FANTASTIC FOUR FIRST STEPS : DES PREMIERS PAS AVEC STYLE ET PARESSE


Spoiler possible (au sujet de comment arrêter Galactus uniquement)

 Avec The Fantastic Four : First Steps, Marvel Studios tente une nouvelle fois de réhabiliter ses pionniers mal-aimés du grand écran. Après une succession d'échecs plus ou moins retentissants en guise de fardeau, et un MCU en perte de vitesse (ne nous voilons pas la face), cette itération réalisée par Matt Shakman, sur fond de sixties réinventées et de crises existentielles, se veut à la fois reboot, manifeste esthétique et film à taille humaine. Mission réussie ? Pas tout à fait. Enfin, ça dépend de ce qui vous pousse à le voir, en fait. Sur le papier, l’idée est séduisante : abandonner le poids de la super continuité pour livrer un film autoportant, centré sur la dynamique familiale des Quatre Fantastiques. Et de fait, le film commence fort. Reed, Sue, Johnny et Ben ont déjà leurs pouvoirs, leur notoriété et leur QG sur Terre-828, une réalité alternative où l’architecture rétrofuturiste, les voitures volantes et les montres parlantes ont remplacé les références aux Avengers. Plus besoin de se farcir quinze films et six séries pour comprendre qui est qui : ici, chacun arrive en scène avec son rôle et sa charge symbolique. Et au diable la sempiternelle origin story, alors traitée à la manière d'un documentaire, film dans le film. Mais derrière cette liberté apparente se cache un paradoxe. En démarrant dans le vif du sujet, Shakman gagne du temps, mais perd en intensité. L’attachement aux personnages, censé être immédiat, tarde à se produire. L’intelligence scénaristique, qui condense les enjeux familiaux et cosmiques dans une intrigue resserrée, ne suffit pas toujours à pallier un déficit d’émotion qui s'avère assez criant, à plusieurs reprises. L’atout majeur du film reste son duo central : Pedro Pascal, en Reed Richards, incarne assez bien l’archétype du savant brillant rongé par ses doutes, tandis que Vanessa Kirby électrise l’écran en Sue Storm. C’est elle, véritable colonne vertébrale du récit, qui mène l’action, résout les conflits, et donne au groupe une humanité crédible. La scène de dialogue avec l’Homme-Taupe – réjouissante apparition burlesque de Paul Walter Hauser – résume à elle seule l’équilibre étrange du film : entre sincérité et second degré, absurdité et drame. L’intrigue, quant à elle, repose sur un dilemme audacieux : Galactus accepte de ne pas détruire la Terre, il réclame en retour… le fœtus de Sue. Un twist inattendu, presque dérangeant, qui aurait pu nourrir un drame dense sur la parentalité, le sacrifice et l’autonomie. Malheureusement, l’idée, puissante sur le papier, se dilue dans un final trop expéditif. La confrontation avec le Dévoreur de Mondes – massif mais fade – manque d’ampleur, et le prix à payer, pourtant déchirant, est traité sans réelle gravité.



