COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)


 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ira jusqu'au bout, vous assurant pleine satisfaction, quitte à recourir à la violence pour atteindre ses objectifs. Rien d'étonnant donc à ce qu'il soit recruté par sept barons, des "magnobankiers" qui possèdent et dirigent, à eux seuls, une portion considérable de l'univers. Ces types-là ne se contentent pas d'avoir une puissance militaire impressionnante : ils exercent également une influence économique écrasante sur de nombreuses planètes. Leur pire cauchemar ? Devoir délier les cordons de leur bourse sans être remboursés ou payés en retour. Leur vengeance est redoutable, et ils décident de se servir de notre pauvre Xar-Cero pour mener à bien une vendetta implacable contre des mauvais payeurs devenus, sans le savoir, une épine dans leur pied. Xar-Cero devient alors l’exécuteur d’un massacre d’ampleur cosmique et provoque la mort de milliards d’habitants, suite à une sombre et improbable machination dont il est l'agent. De quoi se révolter, même pour un mercenaire peu habitué aux états d’âme. Mais la rébellion contre des pouvoirs en place, habitués à écraser les sujets les plus insoumis, est un pari risqué, et les choses se terminent souvent très mal. Finalement, Xar-Cero est capturé. Les magnobankiers décident de le "déprogrammer" en implantant de faux souvenirs, pour le conditionner à une nouvelle existence. Désormais, il vivra sur une petite planète de directement sous leurs ordres, où il exercera comme médecin, sans plus aucun souvenir de ses anciens agissements.



Alejandro Jodorowsky revient aux affaires avec une nouvelle série en deux volumes, où la science-fiction explore des thèmes étroitement liés aux préoccupations actuelles. On le sait bien, l'argent et le pouvoir financier finissent souvent par détruire tout ce qu'ils touchent, et ici encore, leurs ravages s’étendent jusqu’au cosmos. Le héros de cette histoire — qui n’est d’ailleurs pas un véritable héros au départ — devient attachant par le fait même qu’on lui a retiré ce qui le définit en tant qu’individu : ses souvenirs, sa personnalité, tout ce qui l’a construit. Privé de cette identité, il se transforme en une sorte d’esclave médecin, au service d'une princesse. Cette dernière, malgré une attirance naissante pour lui, ne peut s’empêcher de le mépriser et de l’humilier, leur différence de condition sociale étant trop marquée. Cette bande dessinée s’inscrit parfaitement dans la lignée des œuvres publiées chez Les Humanoïdes Associés, avec un dessin détaillé, réaliste mais aussi légèrement caricatural, qui capte instantanément notre attention. Pete Woods réussit à séduire notre regard exigeant et à donner vie à ce parcours tumultueux, introduit dans ce premier tome. On y retrouve l’argent, qui salit et corrompt, et le pouvoir, qui conduit certains à se croire au-dessus de tous autres. Bienvenue dans une science-fiction humaniste et percutante, celle qui plaît tant à ceux qui, comme nous, aiment lire pour réfléchir, tout en voyageant et en se régalant. 


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MARVELS : VERSION ANNOTÉE ET ULTIME POUR LE CHEF D'OEUVRE DE BUSIEK ET ROSS


