BATMAN : QU'EST-IL ARRIVE AU CHEVALIER NOIR ?

Entre les événements de Batman R.i.p et ceux de Final Crisis, Batman en a pris pour son grade. Tout le monde le croit mort, d'ailleurs, tombé devant les rayons Oméga de Darkseid. Du coup, Dc comics a concocté un récit un peu particulier, confié au talent onirique sans pareil de Neil Gaiman. On y raconte les funérailles de Batman, plus que celles de Bruce Wayne, avec la majordome Alfred en maître de cérémonie. Tous les grandes figures du crime de Gotham viennent se garer dans la ruelle de Crime Alley, pour y aller de leur hommage, dans l'arrière-boutique d'un bar sordide. Au passage ils confient leurs clés à la petite frappe de service, et c'est l'occasion d'un running gag sympathique et bien trouvé. Selina Kyle est de la partie, escortée par une escouade de chats. Sauf qu'elle ne ressemble en rien à la Catwoman que nous connaissons. Ni même d'ailleurs les autres intervenants. Ce sont eux, et ce ne sont pas eux. Des détails divergent, nous ne sommes pas dans notre réalité, peut être rêvons nous, peut être est-ce le délire de Bruce Wayne à l'article de la mort, qui revoit et rejoue certains moments de son existence, comme lorsqu'il croit voir sa mère se matérialiser en sa présence. Pendant ce temps, plusieurs personnages racontent comment est mort Batman. Chacun y va de sa version, qui sont toutes des variations sur le thème, sur ce qu'aurait pu être la carrière du justicier de Gotham, comment elle aurait pu prendre fin. Mention particulière pour le témoignage mortuaire d'Alfred, qui propose un récit ultra bien ficelé, dans lequel le Chevalier Noir affronte une galerie de saltimbanques déguisés en criminels, afin d'entretenir une illusion, une comédie, qui permette à Bruce de trouver un sens à sa vie. Le Joker est de la partie, et il en est donné ici une représentation inédite et saisissante, dans un jeu de masques et de faux-semblants remarquables.
Gaiman livre donc une prestation de grande qualité, mais n'oublions pas Andy Kubert. Les nombreux détails de ses planches, le soin tout particulier fourni aux anatomies et aux décors, la tentative souvent réussie d'émuler le style des grands anciens qui l'ont précédé sur le titre, en rendant hommage à leurs styles respectifs, tout ceci sonne comme une réalisation aboutie et marquante. Whatever happened to the Caped Crusader s'étale en fait sur deux numéros, à savoir Batman #686 et Detective Comics #853. Ils ont été publiés en Vf sur les pages de Batman Universe #1 (Panini) mais il existe également une version librairie, toujours chez Panini, pour ceux qui pensent (et je les comprends) qu'un tel comic-book mérite meilleur écrin. Une des histoires les plus intéressantes du Batman de ces dix dernières années.


THE LEGENDARY STAR-LORD #1 : LA REVIEW

Tout l'art de l'exploitation consiste à guetter quand la poule aux oeufs d'or s'apprête à pondre, pour en récolter et vendre le plus grand nombre possible. Avec la sortie en août du film Guardians of the Galaxy, l'heure est venue de lancer des "séries dérivées" avec notamment cette semaine le premier épisode de Legendary Star-Lord. Le leader des Gardiens a le droit d'avoir une vie en solo, et c'est celle-ci qui est au centre de l'intrigue. Peter Quill nous est brièvement résumé, depuis ses drames de l'enfance jusqu'à aujourd'hui, par un Sam Humphries qui joue la carte du fun et de la décomplexion. Le personnage est mis en lumière comme une espèce de barbouze de l'espace, qui ne dédaigne pas les coups foireux et les bonnes blagouzes en action, pour sauver sa peau et faire le bien, si c'est possible au passage. Les méchants de l'histoire sont des badoons (une race extra-terrestre en pleine bourre ces temps derniers) et l'objet des attentions d'un peu tout le monde une gemme d'une valeur inestimable, qui a été déposée dans un orphelinat. Star-Lord se retrouve au milieu de tout cela, apparaît par moment comme un voleur de bas-étage, et à d'autres comme un Robin Hood du cosmos. Paco Medina est aux dessins, ce qui crée une sorte de continuité avec d'autres titres du genre, à commencer par Nova. C'est propre, beau, mais aussi lisse et calibré parfaitement pour séduire le public le plus large possible. Chez Marvel, un grand courant diviseur est en train de s'élargir. Avec d'un coté des titres plus expérimentaux, aux dessins parfois difficiles d'accès (Elektra, Moon Knight) pour les nouveaux lecteurs, et aux scénarios fouillés et complexes, ou simplement décalés. Et de l'autre des séries qui ressemblent à de grosses bombes commerciales, du texte à la mise en page, qui sont programmées pour exploser avec le plus de dégâts possibles. Legendary Star-Lord appartient à cette catégorie. Action, humour, coolitude totale, Peter Quill n'est peut être plus aussi novateur et innocent qu'il ne l'était il y a quelques années sous l'ère Abnett et Lanning, mais il se rapproche toujours plus de ce qu'il devrait être au cinéma, dans le film qui ne saurait tarder. Les Guardians of the Galaxy de nos comics et du grand écran sont appelés à converger le plus possible, qu'on le veuille ou non. En attendant, on tient là un mensuel sympathique et direct. Mais sans grandes prétentions artistiques. Entertainment, avant tout. 