Le reste du casting tient la route, sans vraiment sortir du lot. Johnny Storm amuse sans éclat, malgré une relation intrigante avec la Silver Surfer (Julia Garner, magnétique mais sous-exploitée). Ben Grimm, quant à lui, est relégué à l’arrière-plan, victime d’un montage visiblement amputé. Une bluette vaguement esquissée avec une institutrice (Rachel Rozman, rien à voir avec Alicia Masters) n’y change rien : La Chose reste ici un second couteau émouvant mais sacrifié. Visuellement, First Steps est un festin. Couleurs vives, décors stylisés, musique de Michael Giacchino aux accents sixties : l’univers alternatif séduit l’œil, même si l’ensemble finit par ressembler à une belle maquette sans âme. Le film hésite sans cesse entre plusieurs tons : space opera, fable familiale, parodie méta, épopée mélancolique… et finit par n’être vraiment aucun des quatre. C'est bubble-gum à souhait, joli, mais ça ne sert aucun ressort scénaristique (et ça permet de botter en touche pour ce qui est de raccrocher les wagons. Pour l'arrivée des F4 aux côtés des Avengers, il faudra patienter). En comparaison directe avec le Superman de James Gunn, sorti la semaine dernière, la défaite est patente. Là où Gunn parvient à infuser une modernité émotionnelle et sociétale dans un mythe archétypal, First Steps reste prisonnier d’une prudence stérile. On devine l’envie de bien faire, de surprendre, de réinventer. Mais tout semble bridé : les pouvoirs sont utilisés à minima (Mister Fantastic n'est pas si fantastique), l’humour est timide, les enjeux sont désamorcés. Hors de question de déplaire à une partie du public (sauf les défenseurs hardcore de Norrin Rad, bien entendu), là où Superman assume pleinement une vision anti trumpiste du monde et de l'Amérique. L'absence de prise de risque qui nous irrite tant, c'est par exemple lorsqu'il est question d'aborder de front la réaction de Reed Richards, lorsqu'il réalise que le sacrifice de son fils pourrait être le seul moyen de stopper Galactus. Le film aurait vraiment pris de l'ampleur s'il avait tenté d'insinuer sérieusement le doute, mis la petite famille au pied du mur ; au lieu de cela, tous ces choix atroces sont rapidement évacués (si j'y pense ? Non, Sue, je blaguais) tout comme d'ailleurs les réactions de la foule. Imaginez un peu une planète entière sur le point d'être dévorée, mais qui aurait encore une chance de s'en sortir, si pour cela on sacrifiait à sa cause un nouveau-né… Vous pouvez parier que la population se déchaînerait contre les Fantastiques et ferait tout ce qui lui est possible pour s'emparer du bambin. Tout au plus, on se contente de quelques huées et de journalistes qui boudent. C'est assez hautement improbable, tout comme il est dommage que la figure christique du Silver Surfer soit galvaudée et résumée, à un certain point, en une autre histoire de maternité. Au peuple irréductible de "le Surfer est un homme", objectons qu' il a en partie raison et en partie tort, puisque nous sommes de toute manière dans un univers parallèle non canonique, ce qui exclut pas à l'avenir de faire intervenir un Norrin masculin traditionnel, lorsque le travail de couture aura été réalisé, c'est-à-dire lorsque les Fantastiques auront rejoint la timeline classique du MCU. Ce sera pour très bientôt comme on peut s'en rendre compte dans une des deux scènes bonus à la fin du film. La seconde est totalement inutile et si vous partez avant la fin du générique, sachez que vous ne perdrez absolument rien pour la compréhension de ce qui suivra. Alors, échec ou (re)fondation prometteuse ? Disons que The Fantastic Four: First Steps est un film qui veut tout reprendre à zéro… sans oser prendre de vrais risques. Il avance prudemment là où il pouvait (dé)foncer. La famille est là, le terrain est balisé, nous voici rassurés. Pour le grand frisson, on verra plus tard.



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : L'AMOURANTE


 Dans le 203e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente L’amourante que l’on doit à Pierre Alexandrine, un ouvrage publié chez Glénat. Cette semaine aussi, il revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

La sortie de l’album Traqué dans l’espace que l’on doit à Chris Baldie et Michael Park qui cosignent le scénario pendant que Chris Baldie s’occupe de la partie dessin, un album paru aux Aventuriers d’ailleurs

La sortie du deuxième tome de la série La marche brume, un titre baptisé Les chimères que l’on doit à Stéphane Fert et qui est édité chez Dargaud

La sortie de l’album Vipère au poing, adaptation en bande dessinée par Frédéric Rébéna du roman signé Hervé Bazin, un titre paru aux éditions Rue de Sèvres

La sortie de l’album Mecs in progress que l’on doit à Lauraine Meyer avec la participation de Noëlla Bugni-Dubois pour un titre édité chez Steinkis

La sortie de l’album Qui arrête les colombes en plein vol ? un album que signe l’autrice Séverine Tales pour les éditions Payot graphic

La réédition au format poche de l’album Patrick Dewaere, et plus largement des 5 albums que sortent les éditions Glénat dans ce format, un titre signé Laurent-Frédéric Bollée au scénario et Maran Hrachyan au dessin.



 

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BATMAN SILENCE : NOUVELLE EDITION AVANT … HUSH 2 !


