LES TORTUES NINJA - TMNT RENAISSANCE AVEC SOPHIE CAMPBELL


 La situation et le contexte pourraient bien surprendre tous ceux qui pensent que les Tortues Ninja, c'est un univers de fiction régressif destiné à des enfants en mal de dessins animés. L'excellent run de Eastman et Waltz vient donc de se terminer et c'est au tour de Sophie Campbell de prendre la relève (scénario et dessins). Le premier tome des nouvelles aventures des Tortues est publié chez Hi Comics, avec le titre emblématique de Renaissance. Il règne pourtant d'emblée comme un parfum d'apocalypse. Bien des choses ont changé dans le quotidien de nos personnages, à commencer par un manque tragique : ils ont perdu leur mentor, leur père Splinter. Ensuite, une bombe génétique qui a explosé dans Manhattan a provoqué l'apparition de plusieurs milliers de mutants, c'est-à-dire de croisements entre l'homme et l'animal. Un événement totalement inattendu qui a rapidement entraîné une forme de ségrégation et bien des difficultés à vivre chez ceux qui ont subi cette mutation. De leur côté, les Tortues sont au plus mal et ont décidé volontairement (ou involontairement) de se séparer, de se recentrer. Comme cela est déjà arrivé dans le passé, Raphaël a choisi d'exprimer sa colère et sa frustration en solo. Les autres passent le plus clair de leur temps isolés, complètement KO après ce qui leur est arrivé. Leonardo joue au jardinier, Michelangelo passe son temps avec son chat et Donatello est désemparé. Le récit se concentre aussi sur Jenny, récemment transformée en tortue, qui décide de se rendre utile, notamment en s'impliquant dans la distribution de nourriture à ceux que l'on appelle les mutanimaux. Hob est également un des personnages importants de cette nouvelle histoire. Si d'un côté il tente d'organiser la sauvegarde et le quotidien des siens, en leur proposant nourriture et refuge, de l'autre il compte bien également vendre certains spécimens au clan Foot. Bref, ombre et lumière sur un protagoniste à part, qu'on peut aimer détester ou détester aimer.



On ne va pas y aller par quatre chemins et on va tout de suite lâcher l'avis définitif : nous sommes face à une excellente histoire et indiscutablement, les Tortues Ninja restent au sommet de la vague et s'imposent comme un des titres indispensables de ces dernières années. Il faut dire qu'avec Sophie Campbell, les héros ont l'air d'être entre de bonnes mains, aussi bien pour ce qui est du scénario (elle parvient notamment à représenter le traumatisme et le sentiment de manque vécus par chaque tortue avec une grande justesse) mais aussi du côté des dessins, qui sont vraiment attachants, truffés de détails, avec des vignettes souvent chargées mais qui reste lisibles, très généreuses. Campbell n'oublie pas d'élargir au possible l'univers des TMNT, que ce soit avec Alopex et son refuge pour mutanimaux, Jenny qui s'impose de plus en plus comme "un collant" entre les autres tortues, ou les jeunes poussent qui vont être invitées à faire leur premières armes et apprendre l'art du ninja, dans le dojo improvisé de leurs aînés. C'est désormais un univers complexe et vraiment séduisant qui est proposé au lecteur. Fatalement, puisque cet album s'appelle Renaissance, la séparation - voire même la dépression traversée par les Tortues Ninja - est destinée à déboucher sur un nouveau départ, une nouvelle cohésion, basée sur la mémoire de celui qui n'est plus là. Et nous vous laissons la surprise et le plaisir de voir comment les personnages vont évoluer, sachant que très vite, un premier rebondissement d'importance va se dresser sur leur route. Si jusqu'ici vous suiviez les aventures de Raphaël et compagnie, vous le savez. Si vous en avez juste entendu parler, sachez qu'il ne s'agit pas d'un mensonge mais d'une vérité établie : cette série fait partie de ce que vous devez placer dans votre comicsothèque, point à la ligne !



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The Last Ronin chez Hi Comics

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DYLAN DOG / BATMAN : UN EXCELLENT CROSSOVER BONELLI/DC COMICS


 Ces deux-là ont finalement bien peu en commun. Dylan est un ancien agent de la police de Scotland Yard. Désormais reconverti en "détective de l'étrange ou du surnaturel", il est aux yeux de l'opinion publique une sorte de charlatan. Il réside à Londres, où il collectionne les aventures sentimentales, dans le confort douillet de son logis de Craven Road. Batman est le défenseur de la ville de Gotham et un membre éminent de la Justice League. C'est un super-héros violent et inflexible, mais aussi un milliardaire dans la vie civile. Le premier est publié en italien par Sergio Bonelli Editore (en français par Mosquito, dans des albums assez peu réguliers et qui passent systématiquement en dessous des radars). Le second est le fer de lance de l'univers DC Comics et la locomotive des ventes d'Urban Comics. Leurs mondes respectifs se croisent, le temps d'un crossover assez singulier, publiés dans trois numéros au format kiosque classique de chez Bonelli, mais en couleurs. Le projet fait suite à Zagor/Flash et Nathan Never/Justice League, même s'il avait été le premier annoncé lors du grand rassemblement de Lucca Comics, voici quelques années. 



Pour faire simple, disons que le meilleur moyen d'unir les forces de ces deux personnages hors du commun est aussi d'associer leur plus grands ennemis respectifs. Le Joker est à la recherche d'un comparse capable d'égaler sa folie et de partager sa vision des choses. Son choix est de se tourner vers Xabaras, qui pourrait bien détenir le secret de l'immortalité. Un secret qui une fois couplé avec la mixture fatale et "hilarante" du Joker permettrait d'obtenir de biens singuliers résultats. Les alliés aussi vont se mêler à cette histoire, puisque Catwoman et le fidèle Groucho vont se retrouver concernés par cette enquête, en bien mauvaise posture à un certain moment. Roberto Recchioni est un scénariste qui a passé le plus clair de son temps à soigner son image plutôt que ses travaux et cela lui a porté préjudice, durant les dernières années. Néanmoins, quand il fait quelque chose d'admirable, il convient de le dire. Ici, il parvient à respecter à la lettre les différents personnages qu'il met en scène, tout en créant quelque chose de dynamique, de drôle, de toujours passionnant et pertinent : un travail d'orfèvre. Au niveau du dessin, c'est Werther Dell'Edera, avec l'aide de Gigi Cavenago à l'encrage, qui font des étincelles. Fabuleux est un adjectif qui convient parfaitement pour définir leurs efforts conjoints; chaque planche est de toute beauté, les formes et les volumes sont saisissants et nous détenons là, en fait, une des meilleures histoires de chacun des deux héros, de ces dernières années. Le projet qui était né comme une rencontre improbable et un quasi certain accident éditorial se révèle être en fait quelque chose de vraiment indispensable, qui a tout pour séduire aussi bien les lecteurs de Dylan Dog que de Batman. Reste maintenant à savoir s'il existera un jour une version française de cette histoire et qui aura la possibilité de la publier, étant donné que les droits d'exploitation des deux univers respectifs pourraient poser problème. Nous avons déjà avancé notre candidature pour ce qui est de l'adaptation et nous attendons avec confiance et curiosité ce que cela va donner. En attendant, si vous comprenez un tant soit peu l'italien ou que vous voulez juste profiter des superbes dessins, sachez qu'une édition librairie sera inévitablement disponible, très bientôt, et que même si vous n'avez pas la chance d'aller très souvent rendre visite à nos voisins transalpins, elle devrait être normalement à l'acquisition sur Amazon. Dans le pire des cas, envoyez-nous un mail ou un message privé pour commander ce Dylan Dog/Batman absolument inédit.


