BATMAN CHRONICLES 1987 VOLUME 1 : LA NOUVELLE COLLECTION URBAN COMICS


 La nouvelle collection Batman Chronicles pourrait être vaguement rapprochée de ce que propose Panini avec ses intégrales; mais ici il s'agit d'un album à la pagination encore plus conséquente et présenté doté une couverture souple, ce qui le rend particulièrement maniable. De plus, si les épisodes de Batman sont édités dans leur ordre chronologique à partir de 1987, ils sont aussi espacés par des articles critiques, des éditoriaux ou tout simplement la traduction de la page du courrier des lecteurs des albums Vo, et c'est un plus indéniable pour le lecteur curieux. Le choix de l'année de départ pour ce projet n'est pas innocent; nous sommes en effet au lendemain du grand crossover Crisis On Infinite Earths qui change la donne pour l'univers DC, et c'est aussi l'époque où des scénaristes au talent fou sont en train de révolutionner la manière même de faire des comics, à commencer par Alan Moore et ses Watchmen. Le génial scénariste irascible livre d'ailleurs une vingtaine de pages dans un annual présent dans ce premier tome (une triste et touchante histoire d'amour avec le troisième Gueule d'Argile du nom). Quand je parle de révolutionner la manière de faire des comics, Batman n'échappe pas à ce procédé. Ainsi nous trouvons dans ces Chronicles la saga en quatre parties Batman Year One de Frank Miller et David Mazzucchelli, qui s'ouvre fort justement par l'arrivée de deux personnages fondamentaux à Gotham, le commissaire Gordon, qui vient d'être muté et va devoir apprendre à composer avec la faune interlope locale et la corruption de la police, mais aussi Bruce Wayne, dont les parents ont été assassinés lorsqu'il était jeune et qui s'est absenté pendant de nombreuses années, le temps de se former à l'étranger pour fomenter sa lutte contre le crime à venir. Est-il bien utile de revenir sur cette histoire que vous devez tous probablement connaître, et qui redéfinit les premiers pas d'un héros ici présenté comme quelqu'un d'inexpérimenté et d'imprudent, mais qui peu à peu commence à s'adapter à sa croisade, d'autant plus qu'il trouve en Gordon un allié précieux pour le seconder et l'aiguiller ? BYO est magistralement orchestré par deux artistes au talent conséquent et dont le style tranche un peu par rapport au reste de notre album. Il suffit par exemple de comparer avec les deux premiers épisodes qui précèdent qui sont eux l'occasion de plonger dans une ambiance bien plus vintage.



Max Allan Collins, Jim Starlin et Dennys Cowan racontent l'histoire d'un individu à la psyché perturbée, un ancien flic aux méthodes expéditives dont la famille a été assassinée. Un geste tragique qui le pousse à vouloir rendre justice à sa manière sous le costume de Batman, une version ultra-violente et déviante du héros, assumée par un psychotique qui finit par douter même de son identité, et se prendre pour l'original. Un récit en deux parties, pathétique et poignant. Les autres épisodes de la série Batman présents dans ce premier volume permettent de se familiariser avec un petit loubard qui traîne dans Crime Alley et qui est orphelin. Jason Todd est appelé à devenir le nouveau Robin, malgré la promesse qu'avait fait le Dark Knight de ne plus être épaulé par un gamin dans ses enquêtes. Jason n'a rien du Robin traditionnel; son éducation est à faire et sa première rencontre avec le super-héros qui va le prendre sous son aile se déroule lorsqu'il essaie de lui voler les pneus de sa Batmobile, pensez donc ! Les deux compères vont vite devenir un duo dynamique notamment quand il va s'agir d'affronter Harvey Dent -alias double face- qui est aussi le responsable de la mort du père de Jason. De grands noms se relaient pour illustrer ces aventures; citons entre autres Dave Cockrum, que tous les fans des X-Men connaissent par cœur, ou encore Chris Warner et Jim Aparo. Cerise sur le gâteau, un épisode complètement barré où le petit Jason intègre une école dirigée par une vieille dame d'âge respectable, mais dont les mœurs le sont beaucoup moins. Sous l'apparente placidité d'une directrice d'école alternative et indépendante, elle enseigne la criminalité à tous ceux qui tombent sous sa coupe. Il y a souvent des touches d'humour dans ces épisodes, et Batman lui-même commente certaines de ses mésaventures avec un bon mot. Même si les récits sont un peu datés et la mise en couleurs trahie son époque, le dessin lui reste très souvent de haute facture et globalement on passe un excellent moment de lecture. En complément, il est possible de retrouver le graphic novel Son of the Demon qui nous relate la relation entre Bruce Wayne et Talia Al G'hul, qui va donner naissance au petit Damian, dont nous connaissons aujourd'hui très bien les aventures. Je passe beaucoup plus vite sur cette histoire réalisée par Mike Barr et Jerry Bingham, car nous l'avons déjà abordée à plusieurs reprises au travers des différentes éditions qu'Urban Comics nous a proposés. C'est là aussi un récit très important et réussi, qui fait partie de ces histoires que tout fan du personnage se doit absolument de connaître et de posséder. De bons débuts donc pour ces Batman Chronicles, qui à défaut de présenter uniquement de l'inédit ou de l'inattendu pose les premiers jalons d'une collection qui devrait en ravir plus d'un.




