles sont motivées par un poil d'égoïsme. Aux dessins, Andy Kubert, toujours aussi incisif, au trait nerveux, saillant, qui livre une prestation de haute qualité, avec des planches vraiment percutantes. Bref, un cadeau idéal pour ceux qui souhaitent se procurer le point de départ d'une révolution sans précédent, et qui faisait aussi écho à l'arrivée d'un nouvel éditeur Vf pour Dc comics, en la personne d'Urban Comics, qui fit ses premiers pas avec la première édition de ce Flashpoint ultra recommandable, qui est donc de retour en librairie pour une version anniversaire. Soufflez vite les bougies avant que Barry ne s'enfile tout le gâteau! 

Suivez-nous 24h/24 sur www.facebook.com/universcomics

VOTEZ LOKI : LE ROI DES MENTEURS POUR PRESIDENT


Si dire que tous les politiciens sont des menteurs est un tel adage, vieux comme le monde, c'est parce que probablement il contient aussi une grande part de vérité. Les élections pour la présidentielle américaine par exemple, sont avant tout une question de séduction plus que de conviction. D'ailleurs ceux qui décident de courir pour la Maison-Blanche enrobent leurs jolis mensonges de promesses impossibles à tenir, et la plupart du temps, les électeurs dotés d'un brin de jugeote pourraient deviner par eux-mêmes qu'on est en train de les mener en bateau. A ce petit jeu pourquoi ne pas insérer une nouvelle donne, avec tout simplement le meilleur candidat possible, le prince du mensonge en personne, Loki?
Celui-ci, à travers les textes et les déclarations de Christopher Hastings, met en abyme le fonctionnement d'une démocratie sur les rotules et la manière dont la foule peut-être manipulée par des politiciens. Si les gens sont aussi crédules, c'est parce qu'ils ont besoin de croire, parce qu'il se laissent berner en toute conscience de cause. Même les plus gros mensonges passent sans aucun problème, quand on est capable de les proférer avec conviction ou savoir-faire, et qu'on entre en empathie avec les masses et ses attentes, ses peurs. C'est ainsi que Loki insiste sur le fait qu'il n'est plus le même qu'avant; c'est un nouveau Loki qui se présente aux élections, né de parents bien américains, capable de changer de sexe quand ça lui chante et surtout quand ça l'arrange, en terme d'image.  C'est un Loki qui s'amuse de ses contradictions, comme par exemple la nécessité de financer la reconstruction d'un quartier ravagé par les Avengers, lors d'une bataille les opposant à notre "héros" justement, alors que ce même financement fini dans les poches d'un politicien véreux, qui est dénoncé par Nisa Contreras, une brillante journaliste qui elle aussi se fait manipuler. Dans un tel contexte il devient impossible de croire quiconque et il est donc normal que l'on doute de tout le monde, ou pour être plus précis, que la résignation s'installe, et qu'on finit par accepter que la duperie est une des parties, une des composantes essentielles de la vie politique au quotidien. 




Cette mini série date de 2016, alors que l'Amérique s'apprêtait à choisir le président le plus improbable de son histoire, une caricature malhonnête et mensongère. Votez Loki n'était pas qu'une campagne amusante sur Internet, mais bien une vraie histoire écrite par Hastings, donc, où le ton est donné dès le premier numéro. Nous sommes bien loin des aventures traditionnelles de super-héros, avec le mécanisme politiques/séduction des foules éviscéré de façon brillante, dans une masterclass drôle et piquante où presque tous les points qui fâchent sont abordés. L'obsession du terrorisme, la manipulation des médias et la création de fake news, à travers Loki, c'est toute la panoplie des coups bas, des ruses politiciennes, tous les travers du mécanisme électoral qui sont exposés, et si on peut en sourire, voire en rire franchement dans certaines scènes, il est assez glaçant de constater que ce miroir est fidèle et renvoie en effet à une réalité manipulée, faite d'écrans de fumée et d'aveuglement volontaire. Les médias donc, ont leur part de responsabilité, ainsi que les réseaux sociaux, et le peuple lui-même en définitive, qui n'a plus de points de repère, et ne comprend même pas ce que veut Loki, ce qu'il incarne, tout en l'adulant, comme le prouve le dernier épisode où le candidat est aux prises avec les questions posées par les électeurs, qui clairement sont désemparés par ce qu'ils entendent, et qui ne correspond pas à ce qu'ils avaient compris! 
Malheureusement, abordons le point qui fâche. S'il s'agissait d'une bande-dessinée "indie" dans l'esprit des "comicx underground" de la belle époque, alors nous parlerions de parution pleinement aboutie. Ici nous sommes dans un comicbook mainstream, qui plus est proposé par Panini pour capitaliser sur le succès attendu de la série Disney +. J'imagine la mine déconfite du lecteur qui décide de se mettre aux comics, séduit par ce qu'il voit sur petit écran, devant les dessins de Langdon Foss, franchement dégueulasses. Tout est déformé, caricatural, et même si cela sert le ton du récit, ça donne un tableau esthétique d'ensemble repoussant. On va encore entendre, comme souvent : La couverture est très jolie, mais alors regarde à l'intérieur, ça n'a rien à voir! Ne riez pas, cette petite phrase assassine, je l'ai relevée à de nombreuses reprises, dans la bouche de lecteurs de passage, ou potentiels, et c'est un point sur lequel il faudra se pencher un jour. Ici, c'est à réserver à un public averti, les autres fuiront. D'autant plus que Hastings propose un texte dense et assez peu d'action, et que Foss rend le tout ultra statique, indigeste. Paul McCaffrey signe un des quatre épisodes, et c'est un poil plus élégant, mais pas assez pour sauver un ouvrage disgracieux. Et pourtant éminemment intelligent, caustique, une lecture par moments éclairée et très inspirée. 


