Un film violent, dans le sens le plus "pop du terme", car comme chacun le sait, l'époque est à la débauche, la surenchère. Et ça marche. Une réussite qui s'explique pour commencer par les interprètes, tous complètement dans la peau du personnage (John Cena est celui qui surprend le plus du point de vue du jeu d'acteur, offrant bien plus que ce que l'on aurait pu attendre du Peacemaker, loin d'être une star montante), au point que l'effet "bande d'amis pour lesquels on tremble" et le choc de la trahison remplissent parfaitement leur office. La structure dramaturgique est telle qu'elle surprend même le spectateur le plus sceptique, pour le mener jusqu'au terme de la chevauchée, quoi qu'il puisse arriver, jusqu'à l'entrée en scène de la menace suprême, l'extraterrestre Starro, qui débouche cependant sur une conclusion un peu téléphonée (de nouveau, le pugilat généralisé pour clôre un cinécomics, c'est le point faible inhérent au genre). Twists, secrets et trahisons constituent le mélange mortel d'un film qui se termine presque trop vite. Non pas que James Gunn devait faire un film de trois heures ou plus (une fantaisie qui colle plus au tempérament de Zach Snyder), mais il pose sans aucun doute les bases d'un univers - que l'on verra en partie à la télévision plus tard - qu'on aimerait certainement retrouver, encore une fois, au cinéma. Dans Suicide Squad on peut lire la volonté de mettre en avant un groupe de derniers de la classe qui ne sont pas particulièrement stables mentalement et qui décident de se rebeller au déterminisme et aux failles qui plombent la vie de ceux qui échouent, et pensent ne pas valoir grand chose. Cette Suicide Squad se transforme au fil des minutes en miroir de cette société abandonnée, dupée et trompée, si actuelle. Des individus fatigués de ne vivre que dans un présent hostile, fuyant un passé douloureux, mais désireux de pouvoir aspirer au futur que tout semble leur refuser (ils agissent tout de même avec une bombe implantée dans le cerveau, pas de quoi voir la vie en rose et faire des projets d'avenir). Cette partie de la société qui est obligée de rester spectatrice, de simplement suivre les règles ou les ordres et de ne pas poser de questions. Et c'est ainsi que ces criminels fous deviennent un modèle de révolte et de révolution. Solidarité, union et empathie sont leurs munitions. La résolution finale du film réside précisément dans l'union. L'escouade est devenue une fraternité, au grand dam d'Amanda Waller qui elle perd le respect et la crainte de ses subalternes! Ce n'est certainement pas la rédemption que recherchent pourtant les personnages de James Gunn. Le réalisateur ne veut pas en faire des héros, cela n'a jamais été son intention, mais il fait quelque chose de plus audacieux. Il part à la découverte de leur humanité! Leur désir d'aller au-delà des apparences, au-delà du simple appât du gain ou du but personnel. Pour une fois, ils veulent se sentir membres d'une équipe, d'un projet, du monde tout simplement, et faire quelque chose que trop de héros ont peut-être oublié de faire : suivre leur libre arbitre, protéger les innocents, au mépris du danger et des conséquences. Un hymne aux ratés, aux laisser pour compte, à ceux en qui on ne croyait guère plus. Le terreau le plus fertile pour la créativité débridée et décomplexée de James Gunn, qui gagne son pari haut la main.
THE SUICIDE SQUAD : LE GRAND PIED DE NEZ DE JAMES GUNN
La véritable mission suicide du film est peut-être celle de prétendre donner une suite, ou pour être exact de faire ressurgir de ses cendres la Suicide Squad, après le long-métrage de 2016 signé David Ayer, qui fut, admettons le, un échec retentissant. En définitive nous nous sommes dirigés vers la salle obscure et peu fréquentée en ce moment (les spectateurs ne se bousculent pas à l'entrée, entre masque obligatoire durant les séances et passe sanitaire que tous ne possèdent ni ne désirent pas) pour voir le travail de James Gunn, pourtant considéré comme le seul capable d'opérer ce genre de miracle -à savoir ressusciter une franchise moribonde- avec un petit quelque chose de pessimiste au fin fond du cerveau. Mais James Gunn, donc. Son talent principal est probablement d'être un geek, c'est-à-dire de maîtriser parfaitement tous les codes du genre, de savoir utiliser l'humour avec bon escient, d'adresser le clin d'œil qu'il faut savoir faire au bon moment, de divertir sans aucun complexe, tout en proposant un produit qui a du sens, une histoire qui tient debout et qui se laisse regarder avec plaisir. D'ailleurs ici point n'est besoin de mettre sur pied une origin story et de raconter pour chacun des personnages la source de leurs pouvoirs, d'où ils viennent, les traumas blessures ou autres expériences qui les ont poussés à devenir ce qu'ils sont... le tout est ébauché de temps en temps avec ironie, ou amené au détour d'une conversation. Il y a bien quelque flashback, notamment pour la gothique Ratcatcher, mais tout ceci ne vient pas empiéter sur un scénario linéaire, qui se fixe un objectif et l'atteint, sans jamais déroger à ce qui ressemble à une course folle et déjantée. Le réalisateur ne fait pas de complexe et d'entrée de jeu il prend un contre-pied malin, en jetant au visage du spectateur (qui ne connait pas vraiment les héros dont il est question ici) un groupe fantomatique qui sert de leurre. Cette équipe connaît une déroute mémorable et splatter, sur une île fictive du nom de Corto Maltese. Cette introduction désopilante et cruelle est en fait le point de départ de la véritable Suicide Squad, qui s'articule autour d'un chef présumé comme Rick Flag, une bande de seconds couteaux sans grand sens stratégique, et une vedette comme Harley Quinn; c'est suffisant pour proposer un ensemble hétéroclite et dysfonctionnelle mais éminemment drôle, où le manque de savoir-faire, l'approximation la plus totale et les failles béantes servent de moteur à tout ce qui va suivre. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si même Harley Quinn bénéficie d'un traitement globalement réussi, où toute sa folie peut éclater aussi bien de manière visuelle, à travers les choix esthétiques du réalisateur, que dans les dialogues et les situations. Comme dans chaque groupe qui se respecte, placer un animal anthropomorphe, ou en tous les cas un personnage issu du sérail animalier, permet de créer un décalage bienvenu. Ici c'est le requin King Shark qui s'y colle, dans la peau au départ du presque grand méchant potentiellement dangereux pour ses coéquipiers (il souhaite tout de même en dévorer une!) et qui peu à peu se rachète, en découvrant les valeurs de l'entraide et de l'amitié. Une des grandes réussites du film, c'est de n'avoir absolument aucun tabou envers le second degré et l'hémoglobine, et les situations extrêmes. Vous souhaitez voir une tête rouler en gros plan, une hache qui fend un crâne dans toute sa largeur ou des individus démembrés, vous êtes ici au bon endroit. Le sang coule mais c'est toujours proposé d'une manière caricaturale et excessive, ce qui fait qu'on ne peut pas se retenir d'esquisser un sourire ou de franchement exploser de rire, là ou autrement nous aurions pu être clairement embarrassés.
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