En janvier, c'est le coup d'envoi de la présence d'Urban Comics en librarie, nouveau label spécialisé dans les comic-books, appartenant à Dargaud. Les titres Dc comics sont tombés dans l'escarcelle d'Urban, et cela concerne également la ligne Vertigo, ou Mad. Pour commencer, c'est un des chefs d'oeuvre absolus du genre qui est reproposé, à savoir Watchmen, dans une version luxueuse, de 464 pages pour 35 euros. On pourra objecter que Panini avait déjà offert plusieurs versions différentes de ce pavé il y a peu, dont une économique à quinze euros qui a fait le bonheur des bourses moins garnies. Oui mais voilà, la traduction si ambigüe et difficile du texte d'Alan Moore a toujours fait polémique, et cette fois c'est celle dite "de référence", de Jean-Patrick Manchette, qui a été réutilisé et réadaptée pour allécher les lecteurs. La nouvelle est d'importance (le lancement d'une nouvelle maison d'édition, la sortie d'un tel monument, même si ce n'est pas une première...) au point que le Figaro s'est fendu d'un article sur Watchmen, que je reproduis ci dessous, pour ceux qui ne l'auraient pas lu. Ajouter une énième critique "originale" sur un tel ouvrage déjà étudié en long, en large, et en travers, me semblait totalement superflu.
L'histoire
1985, dans une Amérique dystopique au bord de la guerre nucléaire et dirigée par un Nixon dans son sixième mandat. Le Comédien, super-héros à la retraite, est assassiné. Rorschach, l'un de ses anciens compagnons de patrouille, mène l'enquête. Remontant le complot qui a conduit à ce meurtre, il reprend contact avec d'autres justiciers en cessation d'activité, parmi lesquels le Dr Manhattan, seul d'entre eux à détenir de réels super-pouvoirs et clé de voûte du précaire équilibre mondial.
Les auteurs
1985, dans l'industrie de la bande-dessinée américaine, dominée sans partage par Marvel et DC Comics. Alan Moore est la figure de proue, avec Neil Gaiman et Grant Morrison, d'une vague de scénaristes britanniques baptisée «British Invasion». Il propose à DC de remettre au goût du jour Blue Beetle, Question, Captain Atom, et quelques autres héros de l'éditeur Charlton Comics, dont DC a récemment racheté la licence. La maison retiendra son synopsis (l'enquête autour de la mort d'un super-héros vieillissant) mais pas les personnages. D'autant plus libre, Alan Moore applique à ses protagonistes un traitement de choc qui traumatisera durablement le milieu du comics. Ici, les héros sont dépressifs, vieillissants, bedonnants, parfois psychopathes ou indifférents au sort de l'humanité.
Moore fait équipe avec le dessinateur Dave Gibbons, lui aussi britannique, et qui pousse plus encore le scénariste vers l'extrême. Le tandem se pose des contraintes formelles, tel le “gaufrier” de trois cases sur trois, et expérimente un grand nombre de techniques de narration graphique.
Cette nouvelle édition française est produite par Urban Comics, nouveau label de Dargaud qui inaugure avec Watchmen sa reprise du fonds DC. Impossible de ne pas citer ici le retour de la traduction du romancier Jean-Patrick Manchette, livrée pour la première édition française (à partir de 1987 aux éditions Zenda) et révisée ici par son fils Doug Headline. Un texte d'une poésie rugueuse qui rend justice à l'âpreté du monde des Watchmen et au texte original de Moore.
L'avis du Figaro
La place de Watchmen au panthéon de la bande-dessinée anglo-saxonne et mondiale ne fait pas de doute. Polar «hard-boiled», roman graphique, comics de super-héros et oeuvre de science-fiction tout à la fois, Watchmen n'est pas seulement une excellente bande-dessinée. Elle est aussi de celles qui ont durablement influencé les suivantes.
Oeuvre sado-masochiste dans ses thèmes comme dans sa structure, Watchmen marque l'industrie de la bande-dessinée comme on marque un cheval. Douloureusement, et avec un certain sens de la domination.
Selon l'expression de François Hercouët, directeur éditorial d'Urban Comics , Watchmen est ainsi la «pierre de Rosette» de comics de super-héros modernes. Prenant le risque de décevoir en touchant ce veau d'or de la BD, Urban Comics transforme pourtant ce premier essai: objet de luxe, traduction enfin à la hauteur, papier de qualité, le tout agrémenté de 50 pages de bonus. Une première sortie qui laisse penser que l'incroyable catalogue DC a enfin trouvé des passeurs capables de lui rendre justice en France.
Un éloge à peine déguisé du travail d'Urban Comics, qui sans prendre de risque ou innover particulièrement, propose en effet une version de haute qualité, qui ravira à coup sur les inconditionnels d'Alan Moore. Je n'ai pour ma part jamais douté de la volonté d'Urban de publier des volumes classieux et dignes de figurer aux meilleurs loges de nos bédéthèques. J'attend juste de voir si les choix éditoriaux des prochains mois seront marqués du sceau de l'audace et de la passion, celles qui poussent un éditeur à prendre parfois des chemins de traverse pour ammener le lecteur à découvrir de petits bijous, sans se soucier uniquement et paroxistiquement des chiffres de vente et du caractère commercial des oeuvres à adapter. Un exemple? Animal Man, de Jeff Lemire. Chers nouveaux amis d'Urban Comics, pensez-y, please !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous nous lisez? Nous aussi on va vous lire!