suivez-nous 24h/24 sur www.facebook.com/universcomics

LE PODCAST LE BULLEUR PRESENTE : ALERTE 5


 Dans le 97e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Alerte 5, album que l'on doit à Max de Radiguès, édité chez Casterman. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie du second tome de Valhalla hôtel intitulé Eat the gun, série que l'on doit au scénario conjoint de Pat Perna et Fabien Bedouel et au dessin de ce dernier. Elle est éditée chez Glénat dans la collection Comix buro

- La sortie de l'album Claude Gueux, adaptation du roman de Victor Hugo par Séverine Lambour au scénario et Benoît Springer au dessin et c'est édité chez Delcourt

- La sortie de l'album Les 5 vies de Lee Miller que l'on doit à Eleonora Antonioni, traduit en français par Laurent Lombard et c'est édité chez Steinkis

- La sortie de l'album Grand silence que l'on doit à Théa Rojzman pour le scénario, Sandrine Revel pour le dessin et c'est édité chez Glénat

- La sortie de l'album L'incroyable vie d'Andy Kauffman que l'on doit à Box Brown, traduit en français par Lori Saint-Martin et Paul Gagné et c'est édité chez La pastèque

- La sortie de l'album Notre guerre contre le sexisme ordinaire que l'on doit au scénario conjoint d'Helen Mullane et Kev Sherry, au dessin de Katia Vecchio et c'est traduit par Charlie Rano pour la version française. Ce titre est édité chez Les humanoïdes associés.

 
 

Suivez-nous sur Facebook www.facebook.com/universcomics

ROBINSON À PEKIN : LES DESSOUS DE LA CHINE DANS UN GRAPHIC NOVEL TOUCHANT


Il serait réducteur de cantonner
 Urban à la publication de comics de super-héros américains; l'éditeur propose aussi de superbes albums mettant en scène des romans graphiques de premier ordre, et c'est le cas aujourd'hui avec Robinson à Pékin, réalisé par Éric Meyer et Aude Massot. Sous-titré "journal d'un reporter en Chine" il s'agit d'un récit à la première personne où le scénariste, qui est aussi journaliste depuis plus de trois décennies et qui est installé à Pékin, livre ses souvenirs concernant ses toutes premières années en terre asiatique, du moment où il parvient à obtenir (à la ruse, à l'arrache) un visa provisoire pour exercer son métier, jusqu'au lendemain de la terrible répression du mouvement estudiantin de 1989, qui correspond aussi à la naissance d'un petit garçon dans le couple du narrateur. Nous assistons de fait à une petite leçon d'histoire avec un H majuscule, et d'histoires au pluriel, avec la minuscule, c'est-à-dire le télescopage parfait entre un moment historique charnière de l'histoire de la Chine moderne, et tout un ensemble de souvenirs, d'anecdotes, de tranches de vie qui nous font plonger dans le quotidien d'un homme, dont l'envie de faire savoir et d'exercer son métier forcent l'admiration. En dépit des difficultés de l'adaptation à la vie en Chine, où beaucoup de choses sont très différentes de par chez nous, et où une certaine misère économique perturbe grandement les premiers pas de notre "héros", toute la première partie ou presque semblerait bucolique, à vouloir grossir le trait. Les difficultés sont faites pour être surmontées, les nouveautés pour être appréhendées et assimilées, l'inconnu pour être découvert les yeux grands ouverts, bref c'est une vraie leçon d'optimisme forcené à travers toutes ces pages où rien est comme nous l'attendions, mais où petit à petit nous devenons familiers avec un système de pensée radicalement différent du nôtre. Et puis l'album entre dans une nouvelle dimension dans sa seconde partie, voire même dans le dernier tiers. C'est juste que si le regard du journaliste était concentré sur sa propre existence et son entrée en matière dans la société chinoise, il est bien vite rattrapé et dépassé par la réalité des étudiants ou des chinois les plus pauvres, qui plaçaient beaucoup d'espoir en un certain rival en interne de Deng Xiaoping, nommé Hu Yaobang, mort subitement d'une étrange crise cardiaque en plein bureau politique du parti communisme. A partir de là c'est la débandade, et le peuple réclame des comptes qu'il n'obtiendra jamais. Un vent de liberté souffle sur la population, les étudiants descendent massivement dans la rue, et comme le dit l'auteur, c'est presque une sorte de mai 68 à la chinoise qui pointe le bout de son nez, en ce début de printemps 1989. Un espoir qui va être radicalement et horriblement douché. 