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LA SORCIÈRE ROUGE : LA DERNIÈRE PORTE


 Certains personnages sont tout de même moins bien vernis que d'autres. Prenez par exemple la sorcière de l'univers Marvel, Wanda Maximoff : entre deux coups de folie et périodes durant lesquelles elle craque littéralement, et des tentatives de réhabilitation pas toujours inspirées, la Sorcière Rouge a vécu ces dernières années un incroyable roller coaster émotionnel. Aussi, nous pouvons apprécier de voir sa nouvelle série démarrer sur un rythme plus apaisé et rassurant. Commençons par la nouvelle situation professionnelle de la jolie rouquine : elle a désormais décidé d'ouvrir une boutique de livres anciens; elle en est la propriétaire et emploie Darcy Lewis, dont le rôle et l'identité vont se préciser à partir du troisième épisode. Dans le même temps, elle ne dédaigne pas de prêter main-forte à ceux qui en ont besoin et qui viennent solliciter son aide, c'est-à-dire le recours à ses pouvoirs magiques et mystiques. Au fond du magasin se trouve une porte étrange; quiconque la traverse est animé d'un désespoir profond et n'a plus qu'une seule solution pour remédier aux problèmes qui le/la taraude, s'en remettre à Wanda, la dernière chance pour s'en sortir. Dans le premier épisode, il faut bien être honnête, nous assistons à un démarrage en sourdine. Ce qui est le plus intéressant dans ce renouveau, ce sont les dialogues, la quotidienneté, la tentative de repositionnement du personnage qui est opérée. Wanda se rend donc en Italie, à Amatrice, village qui a été l'objet d'un violent tremblement de terre il y a quelques années et qui est ici sommairement présenté et caricaturé, afin de venir en aide à une certaine Jarnette Chase. C'est véritablement à partir du second épisode qu'on qu'on prend plus de plaisir, avec l'arrivée de Viv, la fille de la Vision et de son épouse artificiel, dont les chemins mentaux ont été calqués sur ce de la Sorcière Rouge. Viv ne va pas très bien, et pour cause, elle cauchemarde ! Il faut dire qu'elle a perdu sa mère et son frère, bref, tout ce qui faisait sa boussole morale et affective.


Une série au féminin donc, avec notamment l'apparition d'une guerrière amazone du nom de Scythia, mais aussi une petite excursion dans un monde miniature, à l'échelle subatomique, sur le modèle d'ailleurs d'une aventure des Fantastiques dont je conserve un petit souvenir ému, dans les années 1990. Ce qui est amusant avec ce premier tome de la série consacrée à la Sorcière Rouge (il n'y en aura que deux car Marvel a choisi de stopper la publication au numéro dix, pour relancer ensuite le duo Scarlet Witch & Quicksilver) c'est que malgré les chocs, les combats, l'épique, on reste dans une certaine veine intimiste et on vit un peu à l'écart de tout le microcosme Marvel, comme si la période nécessaire pour que Wanda se remette complètement sur pied se traduisait par une forme d'isolement bienvenue à travers ces pages. Le scénario de Steve Orlando avance donc peu à peu et par étapes bien distinctes, tandis que le dessin permet à l'italienne Sara Pichelli de démontrer qu'elle est toujours capable de produire des planches superbes. C'est vrai qu'on l'a vue un peu disparaître c'est temps derniers, c'est vrai qu'on la voyait déjà tout en haut de l'affiche, mais ici, on ne peut rien lui reprocher. Bien au contraire, tant elle est convaincante, aussi bien dans les moments les plus apaisés que dans ceux où l'action explose. D'ailleurs, je n'avais jamais vu une aussi belle représentation de Viv, qui semble quasiment s'animer sous les yeux du lecteur. Une publication qui n'a aucune prétention de bouleverser l'histoire du personnage ou la continuité de la Maison des Idées, juste pour se faire plaisir, juste pour le plaisir de retrouver notre sorcière bien-aimée.





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GRANDVILLE BÊTE NOIRE : TROISIÈME TOME DES AVENTURES DE L'INSPECTEUR LEBROCK


 Avec le volume intitulé Bête noire, nous voici arrivés au troisième chapitre des aventures de l'inspecteur Lebrock, le blaireau le plus efficace de la police de Scotland Yard. L'action se situe toujours dans cet univers steampunk/art nouveau truffé d'animaux anthropomorphes; la France de Napoléon est parvenue à envahir l'Angleterre et à la dominer, au point d'asseoir un empire incontesté jusqu'à nos jours (ou presque). Depuis une vingtaine d'années, les Anglais ont obtenu leur indépendance (de haute lutte) tandis qu'un nouveau gouvernement règne du côté de Paris. Pardon, je veux dire de Grandville ! Un gouvernement populaire et pour le peuple, qui bien entendu n'est pas vu d'un très bon œil par tout le monde. Par exemple, les industriels et les puissants, ceux qui se nourrissent des drames et des larmes du prolétariat, les fabricants d'armes, les capitalistes sans foi ni loi, les racistes et les spécistes… ceux-là aimeraient faciliter l'accession au pouvoir d'une caste de privilégiés sans pitié, pour continuer à se partager les meilleures parts du gâteau. C'est dans ce climat un peu particulier qu'est assassiné Gustave Corbeau, un artiste de renom. Il est bien difficile de découvrir comment le crime a pu être perpétré, puisque le corps a été retrouvé dans son atelier privé, hermétiquement clos, avec des gardes devant l'entrée. Aucune trace d'effraction, personne ne semble entré et donc par la même sorti. Lebrock et son fidèle adjoint Ratzi sont convoqués à Grandville et ils commencent à mener l'enquête, qui dans un premier temps les conduit chez un des rivaux de la victime, Auguste Rodent, celui qui justement a reçu la mission de poursuivre les travail d'une grande œuvre, que le gouvernement avait commissionnée à Corbeau et qui devait être affichée très prochainement, sur ce qui était autrefois la gare d'Orsay. C'est parti pour un nouveau jeu de piste au sens propre (Lebrock cherche le coupable) comme au figuré (les nombreuses références à l'art, à commencer par le nom des peintres, ou encore les personnages de bande-dessinées brièvement invités, comme Garfield, Nestor le valet de Moulinsart, ou encore un hommage à Blake et Mortimer).


