JAY GARRICK : LE FLASH DU GOLDEN AGE

Jay Garrick. Un saladier ailé sur la tête... 
On l'annonce dans la seconde saison de la série télévisée. Il est un des chouchous des lecteurs les plus anciens. Sa version revisitée et mise à jour hante les pages du titre Earth 2 avec une incarnation vraiment moderne et sympathique. Mesdames et Messieurs, qui est vraiment Jay Garrick?
Il faut juste comprendre que Barry Allen, membre de la brigade scientifique de la police de Central City, n'est pas le premier Flash, mais le second. C'est Gardner Fox qui eut l'intuition de le lancer dans le grand bain, donnant ainsi naissance à l'ère dénommée du Silver Age. Mais avant l'argent, il y a l'or, et le Golden Age est l'apanage de l'ancêtre, dont nous parlons aujourd'hui. Jay est alors un joueur de football américain assez doué, qui évolue au sein de la Midwestern University, et qui est amoureux de la belle Joan Williams, qui considère ce sport comme une activité aussi brutale qu'infantile, au grand dam du soupirant. Un soir, c'est le patatrac : en maniant des éprouvettes contenant de l'eau lourde et des produits chimiques, Garrick fait tomber des ampoules qui se brisent, et le gaz qui s'échappe le plonge pendant plusieurs semaines dans un coma profond. Quand il se réveille, c'est pour constater quil possède désormais des pouvoirs liés à la super vitesse.
Tout va bien pour Jay, qui en quelques jours parvient déjà à utiliser au mieux ses nouveaux dons, à briller dans son activité sportive, et même à épouser Joan! Les premières aventures de ce Flash sont souvent aussi le prétexte à des rencontres avec d'autres justiciers costumés, comme peuvent l'être Atom, Green Lantern (Alan Scott, la première lanterne), Superman, ou Batman. Fort logiquement, il intègre la super équipe de la Justice Society of America, dont il est également le premier président.

All Star Comics, en 1951, marque la dernière vraie apparition de ce Jay là. Mais les super héros, qui ont du plomb dans l'aile à la fin de la seconde guerre mondiale vont vite réapparaître, avec en 1957 le déjà cité Gardner Fox, en compagnie de Carmine Infantino, pour donner naissance à  Barry Allen, dont les pouvoirs, la genèse, et même la vie sentimentale (la love story avec Iris West est plus  tourmentée mais débouchera pourtant sur un mariage plus tard). Une transition quasi parfaite, un héritier désigné. C'est en 1961 que les choses se compliquent et deviennent passionnantes. Lors de l'aventure dite du Flash des deux mondes, Barry parvient à pénétrer dans une réalité parallèle, et il y rencontre notre bon vieux Jay, qui sort ainsi de la naphtaline. A partir de ce moment, et pour justifier l'existence des héros d'autrefois dans un univers alternatif, celui-ci sera communément appelé Terre 2, en opposition avec la réalité présentée depuis l'aube du Silver Age. Jay et Barry vont d'emblée se sentir liés et nouer une relation solide basée sur l'admiration et le respect, confortée par des combats communs contre des adversaires tels que le Trickster ou Vandal Savage. Lors de la grande saga Crisis on Infinite Earths, l'ensemble du multivers Dc est annulé, afin de rendre plus claire et lisible la continuity de l'éditeur. Les origines de Jay Garrick sont alors transposées sur la seule et unique Terre existante (Terre 1) et il devient une sorte de mentor, le vieux sage de la vitesse, toujours prêts à guider et éclairer ceux qui vont hériter du don de la Force Véloce. On le retrouve de nouveau dans la nouvelle version de la JSA, dans les années 2000, avant que les New 52 ne viennent à nouveau changer la donne, au point que dans cette toute nouvelle version des héros Dc, Jay Garrick devienne un jeune homme qui se voit offrir des pouvoirs par le Dieu Mercure lui même, dans le titre Earth 2. Garrick a de nouveau basculé dans une réalité parallèle à la notre! Coté pouvoirs, et sans être aussi rapide que les autres Flash après lui, Jay puise aussi dans la Force Véloce, est capable de courir à une vitesse surhumaine (donc sur l'eau, à la verticale des immeubles...), et il parvient à vibrer entre les dimensions. Cette vibration est la conséquence de la grande maîtrise de ses pouvoirs, et lui consent de passer à travers les objets, tout comme les projectiles le traversent sans le blesser. Bien sur ces caractéristiques sont celles du Jay Garrick "classic" et pas du néophyte aperçu dans Earth 2 (New 52) qui lui est encore en phase d'apprentissage. La curiosité est grande, vous l'aurez compris, de voir ce que sera le personnage dans la série télévisée proposée par CW. Ce sera en tous les cas une des grandes raisons pour lesquelles il faudra guetter le retour de The Flash sur les petits écrans. Une série cool et divertissante, qui n'envisage pas de se prendre pour ce qu'elle n'est pas, et qui devrait être un excellent prétexte pour introduire tout une ribambelle de nouveaux héros et vilains à super pouvoirs. 