Si toute la première partie pouvait laisser penser qu'il flottait comme un parfum de bienveillance à l'égard du régime politique de l'époque en Chine, le reste de l'album vient contredire clairement cette opinion, et c'est avec un regard perçant, lucide et indigné que l'auteur évoque une des pages les plus sinistres de l'histoire du 20e siècle. La répression des étudiants va être féroce, l'armée ouvre le feu et les morts se comptent par milliers, sans qu'il soit possible aujourd'hui encore d'avoir accès au véritable bilan du carnage. Bien entendu les étrangers sont indésirables, à plus forte raison les journalistes, qui sont sommés de se taire puisque l'État chinois à placé Pékin sous le coup de la loi martiale. Nous assistons également à une certaine forme de couardise de la part de collègues d'Eric Meyer, mais aussi des Français en Chine, à l'instar des diplomates... peut-être est-ce simplement une forme d'intelligence ou d'expérience, car après tout il est facile de discourir quand on n'est pas concerné, mais qu'en est-il quand c'est sa propre sécurité et sa propre carrière qui est en jeu? En tous les cas c'est un des leviers qui explique la raison pour laquelle les choses ont pu se dérouler de la sorte. Tout ceci n'est pas asséné avec une bonne grosse morale rétrospective, mais au contraire il s'agit encore et toujours d'un compte rendu factuel, au centre duquel gravitent anecdotes et aperçus d'une vie personnelle et de couple. Cette variation de la focale enrichit l'ambition du récit et le place dans une dimension humaine touchante. De surcroit les aquarelles de Aude Massot sont particulièrement jolies, la dessinatrice a travaillé sur la base d'entretiens avec Meyer et de voyages en Chine, et d'ailleurs elle propose à la fin de l'histoire quelques-uns de ses croquis en guise d'impressions et de mémoires personnelles. Son trait opère tout en retenue, il n'y a pas de volonté de lourdeur didactique ni d'impressionner le lecteur, là encore c'est un dessin à caractère humain, honnête, qui souligne les expressions des différents personnages. Il s'agit d'aller à l'essentiel, y compris dans la représentation d'une Chine bien différente de notre quotidien à nous, tout en soignant l'esthétique.  Il y a donc beaucoup d'humanité dans ce Robinson à Pékin, et c'est un ouvrage recommandable est recommandé pour tous, tant il est susceptible d'atteindre un public large et varié. 

Suivez-nous 24h/24 sur www.facebook.com/universcomics

SWEET TOOTH SUR NETFLIX : QUE RESTE T-IL DU JOYAU DE JEFF LEMIRE?