THE BOYS SAISON 3 : TOUS LES COUPS SONT PERMIS


 S'agissant de la troisième saison (déjà !) pour la série The Boys, il convient de résumer un peu les événements, avant de s'y jeter. Les bases sont donc les suivantes: Annie/Starlight (Erin Moriarty) a été de nouveau acceptée en tant que membre des Sept, après avoir été qualifiée de traître pour s'être heurtée au Homelander (Antony Starr). Elle avait révélé que Stormfront (Aya Cash) était en réalité une nazie; l'image publique du Homelander a été ternie par son implication sentimentale avec Stormfront, qui au passage a connu une fin effrayante (elle n'est pas vraiment morte, mais brûlée vive et mutilée à jamais); The Deep (Chase Crawford) a échappé à la secte qu'il avait rejoint pour regagner la faveur des Sept, après des allégations d'agression sexuelle (notamment une fellation forcée avec Starlight); et Billy Butcher (Karl Urban) vient de pleurer la mort accidentelle de Becca (Shantel VanSanten) atomisée par le regard calorifique de son fils Ryan (Cameron Corvetti), lui aussi doté de pouvoirs. La troisième saison commence alors avec Butcher, Hughie (Jack Quaid), Frenchie (Tomer Capone), M.M. (Laz Alonso) et Kimiko (Karen Fukuhara), que nous retrouvons près d'un an après la fin du cliffhanger de la saison 2. Nous plongeons d'emblée dans un monde saturé de films de super-héros (tiens donc…) qui rejouent des événements tirés de la vie "réelle" mais d'une manière qui correspond à la doctrine gouvernementale et économique de Vought, la grande multinationale à la base du phénomène des super-héros de The Boys. La côte de popularité du Homelander tire la tronche, et Starlight, au contraire, est la petite chouchou du public, puisqu'elle est la seule à conserver de cette candeur, cette fraîcheur, qui chez les autres est devenue du cynisme à l'état pur. L'élément qui relance très vite les débats est en fait une double piste narrative fascinante; D'un côté Butcher entre en possession d'un dérivé du composant V qui permet à Vought de fabriquer des "soldats à super pouvoirs". Cette version dote qui se l'injecte de dons provisoires, et elle n'est pas sans risque mortel, cela va de soi. De l'autre, le pauvre Hughie réalise qu'il n'est pas au service d'une agence chargé de réguler l'activité des super, mais que sa propre directrice est elle aussi une personne capable de faire exploser ses antagonistes à distance, et qu'elle a des liens affectifs voire familiaux avec le grand patron de Vought. Bref, Butcher avait raison , Faut-il nécessairement employer les grands moyens, et faire fi de toute morale, pour lutter contre l'hypocrisie et le fascisme latent qui guettent ? 




