Si vous faites partie de ceux qui ont découvert le personnage de Swamp Thing avec l'arrivée des New 52, vous avez probablement entendu à un moment donné de vieux lecteurs grincheux marmonner que "tout ça c'est bien beau, mais ça ne vaut pas le cycle d'Alan Moore". Le fait est que nous parlons là de l'Histoire avec une majuscule, d'épisodes qui sont entrés de plein pied dans la légende. Moore débarqua sur le titre au numéro 20, et se contenta le premier mois de mettre un terme aux trames en cours, avant de se lancer dans son projet personnel. Revenons en arrière. La créature des marais est une invention de Len Wein et Bernie Wrightson, née dans le mensuel House of Secrets durant les années 70. Un monstre différend, avec des histoires qui se déroulaient au début du XXème siècle. Le succès aidant, Dc demanda aux deux auteurs de travailler sur une série moderne, avec un Swamp Thing incarné par le malheureux scientifique Alec Holland, qui à la suite d'un tragique accident devient cet épouvantail végétal banni de tous. Attention, il ne faut pas sous-estimer les épisodes du binôme Wein/Wrightson, qui outre une qualité artistique indéniable, permettent d'apprécier avec plus de force les décisions de Moore, et le coté bouleversant de son récit. Auteur anglais ne bénéficiant pas à ses débuts de l'incroyable popularité qu'il possède aujourd'hui, Alan Moore scotche son public dès Leçons d'anatomie, qui constitue un modèle d'écriture scénaristique et plonge le lecteur dans la psyché déviante du Swamp Thing, transformant par la suite un vilain de série B comme l'Homme Floronique en un être effrayant et crédible. Un épisode après l'autre, Moore parvient à modifier profondément le statut du personnage, en l'entraînant dans un long voyage intérieur qui flirte avec l'horreur et l'hallucination, et une ambiance particulièrement claustrophobe, au service de laquelle nous trouvons des textes lyriques et introspectifs qui lorgnent du coté de la poésie de Whitman, la beat generation, du flux de conscience de Joyce, tout en anticipant la thématique écologiste, bien des années avant que cela devienne la référence assumée de Grant Morrison, dans sa version toute personnelle d'Animal Man. C'est alors qu'est introduit le concept du Parlement des Arbres, et l'idée que la créature des marais est en fait un "avatar" du monde végétal, une force primordiale, plutôt que le scientifique Alec Holland.
C'est sous la plume d'Alan Moore que nous voyons apparaître John Constantine, le détective de l'occulte, qui sera par la suite la tête d'affiche de la série Hellblazer, et Jamie Delano se servira de ce qui est narré ici même pour son propre travail. Dans American Gothic, Moore entreprend de nous donner sa version déconcertante de ce que sont vraiment les Etats-Unis, à savoir une nation terrifiante, où l'horreur et la corruption ne sont pas l'apanage des monstres ou des vampires, mais bien de phénomènes plus terre à terre comme la pollution de l'environnement (avec le personnage de Nukeface), la violence faite aux femmes (avec un épisode qui suscita beaucoup de polémiques et les foudres de Jim Shooter, chez la concurrence, car Moore relie explicitement le cycle de la lune, les règles mensuelles de la femme et la lycanthropie). Quand Moore utilise des vampires, c'est pour en faire des êtres surprenants, puisque aquatiques, et lorsqu'il décide de faire entrer sur scène un serial killer comme Bogeyman, il nous plonge dans l'esprit du criminel, anticipant les thèmes et le style que développera par exemple Brett Easton Ellis dans American Psycho. Les amateurs de la continuité et de l'univers Dc pourront aussi se réjouir de l'apparition de plusieurs personnages récurrents et bien connus comme le Phantom Stranger, le Docteur Fate, Zatanna et Zatara, ou bien Deadman et le Spectre.