Pour qu'une aventure de ce genre soit pleinement réussie, il faut un vilain d'envergure. Et ici, nous avons trouvé un candidat parfait en la personne d'Aristote Krapaud. Vil industriel xénophobe et mégalomane, il accumule richesse et pouvoir sans se lasser, en désire toujours plus, jusqu'à en arriver presque naturellement à la possibilité d'un coup d'état. Je vous laisse bien évidemment la surprise en découvrant la dynamique de cette histoire et ses diverses rebondissements. Sachez que Bryan Talbot est plus que jamais capable d'interpréter les pires défauts de notre époque et de les insérer avec intelligence et sensibilité dans une bande dessinée, où les méfaits du capitalisme débridé et un parfum de xénophobie latente et dérangeante sont autant d'ennemis insaisissables. Au milieu de tout cela, l'inspecteur Lebrock assène des bourre-pif et en arrive aux bonnes déductions, tout en mettant à nu ses propres fragilité, qui apparaissent clairement dans sa relation avec Billie, une sorte de professionnelle du plaisir, qui peu à peu est parvenue à conquérir son cœur. Notre blaireau (au sens littéral du terme) serait même sur le point de faire le grand pas, sauf que vous le savez, les héros ont souvent besoin d'être seul, s'ils ne veulent pas que les adversaires s'en prennent à leur famille ou leurs affects. L'ensemble est toujours illustré aussi brillamment, avec une attention constante aux détails, un sens de la mise en scène et une diversité dans les espèces et les types représentés, qui font de Grandville un plaisir visuel truffé de clins d'œil et de renvois intelligents, drôles ou savants. Et à ce sujet, il est toujours intéressant d'avoir en fin d'ouvrage un appendice fort généreux en explications, délivré par l'artiste lui-même, qui met en lumière ses inspirations et présente l'envers du décor. Grandville dans son intégralité, au fil des tomes, chez Delirium, est un des grands plaisirs de lecture du moment, dont l'accomplissement repose aussi sur votre participation et votre curiosité. C'est à vous de jouer. 






DARK KNIGHTS OF STEEL TOME 1 : AU LOIN L'ORAGE


 Proposer une version alternative d'un univers narratif super-héroïque n'a rien d'inédit; c'est même une manière assez simple et intelligente de relancer l'attention des lecteurs et de proposer un terrain de jeu encore vierge, sur lequel avancer des pions et s'amuser franchement. C'est probablement une des spécialités de Tom Taylor, un scénariste qui a déjà utilisé ce stratagème à plusieurs reprises par le passé, tout récemment encore avec une cosmogonie DC comics faite de vampires. Cette fois, nous plongeons à l'air médiévale, ou si vous le préférez, dans un monde fortement inspiré par le genre fantasy. Il existe là-bas deux grands royaume antagonistes qui sont sur le point de se déclarer une guerre sanglante. Nous trouvons d'un côté la maison des El, avec à sa tête un couple souverain extraterrestre venu d'une planète aujourd'hui disparue et leur fils, qui attend d'accéder un jour à son tour au trône. A leur service, le Batman, une sorte de chevalier prêt à s'investir corps et âme dans des missions diplomatiques ou guerrières. Dans le camp d'en face, le roi Pierce maîtrise la foudre et l'électricité et c'est sa famille qui assure le bien-être de ses sujets, en suivant les prophéties mystiques d'un certain Constantine. Ajouter à ceci un troisième royaume réservé aux femmes, où nulle créature du sexe masculin n'a le droit de poser le pied : chez les Amazones, c'est la reine Hippolyte qui dicte sa loi tandis que sa fille Diana professe amour et paix quand elle le peut, tout en entretenant une relation sentimentale avec Kala, elle aussi héritière du royaume des El. C'est un assassinat, un régicide, qui va entraîner la catastrophe inévitable et la surenchère, la montée de la terreur. 


Tout est une affaire de se retrouver en terrain connu et pour autant, d'aller de découvertes en découvertes. Le petit jeu de piste est très transparent et les personnages qui interviennent dans Dark Knights of Steel sont reconnaissables par tous, que ce soit le jeune Superman, Batman, Harley Quinn (ici parfaitement à l'aise dans le rôle de la bouffonne à la cour du roi) ou encore cette petite bande de chenapans acrobates, bien pratiques pour espionner ou réaliser certaines missions où il faut savoir être prudent. On les appelle les Merles, référence aux Robin, c'est-à-dire les rouges-gorges en français. Le lecteur n'y perd pas son latin et apprécie fortement ces avatars médiévaux, qui sont tous assez bien campés. Même chose pour Poison Ivy en grande sorcière de la forêt, qui a ici aussi à un faible évident pour Harley, Black Lightning et ses enfants ( il tient un rôle de choix, le voici dans la peau d'un souverain) tandis que Constantine est encore une fois associé à l'occulte et que Luthor se voit attribué le rôle probablement le plus fascinant, puisqu'on retrouve en lui une partie des attributs du Joker et même l'arme absolue habituellement réservé à Green Lantern. L'ensemble est dessiné par Yasmine Putri et je dois dire que mes doutes initiaux se sont envolés; c'est particulièrement agréable à regarder, les planches sont très lisibles et dotées d'une fraîcheur évidente, susceptibles de plaire même à un jeune public. En fin d'ouvrage, le premier tome propose trois récits complémentaires, des sortes de contes qui permettent de mieux appréhender certains points de détails importants de l'histoire, comme par exemple l'origine des Merles dont nous avons déjà parlé ou comment le jeune Bruce (Wayne) est devenu ce combattant formidable… et grâce à qui : je vous laisse la surprise ! Pour nous, une lecture qui vaut assurément le détour.


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NAMOR RIVAGES CONQUIS : LE PRINCE DES MERS APRÈS L'EFFONDREMENT


Tous les spécialistes en climatologie ne font que nous avertir ces dernières années, tôt ou tard l'humanité devra se confronter sérieusement au problème du réchauffement global de la planète, de la montée des eaux, de l'impossibilité de vivre sur Terre. Ici, le phénomène est toutefois aussi radical qu'exagéré, notamment parce que les Kree ont pris les choses en main et que notre espèce a perdu une guerre cruciale contre ces extraterrestres bellicistes. En gros, il ne reste que peu de terres émergées, ne disposant pas assez de ressources naturelles pour que les poches de survivants assurent une vie décente. Inversement, les grands gagnants de cette histoire, ce sont les habitants des profondeurs, autrement dit les Atlantes, dont Namor fut pendant très longtemps le souverain. Il a désormais abdiqué et c'est sa cousine Namorita qui a accédé au trône. Paradoxalement, le Prince des mers, durant sa longue carrière, a été majoritairement considéré comme un ennemi de la surface, qu'il a essayé de noyer à plusieurs reprises. Et maintenant qu'il est parvenu à la domination presque totale sur la planète, ils tente au contraire d'incarner une sorte de trait d'union entre les habitants des océans et les survivants à la surface. Tout le monde n'a pas forcément confiance en lui et la rencontre avec Luke Cage par exemple, est des plus mouvementées. Mais il reste peut-être un espoir, un individu, une créature synthétique dont l'organisme artificiel pourrait être la clé de l'adaptation des hommes à ce qui devrait être leur dernière porte de sortie, des cités sous-marines leur servant d'abris. Cette dernière chance potentielle vole et elle est capable de générer une auto combustion presque éternelle. Vous l'avez compris, nous parlons de la Torche, l'androïde des origines, autrefois camarade de combat de Namor au sein des Envahisseurs.