Photo de Teddy Sears, l'acteur qui sera Jay dans la saison 2 de The Flash 



JUSTICE LEAGUE AUX ORIGINES (DC COMICS LE MEILLEUR DES SUPER-HEROS TOME 4 CHEZ EAGLEMOSS)

Le quatrième volume de la collection proposée par Eaglemoss est aussi le premier consacré à un groupe de super-héros, plutôt qu'à un individu seul, comme Batman ou Superman. C'est parti pour notre point bimensuel sur cette initiative en partenariat avec Urban Comics, et la review du jour.
Cet album est un tournant important pour la maison d'édition Dc puisque c'est la première aventure post New 52 (une sorte de grand redémarrage de toutes les séries de l'éditeur) et il a une mission capitale : reprendre à la racine les premiers instants en commun des plus grands super-héros, la genèse de leur association, les premiers pas en bonne compagnie. Que peut-on lire dans ces épisodes? Tout d'abord, l'action ne se situe pas dans le présent, mais "il y a cinq ans, à une époque où les gens ne savaient rien des super-héros". D'entrée, on sent que la reconstruction va être longue, probablement totale, sûrement passionnante. Les nostalgiques pleurent à chaudes larmes, tout est donc à refaire? Quelle prise de risque, quelle folie, ou quel coup de génie? En attendant, pleins feux sur Batman, qui est traqué sur les toits de Gotham City (très belle Gotham que cette sombre ville vue par Jim Lee, qui la connaît bien) mais aussi  lui même à la poursuite d'une créature extraterrestre venue commettre un acte de terrorisme. Il reçoit un précieux renfort en la personne de Hal Jordan, c'est à dire Green Lantern , et la chimie entre les deux repose d'emblée sur leurs différences basiques, à savoir un être doté d'un anneau qui lui confère une puissance quasi illimitée, et de l'autre un simple athlète déguisé en chauve souris. Leur antagoniste alien frappe et laisse échapper un nom : Darkseid. Qui du coup, reboot oblige, n'évoque rien aux deux héros (Dark side, plaisantent-ils...). Par contre, ils ont une petite idée derrière la tête : puisque nous en sommes à donner la chasse aux extraterrestres, pourquoi ne pas faire un saut à Metropolis, où un certain Superman aurait été signalé, et s'assurer qu'il n'est pour rien dans cette histoire... L'occasion de (re)découvrir l'homme de Krypton dans son nouveau costume, et qui n'est pas très heureux qu'on vienne lui chercher des poux dans la tête, à domicile. Un classique jeu de quiproquo comme au bon vieux temps du Silver Age, lorsque nos héros commençaient d'abord par se taper dessus, avant de devenir amis comme cochon. 

