100% MARVEL : ASTONISHING THOR Les retrouvailles

Thor est à l'honneur également, en ce mois de février, avec un album proposant l'intégralité de la mini série The Astonishing Thor, de Robert Rodi. Sur Terre, la météo semble s'être emballée. Tempêtes, raz de marée, tout cela finit par décider Thor à aller enquêter sur la cause des désastres, pas si naturels que ça. Armé de son marteau, le voilà qui prend son envol pour les tréfonds de l'espace, où il va vite se rendre compte de la présence d'un visiteur inopportun, qui pourrait bien avoir une grande part de responsabilité dans ce désordre. Il s'agit d'Ego, la planète vivante, qui orbite autour d'Uranus, et traverse notre système solaire. Defant le refus de l'astre géant de dialoguer, le Dieu Tonnerre se fache, mais il se fait rembarrer et expulser comme un débutant par l'Etranger, cet alien moustachu et surpuissant (avec un new look capillaire), qui révèle à notre Vengeur être un peu le papa d'Ego, puisqu'il en est le savant créateur. Les malheurs de Thor ne sont pas fini pour autant. Il tombe ensuite sur le vaisseau d'un des doyens de l'univers, le Collectionneur, dont la passion est (le nom est clair à ce sujet) de capturer puis mettre en cage des spécimens de toutes les races biologiques que le cosmos abrite. Et là, coup de théâtre absolu, parmi ces proies captives, il y en a une qui est isolée, à l'intérieur d'un univers de poche fabriqué artificiellement, et qui n'est en fait que Alter-Ego, le "petit frère" de la planète vivante. Affamé et très en rogne, il risque de ne faire qu'une bouchée de Thor, ingénu justicier toujours prêt à tomber dans le panneau. Robert Rodi convoque une partie du panthéon cosmique et ravive de bons souvenirs chez les lecteurs nostalgiques des sagas de Starlin. Sa version de Thor transcende les étoiles et vise l'infini. S'il ne trouve jamais le souffle épique des grandes épopées d'alors, le récit reste plaisant, et ménage plusieurs surprises que je vous laisse découvrir. A noter aussi le personnage de Zéphyr, charmante élémentale, une sorte de Tornade en plus gracieuse, et oserais-je dire, plus belle. Le grand atout de cet album, c'est également le formidable travail de Mike Choi (il est vrai épaulé par un Frank D'Armata étincelant aux couleurs), à qui ont peut toujours reprocher une certaine staticité, mais qui offre des planches à couper le souffle, par moments, et une version d'Ego absolument géniale, parvenant à restituer admirablement le vertige du concept d'une planète vivante. Ce 100% Marvel est plutôt destiné aux admirateurs des épopées cosmiques, à ceux que l'appel des étoiles fait frémir, aux lecteurs de Marvel Universe, par exemple. Très esthétique, et sympathique à lire.