 Paru entre 2002 et 2003, Batman : Hush fête aujourd’hui ses 23 ans sous la bannière d’Urban Comics. Avant la suite (Hush 2) inattendue, qui pointe le bout de son nez en cet été (mais qui a déjà du retard aux States). L’occasion rêvée de revenir sur cette saga événement signée Jeph Loeb au scénario et Jim Lee au dessin, une œuvre qui conjugue polar, action débridée, romance contrariée et fan-service maîtrisé avec une virtuosité qui continue d'impressionner deux décennies plus tard. Ou de fatiguer, c'est selon. Tout commence dans les égouts nauséabonds de Gotham, où Batman pourchasse un Killer Croc plus difforme que jamais. Le justicier l’emporte sans sourciller, mais l’affaire se complique : la rançon destinée à libérer un riche otage a été subtilisée. L’élégante Catwoman y est pour quelque chose, mais la belle est sous l’influence de Poison Ivy, dont les courbes vénéneuses pourraient réveiller un cadavre. Batman tente d’intervenir, mais une mystérieuse main coupe son filin, le précipitant dans une chute brutale. Gravement blessé, Bruce Wayne est opéré par Thomas Elliot, un vieil ami d’enfance devenu neurochirurgien de génie — et accessoirement nouvelle figure majeure dans cet échiquier mouvant. Rétabli, Batman reprend l’enquête, cette fois en duo avec une Catwoman plus amoureuse que jamais. Leur relation atteint un sommet torride à Metropolis, sur les traces d’Ivy, où Superman — lui aussi manipulé — s’invite pour un combat fratricide d’anthologie. Au fil des épisodes, les pièces du puzzle se mettent lentement en place. Après chaque confrontation, une silhouette inquiétante apparaît, visage bandé à la manière d’une momie, tirant les ficelles depuis l’ombre. Ce personnage énigmatique, baptisé "Hush" (Silence), cristallise rapidement tous les soupçons. Est-il un vieux fantôme du passé, un pion déguisé, ou le vrai maître du jeu ?



Ce qui fait la force de cette histoire, ce n’est pas seulement la succession de péripéties ou le défilé de la quasi-totalité de la galerie gothamite — le Joker, Harley Quinn, l’Épouvantail, Ra’s al Ghul, Double-Face, et même Huntress — mais bien la manière dont tout s’agence dans une chorégraphie de tension parfaitement réglée. Certains y verront une simple revue d’effectif destinée à briller en vitrine. D’autres comprendront que c’est justement cette immersion dans l’univers complet du Chevalier Noir qui rend Hush aussi addictif qu’efficace. Et puis il y a Jim Lee. Rarement un artiste aura autant électrisé une série Batman. Son trait précis, dynamique, spectaculaire, redéfinit la grammaire visuelle du personnage pour toute une génération. Chaque planche semble conçue pour devenir un poster. Chaque case déborde d’énergie cinétique. Son Batman massif, félin, toujours au bord de l’explosion, incarne une puissance contenue à la perfection. Et Lee a manifestement pris son pied à croquer tous ces visages iconiques, en leur offrant une esthétique contemporaine sans jamais trahir leur essence. Quant à Loeb, il joue avec les archétypes comme un prestidigitateur avec ses cartes truquées. Il pousse même l’audace jusqu’à livrer au lecteur ce que tant d’histoires ont évité : une relation sincère, durable (en apparence) entre Batman et Catwoman, jusqu’à l’inévitable moment où Bruce lui révèle sa véritable identité. Un fantasme geek devenu réalité narrative, depuis réemployé dans une version mariage chic et choc par Tom King. Enfin, pour ceux qui aiment percer les mystères avant l’heure, un conseil : méfiez-vous des "nouveaux personnages" trop présents, trop vite installés. Loeb, vieux briscard de l’écriture télé et comics, connaît les ficelles, et s’en amuse. Le twist final — même s’il est anticipable — n’en reste pas moins savoureux. Batman : Silence, c’est un peu comme un blockbuster estival de luxe : généreux, calibré, parfois un brin trop démonstratif, mais toujours redoutablement efficace. Une porte d’entrée idéale pour les néophytes, un plaisir visuel et narratif pour les fans de longue date. Vingt ans plus tard, cette saga reste une pièce maîtresse de la mythologie de Batman, à lire, relire, et faire découvrir.