SANDMAN VOLUME IV

La somptueuse réédition de Sandman, chez Urban Comics, se poursuit avec le quatrième tome. Comme d'habitude, cette parution est à classer au rayon des indispensables. Elle s'ouvre sur un bref épisode qui s'interroge sur la peur de choir dans les rêves, avant de poursuivre avec les aventures oniriques de Daniel, un bébé qui se retrouve aux pays des rêves le temps de sa sieste. L'occasion de profiter des dessins de Jill Thompson, qui signe aussi la longue introduction de ce tome. Le trait est pur, suffisamment allusif et éthéré pour être toujours clair et lisible, même dans les scènes les plus étranges ou fantastiques. C'est elle qui officie le plus souvent dans le volume 4 et nous ne nous en plaindrons pas, tant son entente avec Gaiman a produit des épisodes riches et marquants. Le Sandman Special #1 est lui oeuvre de Gaiman et Bryan Talbot. C'est un moment important dans la saga, puisqu'il est consacré à la légende d'Orphée, ce musicien et chanteur magnifique capable d'émouvoir et de faire pleurer les Dieux et les Furies. C'est aussi une grande histoire d'amour, redéfinie, explicitée, approfondie, sous forme de bande-dessinée. Un coup de maître. Orphée aime et épouse Eurydice, en la présence des Infinis, Sandman et le reste de la famille. Mais un drame vient ponctuer la fête, et pour retrouver celle qu'il aime, Orphée est résolu à descendre jusqu'aux enfers, et à y arracher sa bien-aimée. Ce qui parait bien difficile, mais pas impossible. Sauf que même quand on parle de l'outre-tombe, il faut avoir un minimum de foi pour que les souhaits deviennent concrets. Dans des moments comme ceux-là, le comic-book devient oeuvre d'art totale, et on ne peut que remercier Gaiman pour avoir su nous abreuver d'une telle prose en images, dont on ne se lasse pas. 


Commence alors l'arc narratif Vies brèves, signé Gaiman et Thompson, qui court de Sandman #41 à #49. Le délire, la petite soeur du maître des rêves, se met en tête de retrouver la Destruction, le seul et unique membre de la famille qui a décidé de couper les ponts et de s'isoler sans dire aux autres ce qu'il devient. Il a probablement ses raisons, que nous ignorons, et un point de chute, qui reste secret. Sandman -et le délire donc- partent à sa recherche en initiant un long voyage sur Terre, dans le monde "éveillé", qui va les amener à aller d'une rencontre à l'autre, mais aussi à se heurter à un cycle étrange de morts accidentelles qui n'en sont pas. Il semblerait qu'on tente de les ralentir, de leur mettre trop de bâtons dans les roues. Certains épisodes, certains personnages, touchent au génie pur. Parmi les moments les plus marquants, citons le night-show et les danseuses entre lesquelles figure l'ancienne Déesse Astarté, ex amante de la Destruction. Le colloque entre Sandman et Bast, la Déesse-chatte égyptienne, ou encore certaines tranches de vie cocasses, comme le Délire qui insiste pour conduire un véhicule à sa façon, et finit bien entendu par provoquer des accidents sur l'autoroute. Sans oublier le disparu et son "chien", qui entre temps se sont rebâtis une nouvelle existence truculente. Un des grands moments de toute la saga de Sandman, je le répète excellemment mis en images, et sans le moindre temps mort. En bonus, les habituelles pages indispensables qui vous révèlent le dessous de ces épisodes, sous forme d'entretiens, et de très nombreuses covers et autre dessins supplémentaires. De quoi vous convaincre que cette édition là, c'est du lourd, du très lourd!