Rating : OOOOO

JUST A PILGRIM : Le pélerin irrévérencieux de Garth Ennis

Garth Ennis a-t-il un problème avec la religion, ou est-ce son âme de protestant contestataire, en bon irlandais, qui ressurgit à chaque fois qu’il s’attèle à la rédaction des scénarii de ses œuvres ? Toute sa carrière est truffée de références irrévérencieuses, dont la plus ouvertement caustique est le célèbre « Preacher ». Toutefois, je souhaiterais toucher un mot d’une autre de ses créatures, le Pèlerin impitoyable de la série Just a pilgrim. Cette dernière nous plonge dans un monde post apocalyptique qui n’est pas sans rappeler Mad Max. Après la grande « brûlure » du XXI° siècle, l’eau des océans s’est évaporée et la planète toute entière est plongée dans un chaos indescriptible, où la lutte pour la survie suit la règle du plus fort. Le Pèlerin est à son aise dans cet élément : armé de son fusil, mais aussi de sa Bible, il évangélise, réconforte, et trucide par la même occasion, et porte au fond de ses cicatrices et de son regard courroucé tous les secrets du pécheur repenti, d’un lourd passé qui le tourmente et le pousse sur la voix du salut, arrosée du sang frais des infidèles qui lui tombent sous les mains. Ennis irrigue son travail avec la même sève vénéneuse dont il se sert en règle générale : du cannibalisme aux relations zoophiles (ici un pauvre colon est fécondé bien malgré lui par une créature répugnante) tout est prétexte à de cinglantes incursions sur le territoire de la provocation, et le plus étonnant est qu’elle est quasi toujours juste, fait mouche et obtient l’absolution du lecteur qui pourra aller à en rire à s’en décrocher la mâchoire. La couverture du volume 1 (collection Semic Books) nous offre un premier plan du personnage qui révèle de faux airs de Clint Eastwood inspiré par une dévotion déviante, qui justifie ses pires délires. Les dessins de Carlos Ezquerra servent parfaitement le scénario d’Ennis, entre planches bien dégueulasses et élucubrations post apocalypse en plein désert peuplé de monstres difformes et d’êtres au-delà du rachat. Billy Shepherd, 10 ans et demi, est le prétexte idéal pour nous compter ce récit qui transcende les limites; la lueur de l’innocence qui parvient à atteindre le Pèlerin derrière sa carapace au vitriol. Protégé, probablement choyé, à sa façon, par ce solitaire désabusé, il apporte, nonobstant les mésaventures et les tragédies qui vont lui arriver, une mince flammèche d’espérance, que l’univers noir foncé d’Ennis n’oublie pas de souffler avant de refermer la porte.


Le second volume, toujours dans la collection Semic Books – les deux étaient bradés à trois euros dans nombre de Carrefours ces temps derniers, soit dit en passant – est un peu plus bienveillant à l’égard du Pèlerin, puisque cette fois Ennis semble tenté par la volonté de permettre à son personnage de se racheter pour tous ses crimes passés, qui sont fort nombreux et assez insoutenables pour le bon chrétien bien pensant. Mais la cruauté suprême n’est-elle pas de laisser entrevoir le bonheur quand de toutes manières celui-ci n’a plus le droit de citer, ni même de raison d’être, sur un monde désolé et destiné à l’extinction ? Le Pélerin pénètre dans une sorte de refuge/oasis peuplé de survivants qui s'attèlent à la création d'un nouvel Eden, mais tel le classique ver dans la pomme, le mal ne va pas tarder à ronger les belles illusions de ces nouveaux pionniers. Ennis continue son grand bonhomme de chemin sur l’autoroute vers le succès qu’il a su bâtir de ses propres mains : le gore – provocateur – irrévérencieux mais toujours juste et ironique, qui a défaut de réviser les canons du bon goût, permet de tisser des récits adultes, intelligents, explosifs et jubilatoires, sans se soucier des barrières étriquées de la morale et de la vraisemblance. Une œuvre magistrale et profonde camouflée sous l’écorce d’une bonne grosse série B à fort taux d’hémoglobine, que les amateurs de l’irlandais, qui a réanimé le Punisher après un coma dépassé, se doivent de posséder.