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SUPERMAN THE WORLD : ANTHOLOGIE COSMOPOLITE POUR LE KRYPTONIEN


 Il n’y aura donc pas de jaloux. Après Batman : The World, cette anthologie cosmopolite qui offrait une série d’épisodes courts mettant en scène le Chevalier Noir dans divers contextes nationaux, c’est au tour de Superman d’avoir droit au même traitement. Le timing, il faut le reconnaître, est parfait : l’Homme d’Acier est plus que jamais sous les feux des projecteurs. Commençons pour une fois, par deux remarques qui ne sont pas des plus flatteuses, mais qu’il convient néanmoins d'aborder librement. La première concerne les équipes artistiques mobilisées ici. Il faut le noter : le principe d’une représentation “nationale” est parfois réduit à un simple prétexte. Certains auteurs choisis, comme Jorge Jimenez pour l’Espagne ou Stevan Subić pour la Serbie, sont déjà des habitués des super-héros, et travaillent régulièrement pour DC Comics. Leur confier une histoire se déroulant dans leur pays d’origine est une idée logique, certes, mais qui s’avère peut-être moins surprenante – et donc moins stimulante – que lorsqu’un véritable pont culturel est établi entre DC et un autre univers graphique. Du coup, on préférera les contributions issues d’auteurs extérieurs à la sphère super-héroïque traditionnelle. Par exemple, Fabio Celoni pour l’Italie, bien plus connu pour son travail chez Disney, propose une relecture plus audacieuse.. Deuxième réserve : les histoires elles-mêmes. Trop souvent, elles cèdent à la tentation du cliché touristique. À Florence, Superman affronte une intrigue directement inspirée de La Divine Comédie ; en Allemagne, il est question d’un acier ultra-résistant ; au Brésil, au Cameroun ou au Mexique, il se heurte à des divinités locales ou à des échos incas. Bref, on surfe sur la carte postale, sur le folklore facilement identifiable, au détriment de la singularité ou de la profondeur. Un soupçon d’audace narrative n’aurait pas été de trop. À ce jeu-là, la France s’en tire mieux que beaucoup. L’épisode signé Sylvain Runberg (avec Martial Toledano) s’affranchit des clichés en nous immergeant dans un enfer urbain très quotidien : celui du métro parisien. La population y est… disons, pas toujours des plus chaleureuses. Offrir des vacances romantiques à Lois Lane dans la Ville Lumière n’a donc rien d’une sinécure, et le couple finira par s’échapper vers une destination bien plus logique – et recommandable – pour deux amoureux venus de Métropolis : la Provence. Ce récit, drôle et malin, compte parmi les meilleurs de tout le recueil.



Il est suivi, juste derrière, par un autre excellent épisode, lui aussi particulièrement éclairant sur ce qui fait l’essence même de Superman. Et comme par hasard, il s’agit du récit américain, signé Dan Jurgens et Lee Weeks – ce dernier prouvant une nouvelle fois qu’il est un dessinateur exceptionnel. Dans cette histoire, Superman affronte une créature gigantesque venue d'ailleurs, que l’armée s’empresse de vouloir éliminer sans chercher à comprendre les raisons de son apparition. Mais Superman, ce n’est pas la peur de l’Autre. Ce n’est pas un va-t-en-guerre, ni un soldat obtus. C’est un homme – ou plutôt un surhomme – qui tente toujours de comprendre ce qui pousse l’adversaire à agir. Il tend la main avant de brandir le poing. Et ces quelques pages, d’une grande justesse, condensent à elles seules l’éthique fondamentale du personnage, et la recette de son succès depuis plus de 85 ans. S'agissant d'une anthologie, il serait totalement inutile de dresser une liste exhaustive de tous les artistes et des différents synopsis, pour chacun des épisodes. Je vous laisse le plaisir de découvrir et de picorer ; clairement, certains sont vraiment très touchants et vont vous plaire énormément, d'autres sont probablement plus anecdotiques et cela va dépendre aussi de votre sensibilité. On retrouve un Superman à ses débuts pour la parenthèse en Inde, et même un superman beaucoup plus âgé, pour ce qui est de la République Tchèque. J'en ai déjà parlé plus haut, mais j'ai aimé les pages réalisées par Jorge Jimenez, qui emmène Superman dans sa ville natale de Granada, pour une journée malheureusement sans super pouvoirs, où il va faire tout un tas de petites rencontres et tenter de rester fidèle à ses habitudes, sans être capable de voler ou être invulnérable. Toute cette petite histoire reflète très bien ce que nous savons et aimons de Superman. Petite déception pour ceux qui auraient aimé retrouver Krypto dans les différents épisodes, ou qui aurait souhaité que les récits s'ouvrent à d'autres membres de la famille, comme Supergirl : ici c'est Superman et uniquement Superman, avec en plusieurs occasions lLois Lane et plus rarement Lex Luthor, des histoires de kryptonite. Une plongée donc vers l'essentiel, qui comme toutes les tentatives de ce genre n'a pas vocation à entrer au Panthéon du genre mais juste à souligner l'universalisme d'un personnage, qui peu importe sous quelle latitude on l'observe et on le lit, conserve des caractéristiques qui font de lui le héros part excellence, une image de ce que l'être humain peut avoir de meilleur. Silence final pour le dernier épisode au Japon, qui prouve que Superman et mangas sont aussi bien assortis que le jus de pomme et le saumon. 