D' autres Tomes de la collection sont chroniqués ici : 

Tome 1

Tome 2

THE ART OF MIKE MIGNOLA (MARVEL FANFARE #34)

Aujourd'hui, nous remontons le temps jusqu'en 1986, et le numéro 34 de Marvel Fanfare. A l'intérieur, nous trouvons un portfolio des plus réussis, réalisé par le grand Mike Mignola. Au menu, des vilains de l'univers Marvel, et pas des moindres, du Baron Zemo à Kang le Conquérant, de Dormammu à Kraven le Chasseur. Mignola est un des grands maîtres du trait clair obscur, ses silhouettes savent êtres massives, âpres et froides, tout en dégageant une sensation de puissance et de dynamisme évident.  Il a déjà remporté huit fois un Eisner Award, à plusieurs reprises pour ses capacités de scénariste/dessinateur. Parmi ses oeuvres significatives, citons en vrac Hellboy, l'Odyssée Cosmique avec Starlin, pour Dc, Wolverine Jungle Saga pour Marvel, des numéros de Hulk, ou encore une Bd humoristique, l'Homme à la tête de vis, récompensée en 2003. Voici donc les quelques pages offertes aux lecteurs de Marvel Fanfare, voilà presque trente ans. Pas une ride!







ANARCHY COMICS : 224 PAGES D'ANARCHIE INTERNATIONALE (EDITIONS STARA)

Quittons un instant les super-héros pour s'en aller lire 224 pages d'anarchie internationale. Le tout aux éditions Stara, qui présentent en ce joli mois de juin une intégrale fort intelligente et frondeuse, à savoir les quatre numéros d'Anarchy Comics, comic-book subversif et hautement cahotique, publié entre 1978 et 1986 à San Francisco. Dès le titre, le ton est donné. C'est l'anarchie qui trône au centre des débats. Mais l'anarchie, de quoi s'agit-il, quels en sont les lignes directrices, les idées, les objectifs? Ne serait-ce pas plutôt un souffle de révolte, une explosion protéiforme et succulente, mis en images par une flopée d'artistes du monde entier, chacun contribuant avec une planche, ou quatre, pour une expérimentation formelle passionnante? Si cette anarchie là apparaît aux yeux de tous comme le refus de l'Etat et des ordres établis, elle dévie bien vite vers une attaque au vitriol contre les standards dominants, contre cette culture prête à mâcher et à être digérée, qui standardise les produits et les propositions artistiques. Parfois la violence est présente, sous-jacente ou clairement exprimée, mais le plus souvent c'est derrière le voile du sarcasme, de la démystification que s'expriment les auteurs présents dans ce volume. La politique n'est finalement qu'un des sujets abordés, et loin d'être l'axe autour duquel se déploie toute la méthode d'Anarchy Comics. C'est également la morale bourgeoise, ses habitudes, sa vision étriquée de la culture, qui sont mis à mal de toutes les manières possibles. Ce phénomène est d'autant plus visible que passent les numéros et les années. Né dans les années 70, le comic-book américain aux quatre parutions meurt une petite dizaine d'année plus tard, dans un climat différent, à un moment où les utopies agonisent, ou sont déjà mortes depuis belle lurette. Anarchy Comics est un pont savant et éloquent entre les velléités anarchistes initiales, et le triomphe d'un certain élitisme background, qui ne s'exprime que pour mieux clamer ses envies de liberté. 