 Marvels, une des œuvres majeures pour découvrir le petit monde super-héroïque de la Maison des Idées, fête cette année son trentième anniversaire. Décliné à toutes les sauces et pour toutes les bourses, le récit de Busiek et Ross est de retour dans un écrin mastodonte, une édition annotée qui coûte tout de même… 90 euros. Marvels, donc. Qui s'avère vraiment une extraordinaire production de Kurt Busiek et Alex Ross, promis. Je me rappelle la sortie de la chose, à l'époque où Lug puis Semic nous proposaient nos parutions hautes en couleurs et en collants bariolés. Une claque. De celles qui vibrent et dont vous mettez des jours, des semaines à vous remettre. Busiek était un quasi inconnu avant cela, n'ayant rien écrit de bien formidable chez Marvel, malgré une qualité que tout le monde lui accordait depuis longtemps : un amour et une connaissance encyclopédique des moindres recoins du Marvelverse. Et d'un coup d'un seul, il livrait une fresque historique impressionnante, déplaçant le point de vue narratif vers le regard d'un simple quidam, ou presque. En l'occurrence Phil Sheldon, un photographe et reporter du Bugle, célèbre journal new-yorkais. Sheldon est le cobaye parfait pour expérimenter tous les états d'âme des mortels que nous sommes. De l'étonnement au merveilleux, devant certains prodiges, à la crainte et la haine, quand les batailles de rues dégénèrent et que des êtres différents semblent menacer l'existence routinière de notre monde et de notre espèce. Le point de départ du récit est fixé au jour où le professeur Horton présente son androïde (la Torche, celle des origines, pas Johnny Storm) au public, puis se concentre sur les années soixante, décennie charnière pour le genre, avec l'apparition des Fantastiques. Si Sheldon nous fait partager ses découvertes, son ravissement, ses doutes, ses hésitations, il est aussi père de famille, et simple citoyen, et la grande trame de l'héroïsme influence forcément cette petite quotidienneté qui nous est aussi proposée, et rend crédible et réaliste cet album remarquable. L'univers Marvel nait, se développe, prospère, se densifie, page après page. Sans jamais dévier de sa ligne directrice : l'impact de ces héros en collants sur l'humanité la plus banale, dont l'existence est à jamais remise en question.



Mais tout ceci ne serait pas un chef d'œuvre reconnu sans la partie graphique, sans les dessins magnifiques d'un certain Alex Ross. Son style est hyperréaliste, et emprunte beaucoup à la photographie. D'ailleurs, avant de dessiner ses planches, Ross demandait à certains proches de prendre la pose en costume, afin de réaliser des clichés lui permettant d'accentuer l'effet final escompté. Ce qui explique pourquoi certaines cases ressemblent à s'y méprendre à des photos. Je me souviens avoir été bluffé par ce Spider-Man grimpant le long d'un building, ou par ma rencontre avec les X-Men des origines, à la première lecture de ce Marvels. A quoi ressembleraient donc Giant-Man, la Chose, ou Namor, s'ils existaient vraiment, autrement que comme incarnations de movies super-héroïques? Ross livrait déjà une réponse éloquente dans les années 1990, avec une minutie, un soin du détail jamais égalé avant lui. Regardez ce jeune Scott Summers, traqué et surpris dans une ruelle sombre, avec son viseur lumineux. Jamais un mutant n'aura été dépeint avec autant de justesse; en une planche c'est toute l'hystérie anti-mutante, toutes les craintes et les angoisses dont Claremont nous a abreuvés, qui prennent corps et deviennent tangibles. Hulk n'a jamais été aussi puissant et monstrueux à la fois, et que dire de Galactus, dont l'arrivée est le point d'orgue de l'inimaginable devenu quotidien. Bien sur, un tel succès ne pouvait qu'entraîner une série de suites plus ou moins officielles et réussies, ou d'épigones surfant sur la vague. Busiek réalisa Astro City (formidable) , ou encore Arrowsmith (publié chez Delcourt), et Alex Ross le suivit durant son parcours, quelques temps. Chez Marvel on put lire des titres comme Code of Honor (les super-héros vus cette fois à travers les yeux d'un flic, la trame familiale jouant là également un grand rôle dans l'économie du récit) ou plus tard Eye of the Camera (l'oeil de l'objectif), qui marque le retour de Phil Sheldon sur la scène. Mais jamais plus la grandeur et la beauté de Marvels n'a été atteinte à nouveau. Cette nouvelle (sublime) version est disponible dans un format géant avec dos toilé, et vous livre bien des secrets, les annotations pour comprendre le dessous des cartes, le scénario et les instructions originales, des détails et des illustrations inédites. 504 pages qui vont jusqu'au bout du bout des choses, le cadeau ultime pour ceux qui en veulent toujours plus, encore plus. Pour les autres, un simple Marvels dans la collection Must Have fera l'affaire, à seulement seize euros. 