Comme si cela ne suffisait pas, il y a donc une troisième faction avec laquelle compter. Après les Atlantes et les humains de la surface, ce sont les robots, les créatures artificielles, qui n'ont pas besoin de dormir et donc peuvent travailler toute la journée et ont subit pendant très longtemps une forme d'esclavagisme, étant de simples objets au service des caprices de leurs créateurs ou utilisateurs. Et la présence des robots provoque des tensions entre les deux autres camps, avec notamment les agissements jusqu'au-boutiste de Machine Man et les tentatives de rassurer Namor de la Torche, quant à ses intentions. Difficile de présenter un monde aussi complexe en seulement cinq épisodes, aussi Christopher Cantwell, le scénariste se concentre t-il sur une unité de temps très brève, durant laquelle les événements se précipitent. Et en un lieu, où tous les héros importants qui ont survécu se retrouvent, quitte à exacerber le litige et amener l'Armageddon final, qui pourrait bien profiter finalement à ceux qui sont habilement abrités dans les profondeurs. Pour le dessin, c'est Pascual Ferry qui est à l'œuvre. Il m'est difficile de me prononcer car j'ai toujours un faible pour la marque du crayon, le côté organique des planches et ici l'aspect digital est très appuyé, notamment avec l'absence d'encrage traditionnel : cela crée parfois un manque de relief dans les pages, qui toutefois conservent une belle palette chromatique, pertinente au vu du sujet, voire parfois envoutante. À déguster comme une sorte de what if qui nous montre un Namor apaisé et tiraillé, qui pourrait bien être victime de sa propre candeur et de ses propres rêves. Ou pour être exact, de sa propre philosophie, celle qui a valut pendant longtemps la réputation d'un caractère de cochon et de souverain jusqu'au boutiste. 



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA MARCHE BRUME


 Dans le 159e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Le souffle des choses, premier tome de la série La marche brume que l'on doit à Stéphane Fert et qui est édité chez Dargaud. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l'album Shiki, 4 saisons au Japon que l'on doit à Rosalie Stroesser et aux éditions Virages graphiques

- La sortie de l'album La loi des probabilités, titre que l'on doit au scénario de Pascal Rabaté, au dessin de François Ravard et c'est édité chez Futuropolis

- La sortie de l'album Tous ensemble !, album que l'on doit au scénario de Kris, au dessin conjoint d'Arnaud Michalak et Juliette Laude ainsi qu'aux éditions Delcourt

- La sortie de l'album Au nom du fils, sous-titré Dans l'enfer de la prison de San Pedro que l'on doit au scénario conjoint de Jean-Blaise et sa fille Pauline Djian, au dessin de Sébastien Corbet et c'est édité chez Rue de Sèvres

- La sortie de l'album Le seul endroit que l'on doit au scénario de Séverine Vidal, au dessin Marion Cluzel et c'est édité chez Glénat

- La sortie de l'album collector pour les 77 ans du journal Tintin, album collector que signent de nombreuses plumes et des dessinateurs de renom et qu'édite Le Lombard





RIP : LE TOME 6 POUR CONCLURE (EUGENE - TOUTES LES BONNES CHOSES ONT UNE FIN)


 RIP, 3 lettres en forme d'hommage, une manière pour souhaiter au défunt de reposer en paix. Sauf que cette série très particulière et qui est devenue (au fil des tomes) un réel succès est beaucoup plus sarcastique et désenchantée que cela. On ne parlera pas de "héros" par exemple, mais plutôt de personnages paumés, une sorte de brigade hétéroclite dont la mission est de vider la demeure de tous ceux qui sont morts dans la solitude. La vie matérielle des défunts est ainsi emportée, classée, cataloguée et parfois les interventions sont terribles, puisque la mort peut avoir frappé depuis fort longtemps, au point qu'il ne reste plus qu'un cadavre momifié, ce qu'ils appellent les "collés', bien au-delà de la putréfaction et de la décomposition. Comme un leitmotiv des six tomes de la série, nous trouvons des insectes qui pullulent autour de la chair putréfiée, a commencer par les mouches, bien entendu. Chaque tome est consacré à un personnage en particulier, par exemple Derrick pour débuter, un type abandonné et malheureux en ménage, qui plonge dans une spirale infernale à partir du moment où il décide de dérober une bague (il l'avale) qu'il aurait normalement dû cataloguer comme le reste, sur son lieu de travail. En partant de cette mésaventure, ce larcin somme toute banal, RIP part ensuite dans de nombreuses directions assez surprenantes, principalement le polar classique et stratifié, mâtiné de récit social glaçant qui systématiquement se termine mal. Chaque album est divisé en petits chapitres qui s'annoncent avec une citation extraite de la littérature ou de la pop culture, qui vient mettre en lumière une étape de l'histoire, le plus clair du temps en apportant une touche très sombre à l'ensemble. Gaet's, le scénariste de cette série, est en fait Gaëtan Petit. Comme quoi, c'est tout de même pratique d'avoir un père qui est le directeur d'une maison d'édition en France. Cela dit, attention, ne croyez pas qu'il s'agit juste de népotisme gratuit ! En réalité, le travail du fiston est remarquable. Plus on avance dans le récit, plus on ouvre de nouveaux tiroirs et on est surpris par la manière avec laquelle des événements présents dans le premier tome sont par la suite retravaillés, élucidés ou au contraire, détournés de leur sens, pour jeter en lumière d'autres personnages ou ouvrir et baliser de nouvelles pistes. C'est un travail saisissant, quasiment vertigineux. Nous avions donc hâte de voir arriver le dernier tome, tout en redoutant de devoir saluer une fois pour toute la petite compagnie.