Les deux grandes idées sur lesquelles prend son envol cette 3e saison sont présentes depuis le début de la série; d'un côté il y a le parcours personnel de celui qui est un des personnages clés, c'est-à-dire le Homelander. Créature artificielle exploitée tout au long de sa vie, peut-on vraiment lui en vouloir s'il a développé ce caractère si particulier, cette personnalité aussi discutable que très souvent repoussante ? La vie n'a pas été tendre non plus avec celui qui n'a jamais connu les affects d'une famille et le véritable respect des autres, qui ne voient en lui qu'un sauveur, un cobaye, quelqu'un a exploiter, un produit marketing, sans oublier bien sûr ceux qui en ont peur. L'évolution qui le concerne, dans cette troisième saison, est donc particulièrement bien vue et intéressante. L'autre point, c'est cette espèce de complotisme généralisé qui est vraiment l'essence de The Boys. Le gouvernement ment au peuple, les multinationales ont pris le pouvoir, les agences gouvernementales font leur petite cuisine et même la brigade formée par Butcher doit composer avec les petits mensonges et les coups de sang de leur chef, mais aussi des autres membres respectifs. Hughie, jusqu'ici, avait toujours été l'élément un peu naïf pris dans la tempête, mais cette saison 3 fait également évoluer les choses sur ce point, puisque peu à peu il se rend compte que son angélisme naturel n'est probablement pas adapté à une situation qui le dépasse largement. Le tout est comme d'habitude encadré par des scènes choquantes, drôles, impensables ailleurs, que ce soit des luttes et des performances scatologiques, ou la représentation d'un sexe géant dès le premier épisode. Quand une tête explose ou qu'elle est coupée et séparée du tronc, c'est toujours représenté en gros plan, avec forces détails, et rien n'est éludé. C'est ce qui fait la beauté de The Boys, l'impression qu'on peut aller au bout des choses, qu'il n'y a pas de limite et que le délire ne sera pas censuré. Comme le discours de fond reste particulièrement bien étayé et argumenté, et que chaque personnage est approfondi correctement, il est clair que la série reste très recommandable, pour ne pas dire indispensable. Une excellente transposition sur petit écran, qui n'a pas à rougir par rapport au comic book de départ, de Garth Ennis. Ce n'est pas si courant, finalement. 



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FATHOM : DANS LES PROFONDEURS DE L'OEUVRE DE MICHAEL TURNER


 Pour comprendre le succès et l'importance de Fathom, dont Delcourt propose l'intégrale en ce joli printemps, il suffit de laisser la parole à Geoff Johns, pour débuter. "Quand Fathom est sorti, j'ai été immédiatement captivé par le monde que Mike avait créé. Sa mythologie était aussi profonde que celle que l'on retrouve dans des œuvres comme Le Seigneur des Anneaux ou Star Wars. Il y avait une complexité dans Fathom que peu de comics possèdent…". Du reste, il s'agit là de l'une des bandes dessinées américaines les plus emblématiques des années 1990 et le meilleur travail du regretté Michael Turner, selon la plupart des critiques. L'héroïne de cette histoire est splendide et inoubliable.  Aspen est une jeune femme qui au départ ne se souvient de rien de son passé, mais elle découvre qu'elle a des pouvoirs liés à l'eau, à la suite d'un accident survenu dans une base sous-marine. A partir de ce moment, sa vie bascule : elle comprend qu'elle est issue d'une lignée d'êtres marins et qu'elle peut même exercer un pouvoir sur l'eau ; Aspen peut en décomposer les molécules et les transformer en armes et elle peut même se transformer elle-même en eau. Son passé est auréolé de mystère : dans les années 1980, un bateau de croisière, le Paradise, a mystérieusement disparu puis est réapparu surgissant de nulle part dix ans plus tard, avec à son bord la petite Aspen qui, au moment de sa disparition ne s'y trouvait tout simplement pas. Une fois adulte, en possession d'un doctorat de recherche, et après avoir participé aux Jeux-Olympiques (sa passion pour l'eau est dévorante), elle découvrira que se cachent dans les profondeurs de l'océan certaines races comme le peuple des Bleus, dominé par Killian et celui des Ténébreux, véritables dieux qui vivent dans des profondeurs inaccessibles aux humains. Toute cette histoire est présentée en variant les angles de vue, les narrateurs, et d'ailleurs les didascalies sont toutes caractérisées par un code couleur et une police de caractère propre à isoler et expliciter de quel personnage il s'agit, avant même qu'il soit nécessaire de lire le texte. C'est bien entendu le dessin qui attire l'œil d'emblée, avec non seulement les silhouettes très féminines (voire érotisées) de Turner, mais aussi cette impression de vastitude liquide, de sérénité marine, qui traverse l'intégralité de Fathom, avec le remarquable apport de J.D. Smith et Peter Steigerwald, qui transcende de nombreuses pages. 