Rating : OOOOO




100% MARVEL : PANTHERE NOIRE L'homme sans peur

Matt Murdock et T'Challa (la Panthère Noire) sont deux hommes blessés, à terre. Chacun à sa façon va devoir se relever. Le premier cité est devenu le jouet de la main, et sa folie furieuse s'est manifestée ouvertement durant la saga Shadowland, qui a conclu (baclé?) le travail initié par Bendis et Brubaker sur le titre. Merci Matt Fraction... Depuis Matt erre au Nouveau Mexique, histoire de renaître spirituellement (à lire dans le piètre Daredevil:Reborn déjà chroniqué). Le Roi du Wakanda, lui, a du affronté Fatalis dans un duel sanglant pour son royaume, lors de la récente Doom War. Au terme de laquelle les réserves de vibranium (principale richesse du Wakanda) ont disparu, ce qui explique en partie pourquoi la Panthère Noire a du renoncer à son titre et à ses pouvoirs, passés sur les frêles épaules de sa soeur. T'Challa rencontre Matt à New-York, et se voit investi par celui d'une mission singulière pour un chef d'état africain. Défendre le quartier de Hell's Kitchen en l'absence du Diable Rouge, et se débrouiller seul, sans aucune aide, juste pour (se) prouver que derrière le titre se cache aussi un homme, un vrai, qui ne craint pas la peur. Quand je dis seul, c'est vraiment seul. Même Tornade, sa femme, doit le laisser tranquille (et au passage on remarquera une charmante voisine qui lui fait de l'oeil dès les premières planches...). Foggy Nelson, l'associé de Murdock, lui fournit de faux papiers et lui offre ainsi une nouvelle identité, celle d'un citoyen congolais, qui devient vite (en temps de crise, bravo. Comment a t'il fait?) le manager d'un petit fast-food. T'Challa ne va pas avoir le temps de s'ennuyer dans sa nouvelle petite vie urbaine, puisque le quartier est tout sauf tranquille, et en l'absence des grands noms de la pègre (le dernier en date, Hood, a mordu la poussière) chacun pense pouvoir tirer son épingle du jeu. Une pensée qu'une famille roumaine, avec à sa tête un certain Vlad l'empaleur, a eu de suite.



Il y a beaucoup de bonnes idées dans cette aventure de la Panthère, qui semble là un néophyte perdu dans la jungle urbaine (Urban Jungle, le titre du Tpb en VO). Ce qui est intéressant avec ce personnage, c'est de le dépouiller de ses atours de souverain, de l'isoler du contexte hight-tech hautement improbable de son état fantôme, en Afrique, pour en faire un simple citoyen/redresseur de torts, baignant dans la même fange et le même background que des héros comme Luke Cage ou Spider-Man, qu'il va d'ailleurs rencontrer (forcément...) au fil du récit. David Liss maitrise son sujet et prend un plaisir visible à orchester cette confrontation avec un nouvel ennemi digne du hall of fame de la Panthère. Certes, on pourrait objecter que l'idée d'expériences semblables à celle visant à créer un super-soldat, organisées dans différentes nations, pourrait vide aboutir à l'apparition de dizaines de justiciers/criminels venant d'horizons lointains. C'est un peu facile, mais ça permet aussi d'ouvrir le marché du super-héroïsme, comme le fait Morrisson sur Batman Inc. Mais je m'égare, nous ne sommes plus dans le propos. A ce sujet, notons que les dessins de Francavilla (un habitué du style pulp) sont fort réussis. Ambiance sombre à souhait, cette touche malpropre et pourtant sexy qui magnifie les luttes à hauteur de trottoir, son job est fait avec talent et contribue au succès de cette transition casse-cou. Daredevil cède donc sa place, momentanément, à un souverain africain déchu, qui ne s'en sort pas trop mal, voire même l'eclipse momentanément, si on compare ce volume au bien fade Reborn encore en librairie.

Rating : OOOOO

THE INFINITY WAR : La guerre du pouvoir de Jim Starlin

Adam Warlock est certes parvenu à vaincre Thanos, à la fin de Infinity Gauntlet, mais cela n'a pas été sans conséquences. Il a du, par exemple, endosser brièvement le manteau de la toute puissance, et on ne sort pas indemne d'une telle expérience. Adam avait tenté d'expulser le bien et le mal de sa psyché, pour mener à terme sa mission, et ces deux conceptions vont lui causer du fil à retordre. A commencer par la partie mauvaise de son être, incarnée par le Mage, un des personnages légendaires qui ont émaillé les sagas cosmiques des seventies publiées sur des Masterworks encore inédits en France, et chroniqués sur notre site. Le Mage est mégalo, sans pitié, arrogant et agressif. Lui aussi veut mettre la main sur la création, et pour ce faire, il ne peut compter sur les gemmes du pouvoir, dont l'harmonie a été rendue caduque par une décision du Tribunal Vivant, à la fin du Défi de Thanos. Sa force de frappe dérive donc d'une autre source, plusieurs cubes cosmiques retrouvés à travers le cosmos et les dimensions, qui lui permettent notamment de lever toute une armée de doppelgangers, c'est à dire de doubles démoniaques des héros Marvel. Des versions monstrueuses et vouées au mal de Spidey, des X-Men, d'Iron Man, qui cherchent à se débarasser des originaux, pour prendre leur place, et faciliter le masterplan du Mage. Mémorable la grande scène des retrouvailles entre superslips, au sommet du 4 Freedom Plaza, quand la vérité explose littéralement aux yeux de tous. Il va falloir que nos héros s'unissent pour contrer les machinations de leur nouveau grand ennemi, et parmi les forces du bien, pour une fois, il faudra compter avec Thanos, le grand repenti de la saga précédente de Starlin.