J'ai personnellement découvert RIP avec un peu de retard. Du coup, j'ai pu dévoré les six tomes en une douzaine de jours. Et on finit en beauté. Eugene, c'est le gros raciste bourrin qu'on se plait à détester. Toujours prêt à s'enflammer, en apparence sans la moindre once de jugeotte, un type paumé, frustré, pathétique. Comme tous les autres avant lui, le dernier album va illuminer son protagoniste de manière à le rendre plus attachant, ou en tous les cas crédibiliser sa position au sein d'un récit complexe, dont tous les petits détails en suspens (que ce soit une interrogation au sujet d'un comportement passé, ou d'un détail visuel qui peut vous avoir échappé) finissent par trouver une résolution. RIP s'attarde plus sur des destins cabossés, brisés par le hasard ou l'absurdité, que sur l'histoire en soi. Elle, elle nécessite un regard d'ensemble, une sextuple confrontation, pour se dévoiler complétement au lecteur. Julien Monier maintient un niveau qualitatif excellent depuis le début de la série. On flirte avec la grosse caricature, mais toujours avec une expressivité et une humanité dans les personnages, ce qui permet de parfaitement les différencier et de les rendre crédibles. L'emploi de la couleur est aussi très pertinente et permet d'alterner les ambiances et les enjeux de façon très intelligente. RIP c'est aussi une partie dialoguée de haute volée, qui embrasse la vulgarité sans rougir et trouve toujours le ton juste, même quand il s'agit de passages dramatiques ou "choquants". Toutes les bonnes choses ont une fin, récite le titre de ce sixième effort, et force est de constater que c'est une des meilleures productions françaises du XXI° siècle qui vient de trouver sa conclusion. Sans faute de parcours, sans hésitation ou baisse de régime. Un tour de force remarquable, chez Petit à Petit. 





PUNISHER TOME 3 : LA FIN DU PUNISHER (VRAIMENT ?)


 L'heure est peut-être arrivée de rendre des comptes. En tous les cas, Jason Aaron change à jamais le destin du Punisher. Le lecteur était au départ animé par un doute sincère : s'agissait-il d'une tentative de relancer la carrière de l'anti-héros Marvel par excellence, ou bien une manière discrète de l'enterrer une bonne fois pour toutes, pour faire taire des polémiques absurdes dont on a encore bien du mal aujourd'hui à cerner le sens véritable. Cela a commencé par une opération cosmétique, la modification d'un logo qui a fait la fortune du personnage et l'objet d'une récupération hors sujet, au profit d'un emblème cornu, assez désagréable au premier coup d'œil, qui nous démontre que oui, Frank Castle est désormais l'objet de la Main. Cette secte ninja pensait pouvoir faire de Frank son tueur en chef, une machine à disposition pour se débarrasser de ceux qui le méritent et de ceux qui gênent, tout simplement. C'était mal connaître le Punisher ! On le retrouve ici dans un affrontement invraisemblable contre Arès, le dieu de la guerre. Sur le papier, le match est vite plié. Seulement voilà, dorénavant le Punisher possède des pouvoirs mystiques qui lui ont été conférés par la Main et nous le découvrons donc presque comme un super-héros traditionnel, capable de recourir à des dons paranormaux. Cela s'est déjà fait dans le passé et ce fut un désastre. L'autre piste narrative très importante est la relation tendue entre Frank Castle et sa femme, Maria. Celle-ci est revenue à la vie mais elle a bien compris qu'elle ne reverra plus ses enfants, qu'on lui promet en permanence, sans jamais lui montrer. Quant à l'amour qui unit les deux tourtereaux, il se transforme peu à peu en défiance, voire en rejet, au risque d'un final cataclysmique.




C'est un jeu de massacre au personnage, au sens propre comme au sens figuré. Au singulier comme au pluriel. Non seulement le Punisher affronte Arès, mais Daredevil également se mêle aux aventures de Frank Castle. Pire encore, les Avengers. Et finalement, ce qu'il faut lire entre les lignes, c'est bien que c'est Marvel, plus encore que les héros de l'univers Marvel, qui semble s'être ligué contre celui qui expédie ad patres les criminels de manière un peu expéditive. Evidemment, nous n'allons pas vous gâcher la surprise de la fin de cette longue aventure en douze parties, mais sachez que la solution finale qui est retenue par Aaron présente deux défauts majeurs. Le premier, c'est bien évidemment de ne pas choisir et d'utiliser un de ces subterfuges dont les super-héros semblent être les dépositaires presque exclusifs, pour ne pas se confronter à la réalité. La seconde chose qui cloche, c'est le sort réservé à la femme de Frank, Maria. En fait, elle aussi est une partie intrinsèque du personnage. Le Punisher ne peut pas naître si son épouse et ses enfants ne sont pas morts, aussi il était très important de voir comment le scénariste comptait gérer le contrecoup de son idée assez délirante, à savoir faire revenir l'épouse parmi les vivants. Notre conclusion est simple : beaucoup de bruit pour pas grand-chose ou pour être plus précis, beaucoup de bruit pour une énorme erreur stratégique, clairement pilotée par une maison d'édition un peu trop embarrassée. Au moins, nous restons sur du bon côté dessins, puisque Jesus Saiz est toujours aussi appliqué, avec des planches toujours aussi spectaculaires, bien équilibrées par la partie réservée à Paul Azaceta, qui s'occupe de bribes du passé. J'ai bien conscience que cet avis n'engage que moi et que vous pourrez peut-être considérer cette aventure du Punisher comme une avancée majeure dans l'histoire du personnage, mais j'ai beaucoup plus la sensation qu'il s'agit d'un énorme coup de canif dans le contrat, qu'il sera bien difficile d'oublier par la suite.




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HITMAN DE GARTH ENNIS ET JOHN MCCREA CHEZ URBAN COMICS


Garth Ennis n'est pas le scénariste le plus subtil de l'histoire des comics. Vous l'appréciez probablement (ou vous le détestez, c'est selon) pour ses récits assez glauques, sombres et sarcastiques, où l'hémoglobine coule à flot, la vulgarité s'empare des dialogues et où les personnages se livrent aux pires turpitudes, pour le plus grand plaisir des lecteurs. En gros, Preacher, The Boys, c'est lui. L'heure est venue de découvrir Hitman, une série trop longtemps mise de côté. Urban comics vous la propose dans un format intégral, avec ce premier mastodonte de plus de 570 pages pour 39 €. Tout ça débute un ton en dessous des attentes avec le récit des origines du personnage : comment un certain Tommy Monaghan finit par acquérir des supers pouvoirs. Il est capable de lire dans vos pensées et dispose d'une sorte de vue à rayons X, ceci parce qu'il a été agressé par une entité extraterrestre, dans un annual de la série consacrée au démon Etrigan. Comme l'action se déroule à Gotham City, on découvre juste après un épisode de la série Batman Chronicles de 1989, histoire de crédibiliser un peu plus Hitman, en lui faisant croiser le fer avec le Chevalier Noir. Mais tout ceci ce n'est qu'une mise en bouche, une introduction pour ce qui va venir alors, qui est franchement bien plus intéressant et où Ennis va enfin donner libre cours à ce qu'il sait faire de mieux. La série régulière dont hérite Hitman va vous avoir à l'usure. On se laisse glisser peu à peu dans un quotidien qui a beaucoup à voir avec les autres titres de l'irlandais, déjà mentionnés. On y exalte des sentiments de franche camaraderie entre tueurs et losers qui se noient dans le whisky, on porte un regard très ironique sur le rôle et l'utilité du super-héros (l'apparition de Green Lantern Kyle Rainer, présenté comme un justicier plutôt rigide et pas très malin est savoureuse). Et aux dessins, John McCrea use de présences un peu caricaturales et monolithiques, à mi chemin entre Frank Miller et Tom Grindberg (que personnellement j'adore). Un style qui confirme qu'on peut se lâcher, rire, dédramatiser, que le super-héroïsme n'est pas au cœur du sujet. Hitman reste du comic book humain avant tout. 




