CAPTAIN AMERICA STEVE ROGERS #1 : LA REVIEW DE L'EPISODE CHOC

Marvel n'allait tout de même pas laisser DC Comics occuper l'espace médiatique, avec le renouveau de son univers. Bien sûr que non. En concomitance avec l'arrivée de Rebirth, voici la sortie qui a créé la plus grosse polémique de la semaine, du mois, et pour l'instant même de l'année. Dans la mesure où il est probable que parmi vous se trouvent encore des lecteurs ignorant tout du cliffhanger qui clôture ce premier numéro, je vais tenter de ne pas trop en dire, afin de garder un peu de suspense. Ce qui fera sourire la grande majorité d'entre vous, allègrement spoilés, par ce qui est devenu une mauvaise habitude sur Internet. Nous avons un épisode intelligent et bien écrit, qui nous ramène dans le passé, quand Steve Rogers n'était qu'un petit enfant observant sa mère subir les vexations et les coups d'un mari violent et alcoolique. Une mystérieuse amie se manifeste, et vient prêter main-forte à la maman, pour lui expliquer que la résignation et les brimades ne sont pas une fatalité. Pendant ce temps, dans le présent, Steve -qui est redevenu jeune et pimpant depuis quelques semaines- tente d'arrêter un candidat à la bombe suicide à bord d'un train. En parallèle nous retrouvons le Crâne Rouge qui essaie de recruter des émules, en lavant le crâne de ses futurs suiveurs, présentant à sa manière la situation des réfugiés en Europe, comme un exemple concret de mise en danger de nos cultures et de nos valeurs. Tout ceci est très réaliste car c'est plus ou moins ce qui se passe en ce moment en Amérique -avec Donald Trump- mais aussi chez nous, avec de nombreux gouvernements qui regardent vers le nationalisme extrême comme bouée de sauvetage. 



Jesus Saiz fait de son mieux pour rendre ce premier épisode attrayant mais je ne suis pas très convaincu par ce dessinateur, la façon dont il présente les personnages, le costume de Captain America lui-même, mais aussi les personnages secondaires comme Jack Flag, Free Spirit, ou bien Rick Jones, désormais aide-de-camp informatique. Tout ceci semble un peu daté et basique, c'est surtout une question de look. Le storytelling en lui-même est satisfaisant, toutefois il manque de la folie et de l'inspiration pour emporter l'adhésion. C'est donc Nick Spencer qui est le véritable architecte de la réussite de ce nouveau titre. Son écriture est très crédible et sensible, et trouve un écho fort avec la réalité géopolitique du moment. Et puis bien sûr il y a ce final incroyable, qui prétend remettre en question tout ce que nous savons au sujet de Steve Rogers, et le place en lumière d'une manière totalement stupéfiante! Le héros accomplit un geste choc qui nous fait comprendre que quelque chose ne va pas, et ses dernières paroles ouvrent sous les pieds du lecteur un gouffre d'incrédulité, qui a poussé les plus cinglés d'entre eux à menacer de mort le scénariste! Bref, simple cliffhanger pour attirer plus de lecteurs, ou véritable révolution copernicienne? L'avenir nous dira vraiment ce qu'il nous réserve pour Steve Rogers, qui de personnage iconique est propre sur lui est aujourd'hui en passe de s'attirer la haine et la vindicte des fans. On nous aurait menti à l'insu de notre plein gré?  



A lire aussi : 


QUANTUM ET WOODY TOME 1 : LES PIRES SUPER-HEROS DU MONDE

Bliss comics continue de proposer le renouveau de l'univers Valiant aux lecteurs français. Place cette fois-ci à un duo cocasse, aussi attachant qu'incompétent. L'histoire est celle de Eric et Woody Anderson. A première vue cela ne semble pas être très évident, mais il s'agit de deux frères d'adoption. Pour une fois le cliché est inversé : c'est le petit blond qui a été adopté par une famille afro-américaine, et c'est lui le rebelle insupportable qui fait les 400 coups, et peine à s'insérer dans son nouveau foyer. Les deux frères sont complètement antithétiques au niveau du caractère et du sérieux, et inévitablement ils ont fini par s'éviter au fil des ans, jusqu'au jour où leur père, un scientifique de génie, est victime de ce qui ressemble probablement à un assassinat. Les deux fils sont dans un premier temps soupçonnés par la police d'y être pour quelque chose. Ce qui explique pourquoi ils décident de mener alors à leur manière leur propre enquête, mais comme ils ne sont pas particulièrement doués pour travailler en équipe, ils finissent par provoquer un désastre! L'activation d'un dispositif nucléaire inventé par le père, qui déraille totalement, et les dotent de supers pouvoirs. Des dons qui leur seront bien utiles pour échapper à la police et l'inspecteur Cejudo, redoutable agent double qui veut mettre la main sur les secrets et les découvertes scientifiques du paternel. C'est ainsi que se forme ce duo complètement improbable, avec d'un côté un aspirant super-héros responsable mais paumé, et de l'autre un dragueur invétéré insouciant , qui accumule les gaffes et les remarques déplacées. Vous avez dit un duo dysfonctionnel? 


Un simple regard sur la couverture de cet album vous confirme également que outre les deux frangins, un troisième personnage vient s'ajouter à l'histoire. Idée complètement délirante, il s'agit d'un bouc, qui lui aussi est doté de super pouvoirs. Certes vous le retrouverez uniquement dans les dernières pages, car pour ce qui est de ce premier arc narratif, vous lirez avant tout une origins story particulièrement bien racontée, et intéressante, car franchement drôle et menée tambour battant. Quantum et Woody subissent ici ce que l'on appelle classiquement un reboot; la série avait déjà connu son quart d'heure de célébrité dans les années 90, mais comme tout le catalogue Valiant, elle avait fini par péricliter. Bliss comics a un formidable atout dans sa manche, celui d'avoir relever les droits de Valiant au moment où la maison d'édition américaine décide de moderniser et simplifier l'accès à toutes ses productions. Une aubaine pour le public, alors que ces titres traversent à cette occasion une période qualitativement fort intéressante! Ici c'est James Asmus qui s'occupe du scénario, et qui parvient à livrer quatre épisodes qui ne nous ennuient jamais, pas un seul instant. Au dessin Tom Fowler est un choix particulièrement judicieux, car il se révèle être très bon lorsqu'il s'agit d'inscrire les personnages dans le mouvement. Déjà très drôle à la base avec un humour truculent et décalé, Quantum et Woody jouent également de leur physique et de leur acting pour intensifier les effets comiques. Au niveau du storytelling, c'est tout bonnement efficace, un plaisir à peine voilé lorsque nous trouvons encore quelques coquilles par-ci par-là, signe que la relecture n'a pas été très attentive. Mais il est clair qu'à dix € le premier volume, je ne peux que vous recommander chaudement de vous précipiter chez votre libraire, pour aller acquérir cette nouvelle sortie. Oui je l'avoue, j'ai un petit faible pour Valiant, qui est à mon sens une excellente alternative pour les comic books de super-héros traditionnels.  Vous comprendrez à quel point je tiens à la réussite de Bliss Comics car si cette fois la mayonnaise ne prend pas, elle ne prendra jamais! En tous les cas avec Quantum et Woody vous ne serez pas trompés sur la marchandise.