Le dessin également est de haute facture, avec des artistes du calibre de Rick Veitch, Stephen Bissette, sans oublier Shawn McManus et Ron Randall. Nous avons droit à nombre d'expérimentations sur le lay-out des pages, sur la structure même des planches qui est en perpétuelle mutation. L'encrage aussi contribue à ces atmosphères si particulières, grâce à John Totleben et au regretté Alfred Alcala. Mention spéciale pour un veritable trip sous acides, lorsque le Swamp Thing et Abigail Arcane ont un rapport sexuel des plus lysergiques. On entre de plein pied dans le psychédélisme hérité des sixities, avec un lointain écho des oeuvres de Jim Steranko. Pour couronner le tout, et vous donner une ultérieure caution intellectuelle, sachez que vous trouverez également des citations et allusions à des oeuvres majeures comme la Divine Comédie de Dante, la tradition gothique, à Goya, ou bien les légendes comme Orphée et Eurydice. En Vf le cycle d'Alan Moore est disponible chez Delcourt, qui a publié ces épisodes (du #21 au #45) dans les volumes 2 et 3 de son Intégrale de 2004 et 2005. Panini aussi s'y est mis, avec les épisodes #20 à #34 présentés en 2010. Le grand défi serait maintenant que Urban Comics nous offre une sorte d'omnibus de collection, avec l'intégrale du cycle d'Alan Moore, histoire de pouvoir avoir ce petit bijou dans un écrin à la hauteur, et de convaincre ceux qui l'ignorent encore qu'il y a bien une vie dans les marais, avant l'avènement des New 52.
C'est sous la plume d'Alan Moore que nous voyons apparaître John Constantine, le détective de l'occulte, qui sera par la suite la tête d'affiche de la série Hellblazer, et Jamie Delano se servira de ce qui est narré ici même pour son propre travail. Dans American Gothic, Moore entreprend de nous donner sa version déconcertante de ce que sont vraiment les Etats-Unis, à savoir une nation terrifiante, où l'horreur et la corruption ne sont pas l'apanage des monstres ou des vampires, mais bien de phénomènes plus terre à terre comme la pollution de l'environnement (avec le personnage de Nukeface), la violence faite aux femmes (avec un épisode qui suscita beaucoup de polémiques et les foudres de Jim Shooter, chez la concurrence, car Moore relie explicitement le cycle de la lune, les règles mensuelles de la femme et la lycanthropie). Quand Moore utilise des vampires, c'est pour en faire des êtres surprenants, puisque aquatiques, et lorsqu'il décide de faire entrer sur scène un serial killer comme Bogeyman, il nous plonge dans l'esprit du criminel, anticipant les thèmes et le style que développera par exemple Brett Easton Ellis dans American Psycho. Les amateurs de la continuité et de l'univers Dc pourront aussi se réjouir de l'apparition de plusieurs personnages récurrents et bien connus comme le Phantom Stranger, le Docteur Fate, Zatanna et Zatara, ou bien Deadman et le Spectre.
Le dessin également est de haute facture, avec des artistes du calibre de Rick Veitch, Stephen Bissette, sans oublier Shawn McManus et Ron Randall. Nous avons droit à nombre d'expérimentations sur le lay-out des pages, sur la structure même des planches qui est en perpétuelle mutation. L'encrage aussi contribue à ces atmosphères si particulières, grâce à John Totleben et au regretté Alfred Alcala. Mention spéciale pour un veritable trip sous acides, lorsque le Swamp Thing et Abigail Arcane ont un rapport sexuel des plus lysergiques. On entre de plein pied dans le psychédélisme hérité des sixities, avec un lointain écho des oeuvres de Jim Steranko. Pour couronner le tout, et vous donner une ultérieure caution intellectuelle, sachez que vous trouverez également des citations et allusions à des oeuvres majeures comme la Divine Comédie de Dante, la tradition gothique, à Goya, ou bien les légendes comme Orphée et Eurydice. En Vf le cycle d'Alan Moore est disponible chez Delcourt, qui a publié ces épisodes (du #21 au #45) dans les volumes 2 et 3 de son Intégrale de 2004 et 2005. Panini aussi s'y est mis, avec les épisodes #20 à #34 présentés en 2010. Le grand défi serait maintenant que Urban Comics nous offre une sorte d'omnibus de collection, avec l'intégrale du cycle d'Alan Moore, histoire de pouvoir avoir ce petit bijou dans un écrin à la hauteur, et de convaincre ceux qui l'ignorent encore qu'il y a bien une vie dans les marais, avant l'avènement des New 52.
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