Hitman (et donc Ennis) c'est l'apologie de l'amitié alternative. Dans la bande de joyeux drilles qui entourent Monaghan, on trouve ainsi Nat la Galure, l'ami d'enfance, mais également Ringo Chen (sérieux concurrent au titre de meilleure gâchette), le patron de bar Noonan, Tiegel, l'inspectrice de police récusée qui se rapproche dangereusement de Tommy, sans oublier Hacken ou les membres déjantés de la Section 8, qui n'est pas un groupe de rap mais bien une association super-héroïque improbable menée par un soifard de première catégorie, Six Pack. En tout, ce sont 61 épisodes (et quelques spéciaux) qui permettent de peu à peu se familiariser avec des perdants flamboyants, des types prêts à se lancer dans des missions périlleuses et improbables pour un contrat juteux (genre, une invasion de poissons zombie provoquée par un savant fou). L'essentiel de la bonté de ce comic book, ce sont les situations cocasses et délirantes, les joutes verbales et les réactions forcément outrancières des personnages, que McCrea dépeint avec talent et la juste distanciation au réel. On démarre avec un tour dans l'asile d'Arkham, histoire d'aller placer une balle dans la tête du Joker (et Tommy ne comprend pas pourquoi cela n'a pas été fait avant), avant de se retrouver face à des créatures démoniaques (les Arkanonnes) qui emploient leur propre main d'œuvre satanique pour se débarrasser de Hitman. On pourrait penser que tout ceci se déroule hors continuité, devant l'impossibilité relative de faire agir le reste de l'univers DC dans cette grande pantalonnade qui défouraille sévère. On se tromperait. Les événements majeurs de l'univers DC sont évoqués et d'autres personnages pointent le bout de leur nez, comme la belle Catwoman, à l'époque dans son costume mauve ultra moulant. Buddy movie à la Tarantino, Hitman ne s'embarrasse pas de la vraisemblance pour ce qui est des situations ou de leurs représentations (McCrea choisit clairement le grotesque et semble de moquer des proportions et du "dessin pur et joli") mais trouve tout de même sa place dans la grande tapisserie de la Distinguée Concurrence. Témoignage d'une époque où le politiquement correct s'arrêtait encore aux portes d'un bar irlandais et où des anti-héros de seconde zone damaient le pion aux types en spandex, régulièrement invités et ridiculisés. Rien que pour ça, Hitman devrait vous tendre les bras… 


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ZONE ROUGE POUR LES AVENGERS EN MUST HAVE CHEZ PANINI




 Aujourd'hui on fait un petit saut d'une presque vingtaine d'années en arrière, pour aller retrouver les Avengers de Geoff Johns, avant que ce dernier ne parte faire le bonheur de DC Comics, dont il a refaçonné de bien des manières l'univers narratif. Zone Rouge, où déjà le nom vous donne un indice du grand méchant de l'histoire… Dans cet album qui rejoint la collection Must Have de Panini, il ne fait pas bon aller faire un tour du coté du Mont Rushmore… Une mystérieuse substance rouge, une sorte de gaz ultra toxique, se répand et sème la mort de manière inexorable. Voilà pour le pitch, résumé en une seule petite phrase, de cette saga des Vengeurs que lecteur découvre articulés autour de Captain America et Iron Man, avec la Panthère Noire, mais aussi Vision, et des recrues moins "performantes" comme le Valet de Cœur, Miss Hulk, Warbird (Carol Danvers en phase de sevrage à l'alcool). Les Avengers sont présents sur les lieux pour tenter de percer le mystère et participer aux opérations sanitaires. On pense bien entendu à un acte terroriste, cela va de soi. Mais la réalité est toute autre. Sans vouloir vous gâcher la surprise d'entrée, disons que les coupables ne sont pas ceux que l'on croit, et qu'il faut parfois donner un coup d'oeil chez soi, en haut lieu, pour se rendre compte de combien le monde est complexe et cruel. Cela dit, Johns recourt à un dernier artifice qui replace le mal, le vrai, au centre de la scène, avec un des grands ennemis historiques de Captain America, et de l'Amérique tout court, qui tombe le masque. Un indice : il est de la même couleur que la brume maléfique qui tue tout le monde dans son sillage. Un autre indice, cela fait des mois qu'il se cachait sous le masque du Ministre américain de la défense, un certain Dell Rusk. Si vous êtes fortiches en anagrammes et en américain, vous avez deviné. Et si vous n'avez pas compris, je ne sais plus quoi dire



Red Zone, c'est aussi l'occasion de voir à l'œuvre le fabulous frenchy Olivier Coipel, alors à ses premiers travaux pour Marvel. Et de constater qu'il avait déjà un sacré coup de crayon, probablement parfait pour ce type de saga mainstream et super-héroïque. Parmi les moments de bravoure, citons Miss-Hulk, qui finit par être contaminée par la brume rouge, qui se combine elle même avec son sang vicié par les rayons gammas. Du coup, elle sombre dans un accès de folie et perd un peu ses nerfs, ce qui sera le prétexte à un arc narratif juste ensuite, dessiné par Scott Kolins (A la recherche de Miss Hulk)… Ou encore les scènes à la Apocalypse Now, avec les hélicoptères de l'armée qui investissent le site, mais aussi les apparitions du Valet de Cœur, un personnage controversé qui faisait à l'époque partie du roster des Avengers. Une véritable bombe à retardement, qui menaçait d'exploser au visage des plus grands héros de la Terre. D'ailleurs, il a fini par le faire, et il y a eut des dégâts. Je terminerais en remarquant que ce story-arc est aussi la première grande manifestation moderne des pouvoirs déchaînés de la Sorcière Rouge. On se rend bien compte que la belle Wanda a tout pour passer directement en première division, sans jouer les barrages. Et on comprend mieux comment elle a pu, par la suite, prendre une telle ampleur et mettre au tapis les Avengers, au point d'être responsable de la dissolution du groupe, puis de la formation des New Avengers propres à Bendis. Cerise sur le gâteau, de petites dissensions minent les héros de l'intérieur, comme le passif entre Tony Stark et T'Challa (accusé d'être un espion au sein des Avengers), ou encore le gros contentieux entre Peter Gyrich, représentant du gouvernement, et Sam Wilson, le Faucon, qui lui laisse même l'empreinte de son poing droit en pleine mâchoire. Il ne s'agit bien sûr pas de la première publication en album de ce récit, mais le voir rejoindre la ligne Must Have est une décision logique et méritée, d'autant plus que nous fêtons les soixante ans du groupe !