Alors oui, le personnage d'Aspen incarne le stéréotype féminin en vogue dans les années 1990 : longiligne, visage magnifique, de grands yeux et des lèvres charnues, bref un modèle également utilisé par J. Scott Campbell ou encore toute l'armada des dessinateurs Image Comics. Parfois certaines poses laissent penser que la longueur de ses jambes correspond à deux fois le reste du corps, ou encore appartiennent au répertoire du contorsionniste le plus doué. Les personnages masculins ne sont pas en reste. Que ce soit Killian, ou le pilote Chance (et son frère), la testostérone abonde, la mâchoire est saillante et bien carrée, les muscles aussi nombreux que parfois improbables, avec une force et une virilité ultra développées. Le ton global du récit est initialement tragique et grandiloquent. Derrière des intentions écologistes et un discours de défense de l'environnement qui dénonce l'incurie des hommes, sa cache rien de moins que la fin du monde, des scènes apocalyptiques où toute vie menace de disparaître, où les océans pourraient bien se vider (!) ou l'eau des lacs et des mers forment des bulles géantes en lévitation au dessus de leurs surfaces, provoquant tsunamis et autres phénomènes catastrophiques. Après ce premier arc narratif bien sérieux et sombre, Turner a voulu adoucir un peu les choses en nous présentant le personnage de Baha, une sorte d'Achab qui implique Aspen dans sa chasse folle à un mastodonte des océans nommé Big Moe. Et là aussi, Turner se surpasse au dessin, notamment dans la représentation du vaisseau de Baha, le Spelunker, très fouillée et systématiquement offerte au lecteur sous de nouveaux angles de vue. Voilà qui s'appelle ne pas s'épargner ! Bien que Fathom ait été initialement publiée par Top Cow Productions, la série a été rapatriée par Turner lui-même chez son nouveau label indépendant, Aspen MLT Inc. Une décision qui a déclenché bien des controverses avec le label fondé par Marc Silvestri pour les droits du titre, et ceci alors que Michael Turner devait commencer à lutter contre une terrible maladie qui allait l'emporter très prématurément, en 2008. La certitude, en relisant les pages de Fathom, et très prochainement (nous en reparlerons très vite) celles de Soulfire, est que nous avons perdu là un artiste d'exception, qui avait encore tant à raconter et illustrer. Pour terminer signalons l'existence d'un crossover, dans lequel Aspen rencontre Witchblade et Lara Croft. Vous ne verrez pas celles-ci dans cette Intégrale, toujours pour ces questions épineuses de droits. Frustration quand tu nous tiens. 






LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : SPIROU L'ESPOIR MALGRÉ TOUT


 Dans le 129e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente la quatrième et dernière partie de L’espoir malgré tout, album que l’on doit à Émile Bravo, édité chez Dupuis. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

– La sortie de l’album Les reflets du monde — En lutte de Fabien Toulmé, un titre édité chez Delcourt dans la collection Encrages

– La sortie de l’album Les fleurs de la guérilla que l’on doit à Lorenzo pour le scénario, Léo Trinidad pour le dessin et aux éditions Les Arènes BD

– La sortie de l’album Soixante printemps en hiver que l’on doit au scénario d’Ingrid Chabbert pour le scénario, Aimée de Jongh pour le dessin et aux éditions Dupuis dans la collection Aire libre

– La sortie de l’album Automne en baie de somme que l’on doit à Philippe Pelaez pour le scénario, Alexis Chabert pour le dessin et c’est édité chez Grand angle

– La sortie de l’album Djemnah les ombres corses que l’on doit à Philippe Donadille pour le scénario, Patrice Réglat-Vizzanova pour le dessin et c’est édité chez Delcourt

– La réédition de l’album Trompe la mort que l’on doit à Alexandre Clerisse et aux éditions Dargaud








 

 