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BRZRKR BLOODLINES : LES RÉCITS DU PASSÉ D'UNUTE


 Si vous avez suivi et apprécié les trois premiers tomes de la série initiée par Keanu Reeves, qui racontent les aventures d’Unute, le BRZRKR immortel aux prises avec une profonde solitude et des questions existentielles, vous avez toutes les raisons de vous plonger dans la suite ! Delcourt lance le premier volume d'une série de spin-offs qui explorera les différentes époques marquantes de l’Histoire à travers la présence d’Unute. Chaque épisode mettra en lumière comment ce personnage unique a traversé les âges, tout en laissant derrière lui des carnages inégalés. Le premier album de cette série, intitulé Bloodlines, est composée de deux parties. Cela débute avec La poésie de l'insensé, qui nous transporte à l’époque légendaire de l’Atlantide. Dans cette histoire, il est dit que le royaume fabuleux, où les rues semblent pavées d'or et les joyaux architecturaux abondent, a pu bénéficier de l’aide de notre héros, qui a formé et protégé son jeune roi, Azaés. Sous l'influence d’Unute, l'apprenti souverain est devenu un leader respecté… mais aussi, au fil du temps, bien moins honorable. Nous découvrirons même que la chute de l’Atlantide est directement liée aux actes d'Unute lorsqu’il a dû affronter le démon Cthulhu dans un combat mémorable où le sang a coulé à flots. Cette histoire, scénarisée et illustrée par Steve Skroce, combine un style à la fois incisif et décalé, rappelant celui de John Romita Jr. chez Marvel, avec cette capacité à offrir une distance humoristique lors des scènes les plus violentes et sanglantes. Cependant, ne vous méprenez pas : cette œuvre n’est pas pour les âmes sensibles ! Au-delà de l’action brutale, le récit s’avère plus intelligent qu’il n’y paraît, en abordant notamment la notion du temps pour un être immortel. Pour Unute, chaque décennie n'est qu’une brève parenthèse, un simple épisode dans son existence infinie, lui qui n'a plus de larmes à verser et dont le destin s'éloigne irrémédiablement de celui des mortels.




Le second récit, intitulé Empire déchu, est particulièrement captivant. Il permet de comprendre, avec une grande acuité, comment la puissance, lorsqu’elle devient furie destructrice, peut également se transformer en malédiction. Chez notre protagoniste, ce besoin irrépressible de tout détruire, de provoquer des massacres réguliers, est un élan qu’il ne parvient pas à maîtriser. C’est ce qui se produit lorsqu'il se retrouve, dans le désert, face au souverain d’Olos. Contre l'avis de la reine, le roi décide d'utiliser ce guerrier comme une arme, un divertissement sanglant pour des sortes de jeux du cirque. Cependant, rien ne semble pouvoir briser le nouveau venu, qui ébahit la cour en revenant à la vie après avoir été décapité. Il finit par s’échapper avec la reine, donnant ainsi naissance à un récit poignant qui s’avère être un formidable jeu de dupes. Cette histoire est superbement orchestrée par le scénariste Mattson Tomlin, qui transforme un one-shot en apparence banal en une intrigue bien plus complexe et subtile qu’on ne l'aurait imaginée au départ. Le plaisir de lecture réside notamment dans le mécanisme narratif implacable mis en place. Les illustrations de Rebekah Isaacs ajoutent une touche de finesse ; elle excelle dans la représentation des personnages féminins et sait capturer des émotions intenses, qui prennent vie dans ces pages. Alors oui, ce Bloodlines est parfois expéditif, peut-être un peu bourrin. Ceux qui n’ont pas aimé les trois volumes précédents ne trouveront pas ici de quoi les convaincre. Mais pour ceux qui ont été happés par l'univers de BRZRKZ, cette nouvelle fournée est incontournable.