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RECKLESS : DESCENTE AUX ENFERS (CINQUIÈME AVENTURE POUR ETHAN RECKLESS)


 Depuis les toutes premières pages du premier tome de ce "polar", impossible de ne pas aimer ce personnage d'Ethan Reckless. Qui n'est pas un détective privé pour autant : il accepte régulièrement des missions qui peuvent s'avérer périlleuses et au cours desquelles son sens inné de l'enquête et des mécanismes humains fait merveille. C'est un peu un paumé, à sa façon; il vit dans les marges mais il est surtout très attachant. Sa seule véritable amie et "collègue" s'appelle Anna et elle partage avec lui un cinéma désaffecté, qui leur sert de base d'opération. C'est elle qui était au centre du quatrième volume, durant lequel nous n'avions quasiment pas rencontré Ethan, occupé du côté de San Francisco, où il avait une affaire à régler. Il se trouve que cette affaire mystérieuse est justement le sujet de ce cinquième effort, qui sera aussi le dernier pour le moment, puisque les artistes Ed Brubaker et Sean Phillips ont décidé de marquer une petite pause. Soyez rassurés, il reviendront rapidement à ce qui est pour eux une nouvelle manière de présenter leur travail conjoint, c'est-à-dire des graphic novels à un rythme frénétique, cinq en un peu plus de deux ans, donc. Comme très souvent chez Brubaker, le récit va tourner autour d'une femme et c'est elle qui a le potentiel de faire accélérer les choses ou au contraire que tout s'écroule autour du ou des protagonistes. Ici, elle s'appelle Rachel. Elle semble avoir disparue et Reckless prend alors contact avec son petit ami. Il est mandaté par le père de la "fugueuse" pour essayer de comprendre ce qui a bien pu se passer. En fouillant dans l'appartement du couple, il met la main sur un simple courrier, dissimulé dans les pages d'un livre, qui éclaire sa lanterne et va le mettre sur la piste de la demoiselle.




L'histoire personnelle de Rachel est à la fois poignante et terrifiante. Il est question d'abus sexuels et de violence, d'une jeunesse passée avec des hippies déglingués qui utilisent leur mode de vie libertaire comme une bonne excuse pour s'adonner aux pires vices, y compris le viol, donc. Une expérience traumatisante dont on ne se départit jamais vraiment, en tous les cas de quoi émouvoir et toucher Ethan, qui je le rappelle (pour les plus discrets qui ne connaissent pas la série) est habituellement coupé de l'essentiel de ses émotions, depuis un accident et une lourde commotion cérébrale. Cette fois, il se laisse peu à peu prendre au piège des sentiments et vous le savez, nous sommes chez Ed Brubaker : en gros, dès qu'un homme est attiré par une femme et qu'il commence à écouter la petite musique qui lui trotte dans la tête, le cœur ou les parties génitales, ça se finit toujours assez mal. Ici, il va être question d'une fratrie qui doit être châtiée et vous allez pouvoir embarquer dans un road trip du côté de San Francisco, à l'époque où la ville se remet lentement d'un terrible tremblement de terre. Excellente pioche côté dessins, nous sommes toujours au standard habituel de cette série qui n'en est pas une, c'est-à-dire que SeanPhillips imprime son style unique et poisseux à souhait à chaque page et que le fiston, Jacob, magnifie l'ensemble avec des couleurs volontairement décalées, qui peuvent parfois créer un effet de confusion mais qui correspondent parfaitement à cette ambiance californienne rétro, puisque il faut le rappeler, nous sommes à la fin des années 1980. D'ailleurs, les prochaines aventures de Reckless seront l'occasion d'une excursion dans la décennie suivante. Signalons enfin que cette cinquième histoire comprend un épilogue qui se situe vingt ans dans le futur et qui permet d'avoir un bref aperçu de ce que vont devenir les principaux personnages. On sent que Brubaker en a encore beaucoup sous le pied et que l'univers de Reckless a énormément de choses à nous offrir dans les prochaines années.



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LA BIBLIOTHÈQUE DE DANIEL CLOWES - TWENTIETH CENTURY EIGHTBALL


 Si vous pensez que l'Amérique et l'existence sont formidables, c'est tout simplement que vous n'avez pas lu les œuvres de Daniel Clowes, en particulier l'anthologie de récits courts publiés dans le comic book américain Eightball. Tout ce qui peut faire le charme, la légende, la réputation du rêve américain devient ici sujet à une introspection caustique et décapante, où l'ensemble de l'édifice est remis en question et tourné en dérision de manière parfois cruelle, d'autres fois poétique, souvent brillante. Le sport dans toute sa grandeur, comme le baseball, se prête ainsi à une déconstruction freudienne hilarante. Les écoles d'art et les courants artistiques modernes en prennent pour leur grade et derrière la vanité du propos et des attitudes, se cache un vide qui n'est pas que conceptuel, mais surtout existentiel. On pourrait penser que la sexualité est une manière de tromper l'ennui et que dans le plaisir se cache au moins une consolation à un quotidien routinier et mortifère… on se tromperait lourdement : à de nombreuses reprises, Clowes revient sur le sujet et démontre que les rapports hommes-femmes sont viciés par tout un tas de critères et qu'au bout du compte, que ce soit pour une brève histoire d'un soir ou pour vivre ensemble toute la vie, il n'y a rien à faire, si ce n'est contempler une sorte de néant. On peut d'ailleurs lire à un moment donné, dans une simple planche intitulée Renoncez, une phrase terrible. "Les histoires d'amour ne règlent rien... une diversion temporaire, au mieux un opiacé pour soulager la douleur, un impératif biologique semé d'embûches émotionnelles" Voilà, c'est un peu cela le ton global qui infuse dans ces pages; d'autant plus que les personnages (nous avons bien du mal à les appeler les "héros") sont la plupart du temps des marginaux, des paumés ou des caricatures.