JUDGE DREDD LES AFFAIRES CLASSÉES : TOME 7 CHEZ DELIRIUM


À chaque fois que j'ai l'occasion de discuter avec un lecteur de bande dessinée qui ne s'intéresse absolument pas au Judge Dredd,  l'excuse est plus ou moins la même : il s'agit selon lui d'un comic book violent avec pour protagoniste un personnage pseudo fasciste qui impose sa loi par la force; bref, le Punisher avec une moto et un insigne. Sauf que cette définition sommaire passe complètement à côté de son sujet, c'est-à-dire qu'elle ignore la drôlerie, le sarcasme, le commentaire politique et social qui sont présents
 dans la très grande majorité des aventures du juge. Si vous ne me croyez pas, vous pouvez toujours faire un tour chez Delirium, qui propose dans la collection Les affaires classées tous ces récits qui ont fait les grandes heures du magazine anglais 2000 AD. Nous en sommes au tome 7 qui couvre les numéros 271 à 321, c'est-à-dire les années 2104 et 2105, si nous nous en tenons à la chronologie inhérente à l'histoire. Et c'est une période particulièrement dramatique, puisque la Guerre de l'Apocalypse vient de se terminer. Du répit certes, mais quel est le nombre des victimes et l'étendue des dégâts, alors que la ville de Mega-City One est un chantier incroyable; tout est à reconstruire ou à refaire. Dès les premières histoires; nous avons droit à des tranches de vie savoureuses, comme par exemple le terrible Leglock, un robot catcheur qui assoit son autorité à travers la violence et l'art si particulier qu'il pratique. La ville est aussi l'objet d'une attaque singulière, celle de la Ligue des Fatties, qui veulent imposer la loi du plus gras. Les denrées alimentaires manquent, comme tout le reste d'ailleurs, et évidemment les plus obèses exigent plus de nourriture pour conserver leur bel aspect dodu bien gras. Une ode à l'égoïsme et l'individualisme qui frappe juste et qui nous fait bien rire. C'est ensuite l'apparition d'un mystérieux champignon vénéneux et radioactif, dont les spores provoquent d'horrible éruptions cutanées, puis la mort. Fongus, tel est le nom de ce fléau qui commence à se répandre un peu par hasard. La résolution de cette histoire passe par une morale fréquente dans Judge Dredd : pour le bien de la communauté tout est possible, y compris ce qui à nos yeux d'occidentaux bien élevés est considéré comme totalement amoral. La critique de la société des médias n'est pas épargnée, avec un animateur de jeux télévisés un peu raté, qui pour se venger de ses déboires enlève puis torture ses collègues, en les faisant participer au Jeu des jeux, truffé d'épreuves meurtrières. Et que dire de la nouvelle campagne publicitaire pour les produits Dégueu, qui parvient à convaincre la population de se nourrir de soupe de bactéries, de rondelles de serpent, bref du pire des déchets alimentaires ? John Wagner et Alan Grant ne connaissent pas de limite, leur imagination débridée fait feu de tout bois et c'est non seulement intelligent, mais je le répète, éminemment drôle !




Bien entendu, il n'est pas possible non plus de résumer Judge Dredd à une poilade permanente, la version comics des programmes de Rires et Chansons. Le titre est aussi une excellente incursion dans la science fiction et le commentaire social et politique d'anticipation, dans un futur pas si lointain où l'ordre et la justice ont été poussés à leur paroxysme, dans une mégapole où la moindre infraction est immédiatement sanctionnée par un corps des Juges implacable, emmené par son représentant le plus zélé, qui ne prend jamais de repos, et n'accorde ou ne s'accorde pas le moindre passe-droit. La loi c'est lui, la loi c'est la loi. S'il faut tirer dans le tas pour la faire respecter, le lawgiver est l'arme adaptée. Elle dispense la loi tout autant que la mort, la sanction est le pivot sur lequel repose le respect et l'obéissance des masses. L'histoire se déroule en "temps réel" ou tout du moins adopte une chronologie cohérente, ce qui explique par exemple les conséquences de la Guerre de l'Apocalypse, ou le retour d'anciens ennemis qui se liguent contre Dredd, comme Fink Angel et son frère Mean Machine (avec ce cadran numéroté de 1 à 4 sur le front, qui lui permet de régler le degré de violence qu'il s'apprête à commettre), manipulés par l'Enfant-Juge, depuis la planète Xanadu où il est en exil. C'est ce qui explique aussi la présence d'un juge de la grande cité rivale de East-Meg One, qui ignore l'issue défavorable pour son camp de la grande guerre qui s'est achevée, et s'octroie un baroud d'honneur pathétique et pétillant avant de rencontrer Dredd. On retrouve aussi d'autres personnages récurrents, comme cet aréopage de criminels qui se réunit une fois par mois, pour trouver le meilleur mois de commettre toute sorte de délits et de se débarrasser des Juges. En vain, ça va de soi. Les dessins de ces épisodes sont réalisés en grande partie par Carlos Ezquerra, créateur du personnage, dont le trait presque caricatural donne une patine indie encore plus poussée à la série, qui contraste avec les planches plus réalistes et en phase avec les comics de super-héros traditionnels que peut produire Ron Smith (ses "presque" splash pages sont superbes et ont un vrai impact visuel). Steve Dillon est aussi l'auteur de quelques pages, où il est question du sauvage Hagg le Trappeur, et son travail également est d'excellente facture. Un tome sept riche et qui n'ennuie pas un seul instant, et reste accessible de manière indépendante, même au lecteur encore vierge de la moindre incursion à Mega-City One. C'est réjouissant, intelligent, et ça fait partie du patrimoine culturel anglais, du haut du panier de ces dernières décennies. Grok alors, c'est disponible dès maintenant !