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LES RÉSIDENTS : LE TROISIÈME ALBUM DU "MYTHE DE L'OSSUAIRE"


 Quelque part à Toronto, dans une barre d’immeubles, un cadre de vie où tout semble banal, presque figé dans un quotidien morne. Là résident des individus sans véritable lien entre eux : un dealer et une jeune femme accro aux substances illicites, un enfant et sa mère célibataire, un homme qui lutte pour payer les soins de son épouse atteinte d’un cancer incurable, ou encore un locataire irascible dont la frustration éclate dans ses interactions avec les autres. Et puis il y a Félix, un Afro-Américain à l’âge de la retraite, dont l’appartement va devenir le point de départ d’une aventure aussi complexe que fascinante, surtout d’un point de vue graphique. Aux côtés de Jeff Lemire, nous quittons progressivement la grisaille des vies ordinaires pour plonger dans quelque chose de cosmique, de grandiose, d’extrêmement dérangeant. Tout commence avec Félix, retrouvé mort. Loin de leur quotidien qui basculent dans l'étrange, les autres habitants pénètrent dans son appartement et se retrouvent alors dans un territoire inconnu, une sorte de porte d’entrée vers les enfers. Une descente vertigineuse commence, comme si un autre monde s’ouvrait devant eux une fois franchie la fatidique porte. Ils n’ont d’autre choix que d’avancer, cherchant désespérément une issue, tandis que tout autour d’eux, la réalité semble avoir radicalement changée. L’immeuble tout entier est comme emporté dans une dimension parallèle, une vision cauchemardesque qui échappe à toute explication. Pour rendre tangible cette atmosphère oppressante, il fallait un artiste maîtrisant l’art de la pénombre, du drame et de l’horreur, avec une approche quasi expressionniste. L’Italien Andrea Sorrentino remplit ce rôle à merveille, lui qui possède déjà tous les automatismes nécessaires pour collaborer avec Lemire. Ensemble, le duo développe ici le troisième volet d’une fresque ambitieuse intitulée Le Mythe de l’Ossuaire, donnant vie à un récit aussi immersif qu’inquiétant.


Chaque personnage mis en scène par Jeff Lemire est marqué par ses failles : certains souffrent d'une solitude écrasante, d'autres sont pris dans les griffes d’addictions diverses, ou encore hantés par une jeunesse traumatisante. Peu à peu, des liens se tissent entre eux, même si parfois de façon superficielle. Cependant, la descente ne se fait pas de manière monotone : les dangers sont nombreux, et les "résidents" se retrouvent aussi menacés par des créatures surgissant de l’ombre, que Sorrentino représente dans un rouge sanguinolent. Ces créatures semblent même capables de prendre l’apparence des autres pour mieux les tromper. Au passage, on retrouve d'autres éléments graphiques caractéristiques du Mythe de l'Ossuaire, sans pour autant pouvoir relier tous les points. La performance de Sorrentino est d'autant plus saisissante qu'il parvient à varier les styles et les approches selon le cadre qu’il souhaite illustrer. Vers la fin de l'album, par exemple, les personnages atteignent un étage qui ressemble en tout point à un jardin d'Éden (et la sempiternelle question de la pomme et du serpent), tandis que la conclusion propose une vision frappante d'une cité cauchemardesque où triomphe le mal absolu. Récemment, Sorrentino a fait l'objet de vives critiques et d'une polémique dont il se serait sans doute bien passé. Dans un dessin publié dans le mensuel Batman, il aurait apparemment utilisé l'intelligence artificielle pour plusieurs vignettes (le conditionnel de rigueur, même si ça semble assez évident). On sait aussi qu'il a recours à des illustrations photographiques sur lesquelles il applique une saturation intense, puis qu'il les retravaille. Nous n'avons ici aucune preuve pour dire que cet album n'est pas uniquement le fruit de son propre talent. Il faut reconnaître que la dimension graphique des Résidents contribue largement à l'atmosphère envoûtante de cette histoire. Ces dernières années, Jeff Lemire a pour sa part multiplié les projets et les créations, parfois au risque de perdre un peu d'inspiration et de ne pas toujours livrer des chefs-d'œuvre à ses lecteurs. Toutefois, Les Résidents fait partie de ses meilleurs travaux des trois ou quatre dernières années et constitue probablement le chapitre le plus intéressant, jusqu'ici, du Mythe de l'Ossuaire. Malheureusement, les deux auteurs ont décidé de mettre cet univers horrifique en pause pour l’instant, mais vous pouvez parier que nous serons là lorsqu’ils reviendront aux affaires. Mentionnons aussi l’édition grand format proposée par Urban Comics, d'une qualité indéniable, qui trouvera aisément sa place en valeur sur vos étagères.