Nous étions à la fois excités à l'idée d'une adaptation de Sweet Tooth sur Netflix, et dans le même temps nous craignions le pire, étant donné la qualité exceptionnelle du matériau de départ et l'aspect indigent de la bande-annonce bien différente, qui ne laissait rien augurer de particulièrement bouleversant. Du reste il faut convenir d'une évidence, en éclipsant tout le côté horrifique et l'aspect le plus sombre de la bande dessinée de Jeff Lemire, c'est au final une patine un peu irréelle, une sorte de conte initiatique et fantastique (qui se marie d'ailleurs très bien avec une vision apocalyptique mais en partie bucolique de la société en déréliction) qui prennent le dessus. Pour autant, ici aussi c'est un virus qui a rapidement décimé l'humanité, sans crier garde, mais au delà de tous ces morts, il se produit l'impensable : dès que les humains commencent à être contaminés et à trépasser, nous assistons dans le même temps à la naissance partout dans le monde de petits garçons ou de petites filles dont les traits sont unis à ceux d'un animal. On les appelle des "hybrides" et le mignon héros de la série est un croisement entre un garçon et un cerf, dont il porte les cornes, mais aussi les petites oreilles poilues et ultra-sensibles qui lui donnent une expressivité permanente, et un côté éminemment sympathique. Dès le départ la chasse aux hybrides est ordonnée, car vous le savez, quand l'humanité est face à un problème qu'elle ne comprend pas, son premier réflexe est de chercher un bouc émissaire pour lui faire expier des événements dont il n'est pourtant pas la cause. Le père de Gus, c'est-à-dire notre héros, emmène son fiston nouveau né au plus profond des bois, dans une réserve naturelle que plus personne ne fréquente, et il va l'élever pendant de nombreuses années à l'abri des menaces, de ce qu'il reste du monde extérieur. Une condition sine qua non toutefois, interdiction formelle de sortir d'un périmètre large mais balisé, et la nécessité absolue de se cacher si quelqu'un venait à pénétrer sur cette chasse gardée. C'est bien évidemment ce qui se produit un jour, et les visiteurs sont tout sauf bien intentionnés. C'est à partir de là que l'histoire peut vraiment commencer. Gus est livré à lui-même (snif, adieu Papa) et finit par être pris par l'envie de découvrir le monde. Et ça tombe bien, il fait la rencontre de Jepperd, vagabond bourru et taillé dans le roc, qui le sauve d'un bien mauvais pas et qui accepte de le conduire jusqu'à l'endroit où le jeune hybride pense pouvoir retrouver sa mère (le Colorado). Non pas que Jepperd soit un vrai père de substitution empli de sollicitude et d'amour à l'idée d'aider son prochain, mais dans une situation aussi clairement désespérée, il faut faire avec ce qu'on a sous la main. Le type est un taiseux et on le devine empli de secret dont certains sont lourds à porter, mais en attendant, c'est la meilleure carte à jouer pour Gus s'il désire survivre et atteindre son objectif. La série télévisée se veut aussi polyphonique puisqu'elle se concentre sur d'autres personnages, comme une jeune femme qui ne trouvait plus sa place dans le monde et découvre enfin sa véritable  vocation après que celui-ci se soit effondré (et après avoir recueillie Wendy, une hybride jeune fille/cochon) mais aussi le docteur Singh, qui a décidé d'abandonner la pratique de la médecine pour se consacrer aux soins à apporter à sa femme, victime (en rémission) de ce virus inconnu qui a dramatiquement réduit la population de la planète.  Mais avec le temps il n'aura pas le choix s'il veut vraiment parvenir à trouver un remède définitif et universel, il lui faudra faire des concessions avec la morale et l'éthique, et franchir le pas qui le fera passer du côté obscur de sa personnalité.  Sweet Tooth est une série qui est aussi très en phase avec notre actualité et plusieurs scènes fonctionnent comme autant de clins d'œil à ce que nous vivons encore aujourd'hui, comme par exemple un repas improvisé chez une famille de survivants alors que celle-ci garde le masque par crainte d'être infectée, tandis qu'il n'y a pas de contamination possible, ou encore au détour d'un gros plan la présence d'un masque chirurgical jeté au sol, ou des caisses de gel hydraulique.  Si vous êtes avides des "easter eggs" vous trouverez aussi de nombreuses référence aux œuvres de Jeff Lemire, telle que Gideon Falls, ou Essex County. Si vous avez lu jusque là, vous sentez peut-être poindre en vous l'envie de dévorer cette série, décidés par la clémence, voire la bienveillance qui suinte de cette chronique. Attendez tout de même la suite...