Et n'oubliez pas que votre numéro de juin est disponible
84 pages, gratuit ! 

UNIVERSCOMICS LE MAG' #24 DE JUIN 2022 : téléchargez votre numéro gratuit


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#Lire en ligne
INVASION COMICS sur vos écrans
Sommaire :
* #DoctorStrange in the multiverse of madness, analyse du film
* Les séries mal aimées. Chiche, on reparle de #BlackLightning #ThePunisher #Watchmen et #DoomPatrol
* Tout sur les droits #Marvel au cinéma avec #AlexandreChierchia. Un long dossier foisonnant.
* Interview MCU au Play Azur Festival de Nice. On parle comics et Marvel avec #AlessandroCappuccio #FrancescoManna et #LucaMaresca
* Le cahier critique, les meilleures sorties VF du mois de juin avec des titres publiés par Panini Comics France Éditions Delcourt 404 Comics Editions Anspach Urban Comics Delirium It Comics France
* 5 minutes deux fois par jour, preview d'un magnifique album à sortir chez Shockdom France *
* Le podcast #LeBulleur nous présente le meilleur de la #BD On part faire un tour chez Dargaud Éditions Glénat BD Les Arènes BD ou encore Grand Angle
* Portfolio, à la découverte de #PhounSat artiste venu d'Alsace, un habitué et un ami de notre Mag'
* Preview vo avec #Batman one bad day : #TheRiddler
* La petite sélection des sorties Vf de juin
Cover de Final Girl Edit, allez voir ça sur Instagram, c'est vraiment chouette!
Un merci particulier à Mighty #BenjaminCarret l'homme au travail derrière le graphisme des covers.
Et un merci sincère à vous tous qui nous suivez depuis DEUX ANS ! ! ! Pour que dure l'aventure, on compte sur vous. Il vousn suffit juste de ... partager. Sur FB, les réseaux sociaux, dans vos groupes, ne vous gênez surtout pas.
N'hésitez pas à nous laisser un petit retour en commentaire.
Ce numéro est tout entier rédigé avec une pensée pour l'immense #GeorgePerez.