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SIEGE OF DARKNESS : GHOST RIDER DANNY KETCH EPIC COLLECTION VOL.6


 Dans les années 1990, Marvel aimait les chaînes, les flammes, le cuir noir et les entités infernales. Avec Siege of Darkness, on tient l’illustration parfaite de cette période où tout devait être plus sombre, plus violent, plus mystique – quitte à y laisser un peu de cohérence en route. Ne cherchez pas dans votre collection de vieilles revues Lug puis Semic, il est question aujourd'hui de matériel inédit, du sixième volume de la Epic Collection consacré à Ghost Rider Danny Ketch, le Rider incontournable pour ceux qui sont nostalgiques de cette période gothique. Tout commence là où Road to Vengeance s’achevait : Lilith, mère des monstres, revient sur le devant de la scène accompagnée de ses enfants dégénérés, les Lilin. Mais surprise : elle a changé de patron. Fini Centurious, place à Zarathos, le démon très intime qui hante les origines mêmes du Ghost Rider. Face à eux, une brochette de héros et anti-héros en quête de rédemption ou de vengeance : Ghost Rider, Blaze, Vengeance (une sorte de Rider bis, incarné par Michael Badalino, un flic aux méthodes musclées), Morbius, Doctor Strange, les Nightstalkers et quelques seconds couteaux plus ou moins possédés par leurs démons personnels. Sur le papier, tout est réuni pour un grand événement horrifique à la sauce Marvel : l’apocalypse apporté par des brumes démoniaques, des civils carbonisés par paquets de douze, des motos en feu qui déchirent la nuit, des épées mystiques, des trahisons, des tunnels secrets sous les cimetières, des rituels et, bien sûr, un vieux grimoire ou deux (le Darkhold joue un rôle central dans cette histoire). C’est une parodie d'Inferno sous stéroïdes, plus proche de Hellraiser que de Harry Potter : sérieux, brutal, sans humour (il y en a un peu, mais pas de quoi se vautrer en hurlant de rire). Mais si Siege of Darkness a tout du blockbuster infernal sur le papier, c’est aussi un chaos éditorial en 17 parties, où le récit semble aussi perdu que ses héros. Difficile de suivre la trame d’un épisode à l’autre tant la qualité et le style des dessins fluctuent : certains numéros baignent dans une ambiance poisseuse et envoûtante, d’autres sombrent dans la confusion visuelle, à tel point qu’on se surprend à se demander qui sont parfois les personnages et si l'artiste au travail sur certaines planches est un vrai professionnel, ou un amateur recruté en convention contre un ou deux sketchs.