Thanos est une figure ambigüe, et Starlin avait à l'époque décidé que l'heure était venue d'en mettre à jour toutes les incohérences, les oppositions, les états d'âme. Personnage culte chez nombre de lecteurs, il assume ici un rôle inédit de leader, tout en conservant une part obscure suffisament présente pour que personne ne puisse (à raison) lui faire confiance. Starlin s'amuse comme un fou à mettre en scène l'ensemble de l'univers Marvel, à présenter des combats homériques entre forces du bien, et du mal, et à retourner régulièrement le rapport des équilibres en présence. Jusqu'à bien entendu réactiver momentanément les pouvoirs des gemmes de l'infini, qui auront à l'époque été source de bien des ennuis, mais aussi de bien du plaisir pour le fan de comic-books. Aux dessins, Ron Lim finit par contre par devenir lassant. Lui qui avait fourni de bien belles planches sur Silver Surfer, et en relevant Georges Perez sur le saga précédente, semble là moins concerné, et a tendance à bacler son travail, en négligeant les fonds de case, et en esquissant à peine certains visages qui deviennent inexpressifs, lors des réunions de groupe. On lui a demandé de travailler vite et bien pour fournir à temps six volets de quarante pages chacun, et il fait ce qu'il peut, c'est à dire qu'il se débrouille dans l'a peu près. Comparé à Infinity Gauntlet, Infinity War est moins épique, moins dramatique, mais garde cette saveur des souvenirs propres au début des nineties, et met en scène une incroyable variété de personnages, en proie à une situation dramatique, avec une touche so cosmic que nous assure le maître Jim. Jamais republiée sous forme d'album indépendant par Panini, la saga existe, pour les lecteurs de VO, dans un joli Tpb très fourni, qui récupère aussi les tie-in de la série Warlock and the Infinity Watch, en complément du récit principal. Un pavé très flashy et corpulent, qui ne trompe pas sur la marchandise. Pour la VF, vous pouvez toujours récupérer les trois fascicules proposés à l'époque par Semic, qui existent aussi sous la forme d'un de ces "albums reliés" qui ont marqué notre adolescence. Sur les sites aux enchères, ou les forums spécialisés, vous devriez vous les procurer pour une grosse dizaine d'euros, au maximum. Une expérience à tenter, si ce n'est déjà fait.

Rating : OOOOO (une note nostalgique?)