A lire aussi 


PREACHER : LA REVIEW DU PREMIER EPISODE

Enfin disponible depuis quelques jours, le premier épisode de la série Preacher commence à faire beaucoup parler de lui sur le net. Enfin... pour être exact il s'agit plutôt d'une série qui est librement inspirée du chef-d'œuvre de Garth Ennis, tant il est difficile de parler ici d'une vraie adaptation fidèle du Preacher d'origine. C'est finalement assez compréhensible : comment porter à l'écran une bande dessinée aussi irrévérencieuse, truffée de scènes extrêmement gore et caustiques, maniant l'horreur l'indicible et le politiquement incorrect à chaque page? AMC a beau être une chaîne proposant des choses intéressantes, et bénéficier d'une certaine liberté, il ne faut pas non plus exagérer! Du coup Seth Rogen et Evan Goldberg nous présentent ici quelque chose de différent. Le point de départ est le même, nous sommes sous un soleil de plomb, au Texas, parmi une population qui n'a pas l'élévation culturelle comme préoccupation quotidienne principale. Nous faisons connaissance très vite avec Jessie Custer, le prêtre d'un village complètement paumé, Annville, où on s'ennuie autant qu'on y boit. Dans un premier temps les grandes lignes suivent celle de la bande-dessinée, mais très vite on comprend que l'épisode va s'étaler en longueur, et qu'il ne se passera pas grand-chose d'autre une introduction s'éloignant minute après minute du matériau de départ. Un gosse vient demander à Jessie d'aller frapper son père adoptif car il suppose qu'il bat sa mère, Cassidy fait son apparition à bord d'un avion, et réalise un véritable carnage pour échapper à ceux qui souhaitent le piéger... Arrive aussi sur l'écran Tulip dans une version radicalement divergente de ce que nous connaissons, et qui franchement -à mon humble avis- ne tient pas un instant la route, comparée à la blonde désinvolte chère à Ennis. Mais le pire c'est le shérif Root et surtout Tête de Fion; ils débarquent dans un contexte radicalement éloigné de ce que nous connaissons, perdant complètement en pertinence, humour, et drôlerie attachante. Le premier picole beaucoup moins, le second devient juste un freak plutôt sympa, mais sans le background tragique du comic book. L'évidence se fait jour, la série sera peut-être bonne, laissons-lui une chance sur la durée, mais où est donc passée notre Preacher adoré? 


Après n'allez pas croire que je suis en train de faire du AMC bashing, et que je déteste cette série. Après une heure de visionnage, ce serait ridicule et injuste. je dis juste que malgré toutes les qualités qu'elle peut avoir, ce n'est pas mon Preacher, point barre. L'image est belle, l'atmosphère désabusé et brute de décoffrage du Texas est bien là, mais le reste n'y est pas. On sent tout de même une tentative de garder un peu de l'esprit et de l'humour décapant propre à Garth Ennis, mais très sincèrement je n'ai pas connu de gros éclats de rire avec ce premier épisode. Le truc le plus sympathique et au final un petit clin d'œil à Tom Cruise, à un certain moment (je vous le laisse savourer). Parlons rapidement des acteurs : Dominic Cooper endosse donc le rôle de Jessie Custer. Il est beaucoup moins charismatique que dans la bande-dessinée, un peu plus propre sur lui et moins désespéré également; globalement sa prestation est satisfaisante, mais il lui manque pour le moment un petit quelque chose de déjanté, qui ferait la différence à ce niveau. Joseph Gilgun s'en sort avec les honneurs. Déjà aperçu dans la très bonne série britannique Misfits, il est ici un Cassidy plus jeune et branchouille que le vampire déglingué d'Ennis, mais néanmoins très drôle et caustique à souhait. Reste le cas Tulip, interprétée par Ruth Negga, qui est déjà une des actrices phares de la série Agents of Shield. Physiquement elle est très éloignée de ce que nous connaissons, et au niveau du jeu et de la personnalité, c'est un peu la même chose. Pour être un grand fan de Preacher, je peux vous assurer que je n'ai absolument pas retrouvé le personnage que j'ai pu lire pendant des années... c'est ici quelque chose d'autre qui, pour être complètement honnête, me laisse assez indifférent. Les effets spéciaux par contre sont assez intéressants dès lors qu'il s'agit de présenter Tête de Fion. Ian Colletti est touchant et c'est surprenant d'entendre pour la première fois parler ce personnage emblématique de la série, néanmoins on peut parvenir à le comprendre en tendant l'oreille, ce qui n'est pas possible dans la version papier (ou presque). Reste que ses origines sont malheureusement mal amenées, ce qui gâche une bonne partie du plaisir. Bref si cette série plaira à beaucoup d'entre vous -probablement encore plus à ceux qui n'ont pas lu auparavant l'oeuvre d'Ennis- les aficionados du Preacher des origines pourraient tout de même bien avoir de cruelles désillusions, à moins que les épisodes suivants passent à la vitesse supérieure, et respectent d'avantage le ton et l'irrévérence du scénariste irlandais. 





A lire aussi : 



L'INTEGRALE X-MEN 1992 (I) : JIM LEE ET UNE NOUVELLE SERIE MUTANTE

L'Intégrale X-Men 1992 aborde un chapitre fondamental dans l'histoire moderne des mutants. Il s'agit des premiers épisodes de la seconde série régulière, dessinés par Jim Lee, et qui sont entrés dans la légende et les esprits de tous ceux qui ont connu cette décennie controversée.  
En 1991, les X-men sont au sommet de leur gloire, et Marvel se décide enfin à doubler la ration mensuelle de titres consacrés au team de Charles Xavier. Après Uncanny X-men, c'est au tout de la laconique X-men de voir le jour. Chris Claremont (puis Byrne et Lobdell) est au scénario, nous sommes donc en terrain connu. Aux crayons, c'est la grande star de l'époque, Jim Lee, qui est chargé de donner tout le lustre attendu à cette nouvelle création. Ajoutez à cela la bulle "comics", comme il y eut plus récemment une bulle de l'Internet, une ribambelle de special covers pour collectionneurs transformés en spéculateurs, et l'effet mutant sur un lectorat en transe, et vous obtenez des chiffres qui donnent le vertige : 8,1 millions d'exemplaires de X-men 1 vont se vendre à travers le monde! Des mutants qui pour l'occasion se scindent en deux équipes de couleurs différentes, l'équipe or et l'équipe bleue. Et qui retrouvent sur leur chemin leur ennemi le plus farouche, qui avait pour un temps rejoint leurs rangs, je veux parler de Magneto, bien entendu. Ce dernier a fait de son astéroïde M, en orbite au dessus du sol soviétique, un état souverain qu'il transforme en havre et en refuge pour tous les mutants qui le souhaitent, à condition de le reconnaître comme le chef auto-proclamé de la mutanité, comme le guide eclairé qui permettra aux siens de prendre leur revanche sur des homo-sapiens (des "génézéros", comme plutôt bien traduits en VF) destinés à succomber sous son juste courroux. Un magneto effrayant et puissant, majestueux, tel que le réintroduit Jim Lee. Un homme amer et résigné, qui retrouve le goût du combat, et la hargne des grands jours, quand Fabian Cortez et ses acolytes viennent prêter allégeance. Et tant pis si le premier cité projette déjà de trahir son nouveau gourou, dès que l'occasion se présentera. Ceci occupe l'intégralité des trois premiers épisodes, qui sont probablement une des meilleures incarnations du Seigneur du magnétisme, tant au niveau du costume, que de l''attitude. Que de souvenirs! 