FAR SECTOR : LE SPACE OPERA POLITIQUE DE N.K. JEMISIN


 Une des meilleures séries consacrées à l'univers des Green Lantern met en scène un personnage que l'on pourrait qualifier de "pas tout à fait canonique" à ce petit monde. Far Sector est un album publié dans l'étiquette Young Animals, autrement dit des récits qui s'affranchissent des personnages traditionnels pour tenter d'écrire autre chose, sans s'embarrasser d'une continuité pesante, le regard tourné vers l'avenir. L'écriture est confiée à N.K. Jemisin, une romancière de science-fiction lauréate du prix Hugo, recrutée intelligemment par Gerard Way. Et cela se devine tout de suite avec la création d'un microcosme foisonnant et parfaitement structuré, qui comprend notamment une planète sur laquelle doivent cohabiter trois races différentes, qui ensemble unissent le végétal, l'organique et le technologique. Un conflit à autrefois ravagé les terres de ces populations, et aujourd'hui elles doivent vivre ensemble pour survivre.  Le meilleur moyen qu'elles ont trouvé pour assainir leurs nombreuses divergences est de se couper de toute forme d'émotion, quitte à opérer des modifications génétiques dès la naissance. Et ceux qui refusent de suivre ce précepte peuvent toujours prendre une substance comparable à de la drogue, le Proxy, pour ressentir quelque chose et se mettre en conséquence sous le coup de la loi. Bienvenue donc dans la Cité Eternelle, une métropole de 20 milliards d'habitants où le corps du Green Lantern a envoyé sa dernière recrue terrienne en date, Sojourner “Jo” Mullein, pour une enquête des plus délicates. Là-bas, si loin de tout que nous sommes aux confins du dernier secteur recensé de l'univers, un meurtre a été commis pour la première fois en cinq siècles et personne ne semble en mesure d'en expliquer les motifs. Le premier impact avec cette histoire est très positif. Un travail de world building riche et cohérent, et une héroïne au look d'enfer, une parfaite Lantern des temps modernes, aussi bien dans son identité personnelle (Sojourner est noire, elle apprécie également les femmes, elle a connu le racisme, la pauvreté, les coups bas de la vie et des institutions, sa silhouette n'est pas exactement longiligne...) que dans son look de super héroïne. Une coiffe délicieusement moderne et rétro dans le même temps, des lunettes virtuelles grand format qui ornent son joli minois, un uniforme seyant et rigoureux qui expriment parfaitement son rôle, sa mission. Et la Cité dans laquelle elle évolue a bien besoin d'ordre et de décision, car les enjeux politiques vont vite prendre le dessus, au risque que couve une véritable implosion. La Révolution !  


Le point fort de cette aventure est donc l'incroyable représentation de ce monde étrange et futuriste, qui est faite par la  scénariste N.K.Jemisin. Trois espèces différentes qui doivent cohabiter sur une même planète, après s'être entretuées durant des années. La palme revenant à des symbiotes cybernétiques capables de ce matérialiser dans le monde réel, et qui dans l'espace virtuel qu'ils occupent normalement, se nourrissent de mème, avec une préférence pour ceux venant de la Terre et qui mettent en scène des petits chats. Les Keh-Topli sont aussi particulièrement gratinés : ce sont des plantes sociales carnivores qui aiment dévorer leurs victimes, non sans auparavant leur demander leur consentement. Le Protocole émotionnel lui n'est pas du goût de tout le monde, et la population commence à protester et à se soulever. Là où le lecteur est surpris, c'est devant la féroce réaction du gouvernement, qui décide de tirer dans la foule, ce qui a le don de faire sortir notre "Jo" de ses gonds. Elle va devoir composer avec un élément politique et diplomatique qu'elle ne maîtrise pas, ainsi qu' avec une culture très différente de la sienne. Seule, abandonnée dans un secteur du cosmos où personne ne va jamais, prise entre l'enclume et le marteau, son enquête tourne également à la recherche personnelle d'un Moi profond, les raisons pour lesquelles on en vient à endosser ce genre de responsabilité, quand on en a pas encore tout à fait l'expérience. Notre Lantern bénéficie d'un anneau qui ne nécessite pas d'être rechargé régulièrement (il le fait tout seul) mais qui est moins spectaculaire en terme de puissance. L'ensemble est bien entendu magnifié par le travail de Jamal Campbell, qui s'il peut sembler un peu froid et artificiel par moment, est d'une grande beauté et d'une grande efficacité quand il s'agit de représenter le fantastique et le cosmique. Il est l'instigateur d'une grande partie de la réussite de Far Sector, c'est évident.  Un album qu'on recommandera toutefois à ceux qui savent bien ce qu'ils vont acheter et qui aiment ce type d'aventure sociopolitique, capable d'échafauder tout un univers complexe, à base de races et de castes différentes voire antagonistes. Même au fin fond du cosmos, certaines dynamiques sont si proches de nos tares toutes terriennes... Si c'est votre délire, cet album est même carrément indispensable.



Notre numéro de juin est sorti ! 84 pages et gratuit ! 

PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE

Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terro...