PENGUIN : PAIN AND PREJUDICE Une mini réussie pour le Pingouin

Petit, franchement laid, le nez allongé en forme de bec, tuba et frac en guise de panoplie, et armé d'un parapluie couteau-suisse. Tel apparait le Pingouin, ce personnage crée en 1941 par Bob Kane et Bill Finger, et héros ces dernières semaines d'une mini série en cinq volets chez Dc. Aussi bien pour l'approche réaliste du scénario que pour la réalisation graphique, elle n'est pas sans évoquer le graphic novel dédié au Joker, en 2005, par Azzarello et Bermejo. Gregg Hurwitz parvient à dersser un portait psychologique approfondi d'Oswald Chesterfield Copplebot sans en devenir lourd pour autant. L'enfance bien difficile du nabot, ses relations avec les autres garçons qui le malmènent, y compris ses frères, pour son aspect particulier, et les brimades du père, le rapport plutôt morbide avec la mère, tout est ici exploité avec intelligence, à travers les flash-backs qui déroulent sous forme de didascalies introspectives. Il est finalement compréhensible (mais pas justifiable) que le Pingouin, depuis sa boite privée l’Iceberg Lounge, organise son petit théâtre personnel et criminel, à la recherche de la respectabilité et de l'admiration de ses semblables, et où il peut aisément briser celui qui ose le regarder et le prendre de haut. Toute l'histoire tourne ici autour d'un vol de diamants et de la relation entre Copplebot et la belle Cassandra, une aveugle, qui ne peut donc le juger sur l'aspect esthétique, mais s'attache un peu plus au fond (tiens, ça me fait penser à la love-story entre La Chose et Alicia Masters, pendant que nous y sommes). Batman entre lui aussi en action. Un Batman que son adversaire conçoit comme l'exemple patent ce ceux qu'il déteste et combat. Dommage que le plan final, conçu par le Pingouin, soit un peu trop proche de ce qu'on a pu voir au cinéma, et fasse perdre à la trame un peu de son réalisme chèrement gagné. On admirera par contre les dessins de Kudranski (déjà à l'oeuvre sur Spawn) qui fait preuve d'une minutie, d'une attention aux détails, quasi photographique, et utilise le clair-obscur avec dextérité et talent. Les couleurs de John Kalisz y sont aussi pour quelque chose. C'est grâce à lui que l'atmosphère semble aussi lugubre et froide, que les images semblent nous parvenir au delà d'une mince couche de brouillard, que les flash-backs sont restitués comme sur de vieilles pellicules jaunies ou en noir et blanc. Bref, du bon travail. L'occasion de rendre un peu de son prestige à ce criminel parfois grotesque, qui gagne ici en profondeur, dans une oeuvre que nous pourrions pratiquement qualifier de Penguin Year One. Un travail attachant et artistiquement brillant, qu'Urban Comics se devra de nous proposer dans quelques mois, pour le plus grand plaisir de tous les fans de Batman. Une des meilleures mini liées au Bat-Universe que j'ai pu lire ces dernières années.

Rating : OOOOO

BEFORE WATCHMEN : LA POLEMIQUE

BEFORE WATCHMEN est encore en phase de réalisation, bien loin de la finalisation, que déjà les commentaires acerbes et les remarques acides fusent de toutes parts. Il semblerait donc que l'idée de toucher à un monument tel que Watchmen ait provoqué des réactions pour le moins épidermiques. Alan Moore a bien entendu été lapidaire sur le sujet, et ses fans n'ont pas apprécié l'idée de présenter une série de prequelles au grand oeuvre du maître. Pour ma part, je suis soulagé sur un point important : personne ne touchera à Watchmen. Je m'explique : une prequelle, tout aussi réussie ou au contraire sabordée qu'elle puisse être, ne portera pas atteinte au travail final de Moore, qui restera toujours une pierre angulaire du genre, appréciée et adulée. Ce qui s'est passé avant Watchmen pourrait être un petit apéritif sympathique, un complément à l'hisoire principale, à lire ou pas, selon vos envie, mais n'influencera pas le pavé de Moore, sa dynamique, son récit majeur. Il s'agira seulement d'ecrire dans les marges, ou pour être plus précis, de broder dans les limbes du récit, sans pouvoir intervenir sur son cortex, sa sève. Beaucoup de bruit pour rien, donc. Réaliser une suite eut été une toute autre paire de manches. Cela eut été dire : Watchmen n'est pas complet, si vous vous arrêtez à ce que vous avez lu, vous ne connaîtrez pas le fin mot de l'histoire, et là Moore aurait eu toutes les raisons du monde de sortir l'artillerie lourde (encore que l'artiste qui travaille dans le monde du comic-books doit accepter l'idée qu'en l'absence de contrat spécifique au creator owned, les personnages sont propriétés de la maison d'édition, et donc du consumèrisme capitaliste qui les exploite jusqu'à l'os). Watchmen EST complet. La série de titres censés nous narrer les vicissitudes des personnages avant que ne débute la fresque de Moore met en appétit, quand on regarde les artistes engagés sur le projet, et quand on pense à ce qu'on pourrait en retirer, au niveau des intrigues. Mais ce sera toujours marginal, une sorte de What If sans conséquences, sans substance, qui pourra même être parfaitement snobé et ignoré par les lecteurs purs et durs qui crient à la profanation. Before Watchmen, un projet casse-gueule par excellence. Je souhaite juste, pour finir, que les scénaristes soient à la hauteur de la tâche, et que le plus grand respect s'unisse à la passion pour ce travail, pour mitiger l'impression que ce sont les dollars qui s'agitent en coulisses et orchestrent le tout. L'important c'est qu'on nous fiche la paix avec l'After Watchmen. Autrement je sors la fourche et le noeud coulant, moi aussi.