Les lecteurs Dc seront heureux de savoir que la nouvelle Justice League se construit peu à peu, page après page. Wonder Woman, Flash, le destin de Cyborg, tout ce que nous connaissions déjà est ici lentement reproposé, revisité, et c'est une véritable manne pour le néophyte, qui aurait toujours voulu se mettre à Dc sans oser franchir le pas, trop dépaysé par la faune locale en spandex. Cette fois plus d'excuse, le récit est d'une clarté exemplaire, met en place tout un univers, héros et vilains de légende, qui sera accessible à tous, sans exception. Geoff Johns est bien sur le grand démiurge derrière cet album. Et Jim Lee, évidemment. Il est indéniable que ce n'est pas son meilleur travail à ce jour, qu'on l'a déjà vu plus appliqué sur les seconds plans, et sur certaines expressions faciales. Mais nous parlons toujours du grand Jim, c'est à dire un artiste qui même avec un bras dans le plâtre, n'a pas son pareil pour rendre des planches plastiquement réjouissantes, et imprimer du mouvement et de la force, case après case. Personne d'autre que lui n'est capable de présenter instantanément un aréopage de surhommes iconiques et fiers, et de donner à l'héroïsme un visage et une consistance en quelques coups de crayon. Ce premier récit de la Justice League nouvelle mouture est tout simplement réjouissant. Vous ne pouvez pas le rater. Pas parce que c'est une histoire bouleversante, une trouvaille inédite (au contraire, à ce niveau il y avait mieux à faire), mais parce qu'il porte en son sein les germes de ce qui va constituer la troisième jeunesse  d'un des plus grands éditeurs de comic-books, et qui offre de la sorte une porte d'entrée immanquable et remarquable vers son univers narratif. Un choix évident et pratiquement obligé pour Eaglemoss, pour vous faire plaisir, et à offrir à celles et ceux qui hésitent encore à franchir le pas. 


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SECRET WARS : MASTER OF KUNG FU #1 #2

Il ne faut pas vous fier aux apparences. Ce n'est pas parce que votre victime semble être un alcoolique paumé qu'il sera une proie facile. Surtout si derrière les vapeurs éthyliques se cache un certain Shang-Chi, fils de l'Empereur Zengh Zu, et maître de neuf des dix techniques de l'anneau. Bienvenue dans l'univers impitoyable du kung Fu, sur les terres de K'Un Lun, en pleine Secret Wars, sur la planète du Battleword. Quand on vous dit que tout est possible, et que tous les genres seront abordés durant ces Guerres Secrètes, il va falloir nous croire. Haden Blakman ne déroge pas au cahier des charges dès qu'il s'agit d'arts martiaux : le parcours classique veut que nous partions d'un individu isolé, pas toujours en position de force, loin de là, un outsider, destiné à devenir le Champion, celui va défendre les siens ou sa contrée, tout en maîtrisant et transmettant un savoir millénaire. Le premier numéro est une introduction par moments didactiques, avec toute l'histoire du royaume. On y apprend les grandes batailles du passé, les clans et les liens entre les différents personnages, qui et pourquoi certains commandent et d'autres trament dans l'ombre. Shang-Chi au départ est encore en train de cuver sa dernière bouteille, quand il est provoqué par des hommes de l'Empereur, ce qui est aussi le bon prétexte pour introduire ses liens avec le souverain des lieux. Vainqueur, mais fugitif, le héros va se retrouver mêlé et associé avec d'autres figures récurrentes de l'univers Marvel, que nous allons retrouver cuisinées à une sauce mystico-martiale. On aperçoit Rhane Sinclair, Bullseye, Razor et Iron Fist, Caliban, Cypher, et bien d'autres encore. Dalibor Talajic est en pleine forme et ses dessins sont très réussis. Des différents clans bien caractérisés, aux scènes de combat (nombreuses) qui associent la coolitude d'un héros ivre et l'efficacité de techniques redoutables, il n'y a pas grand chose à pointer du doigt dans cette série, qui bénéficie également du travail sur la couleur de Miroslav Mrva, en accord complet avec les intentions des auteurs. Et même si le héros de l'histoire semble vouloir s'en tenir à un chemin pacifique et snober son rôle d'instructeur et de passeur de savoir, il suffit de trouver le bon aiguillon, et voici que l'art du Kung Fu devient une grande leçon de vie, sur comment se dépasser, comment vaincre ses tares, et comment lutter et triompher de l'adversité quand celle ci semble vous dépasser, de la tête et des épaules. Au passage, grande nouvelle pour les amateurs du genre, les 125 épisodes historiques de la légendaire série Master of Kung Fu d'il y a plusieurs décennies vont être proposés en 2016 par Marvel, sous la forme de quatre gros omnibus en Vo. Petit scarabée, les comics, c'est plus fort que toi!