Ceci occupe l'intégralité des trois premiers épisodes. Par la suite, l'action change de protagoniste : C'est au tour d'Omega Red de se retrouver sous les projecteurs. Ce mutant maléfique et doté de tentacules artificiels emet des phéromones mortels et agit comme une sorte de vampire énergétique. Il défait sans aucune difficulté les X-men qui se dressent sur son chemin mais c'est principalement entre lui et Wolverine que va se jouer le duel décisif. Une opposition intéressante car Logan est doté d'un facteur auto guérissant qui lui permet de subir les assauts de son ennemi sans succomber d'emblée. Il est à déplorer que par la suite, les scénaristes n'ont pas su trouver d'emploi à la mesure de la menace pour le mutant soviétique Omega Red : il semble pourtant, dans ces derniers épisodes scénarisés par Byrne, une véritable engeance que les X-Men redoutent à juste titre. Les planches de Jim Lee sont emblématiques du personnage : fouillées, ultra dynamique, plastiquement agressives et puissantes. Associé à Claremont puis Byrne (et Lobdell) justement, cela donne aussi une ribambelle de numéros où le verbiage à la part belle, malgré tout, et où la rhétorique enfle dans nombre de ballons qui se répondent les uns aux autres. Là où aujourd'hui nous aurions droit à une inflation de splash-pages muettes, les X-men d'alors défendent leurs idéaux par la grâce du verbe. Cela peut sembler ingénu voire redondant, mais mis en image et en texte ainsi, c'est aussi un pan de la légende mutante qui se dévoile. 
Cette intégrale, afin d'être complète et de ne rien omettre de l'actualité mutante de l'année 1992, propose aussi deux épisodes de la série régulière d'alors dédiée au Ghost Rider. Howard Mackie et Ron Garney situent l'action du coté de la Nouvelle-Orléans, où il sera question de la Guilde des Assassins, de celle des Voleurs (la grande rivale, longtemps le fief de Gambit) et des parasites aliens Brood, qui ont la fâcheuse habitude d'aller infecter leurs hôtes, voire carrément d'y pondre des oeufs dedans. C'était l'occasion à l'époque pour découvrir de nouvelles parcelles du passé agité du cajun de ces dames (Gambit, bien sur), avec la présence de son épouse, Bella Donna Boudreaux. Pour être complet, précisons que c'était Danny Ketch qui officiait au début de la décennie, sur la moto enflammée. Le faire se rencontrer avec les stars des ventes d'alors en dit long sur l'importance qu'il avait finit par prendre, et le succès éphémère obtenu. Il n'y a pas à dire, les nostalgiques des 90's ont le devoir d'acheter cette Intégrale, qui a juste le défaut de contenir des épisodes déjà publiés par Panini auparavant, en partie. Ceux de Ghost Rider eux remontent à l'ère Semic, et aux petits fascicules nommés "version intégrale". Clin d'oeil de l'histoire. 





A lire aussi : 

DC REBIRTH : LE ONE-SHOT QUI CHANGE (A NOUVEAU) L'UNIVERS DC

Avec l'opération Rebirth, c'est un peu comme si les responsables de DC Comics nous disaient : Et bien voilà, nous avions l'intention de faire quelque chose de bien et de novateur avec les New 52, nous avons tenté, mais ça ne s'est pas passé comme nous le voulions. En cours de route nous avons perdu le fil conducteur, et nous nous sommes rendus compte que ce n'était pas ce que le public attendait. Alors vous savez quoi? On annule tout et on recommence! Bien sur, ça ne vous dérange pas les amis? Sauf que dans les faits, ce sont 10 ans d'histoires qui passent aux oubliettes, à savoir les 5 années durant lesquelles existèrent les New 52, plus les 5 années écoulées depuis l'apparition des premiers super-héros, telle que racontées dans Justice League volume 1 (Aux origines) jusqu'aux aventures contemporaines de l'univers DC. Bien entendu, pour oser une telle énième révolution, il fallait avoir un projet béton, et les idées très claires. Première constatation, le One Shot de plus de 80 pages Rebirth, qui vient de sortir, est d'un niveau qualitatif tout simplement excellent. Geoff Johns démontre qu'il a une emprise remarquable sur l'univers DC, et qu'il est capable de tirer tous les fils de la tapisserie en même temps, de manière à fournir un résultat homogène. C'est émouvant, poignant, bien écrit, une grande réussite artistique. Le problème se pose pour la suite... si la qualité de cette sortie ne fait aucun doute, ses implications futures risquent par contre de faire grincer des dents, et pas seulement auprès des détracteurs patentés, mais tout simplement celles du lecteur lambda, qui risque de se sentir trahi dans ce qu'il a toujours connu jusque-là, et ce qu'on va lui demander d'acheter et accepter à partir de demain. Afin de ne pas vous gâcher la découverte, j'ai décidé de faire l'impasse sur la grande révélation finale, qui pourrait être derrière tout ceci, qui tire les ficelles de ce chamboulement, mais comme vous allez le lire, nous sommes à mi-chemin entre une idée de génie et un énorme coup de canif dans le contrat moral et artistique entre créateurs et lecteurs. Passons par contre sur le retour de Wally West dans l'univers DC Comics... pour peu que vous ayez fréquenté internet ces jours derniers, l'information ne vous aura pas échappé, car elle a fuité partout. Inutile donc de faire semblant de ne pas être au courant, et autant aborder le sujet de plein fouet!