Lire aussi dans le Mythe de l'Ossuaire :


Des milliers de plumes noires

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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : MOI, FADI, LE FRÈRE VOLÉ (RIAD SATTOUF)


 Dans le 186e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente le premier tome de la nouvelle série de Riad Sattouf baptisée Moi, Fadi, le frère volé, une série publiée aux éditions du futur. Cette semaine aussi, je reviens sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie du deuxième et dernier tome de la série Habemus bastard baptisé Un cœur sous une soutane, un diptyque que l’on doit à Jacky Schwartzmann pour le scénario, Sylvain Vallée pour le dessin et c’est édité chez Dargaud


- La sortie de l’album Alessia que l’on doit au duo Zidrou pour la partie scénario, David Merveille pour le dessin et c’est édité chez Delcourt dans la collection Mirages


- La sortie de l’album Sur le front de Corée, album consacré au journaliste Henri de Turenne, scénarisé par Stéphane Marchetti, mis en dessin par Rafael Ortiz et c’est édité chez Dupuis sous le label Aire libre et dans une collection dédiée aux lauréats du prix Albert Londres


- La sortie de l’album Pour une fraction de seconde que l’on doit à Guy Delisle ainsi qu’aux éditions Delcourt dans la collection Shampooing


- La sortie de Monique, le deuxième tome sur trois de la série Les vents ovales que l’on doit au scénario conjoint d’Aude Mermilliod et Jean-Louis Tripp, au dessin d’Horne et c’est édité chez Dupuis dans la collection Aire libre


- La sortie de l’ouvrage Zep, dessiner le monde, un livre d’entretien et de présentation de ses dessins édité chez Rue de Sèvres.




 
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UNIVERSCOMICS LE MAG' 47 NOVEMBRE 2024 : LE Z DE ZORRO


 UniversComics Le Mag' 47


Novembre 2024


60 pages. Gratuit.


Pour lire et télécharger votre numéro

 https://madmagz.app/fr/viewer/6702c76bef737f0014774770


Lien direct Facebook ICI



LE Z DE ZORRO

Menu :

* Dossier ZORRO

L'histoire du personnage, le Zorro de Alex Toth (Urban Comics) et la série avec Jean Dujardin.

* Les X-MEN de Jim Lee. Retour sur l'histoire de la série.

* Le cahier critique. Les sorties du mois écoulé, passées au crible du Mag'.

* L'actualité de la BD avec les pages du podcast Le Bulleur

* Portfolio : découvrez le travail de Jean-Charles Bonomo.

* Preview : Ultimate one year

Un grand merci à tous pour votre fidélité.

Nous avons besoin de vous. C'est gratuit, on vous demande juste de liker, commenter, partager, nous aider à vaincre la bataille sans merci des algorithmes et de la promotion virtuelle. 

Cover de Dejan Delic et Benjamin Carret.




