HITMAN DE GARTH ENNIS ET JOHN MCCREA CHEZ URBAN COMICS


Garth Ennis n'est pas le scénariste le plus subtil de l'histoire des comics. Vous l'appréciez probablement (ou vous le détestez, c'est selon) pour ses récits assez glauques, sombres et sarcastiques, où l'hémoglobine coule à flot, la vulgarité s'empare des dialogues et où les personnages se livrent aux pires turpitudes, pour le plus grand plaisir des lecteurs. En gros, Preacher, The Boys, c'est lui. L'heure est venue de découvrir Hitman, une série trop longtemps mise de côté. Urban comics vous la propose dans un format intégral, avec ce premier mastodonte de plus de 570 pages pour 39 €. Tout ça débute un ton en dessous des attentes avec le récit des origines du personnage : comment un certain Tommy Monaghan finit par acquérir des supers pouvoirs. Il est capable de lire dans vos pensées et dispose d'une sorte de vue à rayons X, ceci parce qu'il a été agressé par une entité extraterrestre, dans un annual de la série consacrée au démon Etrigan. Comme l'action se déroule à Gotham City, on découvre juste après un épisode de la série Batman Chronicles de 1989, histoire de crédibiliser un peu plus Hitman, en lui faisant croiser le fer avec le Chevalier Noir. Mais tout ceci ce n'est qu'une mise en bouche, une introduction pour ce qui va venir alors, qui est franchement bien plus intéressant et où Ennis va enfin donner libre cours à ce qu'il sait faire de mieux. La série régulière dont hérite Hitman va vous avoir à l'usure. On se laisse glisser peu à peu dans un quotidien qui a beaucoup à voir avec les autres titres de l'irlandais, déjà mentionnés. On y exalte des sentiments de franche camaraderie entre tueurs et losers qui se noient dans le whisky, on porte un regard très ironique sur le rôle et l'utilité du super-héros (l'apparition de Green Lantern Kyle Rainer, présenté comme un justicier plutôt rigide et pas très malin est savoureuse). Et aux dessins, John McCrea use de présences un peu caricaturales et monolithiques, à mi chemin entre Frank Miller et Tom Grindberg (que personnellement j'adore). Un style qui confirme qu'on peut se lâcher, rire, dédramatiser, que le super-héroïsme n'est pas au cœur du sujet. Hitman reste du comic book humain avant tout. 




Hitman (et donc Ennis) c'est l'apologie de l'amitié alternative. Dans la bande de joyeux drilles qui entourent Monaghan, on trouve ainsi Nat la Galure, l'ami d'enfance, mais également Ringo Chen (sérieux concurrent au titre de meilleure gâchette), le patron de bar Noonan, Tiegel, l'inspectrice de police récusée qui se rapproche dangereusement de Tommy, sans oublier Hacken ou les membres déjantés de la Section 8, qui n'est pas un groupe de rap mais bien une association super-héroïque improbable menée par un soifard de première catégorie, Six Pack. En tout, ce sont 61 épisodes (et quelques spéciaux) qui permettent de peu à peu se familiariser avec des perdants flamboyants, des types prêts à se lancer dans des missions périlleuses et improbables pour un contrat juteux (genre, une invasion de poissons zombie provoquée par un savant fou). L'essentiel de la bonté de ce comic book, ce sont les situations cocasses et délirantes, les joutes verbales et les réactions forcément outrancières des personnages, que McCrea dépeint avec talent et la juste distanciation au réel. On démarre avec un tour dans l'asile d'Arkham, histoire d'aller placer une balle dans la tête du Joker (et Tommy ne comprend pas pourquoi cela n'a pas été fait avant), avant de se retrouver face à des créatures démoniaques (les Arkanonnes) qui emploient leur propre main d'œuvre satanique pour se débarrasser de Hitman. On pourrait penser que tout ceci se déroule hors continuité, devant l'impossibilité relative de faire agir le reste de l'univers DC dans cette grande pantalonnade qui défouraille sévère. On se tromperait. Les événements majeurs de l'univers DC sont évoqués et d'autres personnages pointent le bout de leur nez, comme la belle Catwoman, à l'époque dans son costume mauve ultra moulant. Buddy movie à la Tarantino, Hitman ne s'embarrasse pas de la vraisemblance pour ce qui est des situations ou de leurs représentations (McCrea choisit clairement le grotesque et semble de moquer des proportions et du "dessin pur et joli") mais trouve tout de même sa place dans la grande tapisserie de la Distinguée Concurrence. Témoignage d'une époque où le politiquement correct s'arrêtait encore aux portes d'un bar irlandais et où des anti-héros de seconde zone damaient le pion aux types en spandex, régulièrement invités et ridiculisés. Rien que pour ça, Hitman devrait vous tendre les bras… 


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