Wally West était perdu dans la force véloce -une grande habitude chez les Flash quand on les croit morts- et puisque ces derniers temps le tissu même de la réalité a subi quelques contre-coups, il est parvenu à émerger sur notre plan d'existence, pour une ultime tentative de se raccrocher au monde tel qu'il apparaît désormais. Son premier réflexe est d'aller trouver Batman, en vain. Il va donc aller solliciter l'aide de tout ceux qu'il connaît le mieux, de ces super-héros alliés et amis, jusqu'à Linda Park, celle qu'il aime depuis toujours, mais c'est bien évidemment Barry Allen qui détient peut-être la clé de son retour définitif. Tout ceci est emblématique du problème qui tenaille DC. Les personnages ne se reconnaissent plus, leurs historiques, leurs relations, qui étaient le fondement même du mode de raisonner et fonctionner de l'éditeur, tout ceci a été réduit à néant, sacrifié sur l'autel d'un reboot mal dosé. Du coup le lecteur aussi est en terrain inconnu, et s'est perdu. Geoff Johns sème les indices et les allusions au long de ces dizaines de pages, le retour en arrière, à la tradition, ne fait que commencer. Batman s'interroge en ce sens, Atom est de la partie (le vrai Atom), Wally revient, Superman a disparu, et la version père de famille, marié à Lois Lane, est remise en question... Mais il y a tellement de travail à accomplir, et il ne pourra pas faire tout ceci seul. On sent que les intentions sont bonnes, que la voie à prendre est correcte, mais comment donner le coup de volant décisif, franchir le pas, sans que cela semble forcé, ou opportuniste? Et puis il y a ces dernières pages, cette immense révélation, qui fait entrer dans l'équation des personnages jusqu'ici iconiques et tenus en dehors de l'univers super-héroïque classique. De quoi faire bondir et hurler des hordes de fans. Le lapin qui sort du chapeau, ou la trahison de trop? Nous avons devant nous des mois passionnants, et l'impression que Dc comics joue gros, très gros, et accepte le pari de se remettre totalement en question. L'espoir est immense, la crainte et l'habitude d'être trompé en partie sur la marchandise aussi. Reste un mot à dire sur les dessinateurs de ce numéro, Ethan Van Sciver, Gary Frank, Ivan Reis, et Phil Jimenez. C'est beau, iconique, puissant, bref, à la hauteur de l'événement. Vendu à moins de trois dollars, ce Rebirth est le comic-book du printemps, celui par qui tout pourrait arriver. J'ai bien dit tout. Souhaitons que ce ne soit pas tout et n'importe quoi


A lire aussi : 





BITCH PLANET VOLUME 1 : EXTRAORDINARY MACHINE

Bienvenus à tous dans un futur assez inquiétant, où les hommes sont parvenus à soumettre de manière assez radicale toutes ces bonnes femmes qui leur ont cassé les pieds des années durant, à coups de parité entre les sexes, et d'égalité des droits et conditions de vie. Pardonnez moi cette introduction sexiste et volontairement provocante, mais elle résume sûrement ce que doivent penser nombre de mâles, convaincus de l'infériorité de la "femelle", objet de soumission et d'humiliation, et rien d'autre. Dans cet avenir dystopique mais pas forcément absurde (aujourd'hui encore dans certains pays la femme n'a pas même le droit de conduire) elles sont envoyés dans un pénitencier d'un genre bien singulier, en orbite autour de la Terre, qui s'occupe d'accueillir et réformer toutes ces détenues qui ont un jour enfreints la loi ou les bonnes moeurs, et se sont placées en marge d'un système totalement corrompu et pourri jusqu'à l'os. Kamau Kogo est la plus dangereuse et identifiable d'entre elles. C'est une ancienne d'athlète d'un niveau remarquable, et le mystère règne autour de sa personne. Le jour où elle vient en aide à une autre détenue qui se fait tabasser, elle est repérée par l'organisation du pénitencier (le fameux "Bitch Planet, donc") et se retrouve élue pour incarner la nouvelle donne dans la prison, une nouvelle image de marque à présenter aux hommes, qui sur Terre se passionnent pour un jeu débile et violent, le Megaton. Ce sport ressemble vaguement au football américain, avec deux équipes qui doivent aller marquer un essai, sans qu'il existe de restrictions particulières au niveau des règles, et où finalement tous les (mauvais) coups sont permis. Kamau va donc devoir former la sienne, et participer à ce jeu particulier. D'un coté nous avons les hommes, sournois, viles, lâches, de véritables ordures. De l'autre les femmes, des captives, des victimes, prises sur le vif, sans fards, dès les premières pages où un nouveau contingent de prisonnières débarque, et que les corps sont exposés nus et violemment, sans rien cacher ou magnifier. Si Kamau est une grande sportive, à ses cotés vous allez apprendre à compatir voire admirer Pénélope, qui est obèse et impressionnante. Kelly Sue DeConnick tisse une jolie métaphore sur la volonté injuste du plus fort qui tente de soumettre à ses caprices le plus faible, à travers le prisme de l'opposition des sexes, et de la politique déviante. Et ça marche. 


La plupart des critiques mettent en avant le caractère féministe de cette bande dessinée. Mais qu'entendre par là précisément? En quoi cette œuvre peut-elle être réellement être vue comme telle? Au-delà du titre volontairement provocateur, je me contenterais juste de remarquer que trop souvent on confond féminisme et singerie des pires habitudes des hommes; amener la femme à égalité avec son homologue masculin, ce n'est pas lui faire proférer des jurons du matin au soir, ce n'est pas la faire se comporter comme un chauffeur routier bodybuildé et aviné, qui rote et frappe pour affirmer son identité. D'ailleurs ce comportement n'est pas celui d'un homme, juste celui d'un individu malotru, mal élevé, et qui pense que parler plus fort que les autres fait de lui une meilleure personne. Non, le féminisme c'est autre chose, placer sur un pied d'égalité ne signifie pas à gommer les différences et tout uniformiser, cela ne signifie pas non plus se mettre au niveau de l'autre en imitant ses pires travers. C'est tout simplement l'acceptation que l'autre puisse exister et être considéré pareillement, tout en le laissant affirmer et clamer haut et fort ses propres différences, ses propres caractéristiques. Ce que j'ai beaucoup apprécié dans ce Bitch Planet c'est justement de voir à quel point le gouvernement est corrompu, à quel point il emploie de minces artifices pour justifier ses actes et interner les femmes "non conformes", lorsqu'il prétend défendre la vertu et l'ordre moral. Il est perverti, au dernier degré, avec une conduite et des fantasmes qui ont poussé sur le terrain fertile de la frustration.
Cet album, au niveau graphique, récupère de nombreux éléments lui permettant d'imiter le style des années 70, que ce soit avec cette mise en couleur pigmentée, classique de l'époque, ou avec des tons clairs et très contrastés. Valentine DeLandro s'attache à nous montrer que l'absurdité de demain trouve ses racines dans ce qui s'est fait hier. Les différents chapitres sont entrecoupés de fausses pages de pub/prospectus imaginaires, dont le but est de nous faire sourire et de nous interloquer. Bien sûr nous avons entre les mains un pamphlet humaniste, mais aussi une caricature au vitriol de ce que peut devenir une société lorsqu'elle se laisse manger de l'intérieur par la frustration et la corruption. Un comic-book de science-fiction aussi drôle que glacial, aussi intelligent qu'exaspérant, par moments. A défaut d'être le chef-d'œuvre de l'année, c'est une lecture que je vous recommande sans hésitation.




