THE FLASH CHRONICLES 1992 : WALLY WEST NÉ POUR COURIR


 Flash est une question de dynastie, de succession. Petit rappel pour les novices : le premier Flash historique s'appelle Jay Garrick, mais c'est le second du nom, Barry Allen, membre de la police scientifique de Central City qui est probablement le plus célèbre. Il a obtenu ses pouvoirs par un heureux concours de circonstances. Frappé par la foudre dans son laboratoire, il est aspergé de produits chimiques et la combinaison des deux événements lui permet d'acquérir les pouvoirs que vous savez. Pourcentage de chance que l'événement se reproduise avec un autre individu ? Probablement le même que de voir demain Elisabeth Borne choisir d'abaisser l'âge légal du départ à la retraite à soixante ans. C'est pourtant ce qui s'est produit avec Wally West, le petit neveu de Iris West, son épouse. Le gamin était un fan de Flash et le jour où il a pu visiter le laboratoire de Barry et y rencontrer son super héros favori, l'orage a éclaté et la foudre à frappé dans les mêmes circonstances, pour les mêmes résultats. Puis Barry Allen disparaît à l'issue du grand crossover Crisis on Infinite Earths et c'est Wally qui devient le seul et unique Flash. Sa personnalité diffère de celui qui le précédait : il est beaucoup moins expérimenté, papillonne d'une conquête à l'autre, se montre parfois un peu trop sûr de lui, ou au contraire, a tendance à gâcher son potentiel. William Messner-Loebs, le scénariste du titre, prend aussi l'habitude d'exposer sa propre vision de l'Amérique et de la politique, avec des saillies humoristiques ou sarcastiques qui commentent l'évolution sociale. Les Chronicles d'Urban Comics choisissent de démarrer en 1992, alors que nous en sommes déjà au numéro 58. Nous pouvons ainsi lire les derniers épisodes scénarisés par l'artiste, le temps d'assister au mariage de la mère de Wally, de le voir hésiter entre plusieurs conquêtes, pour finalement se tourner vers celle qui va devenir sa femme (Linda Park) et de se rendre compte que le titre avait alors un petit côté déjanté très sympathique, qui contrastait agréablement avec la sinistrose ambiante des années 1990. Et puis, on est à peine habitué que c'est au tour de Mark Waid de relever le défi d'écrire Flash. Ce qui tombe bien, car le type est à la fois un amoureux transi des comics DC, un fin connaisseur des super-héros et un écrivain de talent. Première mission pour Waid, revenir sur les origines de Flash Wally West à travers un arc narratif en quatre parties intitulé Born to run (qui correspond aussi à Flash Year One). Il n'écrit pas grand-chose de nouveau; ce sont des faits qui ont déjà été présentés dans le passé. Mais là où il y avait peu d'espace pour développer les événements, Waid travaille dans la marge, creuse les interstices et étoffe la légende, en expliquant dans le détail ce qui a bien pu se passer dans la tête d'un gamin au contact de son mentor, alors qu'il reçoit des pouvoirs totalement insensés et pas forcément simples à maîtriser. Non seulement ce sont des épisodes très lisibles mais en plus, on prend un plaisir évident avec les premiers pas de ce nouveau Flash, qui sont aussi dessinés par Greg Laroque, qui lui est resté fidèle au titre. Des figures puissantes, dynamiques, encrés parfois de manière un peu lourde, mais qui sans être extrêmement gracieuses, fonctionnent parfaitement bien et donnent une vraie identité au Flash du début des années 1990. En gros, ça commence très bien, cette histoire de Chronicles pour Flash !


Mark Waid est à classer au rang des historiens des comics; ce n'est donc pas un hasard s'il récupère l'héritage de l'un des pères fondateurs du personnage, John Broome, le temps d'un petit crossover avec Green Lantern, en 4 épisodes. Green Lantern et Flash, c'est une grande histoire d'amitié qui remonte à loin dans le passé, mais c'est bien entendu au départ principalement le tandem Barry Allen Hal Jordan qui s'est soudé avec le temps. Ici, Wally fait donc équipe avec celui qui était un des meilleurs amis de son oncle, pour s'en aller mener une escapade à Gorilla, City une ville futuriste habitée par des gorilles super intelligents, au cœur de la jungle africaine. Le pire d'entre eux s'appelle Grodd; il a des envies d'hégémonie, il peut être cruel, tyrannique, sanguinaire et le problème, c'est qu'il vient de se libérer et fomente une sorte de guerre civile interne à cet état fictif et simiesque. Flash est donc appelé à la rescousse; en réalité un message pour Barry Allen, mais c'est maintenant Wally qui va devoir s'y coller… et comme il ne répond pas instantanément à la sollicitation, à Jordan de se rend sur place pour dépanner, en mémoire de celui qui fut un de ses meilleurs amis. Hommage à John Broome, car ces épisodes présentent de nombreuses créations du grand scénariste comme Grodd, mais aussi Victor Hammond, ou encore le chien super intelligent Rex. On trouve aussi dans ce gros volume le cinquième annual de la série régulière de Flash, qui s'insère dans une trame un peu plus complexe. En 1992, DC comics souhaitait relancer le vilain nommé Eclipso, à travers une saga estivale intitulée The Darkness within. Le moins que l'on puisse dire par contre, c'est que l'ensemble est confus. C'est tellement baroque que ça a fort mal vieilli. Néanmoins, il y a du Travis Charest au dessin et je sais que cela va en intéresser beaucoup. Notons aussi un affrontement face à Abra Kadabra, le magicien venu de 46e siècle, où ce dernier n'apparaît pas seulement comme un criminel quelconque, mais aussi, pour les gens de son époque, comme une figure libératrice, capable de pousser au soulèvement. Quand on referme ces Chronicles de 1992, on a le sentiment d'avoir "subi" comme une cure de jouvence, avec des épisodes qui méritent vraiment d'être découverts et qui font partie de toute cette production DC comics qui est passée à la trappe, pour les lecteurs français. Comme d'habitude, l'appareil critique est riche, fort documenté et les textes écrits par Yann Graf sont d'excellente qualité. On ne va donc pas se plaindre, au contraire, on va vite dévorer ces centaines de pages, en attendant 1993.





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