Le vrai plaisir vient de cette galerie de personnages en roue (crantée) libre. Tout le monde y passe, tout le monde a son moment de gloire ou de chute. Certains se font liquider, d'autres disparaissent, quelques-uns réapparaîtront dans une autre série, et d’autres sombreront dans l’oubli (mention spéciale au pauvre Pilgrim, rapidement évaporé). Morbius trahit tout le monde puis se ravise, Doctor Strange tente de garder le cap avant de subir une métamorphose, et la jeune Jinx explose de rage quand elle croit que Modred a tué Louise Hastings. Et puis il y a Salomé, la Sorcière Suprême d’avant la continuity traditionnelle, qui débarque sans prévenir pour voler la vedette à tout le monde et prépare son propre arc narratif ailleurs. On adore. Ou on est consterné. L’ensemble se lit comme une descente aux enfers orchestrée par un éditeur possédé : ça sent le souffre, la panique narrative, les deadlines trop serrées, mais ça se lit d’un trait. Il y a quelque chose d’étrangement attachant dans cette volonté de tout mettre sur la table – y compris ce qu’on n’avait pas demandé. Une sorte de carnage mystico-gothique qui joue la carte de la surenchère, quitte à ne plus trop se souvenir de ce qui a été raconté dans l'épisode précédent. Ce qui peut s'avérer frustrant dans cet album, c'est finalement le peu de pages qui sont réellement consacrées à Ghost Rider; il n'est qu'un personnage parmi tant d'autres et même si c'est dans son titre que nous trouvons le dessinateur le plus intéressant, à savoir Ron Garney, il n'empêche, nous avons bien peu de matière à nous mettre sous la dent. C'est pourtant une période décisive car petit à petit, le Rider aussi, sous sa forme démoniaque, s'est attaché à Stacy, la jeune femme amoureuse de Danny… et c'est toujours dans ce même volume que la révélation va avoir lieu : l'attirance qu'elle éprouve pour ce motard à tête enflammée et tout à fait compréhensible puisqu'il s'agit bel et bien de son fiancé. Le reste du temps, tous les héros de cette histoire sont trop occupés à se taper dessus, à disparaître sur le plan mystique, à souffrir et à jurer vengeance, pour qu'on puisse vraiment s'attacher à ce qui leur arrive. Bref, c'est la sinistrose la plus totale, probablement cet instant dans l'histoire ou les comic books qui étaient devenus gothiques à souhait ont carrément viré dans le délire, sans se soucier de ce qu'ils étaient en train de raconter. Siege of Darkness aurait pu être le renouveau glorieux des Midnight Sons. Ce fut leur chant du cygne. L’événement censé les propulser a fini par les consumer. Si vous lisez l'anglais décemment, vous avez une chance de tout dévorer d'un coup. Courage ?



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SUPERMAN FOR ALL SEASONS : LES 4 SAISONS DE L'HOMME D'ACIER


 Il y a des œuvres qui s’attachent à raconter les origines d’un mythe, assez besogneuses, et d’autres qui cherchent à comprendre ce qu’il y a derrière, avec intelligence et savoir faire. Superman : For All Seasons fait indéniablement partie de cette deuxième catégorie. Publiée à la fin des années 1990 par Jeph Loeb et Tim Sale, cette mini-série en quatre épisodes se place dans le sillage de Batman : Year One ou The Long Halloween, non pour offrir une réécriture spectaculaire des débuts du héros, mais pour dresser un portrait intime, fragile et profondément humain de Clark Kent. Le pari est simple : montrer Superman non pas comme l’Homme d’Acier invincible, mais comme le garçon du Kansas qui doute, qui tombe, qui espère – et surtout, qui fait ses propres choix. Si ça ne vous rappelle pas ce que vous venez (peut-être) de voir au cinéma, que le grand cric me croque. Chaque épisode de la quadrilogie est calé sur une saison – printemps, été, automne, hiver, je ne vous apprends rien – et porté par un narrateur différent. Quatre voix, quatre regards qui participent à définir qui est Superman. Au printemps, Jonathan Kent prend la parole. C’est l’époque des promesses et des commencements : Clark est encore lycéen à Smallville, ses pouvoirs évoluent, et son identité est en pleine mutation. Cette saison inaugure une transition, celle de l’enfance vers l’âge adulte, de Clark vers Superman. Loeb y excelle dans la simplicité avec la figure du père, dépassé par ce fils devenu plus fort que lui, mais déterminé à lui transmettre une boussole morale. Tim Sale, de son côté, pare cette chronique douce-amère de couleurs pastel, de traits ronds, presque tendres, qui soulignent la chaleur d’un foyer, mais aussi le vertige d’un futur incertain. En été, c’est Lois Lane qui prend le relais. Nous voilà à Metropolis, en pleine lumière. Superman est apparu au grand jour, et ses actes héroïques captivent les foules autant qu’ils déconcertent. Pour Lois, figure cynique du journalisme urbain, l’homme venu des cieux est une énigme troublante : pourquoi, avec de tels pouvoirs, choisir d’aider plutôt que de dominer ? Cette question fondamentale irrigue toute l’œuvre. Le Superman de Loeb n’est pas une divinité bienveillante, mais un homme qui choisit chaque jour de faire le bien. La scène où il rentre seul dans son appartement, baigné d’un bleu crépusculaire, dit mieux que mille discours le poids de cette vocation. Ce serait si facile de céder, après tout.