Bon. Sweet Tooth sur Netflix est un produit lui aussi hybride. Une partie du corps est celui que Jeff Lemire a façonné au long de quarante épisodes d'une rare pertinence, merveilleux, une plongée prenante dans un monde post apocalyptique où l'angoisse vous étreint, avant un final cristallin. Mais c'est également le croisement génétique avec une fable stérile étiquetée "tout public" expurgée de la moindre aspérité, qui finit par plonger le lecteur averti dans une sorte de torpeur désabusée. Tout est lisse, propre, formaté, de l'aspect physique des personnages (Gus la tendresse, Jepperd la crème, le Docteur Singh un grand amoureux avec des vraies valeurs...) aux effets spéciaux (la jeune Wendy est affublée d'un faux nez grotesque, le castor boy Bobby est une marionnette sortie d'un épisode 3D des Muppets, et son utilité narrative est proche du néant absolu). Reste Abbott pour rehausser le niveau de la menace, et le statut des méchants de l'histoire, mais c'est tellement surjoué et caricatural qu'on pense avoir échoué dans un Walt Disney des années 60/70. C'est aussi valable pour Becky, à la tête de jeunes rebelles qui désirent plus que tout sauver les hybrides, et qui en portent les masques et les attributs, tout en passant leur temps à jouer aux auto tamponneuses et à s'affronter en réseau. Dans un monde où l'humanité s'est effondrée, où apparemment ne circulent plus de voitures et ne volent plus d'avion, eux ont conservé de bons générateurs électriques et une connexion 6G. Ils sont très prévoyants, ou simplement c'est grotesque là aussi. Gus s'amuse bien avec eux, le temps d'un épisode, et c'est précisément là le point de bascule de la série, cette césure où l'échec devient patent, où les quelques bonnes intuitions, et les rares points d'ancrage avec la matériau de départ volent en éclat. La pantalonnade remplace le doute et la bonne volonté. Oui, un peu d'espoir ne fait pas de mal dans un monde de brutes, oui un peu d'honnêteté foncière réchauffe les cœurs des plus endurcis, mais ici il n'est question que d'opportunisme, de maladresse, de trahison, d'autant plus qu'on se répète, Jeff Lemire est auteur d'une merveille à l'état pur, d'un joyau de narration, expressif et touchant, dramatique et en définitive lumineux. Sur Netflix, ne brille que la couche de sucre glace qui étouffe la pâtisserie, colle au palais et entraîne la suffocation.  De surcroit, les temps de la narration sont fort différents entre un comic book mensuel écrit et dessiné par le même artiste inspiré, et une série commandée en huit épisodes, confiée à un pool de réalisateurs, où il est souvent question d'allonger la sauce afin de remplir toutes les tasses. Au diable la saveur, le jus de chaussette fera office de cappuccino pour tous. Les aller retours entre le passé et le temps présents sont artificiels, forcés, et trop long (vous avez dit Jupiter's Legacy?) tandis que les scènes intimistes, censées tirer quelques larmes aux plus sensibles, en deviennent embarrassantes. Pour couronner l'ensemble, la voix of de James Brolin débite à longueur de temps des platitudes universelles, comme s'il récitait un florilège de messages hérités des biscuits chinois. Il y a plus de profondeur dans la copie du cancre qui passe son bac philosophie que dans cette "leçon de vie" fastidieuse, aussi convaincante et juste qu'un discours de Jean Castex. Tout est ciselé avec un gros burin pour aboutir à un final choral où enfin il se passe quelque chose, mais c'est uniquement pour instiller aux détenteurs des cordons de la bourse que oui, une seconde saison serait une bonne idée! Monsieur et Madame Downey Junior, les producteurs, ne nous en voudront pourtant pas si on préfère, et de loin, nous replonger dans les 40 épisodes de Sweet Tooth, un des meilleurs comics du XXI° siècle. Jeff, que nous adorons, que nous révérons presque, nous te pardonnons. Par contrat il va te falloir cautionner ce produit contrefait, qui est à l'œuvre de départ ce que peut être une paire de sneakers Air Max dénichée sur Wish. Sweet plouf. 

L'intégrale de Sweet Tooth en VO pour une cinquantaine d'euros!

Suivez-nous 24h/24 sur www.facebook.com/universcomics

LE PODCAST LE BULLEUR PRESENTE : SUZETTE OU LE GRAND AMOUR


 Dans le 96e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Suzette ou le grand amour, album que l'on doit à Fabien Toulmé, édité chez Delcourt dans la collection Mirages. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- Les 48 heures de la BD qui auront lieu ces 4 et 5 juin 2021 partout en France

- La sortie de l'album L’assassin des petits carreaux que l'on doit au scénario de Nathalie Ferlut, au dessin d'Oburie et c'est édité chez Delcourt

- La sortie de l'album Reliefs de l'ancien monde, recueil d'histoires que l'on doit à Jean-C. Denis et aux éditions Futuropolis