Au fait, pour les distraits, Before Watchmen, c'est :

- RORSCHACH (4 issues) – Writer: Brian Azzarello. Artist: Lee Bermejo

- MINUTEMEN (6 issues) – Writer/Artist: Darwyn Cooke

- COMEDIAN (6 issues) – Writer: Brian Azzarello. Artist: J.G. Jones

- DR. MANHATTAN (4 issues) – Writer: J. Michael Straczynski. Artist: Adam Hughes

- NITE OWL (4 issues) – Writer: J. Michael Straczynski. Artists: Andy and Joe Kubert

- OZYMANDIAS (6 issues) – Writer: Len Wein. Artist: Jae Lee

- SILK SPECTRE (4 issues) – Writer: Darwyn Cooke. Artist: Amanda Conner
 












COVER STORY (8) : THE NEW MUTANTS 98

Le personnage est aujourd'hui une locomotive certaine en termes de vente. Mais il n'en fut pas toujours ainsi. Bien qu'occupant le centre de la scène, sur cette cover de New Mutants (là où il fit sa première apparition), Deadpool n'en est pas pour autant le héros incontesté du contenu. D'abord, Gideon, sur la droite, est presque mieux mis en valeur, et son nom saute aux yeux bien plus facilement que celui du mutant déjanté. Ensuite, car ce premier round ne tourne pas à l'avantage de Wade Wilson, facilement mis hors d'état de nuire par la bande à Cable, bien aidé, il est vrai, par l'arrivée impromptue de Domino, qui met fin aux débats. Le tout se résume en quelques pages, sans que Deadpool ne soit vraiment caractérisé ou développé d'aucune autre manière, au delà du classique "mercenaire lourdement armé qui flingue, avec des tas de gadgets ultra cool". Rob Liefeld avait fait une sorte de crise de jalousie, à l'époque. Son compère Todd McFarlane avait atteint les sommets du petit monde des comics avec Spider-Man, puis avec son Spider-Man, une série taillée sur mesure pour l'ambitieux canadien. Il suffit de regarder le costume de Wade (notament les grands yeux) et de supporter ses vannes foireuses au mépris du danger pour comprendre qu'il y a du Spidey chez ce mutant tragique, mais toujours de bonne humeur. Le vrai départ de Deadpool en tant que personnage avec un vrai background, un vrai cast à ses cotés, et de véritables ambitions scénaristiques, sera donné pour sa part deux ans plus tard, avec une mini série réalisée par Fabian Nicieza et Joe Madureira. Elle fut même publiée alors sur les pages de Strange, la référence Vf de Lug puis Semic, ce qui correspondait un peu à une sorte d'intronisation officielle. Presque vingt ans ont passé, et les nouvelles générations ont adopté et acclamé Deadpool, avec cependant un risque programmé, celui de voir la poule aux oeufs d'or toussoter et crachoter, malade d'une surexposition risquée, d'une surproduction souvent galvaudée. Parce que finalement, Deadpool est-il vraiment si drôle?



Ps : Si vous trouvez la cover horrible, et êtes rebutés par les dessins de Rob Liefeld, rien de plus logique. Cela veut juste dire, et c'est très sain de votre part, que vous avez bien conscience que les nineties, c'est fini depuis belle lurette.

PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE

Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terro...