Puis vient l’automne, le temps du doute, du déclin. Lex Luthor s’empare du récit. Génial, manipulateur, visionnaire, Luthor est ici dépeint comme un homme blessé d’amour-propre, ulcéré de voir sa ville préférer ce messie tombé du ciel. Pauvre chou. Son combat contre Superman n’est pas motivé par la kryptonite, mais par une jalousie fondée : il hait ce que Superman révèle de lui-même, son impuissance à inspirer, à élever. Et, plus retors encore, il décide de s’en prendre non pas aux muscles de son rival, mais à sa morale. C’est en cela que Luthor est grand : il comprend que la véritable faille de Superman, c’est son humanité. L’hiver, enfin, est confié à Lana Lang. Amie d’enfance, amoureuse contrariée, elle incarne à la fois le souvenir d’une innocence perdue et l’amertume d’un avenir rêvé puis trahi. Elle aussi souffre du départ de Clark, de sa transformation. L’hiver est celui des regrets, des chemins séparés. Mais c’est aussi, à travers la neige et le silence, le moment d’une renaissance. Lana et Clark, chacun à leur manière, acceptent leur solitude, et tirent de cette mélancolie une force nouvelle. Superman n’est jamais aussi grand que lorsqu’il doute – et ces Saisons nous le rappellent avec une infinie tendresse. Le point commun de ces quatre histoires, c’est Smallville. La ferme des Kent devient le cœur battant : un refuge, un repère, une ancre. Clark y revient toujours, que ce soit pour se reconstruire, pour se souvenir, ou simplement pour respirer. Là où Batman est né dans une ruelle, Superman, lui, a grandi dans un champ de maïs et baigné d'amour. Toute la différence est là. Le trait de Tim Sale sublime cette approche. Il capture à la perfection la dualité Clark/Superman : corps massif dans une salopette trop courte, puis silhouette filante dans le ciel. Son art est fait d’ellipses, de suggestions. Peu de lignes, mais toujours le bon geste. Et les couleurs enveloppent l’ensemble d’une lumière douce, presque sépia, qui évoque autant les souvenirs d’enfance que les instants suspendus. For all seasons est l’une des plus belles œuvres jamais consacrées à l’Homme d’Acier. Elle répond à une question que trop peu de récits prennent le temps de poser : pourquoi ? Pourquoi Superman est-il Superman ? Et la réponse, ici, ne tient ni à Krypton, ni au soleil jaune, ni aux collants rouges. Elle tient à une poignée de gens ordinaires, à un père et une mère qui croient en lui, à une amie d’enfance, à une ville qui l’a vu partir et où il a ses racines. Urban Comics en propose une version "prestige" depuis la fin juin, sur le modèle de ce qui vient d'être fait avec All-Star Superman.




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LE SUPERMAN DE JAMES GUNN : SUPERMAN EST TOUJOURS BEL ET BIEN VIVANT !


 Avec son Superman tant attendu, James Gunn ne signe peut-être pas un film destiné marquer à jamais le cinéma de son empreinte… mais il livre assurément un excellent film de super-héros. Un de ceux qui réussissent à conjuguer spectacle familial, réflexion humaniste et passion/connaissance pour son médium d’origine. Le pari était risqué : relancer l’univers de la Distinguée Concurrence après les échecs et les errements du DCU précédent. Mais Gunn, en vieux briscard du genre, semble avoir compris l’essentiel : Superman ne se résume pas à une cape rouge et une mâchoire carrée en béton armé. Il est, d’abord, un symbole de bonté désarmante, d’humanité sans filtre, d’espoir candide dans un monde qui s’en méfie. Subversif, non ? Dès les premières scènes, Gunn coupe court aux poncifs et nous évite la litanie des origines : pas de chute de Krypton, pas de révélation larmoyante des pouvoirs, pas même le sempiternel malentendu avec Lois Lane, qui se laisser berner par une simple paire de lunettes : ici, elle est déjà en couple avec Clark depuis trois mois et sait tout la double identité de son fiancé à l'épreuve des balles. Superman existe déjà, reconnu des foules, actif depuis plusieurs années, dans un monde où les méta-humains font partie de l’histoire depuis trois siècles. C’est un univers inédit qui n'a pas l'ambition d'être trop réaliste, inspiré par les pages bariolées des comics plutôt par les manuels de stratégie militaire. Tant mieux, car on n'en pouvait plus de la sinistrose ambiante, de l'envie de tout rendre tendu, contemporain, martial, iconique. Un peu de sain divertissement, de temps en temps, personne n'est contre. Loin du dieu tourmenté incarné jadis par Henry Cavill, le Superman de David Corenswet est sans doute le plus vulnérable à ce jour. Il saigne, vacille, doute, tombe, mais se relève. Dans le privé, il est même susceptible de se prendre le chou avec sa fiancée pour des questions déontologiques ou d'idéaux. Il n’a pas non plus besoin de lunettes pour jouer les humains : il l’est profondément, jusque dans ses maladresses, ses hésitations, et une politesse old school qui ferait rougir Captain America. Gunn le montre généreux, parfois naïf, mais jamais ridicule. Une figure de l'héroïsme d'autrefois, devenue presque incongrue à force d’être sincère, qui mord la poussière et s'en remet à un super chien (Krypto) quand les événements l'y poussent. Face à lui, un Lex Luthor glaçant, campé par Nicholas Hoult, mi-Elon Musk mi-sociopathe visionnaire, obsédé par le pouvoir technologique et la domination symbolique. Certes, le personnage manque clairement d’épaisseur et de subtilité, mais sa dangerosité réside justement dans cette simplicité brutale : il incarne les travers d’un monde obsédé par le rendement, l’influence et l’immortalité digitale. Son armada de singes-bots occupés à troller Superman sur les réseaux sociaux est une des fulgurances les plus drôles et mieux senties de toute l'histoire des cinécomics. Rien que pour ce genre de moment, on l'aime, James Gunn.