A lire aussi : 



UT : LA MINI SERIE EVENEMENT EN ITALIE (De Paola Barbato et Corrado Roi)

En Italie une mini série publiée chez Sergio Bonelli éditeur recueille ces derniers temps l'attention toute particulière du public et de la critique. Il s'agit de UT qui mêle allègrement scénario post apocalyptique et influence gothique, le tout dans un petit format noir et blanc typique de la production populaire transalpine. Le dessinateur Corrado Roi a placé dans cette saga de nombreuses influences diverses et variées, qui vont du cinéma expressionniste allemand, à l'horreur pure et simple, en passant par l'épouvante à la Edgar Allan Poe. La scénariste est Paola Barbato, très régulièrement à l'oeuvre sur des titres comme Dylan Dog, ces dernières années. Dès les premières pages elle accompagne le lecteur dans une ville dystopique et un monde au bord du chaos, à travers ce qu'elle appelle les rues de la faim (vie della fame) où nous trouvons de pseudos êtres humains cannibales, sans que nous puissions réellement comprendre de quoi ou qui il s'agit. En fait UT est le nom du protagoniste de cette mini série; c'est un personnage inquiétant et étrange qui se cache derrière un masque. Son comportement est plutôt infantile, et il ne rechigne pas à faire couler le sang. On sent en lui une certaine violence, mais aussi une forme poétique de naïveté, et il est particulièrement attaché à un chat du nom de Leopoldo. Le titre de cette série s'affiche en lettres de sang sur la couverture, ce qui fait référence au IT de Stephen King. Pour ceux qui ne le savent pas, UT est une expression que nous devons à l'ancienne Égypte, et qui à l'époque servait à indiquer les bandes utilisées lors de la momification, et les assistants qui opéraient lors de ce rituel . Rien d'étonnant donc à ce que le héros du titre officie dans une mastaba, c'est-à-dire une sorte d'édifice funéraire propre aux pyramides, et que nous retrouvons des animaux comme le chat, ou des insectes comme ceux que capture l'entomologiste Decio, au service duquel semble être UT.

Une autre créature mystérieuse hante cette bande dessinée, il s'agit de Iranon, que l'on devine doté d'un grand pouvoir, ou plus probablement en tous les cas d'une grande force. Son patronyme est hérité de l'oeuvre de Howard Phillips Lovecraft, ce qui confirme l'amour pour le gothique qui suinte de cette histoire. La structure sociale et les zones urbaines dépeintes par Roi semble régies par les instincts primitifs. Le rôle du grand méchant est tenu par Caligari, à la tête d'une congrégation inquiétante, et vêtu d'un manteau le rapprochant du Nosferatus du cinéma allemand des années 20. Il est très difficile de véritablement situer UT, de le calibrer correctement, le classifier dans un quelconque courant. Il s'agit d'une série qui pose plus de questions quelle ne donne d'indices pour y répondre. A ce jour deux numéros sont déjà sortis, et pourtant bien malin qui comprend où Paola Barbato à décidé d'aller avec ce récit, qui nous emmène à travers une architecture anguleuse et distordue, où les onomatopées peuvent devenir envahissantes et cacophoniques, où la matière organique et inorganique se confondent dans des scènes fabuleuses, quand certaines statues inanimées prennent vie. Nous avons notre dose de véritables moments horrifiques avec des pierres tombales qui s'animent et parlent, et un portail composé de corps enchevêtrés, dont le rêve et l'aspiration est de se détacher pour aller goûter fugitivement au monde extérieur. Il y a vraiment de tout dans ce UT, même par moment des petites choses qui rapprochent cette production de Neil Gaiman et de son Sandman onirique. Le lecteur ne sait jamais vraiment où il se trouve, dans quel état de conscience, puisqu'il est privé de tout repère historique, géographique, même social, placé devant un monde où tout est à réapprendre et à appréhender au fil des pages. Une sortie exigeante et passionnante, qui je l'espère aura droit prochainement à une adaptation en français, car il s'agit là d'un produit de grande qualité et particulièrement intrigant.





A lire aussi : 

CIVIL WAR II #0 : LA REVIEW ALL-NEW ALL-DIFFERENT

La seconde guerre civile du nom vient officiellement de démarrer, sur les pages d'un numéro 0 qui est sorti mercredi dernier. Essayons donc d'en parler, sans pour autant trop en révéler, afin de ne pas gâcher la surprise de ceux qui ne lisent que la Vf. Une première constatation, il y a bien un point commun évident entre le récit publié il y a plus de 10 ans et celui d'aujourd'hui, à savoir une catastrophe gigantesque, une destruction massive qui risque de bouleverser l'opinion publique, et de provoquer de fortes dissensions dans la communauté super héroïque. Autrefois c'était les New Warriors et leur stupide émission de téléréalité qui s'étaient révélés imprudents face à un certain Nitro, cette fois nous avons affaire à une situation plus complexe. Néanmoins il semblerait que les Inhumains et ce fameux nuage terrigène -qui semble se balader autour de la planète depuis des mois, entre temps Secret Wars est passé par là, et on aurait pu croire qu'un nuage, ça finit par se dissoudre, disparaître, au fil des jours...- ne soit pas pour rien dans ce qui se produit. En tous cas ce numéro 0 est assez énigmatique. Nous avons Miss Hulk alias Jennifer Walters, qui démontre à quel point une excellente avocate ne peut rien, face aux préjugés et aux pressions que subissent parfois les jurys populaires... elle tente bien de sauver la peau du Pitre, ancien super-vilain de troisième zone opposé à Daredevil dans les années 80, mais ce sera peine perdue. Autre protagoniste, James Rhodes, qui semble sur le point de prendre du galon, ou en tous les cas on lui fait miroiter un avenir assez surprenant. Il semblerait que le scénario s'oriente pour le moment vers une défense de la liberté de penser, se concentre sur les libertés fondamentales individuelles de chacun. Brian Bendis évite pour une fois de tomber dans son gros travers, à savoir beaucoup palabrer pour ne rien dire. Ici l'essentiel des personnages servant à ouvrir les débats est amené avec justesse, dans le ton et le temps, et l'ensemble est admirablement fonctionnel. Le dessin est l'oeuvre de Olivier Coipel, et là c'est tout simplement somptueux. L'artiste français est en forme incroyable, ses poses et ses plans sont naturels et d'une plasticité idéale, et l'ensemble de l'épisode est illustré avec un brio stupéfiant. La scène dans la tribunal est un modèle du genre. C'est véritablement très très beau.
Mais c'est donc surprenant. Un démarrage qui s'appuie principalement sur un monologue, une plaidoirie. Des pistes ouvertes mais encore confuses, avec pour seule certitude l'assurance que les Inhumains vont avoir une place de choix dans ce qui va suivre. Et le regret (déjà) que Coipel nous quitte là, après ce premier jet, ce prélude, car disons le franchement, ça en aurait eu, de l'allure, s'il avait officié tout du long! Allez, la vérité? Je suis confiant, pour cette Civil War II. 