La forme est ainsi fort variable. Nous pouvons lire de véritables pages historiques, qui retracent certains pans de l'histoire, non sans une pointe d'idéologie qu'il faut bien sur admettre et accepter. C'est le cas par exemple avec des excursus sur l'anarchiste russe Nestor Makhno, ou encore au sujet de la guerre civile en Espagne, vue des airs, ou du parcours de Buenaventura Durruti. Nous trouvons des strips brefs et cocasses, absurdes ou militants. Des séries à suivre, comme celle d'Epistolier, qui retrace La liberté à travers les âges. Des planches d'inspiration punk, des analyses sociétales qui ne dépareilleraient pas aujourd'hui, et qui fleurent bon la décroissance, le refus des pouvoirs économiques qui étranglent les peuples. Jay Kinney est le maître d'oeuvre de ce projet qui reçoit des contributions du monde entier. Il signe lui même quelques unes des pages les plus drôles ou pertinentes, comme une longue histoire en collaboration avec Paul Mavrides, qui contient en son sein une délicieuse parodie d'Archie (le célèbre comic-book) où le protagoniste est rebaptisé, évidemment, Anarchie. Les éditions Stara sortent donc cette intégrale dans un agréable format souple, dont l'esthétique (la dernière de couverture) fait écho au travail des Sex Pistols, Anarchy in the U.K. Les bonus, les intervenants, ne manquent pas. Les introductions et autres préambules permettent de mieux comprendre ce que l'on s'apprête à lire, et offrent un éclairage savant sur des pages qui peuvent dérouter, interroger, mais qui laissent rarement indifférent. Une très bonne surprise que cet ouvrage agrémenté de pages inédites, qui en ravira plus d'un, à commencer par ceux qui font de la philosophie d'Alan Moore une pensée magique. Le bonhomme a une très haute considération d'Anarchy Comics, dont il est un des plus grands nostalgiques. 



Anarchy Comics, disponible sur Amazon ici

LE CANCER DE FOGGY NELSON

Les lecteurs de Daredevil le savent. Le meilleur ami et associé de Matt Mudock, Foggy Nelson, est atteint d'un cancer. Plus précisément le sarcome d'Ewing, une affection rare contre laquelle il se bat avec courage. Il s'agit d'un sujet grave et périlleux pour plusieurs raisons. Tout d'abord, par la douleur et le chagrin que cette maladie provoque chaque jour, les ravages qu'elle occasionne dans les vies et les familles des lecteurs, qui à un moment de leurs existences risquent de se reconnaître en Foggy, ou en Matt (la souffrance des proches). Aborder cette tranche d'intimité est comme marcher sur des oeufs, au moindre faux pas on risque de provoquer une catastrophe, et il faut faire preuve d'une subtilité narrative remarquable. Mais c'est aussi difficile, car comment faire admettre, dans un univers fictif où les surhommes volent et fréquentent des aliens venus du fin fond du cosmos; où Reed Richards, Tony Stark, et des tas d'autres savants réalisent des prouesses médicales et technologiques, qu'aucun de ces paladins de la justice et du bon droit ne soit à ce jour parvenu à une avancée significative dans le domaine de la recherche contre le cancer, au point de trouver une cure, ou tout du moins des soins palliatifs propres à minimiser l'impact de ce fléau? C'est pourtant bien là la cruelle réalité. Chez Marvel, dans nos comics, tout est possible, y compris les résurrections récurrentes de personnages aimés des lecteurs, mais pour ce qui est de soigner les malades, l'allégeance à ce qui se produit dans notre monde réel est obligatoire, sous peine de voir s'effondrer ce qui reste de la crédibilité de ces histoires. Du coup le cancer est un peu tabou, comme le Sida, par exemple. On en parle parfois, il n'est pas totalement absent, mais par rapport à l'incidence qu'il a dans notre "real life" ça reste un phénomène très marginal, sur lequel les auteurs ne s'étendent guère. Jusque là, la mort la plus poignante et significative reste celle du grand Captain Marvel, sous la plume de Jim Starlin. Nanti du pouvoir cosmique, et d'un courage inébranlable, ce héros de légende a pourtant été vaincu par la maladie, et s'est éteint paisiblement dans un lit, entouré par un aréopage d'amis et alliés venus rendre un dernier hommage à ce combattant hors pair. Aujourd'hui la question se pose pour Foggy Nelson, qui n'a rien d'un super type en costume, mais au contraire apporte un éclairage encore plus humain, fragile, sur le drame qui touche bien trop de monde à notre époque. La science a certes fait des progrès, et ouvre une belle porte vers l'espoir d'une guérison, mais rien n'est joué, et c'est une lutte sans pitié, et qui nous concerne tous, que vous pouvez suivre sur les pages de Marvel Knights, tous les deux mois. Mon conseil : ne perdez pas ces aventures signées Mark Waid et Chris Samnee, qui sont remarquables, et sensibles.


LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : BILLY LAVIGNE

 Dans le 196e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Billy Lavigne que l’on doit à Anthony Pastor, un ouvrage publié chez Casterma...