La réussite du film repose aussi sur son casting presque impeccable. Rachel Brosnahan donne à Lois Lane un mélange d’aplomb, d’ironie et de détermination qui en fait une co-protagoniste à part entière, sans avoir besoin de la sexualiser à outrance. Les personnages secondaires, de Jimmy Olsen à Guy Gardner en passant par Mr. Terrific ou Hawkgirl, existent chacun à leur manière, sans jamais faire tapisserie. Et sans qu'il soit nécessaire de revisiter leurs costumes improbables des comics, sans parler de l'odieuse coupe au bol du Green Lantern, nec plus ultra de l'audace capillaire. Même les scènes d’action, un peu trop nombreuses en fait, sont convaincantes et nous font trembler pour un héros qui à priori à toutes les cartes en règle pour s'en sortir sans gros ennuis. Ce Superman ne se contente pas de tordre le cou aux habitudes : il revendique un héritage, celui du Superman de Richard Donner, dont il utilise ouvertement le thème musical, tout en injectant çà et là des clins d’œil à All-Star Superman, aux Super Friends, ou à d'autres versions plus loufoques du passé. Gunn connaît la matière, et surtout, il en devine le potentiel. Il sait que Superman, depuis ses origines, est un personnage politique, un immigré surpuissant dont l’histoire parle d’exil, d’acceptation, et de bien commun. Pas besoin de discours appuyés : le film le rappelle avec tact, humour et une forme de tendresse un peu désuète mais assumée. De quoi donner des sueurs froides aux super trous du cul qui parlent de long métrage super woke. Cet instant jouissif et pathétique où vous réalisez que malgré des décennies d'aventures et une ribambelle de films, ces rachitiques du bulbe n'ont toujours pas saisi qui est Superman. Alors oui, tout n’est pas parfait. La bande-son, sans éclat. Quelques longueurs en milieu de parcours. Un monde en construction qui peine parfois à trouver son équilibre entre exposition et narration. Mais ces défauts, loin d’handicaper le film, lui donnent un certain charme artisanal (c'est drôle quand on connait le budget), une sincérité qui contraste agréablement avec le cynisme ambiant du genre. Avec Superman, James Gunn lance son DC Universe sur des bases solides : pas de révolution esthétique, pas de complexité tordue à la Nolan, pas de testostérone monochrome à la Snyder. Juste un film qui croit encore en quelque chose, qui croit aussi que le super-héroïsme dans les salles obscures peut avoir des lendemains qui chantent encore. C’est peut-être ça, aujourd’hui, être original, ou punk rock, comme le dit Lois à un certain point. Ramer contre le courant pour se rapprocher de la source, accepter l'idée que ce n'est pas l'exotisme de la destination qui compte, mais là où on veut aller vraiment, et pourquoi. Gunn a coché presque toutes les cases, sans avoir peur de la dérision, du grand guignol, du ridicule. Il a fait un film qui ressemble fort à ce qu'il aime trouver dans un comic book, et par là-même, il a peut-être bien ressuscité tout un genre moribond et lui a offert un semblant de début de nouvelle légitimité. Super fort, non ?



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