A lire aussi : 

X-MEN APOCALYPSE : LA GROSSE INDIGESTION MUTANTE

Je suis suffisamment jeune et en bonne santé pour ne pas souffrir de varices ou d'hémorroïdes, mais tout de même, j'en ai mal à mes X-Men! La bande-annonce m'avait laissé supposer le pire, mais le capital confiance accumulé par Brian Singer m'avait convaincu de ne pas écouter les Cassandres et d'aller voir ce film en toute sérénité. Grossière erreur. En fait, on y voit de tout, et n'importe comment. Je m'explique. Ce n'est pas un florilège, une anthologie mutante, mais un fourre-tout, une indigestion qui pèse sur l'estomac et vous file des cauchemars pour la nuit. Alors voilà, nous avons en l'espace de deux heures trente (presque) un mélange invraisemblable de toutes les équipes X de ces quarante dernières années, empilées et fusionnées sans grande logique. Avec des personnages totalement out of character (Tornade qui soutient une grande partie du film un individu qui souhaite faire succomber l'humanité, Angel qui fait de même), d'autres dépeints comme des simplets retardés (pauvre Kurt Wagner, affublé d'un stupide blouson rouge à la Thriller, pour bien rappeler qu'on est dans les années 80. Diablo passe ici pour un crétin patenté), des héroïnes potiches qui passent les trois quarts du film en pose "crispées et prête à combattre" (Psylocke, qui enfin cède à l'action dans la dernière demie-heure. Pas de bol, les effets spéciaux sont assez moches) et dulcis in fondo des apparitions censées plaire à la fan-base des lecteurs de comics, mais qui ne servent absolument à rien dans la dynamique des événements (hé mais c'est Jubilé, la petite asiatique avec son imper jaune! Cool! Mais en fait, que vient-elle faire dans cette galère, la pauvre...). Ce qui est valable pour les mutants l'est aussi pour la trame, les différents récits qui s'encastrent dans l'architecture mère. On a droit à une scène qui copie plan par plan l'évasion de Wolverine dans l'Arme X (mais que c'est téléphoné, et mal joué...), l'explication du pourquoi Xavier est devenu chauve (à la limite...), la transformation d'Angel en Archangel (au passage, Warren est le clone d'un membre du groupe Ah-Ah, et Caliban le Morlock devient une sorte de proxénète gothique qui laisse dubitatif). Et le vilain du jour, demanderez-vous? Place à Apocalypse, que l'on dit être le premier mutant de l'histoire, et qui régna autrefois d'une main de fer sur l'Egypte antique. Lorsqu'il sent sa mort venir, il transfère son esprit, son être, dans un nouveau corps, en absorbant au passage les pouvoirs, tout en gardant ceux qu'ils possédaient précédemment. Apocalypse devient donc une créature aux dons multiples, et que rien ne semble pouvoir stopper (certes, il n'a pas de talents psychiques, mais Charles Xavier, c'est sa spécialité... Vous voyez déjà venir la suite...), alors pourquoi ce besoin de s'entourer de quatre cavaliers pour les bases besognes, quand d'un seul revers de main il peut abattre un quartier tout entier, ou une armée? Dans le comic-book, cela a plus de logique narrative, ici on peine à croire qu'une telle force de la nature ait besoin de s'adjoindre les services d'une ninja ou d'un type qui vole (avec des ailes en acier, certes, mais il n'empêche, le concept de Archangel a été très mal exploité, pour une raison simple; le spectateur n'ayant pas eu le temps et l'opportunité de ressentir de l'empathie pour Warren avec ses plumes, il se contrefiche de ce qui lui arrive par la suite, d'autant que ça n'a pas l'air de déplaire au jeune mutant... Quelle trahison de l'esprit originel!) 


Le film démarre à l'époque de l'Antique Égypte, et prend le temps de nous expliquer tout d'abord pour quelles raisons Apocalypse a disparu de la circulation, durant de nombreux siècles. Certes il s'habitue très vite à l'ère moderne dans laquelle il se réveille... On appréciera le fait que nous ne sommes pas ici dans une tentative consensuelle de faire un film ultra familial, mais bien dans une version cataclysmique des comics Marvel, avec un super méchant qui l'est vraiment, méchant! Tuer ne lui pose pas de soucis, au contraire c'est une extermination qu'il a en tête dès son apparition. Le problème avec la toute-puissance d'apocalypse, c'est qu'à côté il reste peu de place à Magneto pour pouvoir exister. C'est dommage car Michael Fassbender est vraiment excellent dans le rôle, et il avait jusqu'ici démontré une crédibilité à toute épreuve. Hélas, emprisonné dans un schéma narratif où il n'a plus qu'un rôle de figurant, il doit se contenter de scènes tire-larmes, et il est bien loin de pouvoir donner la totalité de son potentiel. Globalement il semblerait que les spectateurs et la presse aient apprécié surtout une scène de 3 minutes, durant laquelle le bolide Quicksilver réussi une nouvelle fois (c'était arrivé dans le film précédent) à susciter l'adhésion. Un moment en slow motion durant lequel le jeune mutant démontre l'étendue de ses capacités avec une coolitude absolue (sur un morceau d'Eurythmics), faisant de lui le personnage le plus sympathique et proche du spectateur, un looser flamboyant, qui donne la banane et qui fait oublier son avatar insipide proposé par les Marvel Studios, durant Age of Ultron. Ce n'est pas un hasard si celui-ci est déjà mort et oublié!



Mention spéciale aussi -pour ma part- à délivrer à Jennifer Lawrence, même si son personnage est à mon avis trop loin de ce qu'il représente vraiment dans le comic book. Force est de constater que l'actrice est véritablement splendide, elle joue bien et elle est physiquement très intelligente. J'aurais toutefois des réserves sur la plupart des acteurs présents dans ce film, ou pour être plus précis sur la manière dont il leur a été demandé d'aborder et de représenter leurs personnages à l'écran. Je ne suis pas très séduit par cette Jean Grey jeunette, à qui il manque la grâce que l'on perçoit par exemple ces mois derniers chez les All-New X-Men. Scott Summers n'affiche absolument aucune aptitude au rôle de leader, Hank McCoy bondit un peu partout et il rugit quand il convient de le faire, mais c'est un poids plume lorsqu'arrive le grand combat final. Finalement il convient de noter que c'est encore James McAvoy en professeur Xavier, qui me semble le plus à sa place. Le film n'est pas un ratage total et se laisse regarder -je le répète- d'autant plus agréablement, si vous n'avez pas la prétention de retrouver à l'écran cet univers mutant que vous adorez tant sur papier. Inversement, si vous êtes très liés aux comics depuis des décennies, et que vous aviez apprécié la manière dont les deux précédents films avaient été conçus, vous serez sûrement déçus par cette orgie mutante, qui sort l'artillerie lourde, mais tire très souvent à blanc. Passons sur la scène bonus à la fin du film, qui n'a absolument aucun intérêt ni aucune chance d'être comprise du spectateur qui n'a jamais ouvert un comic book. Bref une grosse déception, basée non pas sur les qualités filmiques du long-métrage en soi -je ne prétends pas être un critique ultra compétent ni maîtriser tous les codes cinématographiques, loin de là- mais sur le parallélisme à faire entre le média d'origine, et son adaptation sur grand écran. Victoire des comics par Ko dès la fin du premier round. 