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TRADING CARDS : LE SPIDER-VERSE EN 1994

Amis fans de comics, il se peut que vous soyez intéressés également par les fameuses trading cards. Les cartes à collectionner, qui outre la valeur affective et la qualité artistique des dessins présentés, sont aussi parfois de petites mines d'or informatives au dos. On remonte le temps ce mardi, en 1994, pour aller à la rencontre d'un set de cartes consacrées à Spider-Man. Tout y est passé, des amis aux ennemis, des pouvoirs aux grands moments, bref, c'était aussi une excellente façon de faire le point, à l'époque, sur l'intégralité (ou presque) du Spider-Verse. Qui depuis a beaucoup changé; alors place à quelques cartes qui sentent bon la nostalgie et les grandes heures des années 90.


Venom, quand il s'agissait de Eddie Brock. Les aventures dessinées par McFarlane restent des moments épiques


Quand Spider-Man devint Captain Universe, au cours des Actes de Vengeance. Et envoya Hulk sur orbite, d'un seul coup de poing!


Lui c'est un ennemi acharné, qui revient encore et encore. Le Chacal, maître d'oeuvre d'une longue et épuisante saga du Clone...


Ami ou ennemi? En tous les cas le costume était superbe. Cardiac, où comment rendre la justice et faire un infarctus. On l'a revu il y a peu durant Superior SM


Que deviendra le Green Goblin dans un proche futur? Norman Osborn s'est fait refaire le visage, et on attend la prochaine grande confrontation. Ici le costume classique


Carrion. Effrayant. Il vous touche et vous êtes "refait". Un vilain qui m'avait marqué à l'époque, sous les crayons de Sal Buscema.


Le Kingpin dans sa version classique, avec canne à boule. Depuis la série Marvel's Daredevil et Vincent D'Onofrio ont donné un sacré coup de vieux à cet avatar en costard blanc


Le Caméléon. Pourquoi je l'ai choisi? Parce qu'il me rappelle cette saga des vrais faux parents de Peter, que j'avais trouvé passionnante durant mes années lycée. Mea Culpa.


Electro. Le cinéma a imposé bien du changement dans son look. Pourtant, quoi de plus flashy que ce chapeau en forme d'éclair et le costume vert et jaune? 