- La sortie du premier tome de la série mauvaise réputation que l'on doit au scénario d'Ozanam, au dessin de d'Emmanuel Bazin et c'est édité chez Glénat

- La sortie de l'album Montagnes russes, album que l'on doit à Gwénola Morizur pour son scénario et Camille Benyamina pour son dessin et c'est édité chez Bamboo dans la collection Grand angle

- La sortie du second et dernier tome d'Ellis Island que l'on doit au scénario de Philippe CHARLOT, au dessin de Miras et c'est édité chez Bamboo dans la collection Grand angle

- La sortie du troisième tome de la série les Frères Rubinstein intitulé Le mariage Bensoussan que l'on doit au scénario de Luc Brunschwig, au dessin d'Étienne Le Roux et Loïc Chevalier, aux couleurs d'Elvire De Cock et c'est édité chez Delcourt

Suivez-nous 24h/24 sur www.facebook.com/universcomics

THE KABUKI FIGHT DE VINCENZO FEDERICI : LA VF DISPONIBLE CHEZ EDITIONS REFLEXIONS


 Pour la recette de The Kabuki Fight, veuillez prendre les ingrédients suivants. Une bonne pincée de comic books, saupoudrez avec des mangas, ajoutez en fin de cuisson des jeux vidéos en 2D d'alors, tels que Street Fighter, Samurai Shodown ou Tekken. Veuillez ensuite vous placer près de la borne d'arcade, et commencez la partie. Voilà ce à quoi nous invite Vincenzo "Viska" Federici, pour sa première œuvre toute personnelle, écrite et dessinée, et mise en couleurs (et attention, ici la couleur est vraiment soignée et apporte un plus indéniable) par Valentina Pinto. C'est une publication hautement récréative, une sorte de délire compulsif qui mêle ninjas et Ken le Survivant, course poursuite en grosses cylindrées et corps à corps à coups de manchettes dans les dents. L'histoire se concentre sur une série de personnages qui ont tous en commun un art, un sport, une tradition, un défi personnel à relever, le Kabuki. Il s'agit d'une lutte qui nécessite de la force, de la discipline, et du sang. Une danse, un affrontement, le ballet des coups et de la grâce. Certains comme la belle et mystérieuse Meiyo le font pour l'honneur, et retrouver un père disparu. D'autres comme le napolitain Pietro Russo fréquentent les cercles de combats clandestins, et doivent aussi aider leur famille. Enfin d'autres encore sont plus étranges, insaisissables, et ne se révèlent qu'après y avoir été obligés, comme la fascinante Rose, voleuse de voiture rencontrée à Berlin par Pietro, qui ressemble par ailleurs à un croisement génétique entre Ken (pas le mec de la Barbie, mais du jeu vidéo) et le Capitaine Flam. Si les personnages déjà cités dansent et frappent portés par des valeurs somme toute positives, ce Kabuki ne manque pas non plus de figures pathétiques ou foncièrement mauvaises, qui viennent donc renforcer le coté dichotomique et fun du récit. On trouve un mystérieux shogun disparu, un ancien allié devenu mi homme mi androïde, après des années qu'il est porté disparu, ou encore une cité abandonnée et putrescente, où se déroulent des expériences peu recommandables.



Vincenzo Federici fait mouche, car il est honnête. Il ne cherche pas à nous vendre un traité de philosophie ou une œuvre élégiaque, mais à se faire plaisir, nous faire plaisir. C'est fun et agité, musclé et débordant de vitamines. C'est une excellente surprise que de voir débarquer cette publication électrisante que nous avions découvert lors de sa publication en Italie, il y a quelques années, à l'occasion du Comicon de Naples. Les Editions Reflexions ont eu le nez creux, en dénichant cette petite pépite de décomplexion immédiate, 80 pages que tout amateur des bornes d'arcade des années 80/90 et de comics électriques risque fort de dévorer. La force de ce récit, et la manière dont il est structuré et dessiné, c'est justement de se présenter à la croisée des chemins, d'embrasser toute une série d'influences, sans jamais choisir, et en respectant et retenant le meilleurs des codes de chacun. L'album est en précommande sur le site de l'éditeur, et pour juste treize euros. De quoi sérieusement se laisser tenter, pour une vraie découverte attachante. 


Précommandez ici : 



LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : ROUGE SIGNAL

 Dans le 206e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Rouge signal, album que l’on doit à Laurie Agusti, un ouvrage publié chez 204...