A lire aussi : 

******************************************

Et aujourd'hui, opération spéciale, pour une critique achetée, une critique offerte! Blague à part, dans le cadre d'un partenariat d'idées avec l'excellent blog Le Cinéma avec un grand A, voici donc ce qu'ils en pensent, là-bas, chez nos collègues. Vous allez voir, les opinions divergent subtilement, et c'est ça qui est bien. On remet donc le couvert, avec une seconde idée du film. Apocalypse bis.

POURQUOI J’AI VOULU VOIR CE FILM ?

Après avoir apprécié « Days of Future Past« , j’attendais un petit peu la suite des aventures de nos X-Men. La bande annonce ne m’a pas tellement séduit, j’attendais quelque chose de moins bling bling et plus mystérieux. Bryan Singer s’est montré à la hauteur lors de son retour et j’espère qu’il va rester sur la même dynamique avec « Apocalypse« . Que la séance commence !


QU’EST CE QUE ÇA RACONTE ?

Apocalypse, le premier de tous les mutants, vénéré comme un dieu il y a des millénaires, se réveille dans les années 1980 dans un monde qui a bien changé. Le mystérieux mutant veut fonder un monde tel qu’il le conçoit et sur lequel il régnerait en maître. Bien sûr, Charles Xavier et ses alliés vont se mettre en travers de sa route…





LES PREMIÈRES MINUTES ?

Le film s’ouvre sur l’Égypte, à l’époque des pharaons, où l’on y voit le puissant Apocalypse régner comme un véritable dieu sur les hommes. Le mutant va faire l’objet d’une mutinerie, qu’il va l’emprisonner dans une pyramide. Une ouverture efficace qui pose les choses simplement et surement.
Ensuite, on fait un bon dans les 80’s où l’on retrouve nos héros éparpillés un peu partout sur la Terre. Raven mène son combat envers la discrimination des humains envers les mutants, Charles Xavier voit son école prendre de l’ampleur, tandis que Magneto s’est retranché loin des conflits en Pologne, où il est devenu père de famille.
Tout est paisible, trop même… Le réveil d’Apolypse va chambouler le quotidien de nos héros.

Un premier quart d’heure qui part sur de bonnes bases. Pour le moment, on est dans la continuité de « Days of Future Past » et de « X-Men le commencement« 





LE CASTING ?

Bryan Singer s’entoure d’une distribution qu’il connait bien dans l’ensemble. On a tout de même quelques petits nouveaux, qui se montrent à la hauteur de leur personnage.
Le trio James McAvoy/ Michael Fassbender/ Jennifer Lawrence assure comme il faut. A mes yeux, ils font parti des meilleurs acteurs de la saga. La relation entre McAvoy et Fassbender est très émouvante, il y a une véritable alchimie entre les deux acteurs.
Oscar Issac livre une prestation solide, mais c’est visuellement que la magie n’opère pas. Par moments, Apocalypse donne une impression caoutchouteuse. Le design du personnage est proche de celui d’Ivan Ooze, le méchant du film « Power Rangers« . C’est dommage !
Sophie Turner se montre convaincante dans la peau de Jean Grey, tout comme Tye Sheridan dans celle de Cyclope. Evan Peters s’éclate en Quicksilver et il le partage très bien à l’écran.

Nicholas Hoult et Rose Byrne restent plus secondaires, mais le job est accompli. En revanche Olivia Munn (Psylocke), Alexandra Shipp (Tornade) et Ben Hardy (Archangel) manquent de charisme.





ET AU FINAL ÇA DONNE QUOI ?

Je me lève de mon siège et je suis globalement satisfait de ce nouvel opus. Bryan Singer ne livre pas le meilleur long métrage de la saga, mais il reste toutefois un très bon divertissement. Le film se divise clairement en deux parties, la première nous présente tous les personnages et les réunis vers un seul objectif : lutter contre la menace Apocalypse (ou s’allier avec, cela dépend du camp choisi). La seconde partie est plus axée sur l’affrontement. J’ai préféré nettement la seconde partie où le rythme est haletant et les scènes sont assez spectaculaires.
La mise en scène de Singer répond dans l’ensemble à ce qu’on attendait d’elle. On a le droit à des scènes de combats épiques et spectaculaires. Tout n’est pas parfait, certaines scènes auraient pu être mieux orchestrées, notamment celle de Magneto et sa famille dans la forêt en Pologne. Bien sûr la scène de Quicksilver est déjà culte, comme pour c’était le cas dans le film précédent. Le petit tacle à « X-Men 3 » ne passe pas inaperçu (scène où les X-Men sortent du cinéma). Visuellement, on peut faire quelques reproches sur certains costumes et quelques effets spéciaux. On frôle parfois la série B.
Le scénario n’a pas de réelle surprise, tout est plus ou moins prévisible. Cela dit, il se fond parfaitement au milieu de tous les films. A première vue, je n’ai pas vu de grosses incohérences. On aurait bien évidemment aimé voir plus d’approfondissement chez certains personnages et de véritables rebondissements. Apocalypse méritait d’être un plus impressionnant, plus flippant, plus cruel… Les thématiques qu’on avait apprécié dans « Days of Future Past » sont quasi inexistants. L’absence de Vaughn à l’écriture se fait ressentir. On a donc une histoire téléphonée, mais qui évite les pièges de la confusion envers les autres opus.
John Ottman livre une bande originale épique, dans la lignée de ce qu’il avait fait pour les films précédents. J’ai un petit faible pour la musique qui accompagne lors l’ouverture en Egypte.
Je pense que ce X-Men : Apocalypse aurait dû être développé en deux films. Cela aurait permis peut être un meilleur déroulement scénaristique, plus de profondeur et des thématiques moins survolées. 2h30 de film, c’était un peu court, pour déployer tout ce qui entoure le personnage d’Apocalypse…

Petit mot sur la scène post-générique, elle ouvre clairement la voie au nouveau film Wolverine et il possible que l’on y retrouve Dents de sabre et Deadpool…




En résumé, X-Men : Apocalypse est bon film de super héros, mais pas le meilleur la saga. Le scénario aurait mérité un peu plus de profondeur et des péripéties plus percutantes. Visuellement ça frôle le brouillon, on se demande parfois où est passé Bryan Singer ?