Clowes se met en scène à de multiples reprises et prend un malin plaisir à remettre en cause la pertinence et la sincérité de ses autoportraits. Le regard qu'il porte sur sa propre personne ne peut jamais être totalement subjectif et il dépend toujours du message sous-jacent, ou tout bonnement de la mauvaise foi ou du désir de briller d'un artiste qui admet ses faiblesses, pour faire de cet aveu une qualité. C'est consubstantiel au genre humain, bien des intellectuels vivent de cette position pour étaler au grand jour une fausse modestie drapée dans les failles. C'est un peu ridicule, sur le fond, donc le terreau idéal pour les expérimentations de Clowes, qui trouve dans l'absurde et la quasi complète impossibilité de communiquer (pour être exact, de se faire comprendre) une matière à pervertir le sens des choses et des corps. Les personnages sont souvent croqués comme des caricatures libidineuses, grimaçantes, perdues, lunaires (le nouvel adjectif à la mode qu'on emploie quand on est à court de vocabulaire). Leur vie sociale est réduite à peau de chagrin, on en voit même qui "encule les mouches" ou se baladent avec un poisson sur le sexe. Il règne comme un parfum de dépression dans bien des histoires de ce volume, où le constat dressé est systématiquement celui d'une vanité totale, comme lorsque deux types discutent de la meilleure compagne, comment trouver la femme idéale pour un bout de chemin ensemble. Quel que soit le point de vue, rien ne peut fonctionner. Quand on parle, c'est en fait pour soi-même, l'interlocuteur n'est pas concerné par le monologue amer de l'individu qui se rend compte qu'il n'est personne et le restera probablement toujours, pris au piège d'une société où le rêve généralisé est d'être nécessairement quelqu'un, à défaut de se hisser au dessus des autres par la possession matérielle et les apparences. Le rire est fréquent, dérangeant, nécessaire, mais forcément triste. Nous sommes tous un peu Daniel Clowes et il faudra bien l'accepter… en lisant Eightball ? 




SUPERMAN CHRONICLES 1987 VOL.3 : DES VOYOUS ET DES FEMMES


 L'heure est venue d'achever l'année 1987 pour ce qui concerne Superman. Bien entendu, le nom sur toutes les lèvres reste celui de John Byrne, mais c'est avec le scénariste Marv Wolfman et le titre Adventures of Superman que nous allons commencer cette petite chronique. Le fait est que ce qu'il écrit est profondément différent des histoires classiques de super-héros dotés d'extraordinaires pouvoirs. Son regard plonge dans la fange et la misère. Metropolis a beau être une ville qui conjugue technologie et modernisme, elle présente aussi un quartier sombre, un endroit où il ne fait clairement pas bon vivre, que l'on appelle Suicide Slum. Les habitants les moins nantis peinent à y survivre, entre criminalité et absence de perspective. Les jeunes sont les plus touchés et il n'y a rien de surprenant à les voir s'associer en bandes puis être manipulés par Lex Luthor, qui entend les utiliser comme matériau génétique pour ses expériences. Il y a aussi du bon là-bas, comme par exemple un assistant social du nom de Jose Delgado, qui fait de son mieux pour sortir certains de ces paumés de l'impasse. Il s'occupe en particulier du fils de Perry White, le directeur du Daily Planet, quotidien où travaillent Clark Kent et Lois Lane. Le gamin s'est mis dans de sales draps et le moment est arrivé pour lui de choisir entre les affres de la délinquance et le retour dans le droit chemin. Delgado va d'ailleurs peu à peu évoluer, au point de devenir une sorte de justicier urbain (Gangbuster). Illustrés par Jerry Ordway pour la plupart, ces épisodes sont l'héritage des années Reagan et de cette période où il devenait quasiment impossible de traverser certaines zones dans les grandes villes américaines, sans y laisser des plumes. Ce gros volume de fin 1987 propose aussi deux annuals assez intéressants, qui donnent l'occasion de lire un Superman qui affronte une créature extraterrestre, débarquée sur Terre pour soumettre et assimiler (entendez par là, détruire) tout un village. Notre héros va être obligé d'opérer un choix cornélien qui s'apparente à du suicide assisté ! Un autre long épisode, dessiné par Arthur Adams, met aux prises Superman avec des vampires et confirme que tout ce qui a trait à la magie n'est pas franchement du goût du kryptonien. Heureusement que Batman est là pour lui prêter main-forte…


Et puis donc, John Byrne. Le Canadien continue de tenir le rythme avec pas moins de deux séries mensuelles à produire, à savoir Superman et Action Comics où il est la plupart question de duos, de guest stars qui viennent le temps d'un ou deux épisodes s'associer à l'Homme de demain. Plutôt que de vous présenter une litanie de faits et de résumés succincts des épisodes, je préfère mettre l'accent sur un point qui me semble intéressant : l'usage des héroïnes ou tout simplement des femmes dans les épisodes de Byrne. Quel que soit le contexte, il est toujours question de l'élément féminin, confronté à Superman ou à Clark Kent. Que ce soit lorsqu'on nous présente la première femme dont il est tombé amoureux (Lori Lemaris) mais qui s'est révélée être au final une sirène (Clark a quand même mis bien du temps pour s'en rendre compte, on peut imaginer que le flirt n'est pas allé très loin) ou lorsque c'est le triangle amoureux Kent-Lane-Grant qui est mis en évidence, notamment quand la célèbre journaliste (je veux dire Lois) est invitée par un superbe Apollon (à condition bien sûr d'aimer le style des années 1980) qui lui retourne la tête et l'hypnotise. Certes, il s'agit en fait d'un gnome issu d'une autre dimension (Mister Mxyzptlk) qui pose bien des problèmes à Superman, ce dernier étant obligé de le pousser à prononcer ou écrire son nom à l'envers s'il veut le renvoyer là d'où il vient (personnellement, je n'arrive pas à le dire à voix haute, à l'endroit) avant une prochaine incursion sur notre plan d'existence, au bout de 90 jours. Byrne s'amuse également beaucoup avec Big Barda, qui est la femme de Mister Miracle, rappelons-le. Un autre extraterrestre en provenance de la planète de Darkseid est un bon prétexte pour laver le cerveau de la splendide et sculpturale créature, qui se retrouve dans une chambre d'hôtel sordide avec Superman (qui a subi le même sort) pour filmer une petite vidéo amateure coquine. L'histoire ne nous dira jamais si les deux "acteurs" sont allés au bout et s'il existe vraiment des images choquantes. En tous les cas, suffisamment pour que Mister Miracle s'offusque lorsqu'on lui présente une première "performance". Le scénariste canadien assiste également beaucoup sur le caractère mauvais et manipulateur de Lex Luthor, qui lui aussi utilise les femmes à sa convenance. Il les manipule et les abandonne de manière abjecte, quand elles ne sont plus d'aucune utilité à ses projets. Il est en outre capable d'envoyer des robots à l'effigie de Superman en ville. Tout le monde s'imagine qu'il s'agit du vrai, tandis que la créature est dotée d'une sorte d'ogive nucléaire prête à exploser à l'intérieur de la poitrine. Superman parvient à sauver la situation et il faut beaucoup de crédulité pour accepter qu'ensuite Luthor ne soit pas plus inquiété que cela ! C'est aussi une des marques de fabrique de ces épisodes de fin de décennie : on ne s'attarde pas trop sur les conséquences réelles et les comparaisons avec le monde tel que nous le connaissons. Ici, il s'agit de fiction, d'outrance, de personnage bigger than life et pour profiter de ces numéros, il ne faut pas confondre la vie, la vraie, ou l'art. Reste à mentionner pour finir de très nombreuses pages de rédactionnel, qui viennent compléter admirablement l'album, contextualiser les faits ou bien reproduire le courrier des lecteurs d'alors. Il n'y a pas à dire, cette collection d'Urban Comics est vraiment incontournable.


 
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