GOTHAM ACADEMY TOME 1 : LE SECRET DES COBBLEPOT

Gotham n'est pas qu'une cité sombre où les criminels et Batman jouent au jeu du chat et de la souris chaque nuit. C'est aussi une ville qui dispose d'une précieuse Academy où sont dispensés des cours d'exception, sous le haut patronage de la famille Wayne. Dans l'institut, de jeunes ados dont nous allons suivre l'arrivée, l'installation, et la vie au quotidien, sur fonds d'enquête et de mystères. Nous nous attardons ainsi sur le personnage de Olive Silverlock, et son amie Maps (Mia) Mizoguchi, prise sous tutelle . Ambiance radicalement différente de ce à quoi il aurait pu être possible, avec le nom de Gotham dans le titre. Nous délaissons les ruelles poisseuses et blafardes, pour un comic-book qui ressemble davantage à l'adaptation d'un animé pour jeune public, et qui bénéficie d'une mise en couleurs riche et agréable. Olive sort d'un été agité et désagréable, et c'est une habitante typique de la grande cité. Elle ne s'étonne plus du Bat-Signal ou de tous ce qui peut se produire chez elle, c'est une citadine presque blasée et pour elle l'extraordinaire est devenu la norme. Maps elle est ingénue, plus entière et pétillante, plus jeune et dans un cadre qu'elle est loin d'appréhender. Son frère est l'ancien boy-friend d'Olive (la rupture est récente), et Becky Cloonan met d'emblée l'accent sur la camaraderie et l'entente qui va lier les deux amies pour instaurer un climat de confiance avec le lecteur, ou la lectrice (car il ne fait aucun doute que c'est une des ambitions de ce titre, féminiser le lectorat de l'univers Batman). Dans les couloirs de l'Academy, il y a des zones interdites, des présences mal définies, peut être même un fantôme qui rode... Et contrevenir aux ordres, comme par exemple ne pas s'approcher de certaines ailes du bâtiment, en réfection, peut vite devenir dangereux, et se solder par un sauvetage improvisé, et un peu forcé. 


Mystère et enquête, sur fonds de relations (tendues ou amicales) entre adolescents. Voilà la recette de ce premier tome. Dans le manoir qui abrite les cours, on murmure qu'un fantôme se balade et hante les couloirs ... Celui de la petite Millie Cobblepot, dont les mémoires fascinent et renferment de sombres secrets qui n'attendent qu'à être dévoilés. Du coup un climat de surnaturel englobe l'ensemble de ces aventures, et c'est un puzzle qui s'ouvre devant le lecteur, qui doit reconstituer peu à peu toutes les pièces. C'est d'autant plus facile et profitable si vous suivez ce qui se passe dans les autres séries liées à l'univers de Batman, comme Eternal, par exemple. Quand Olive commence à se confier et évoque ce qui s'est produit avec sa mère, dans un hôpital, il peut être intéressant de faire la liaison. D'autant plus que c'est de là que vient la connexion "directe" qui existe entre la jeune fille et Batman. Cloonan et Fletcher parviennent, au fil des pages, à rendre les enquêtes et les errances de Olive, Maps, et d'autres comme Kyle, Heathcliffe ou Pomeline plutôt sympathiques, avec une dynamique et des rapports humains assez crédibles pour des personnages de cet âge. Quelle bande de gamins n'a jamais rêvé de mettre la main sur un spectre dans une maison hantée, et d'entrer en communication avec lui (ou elle)? Karl Kerschl apporte un plus indéniable au titre, avec des dessins suffisamment propres et détaillés pour séduire les lecteurs exigeants de comics, tout en faisant clairement du pied au plus jeunes, aux novices, et aux filles, avec cerise sur le gâteau les couleurs de Geyser qui varient d'une page à l'autre, s'adaptant et diffusant des ambiances pertinentes et prenantes. Même si ce Gotham Academy est loin d'être le type de lecture que je prédilige et souhaite suivre sur la durée, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas lui reconnaître une qualité évidente et la force de savoir aller atteindre sa cible, en respectant le cahier des charges à la lettre. Vous savez ce que vous achetez, et vous n'êtes pas lésés. 