Critique complète disponible ici 

LE cinéma avec un grand A, retrouvez le blog ici et la page Facebook ici 




ROB LIEFELD : L'HOMME QUI DIVISE LES LECTEURS DEPUIS PLUS DE TROIS DECENNIES

Il suffit que nous postions parfois quelques images ou couvertures réalisées par Rob Liefeld pour nous rendre compte que bien des années après sa période faste et controversée, l'artiste continue de diviser profondément les fans. D'un côté il y a ceux qui sont heureux de voir ces personnages ultra dynamiques, qui fleurent bon les années 90, et ravivent des souvenirs émus des bancs du collège ou de la fac. De l'autre il y a tout ceux qui crient au scandale, invoquant le manque flagrant de fondamentaux chez ce dessinateur aux anatomies impossibles, souvent critiqué car incapable de dessiner des pieds et autre chose que des super-héros bodybuildés, ou qui croulent sous 3 tonnes d'armes à feu. Liefeld n'est certes pas un spécialiste du détail et du rendu plus vrai que nature comme le rappelle Robert Kirkman, quand il s'agit de le défendre. C'est un peu comme si l'artiste, devant la banalité quotidienne du corps humain, s'exclamait : tout ça est ennuyeux, je peux mieux faire! Du coup il se jette tête basse dans son œuvre, et sans se préoccuper le moins du monde du concept de réalisme, variant par moments les détails des costumes d'une case à l'autre, ou en dessinant des armes ou des gadgets totalement farfelus qui ne correspondent à rien dans la réalité. Liefeld dessine en roue libre, selon son inspiration et son plaisir, s'éloigne à chaque vignette du photoréalisme cher à Jim Lee, Alex Ross et leurs épigones. N'oublions pas l'importance historique de l'ami Rob, dans les années 90 le créateur de Deadpool et Cable, puis un des fondateurs du studio Image, bref il fut un acteur incontournable de la scène comics. Pour vous donner un ordre d'idée de l'importance de son travail, en 1992, une vente aux enchères chez Sotheby's rapporta, pour les planches originales du premier numéro de X-Force, la somme de 39000 dollars. Les dessins de Liefeld sont pour beaucoup comme des uppercuts reçus en pleine figure, du dynamisme exagéré pour un plaisir immédiat et synthétique. Liefeld est un de ceux qui ont vaguement récupéré l'héritage de Jack Kirby, et l'ont perverti à la sauce do it yourself, une sorte de version moderne et en bande dessinée de ce que firent les Sex Pistols avec le punk, une grosse dizaine d'années plus tôt. Rob Liefeld ne se revendique d'aucune école des beaux-arts, ni ne prétend être un illustrateur maîtrisant à la perfection les codes et les techniques en vigueur. Il a été propulsé très tôt et vite sur des fill-in aussi bien pour Dc que Marvel, avant de se voir confier un vrai titre balbutiant, New Mutants, qu'il allait révolutionner d'emblée, et transformer ensuite en un succès phénoménal, qui continue aujourd'hui de faire des émules, avec des personnages forts et badass qui se meuvent à la perfection dans l'air du temps où ils naquirent. 


Et puis bien entendu il y a Deadpool, la poule aux oeufs d'or pour Marvel, depuis quelques années. Un personnage qui recueille l'adhésion dès sa création sous forme de melting-pot d'autres héros des comics américains. Deadpool c'est un peu la fusion entre Spider-Man, Deathstroke (dont d'ailleurs il emprunte jusqu'au nom de famille) mais aussi quelque part Wolverine, puisqu'il n'est jamais que l'expérience ratée, qui amena par la suite à la création de l'arme X. Certains ont reproché a Liefeld d'être uniquement le co-créateur du Mercenaire disert, ce à quoi il a toujours répliqué que n'importe qui aurait pu en faire autant, à la place de Fabian Nicieza, le scénariste sur New Mutants  #98, le fameux épisode où apparaît pour la première fois Deadpool. En fait c'est moi qui écrivait ces histoires et tout comme cela arrivait avec d'autres comme Jim Lee par exemple, il y avait un scénariste juste pour m'épauler. Cette déclaration est importante car dans l'art de Rob Liefeld, dans son processus créatif, c'est le dessinateur qui génére l'aventure. Ce n'est pas un hasard si il appartient à la génération Image, qu'il a contribué à créer. Pour lui c'est l'illustrateur qui est le vrai héros de ces 22 23 pages mensuelles. Le scénariste lui se contente d'écrire des dialogues, et d'ajouter un fond purement formel. N'oublions pas par exemple qu'en 1992, à la convention de San Diego, Todd MacFarlane lui-même participait à un panel dont le titre était éloquent : les dessinateurs ont-ils vraiment besoin des scénaristes? Nous avons affaire là à une génération qui est totalement convaincue qu'il est possible de raconter une histoire et de la truffer de multiples détails, rien qu'en la représentant sous forme de splash pages hyper cinétiques qui explosent à la face du lecteur. L'expérience de lecture s'apparente à un combat, les coups pleuvent; et il s'agit de laisser la victime KO debout.




Liefeld connait l'importance de l'image, non seulement dans la bande-dessinée, mais dans la vie de tous les jours. On l'a retrouvé dans un spot publicitaire pour Levi's, réalisé par Spike Lee, et aujourd'hui encore il utilise à la perfection les réseaux sociaux, dès lors qu'il s'agit d'allumer quelques mèches, principalement envers certains de ses collègues qu'il estime bien peu. Une erreur commise durant sa carrière par l'ami Rob? C'est bien lorsqu'il est retourné à Marvel le temps de l'opération Heroes Reborn. Un naufrage artistiqueà la suite duquel il fut également reproché (entre autres) un retard notable quand il s'agissait de rendre les planches, et l'utilisation de mains extérieures pour compléter un grand nombre de vignettes, s'occuper notamment des décors et fonds de cases, qui ont tendance à l'ennuyer profondément, voir le mettre en difficulté professionnellement. A partir de là c'est la rupture définitive avec McFarlane, et le début de la traversée du désert. Après avoir quitté Image il fonda l'étiquette Awesome comics et escompta louer les services d' Alan Moore en tant que scénariste principal, mais ce dernier lâche tout et se reporte sur la Wildstorm de Jim Lee, notamment pour America's best comics. C'est là le comble en fait, car on pourrait penser que Liefeld est cette espèce de mouton noir en raison de son style si particulier, et de son interprétation toute personnelle de ce qu'est l'anatomie humaine, mais en réalité c'est son comportement, sa manière d'intéragir avec les autres artistes, les éditeurs et les collaborateurs, qui l'ont peu à peu poussé à se réfugier dans la marge, dont il est sorti avec bien du mal, et peu souvent. Que reste-t-il aujourd'hui de Rob Liefeld, quelle esthétique? Tout simplement cette énergie et cet enthousiasme incroyable, que souligne à nouveau Robert Kirkman, qui a forcément soulevé le lectorat dans les années 90, et lui en a mis plein les mirettes. Le dessinateur a su être au bon endroit au bon moment, mais il a su également capter les bonnes vibrations, et les retransmettre de la bonne manière. Soit être capable d'agir comme un filtre et de retranscrire l'esprit du temps, de transformer ce qui peut sembler au premier abord une exagération graphique évidente, en un concentré d'émotions violentes, qui transparaissent des visages et des corps maltraités des personnages. C'est ce que l'on appelle le Zeitgeist en terme philosophique et historique.  Liefeld peut plaire ou ne pas plaire, il ne changera jamais, et tout auréolé de ses brèves victoires, et fustigé par de nombreuses critiques acerbes, il restera à jamais comme un nom sur lequel les lecteurs se sont violemment divisés, le faisant ainsi exister à jamais dans le long roman populaire des comic-books modernes. 




A lire aussi : 

CHASM : LE FARDEAU DE KAINE (UN FARDEAU POUR LES LECTEURS)

 En mars 2024, Marvel a publié un gros fascicule intitulé Web of Spider-Man , censé donner un aperçu de quelques unes des trames sur le poin...