SURVIVAL APARECIDA PRISON : LA SURVIE DANS LES GEÔLES BRÉSILIENNES


 Il existe certains endroits sur Terre où il vaut vraiment mieux ne pas finir, et l’un d’eux est sans doute l'une des pires prisons du Brésil. Ce pays, tristement célèbre pour la surpopulation de ses établissements pénitentiaires, abrite dans la capitale de l’État de Goiás un complexe nommé Aparecida, où les détenus s’entassent dans des conditions indescriptibles. La population carcérale s’y divise en trois factions qui se disputent le pouvoir derrière les murs. On y trouve d'abord le PCC, composé principalement de malfrats de São Paulo, puis le CV, centré sur l’État de Rio de Janeiro. Et enfin, la troisième faction, la plus redoutable, est un groupe de néo-nazis spécialisés dans le trafic d’armes en interne. Dans ce contexte bien sombre, deux personnages principaux sont présentés au lecteur. Le premier est Marcus Anderson, un jeune footballeur qui a eu la mauvaise idée d’accepter de livrer un peu de cocaïne en échange d’une place dans son équipe. Bien qu’il n'ait pas encore été jugé, il est déjà incarcéré et fait des merveilles balle au pied. Ça tombe bien, car chaque année, un grand match est organisé entre les détenus et les gardiens, même si celui-ci se termine souvent en véritable bain de sang sur le terrain. Marcus, blessé dès son premier entraînement, finit cependant par se rétablir et devient l'élément essentiel d’une fragile unité entre les factions : tout le monde a besoin de lui, car il est de loin le meilleur joueur. Le second personnage est Cortereal, un détenu d'apparence plus équilibrée que la plupart des autres, mais qui est en réalité un policier infiltré dont la mission sera dévoilée au fil de l’histoire. Un autre prisonnier à prendre en compte est Francisco Barbosa, un ancien responsable de la police militaire avec un passé bien lourd : il est à l'origine d’un massacre ayant fait des dizaines de morts dans un autre pénitencier, ce qui lui a valu une condamnation à plus de 400 ans de prison. Pourtant, il bénéficie d’un traitement de faveur de la part du directeur d’Aparecida, une jolie crapule qui impose ses propres lois, selon ses intérêts.




Survival est en réalité une série de quatre albums, et celui-ci est le deuxième de la collection. Le concept reste le même à chaque tome : une expérience de survie dans un environnement extrêmement hostile. Heureusement, les albums sont complètement indépendants les uns des autres, ce qui vous permet de plonger dans l'aventure à partir de n'importe quel volume. Vous pouvez ainsi choisir celui qui vous semble le plus intéressant, sans risquer de perdre le fil. Christophe Bec, l'un des scénaristes les plus aguerris de France, est aux commandes. Même s’il n’a pas nécessairement mis (n'a pas eu besoin de mettre) tout son talent à l’épreuve ici, on peut envisager cet ouvrage comme un blockbuster estival (en automne). Oui, ça explose, oui, le langage est souvent cru, et oui, certaines scènes sont réservées à un public averti. Mais que peut-on attendre d’autre d’une histoire où des narcotrafiquants impitoyables règlent leurs comptes dans une prison surpeuplée ? Ce n'est certainement pas une ode bucolique à la manière de Terence Malick, ni un poème de Ronsard ! De ce côté-là, le lecteur en aura pour son argent. La seconde moitié du récit est dédiée aux conséquences de l’inévitable explosion, et là, c’est chacun pour soi. Deux dessinateurs se succèdent pour illustrer ce chaos : Mirko Colak ouvre le bal, et l’Italien Diego Bonesso le clôt. Tous deux offrent un style très réaliste, avec des dessins soignés et percutants qui renforcent l’intensité du récit. Une chose est sûre : on ne se sent pas floué. J'avoue que j'attendais un petit twist autour d'un personnage secondaire, la secrétaire du directeur de la prison. Elle passe la majorité de son temps à subir servilement les ordres de son patron et finit par être malmenée sans ménagement, dans une attitude de soumission presque anachronique. Je pensais que cela cachait un rebondissement… mais non. Si un reproche peut être fait, c’est d'ailleurs le manque de surprises dans le déroulement des événements. Cela dit, la dynamique est si efficace et explosive qu’on pardonne facilement ce détail. En tout cas, Survival est disponible chez Soleil, prêt à vous offrir une dose d'évasion (jeu de mot facile pour conclure). 