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Batman : Eternal #1

(SAGA OF THE) SWAMP THING PAR ALAN MOORE

Si vous faites partie de ceux qui ont découvert le personnage de Swamp Thing avec l'arrivée des New 52, vous avez probablement entendu à un moment donné de vieux lecteurs grincheux marmonner que "tout ça c'est bien beau, mais ça ne vaut pas le cycle d'Alan Moore". Le fait est que nous parlons là de l'Histoire avec une majuscule, d'épisodes qui sont entrés de plein pied dans la légende. Moore débarqua sur le titre au numéro 20, et se contenta le premier mois de mettre un terme aux trames en cours, avant de se lancer dans son projet personnel. Revenons en arrière. La créature des marais est une invention de Len Wein et Bernie Wrightson, née dans le mensuel House of Secrets durant les années 70. Un monstre différend, avec des histoires qui se déroulaient au début du XXème siècle. Le succès aidant, Dc demanda aux deux auteurs de travailler sur une série moderne, avec un Swamp Thing incarné par le malheureux scientifique Alec Holland, qui à la suite d'un tragique accident devient cet épouvantail végétal banni de tous. Attention, il ne faut pas sous-estimer les épisodes du binôme Wein/Wrightson, qui outre une qualité artistique indéniable, permettent d'apprécier avec plus de force les décisions de Moore, et le coté bouleversant de son récit. Auteur anglais ne bénéficiant pas à ses débuts de l'incroyable popularité qu'il possède aujourd'hui, Alan Moore scotche son public dès Leçons d'anatomie, qui constitue un modèle d'écriture scénaristique et plonge le lecteur dans la psyché déviante du Swamp Thing, transformant par la suite un vilain de série B comme l'Homme Floronique en un être effrayant et crédible. Un épisode après l'autre, Moore parvient à modifier profondément le statut du personnage, en l'entraînant dans un long voyage intérieur qui flirte avec l'horreur et l'hallucination, et une ambiance particulièrement claustrophobe, au service de laquelle nous trouvons des textes lyriques et introspectifs qui lorgnent du coté de la poésie de Whitman, la beat generation, du flux de conscience de Joyce, tout en anticipant la thématique écologiste, bien des années avant que cela devienne la référence assumée de Grant Morrison, dans sa version toute personnelle d'Animal Man. C'est alors qu'est introduit le concept du Parlement des Arbres, et l'idée que la créature des marais est en fait un "avatar" du monde végétal, une force primordiale, plutôt que le scientifique Alec Holland. 

C'est sous la plume d'Alan Moore que nous voyons apparaître John Constantine, le détective de l'occulte, qui sera par la suite la tête d'affiche de la série Hellblazer, et Jamie Delano se servira de ce qui est narré ici même pour son propre travail. Dans American Gothic, Moore entreprend de nous donner sa version déconcertante de ce que sont vraiment les Etats-Unis, à savoir une nation terrifiante, où l'horreur et la corruption ne sont pas l'apanage des monstres ou des vampires, mais bien de phénomènes plus terre à terre comme la pollution de l'environnement (avec le personnage de Nukeface), la violence faite aux femmes (avec un épisode qui suscita beaucoup de polémiques et les foudres de Jim Shooter, chez la concurrence, car Moore relie explicitement le cycle de la lune, les règles mensuelles de la femme et la lycanthropie). Quand Moore utilise des vampires, c'est pour en faire des êtres surprenants, puisque aquatiques, et lorsqu'il décide de faire entrer sur scène un serial killer comme Bogeyman, il nous plonge dans l'esprit du criminel, anticipant les thèmes et le style que développera par exemple Brett Easton Ellis dans American Psycho. Les amateurs de la continuité et de l'univers Dc pourront aussi se réjouir de l'apparition de plusieurs personnages récurrents et bien connus comme le Phantom Stranger, le Docteur Fate, Zatanna et Zatara, ou bien Deadman et le Spectre.  
Le dessin également est de haute facture, avec des artistes du calibre de Rick Veitch, Stephen Bissette, sans oublier Shawn McManus et Ron Randall. Nous avons droit à nombre d'expérimentations sur le lay-out des pages, sur la structure même des planches qui est en perpétuelle mutation. L'encrage aussi contribue à ces atmosphères si particulières, grâce à John Totleben et au regretté Alfred Alcala. Mention spéciale pour un veritable trip sous acides, lorsque le Swamp Thing et Abigail Arcane ont un rapport sexuel des plus lysergiques. On entre de plein pied dans le psychédélisme hérité des sixities, avec un lointain écho des oeuvres de Jim Steranko. Pour couronner le tout, et vous donner une ultérieure caution intellectuelle, sachez que vous trouverez également des citations et allusions à des oeuvres majeures comme la Divine Comédie de Dante, la tradition gothique, à Goya, ou bien les légendes comme Orphée et Eurydice. En Vf le cycle d'Alan Moore est disponible chez Delcourt, qui a publié ces épisodes (du #21 au #45) dans les volumes 2 et 3 de son Intégrale de 2004 et 2005. Panini aussi s'y est mis, avec les épisodes #20 à #34 présentés en 2010. Le grand défi serait maintenant que Urban Comics nous offre une sorte d'omnibus de collection, avec l'intégrale du cycle d'Alan Moore, histoire de pouvoir avoir ce petit bijou dans un écrin à la hauteur, et de convaincre ceux qui l'ignorent encore qu'il y a bien une vie dans les marais, avant l'avènement des New 52.


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SECRET WARS : A-FORCE #1 #2

Je vous avais promis le passage en revue complet de toutes les séries liées à Secret Wars. Alors l'heure est arrivée de commencer à combler le retard avec les titres déjà bien avancés, et dont il n'a pas encore été question ici même. Ce vendredi, ce sera A-Force à l'affiche. Une équipe qui joue sur la référence des Avengers et a une composition toute féminine. She-Hulk est à la tête de cette formation, où nous trouvons également Miss America, la version femme de Loki, Dazzler, Nico Minoru, Medusa, ou bien Captain Marvel. Elles évoluent sur l'île d'Arcadia, qui n'est pas sans rappeler la fameuse contrée qui abrite les Amazones, chez Dc, avec tout de même la présence des hommes, qui ont du accepter et métaboliser la parité voire la suépriorité de leurs compagnes. Tout semble aller plus ou moins bien jusqu'à ce qu'un requin préhistorique n'attaque, rapidement maîtrisé par America Chavez. Qui commet toutefois une erreur en intervenant, et brise les lois de fer dictées par Doom tout puissant, que la patrouille des Thors s'empresse de faire respecter. La punition est exemplaire car il s'agit d'une réclusion à perpétuité, à la barrière avec le monde extérieur, là où règne le danger, l'horreur, et qui est isolé d'Arcadia de manière hermétique. Un confinement qui n'est pas du goût de tout le monde, et suscite des dissensions au sein du team, car certaines des membres reprochent à Miss Hulk son inaction, et sa tendance à plier trop facilement devant les diktats de Fatalis. Pour compliquer les choses, ou les rendre plus intéressantes encore, une créature venue de l'espace (là où il ne devrait rien y avoir, dans le monde du Battleworld) débarque chez les femmes de A-Force et Nico Minoru, très affectée par le départ de Miss America, décide de la prendre sous son aile.
Bonne surprise, G Willow Wilson  (en duo avec Marguerite Bennett) réussit à s'occuper d'un groupe d'héroïnes avec le même talent et le même sens du récit que dans la série Miss Marvel. Ce qui est une chose agréable,  car il est indéniable qu'en dehors du fait que A-Force est entièrement composée de femmes, on ne parvient pas bien à comprendre comment elle a pu être mise sur pieds, et dans quel but, dans le cadre des Secret Wars et de sa multitude de territoires. On peut certes bien se gausser devant les propos délirants tenus dans un grand quotidien new-yorkais, qui comparent les membres du groupe à une assemblée de porno-stars, tant dans les poses que dans les tenues vestimentaires. C'est d'autant plus idiot que Jorge Molina parvient à livrer des planches très réussies, belles, dynamiques, d'une plasticité évidente, avec juste le regret d'une surcharge de didascalies/dialogues sur quelques pages. Trop d'informations tue l'information. Le titre reste quand même une bonne pioche, suffisamment inventif et rétro dans le même temps, pour donner envie de poursuivre l'aventure, tout en acceptant l'idée qu'il n'est là que pour jouer la montre, car les véritables aventures de A-Force, avec de vrais enjeux, seront vraisemblablement réservés à l'après Secret Wars. Marvel s'annonce All-New All-Different, et se fémininise au possible. Le rapport des sexes s'équilibre, mesdemoiselles mettez-vous aussi aux comics!


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