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LA MAISON DES IMPIES : BRUBAKER, PHILLIPS ET DU SATANISME


 Dans les années 1980, l’Amérique a été frappée par une vague d'hystérie satanique, une chasse aux sorcières qui impliquait même de jeunes enfants. Soudain, le Diable semblait omniprésent, notamment dans la ville de Natalie Burns, l'héroïne (malgré elle) de ce récit. Elle et quelques gamins, plus tard surnommés par la presse et les curieux les "Six de Satan", ont accusé des enseignants d’actes horribles, prétendant que le Diable en personne en était complice, ce qui a eu des conséquences dramatiques pour toutes les personnes impliquées. En partie pour attirer l'attention sur eux, mais également influencés par le plus pervers d'entre eux, les gosses ont affabulé et brisé des vies. Des décennies plus tard, les membres de ce petit groupe qui n'a rien de reluisant se font assassiner un par un, tandis que Natalie est devenue de son côté une sorte de détective privé, qui essaie d'arracher aux sectes les jeunes adolescents qui ont le malheur de se laisser embrigader. Suite au fiasco de sa dernière mission, elle s’allie à un agent du FBI tombé en disgrâce pour essayer de sauver les survivants des six garnements, et démasquer l’assassin qui les a pris pour cible, des années après les faits. Comme dans leur précédente collaboration, Là où gisait le corps, Ed Brubaker et Sean Phillips nous livrent avec La maison des impies un roman graphique qui fait bloc. Inspiré par une hystérie collective et satanique bien réelle dont nos amis américains semblent avoir le secret  – qui persiste encore aujourd’hui, d'une certaine façon, alimentée par les délires de l'internet – cet album n’est pas leur meilleure production, mais comme toujours avec le duo merveilleux (trio avec le fils de Sean, Jacob Phillips aux couleurs), vous auriez tort de ne pas y jeter un œil, tant le mécanisme narratif se révèle souvent délicieux et inspiré. Souvent, mais pas toujours. 

L’histoire alterne entre le présent et le passé : dans le premier cas, l'action va de l'avant, Natalie échoue, trouve un allié, échoue à nouveau, et abat sa dernière carte, désespérée. Dans le passé, on apprend quelles sont les erreurs et les atroces mensonges qu'elle a participé à créer, et les conséquences qu'ils ont eus sur sa famille, notamment sur le petit frère, devenu complotiste invétéré et qui aura son rôle à jouer dans l'album. Le petit problème, le grain de sable dans la mécanique souvent parfaite de Brubaker, c'est que l’histoire manque un peu de cohérence sur certains points – la présence de l’agent West, qui n'a finalement pas besoin de tant de mise en scène pour atteindre son but, ou encore le mobile des meurtres, assez faible – ce qui rend les révélations finales assez vite prévisibles. La toute dernière partie est alors un peu faible, et n'a de toute manière pas assez d'espace, pas assez de pages pour se déployer convenablement. La conclusion est abrupte, au point même qu'on pourrait douter que l'album est arrivé à son terme véritable. Ce sont bien sûr des remarques qu'il faut interpréter dans une optique particulière, celle des attentes très hautes que nous avons à chaque fois envers les histoires réalisées par ce duo magique, qui même lorsqu'elle n'atteignent pas des sommets historiques (comme ici) restent bien au-dessus de la majeure partie de sortie du trimestre. D'autant plus qu'on retrouve toujours cette ambiance glauque qui puise ses racines dans les années 1980, avec des personnages qui ressemblent à des perdants magnifiques ou des paumés de la vie, servis par une narration désabusée. À défaut de retrouver un nouveau chapitre des aventures d'Ethan Reckless (comme il nous manque tellement, nous avons adoré cette succession d'albums), nous tenons avec Natalie une détective capable de devenir le centre d'intérêt de nombreuses intrigues, tout comme son homologue masculin, sauf que la conclusion de la Maison des impies nous amène à croire que ce sera difficile à l'avenir… En tous les cas, Brubaker a toujours autant de talent pour brosser des portraits attachants et en perdition apparente et Sean Philips est toujours aussi pertinent et en adéquation avec le scénariste, pour illustrer tout ça. Est-ce une faute de ne pas toujours signer "la meilleure œuvre", à chaque fois ?


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COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)

 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ir...