C'est la fête autour de Bill Willingham. Tout commence avec une intrigue centrée sur les enfants du couple Bigby Wolf et Blanche-Neige. Le premier, un peu brusque, les envoie promener, leur demandant de ne revenir que lorsqu’ils auront chacun vécu une grande aventure. Ce concept, évidemment unique pour chaque enfant, est une belle excuse narrative pour offrir au lecteur une série d’épisodes pétillants, où l’on découvre combien ces jeunes héros sont ingénieux et pleins de ressources. Mais attention, ces enfants n’ont rien de traditionnel, comme vous pouvez vous en douter. Progressivement, le scénario prend une tournure plus sombre et l’atmosphère devient plus dense. Et nous effectuons un bond de cinq ans dans le temps, en quelques cases ! L’histoire dévoile alors son grand antagoniste : un Peter Pan très éloigné de l’innocent personnage des contes. Ici, il s’agit d’un véritable méchant, manipulateur et redoutable, qui tient sous son contrôle une Clochette dotée de pouvoirs incommensurables. Grâce à elle, il parvient à se sortir de toutes les situations et à avancer ses sombres desseins. Bill Willingham semble ici signer l’épilogue définitif de sa célèbre série, probablement en raison de ses relations tendues avec les dirigeants de DC Comics. Ces tensions auraient été exacerbées par les retards répétés dans la livraison des douze épisodes finaux, un comble attribué, ironiquement, au dessinateur Marc Buckingham. Déjà à l'œuvre chez Marvel avec Miracleman, Buckingham, loin d’être un virtuose des effets spectaculaires, est avant tout un artiste régulier et appliqué. Il excelle à retranscrire fidèlement les récits qui lui sont confiés, et son style est désormais indissociable de l’univers narratif de Fables. Cependant, Willingham semble avoir poussé le bouchon un peu trop loin cette fois, et l’on peut considérer que la série touche bel et bien à sa fin. L’album, bien que riche et captivant, souffre d’un talon d’Achille : le tout dernier numéro. Les dernières pages, en particulier, déçoivent par leur manque de consistance et proposent une conclusion bien en deçà des attentes. Alors qu’on espérait un petit chef-d’œuvre, des secousses éditoriales en coulisses ont réduit la portée de ce come back. Cela dit, l’album reste une lecture fascinante, qui gagne en impact lorsqu’on le découvre d’une traite – ce que l’édition française d’Urban Comics permet heureusement. Ne boudez pas cette Forêt Noire si vous êtes fans de Fables. Ce dernier tome est un chant du cygne digne d'intérêt, promis juré.
Retrouvez UniversComics sur Facebook, 24h/24 !FABLES LA FORÊT NOIRE : LE RETOUR INESPÉRÉ DE L'UNIVERS DES FABLES
PETITS CONTES MACABRES : TERREUR DE GROUPE AVEC HARREN ET SES AMIS
"Les Yeux dans l'Obscurité Primordiale" ouvre le bal. Powell et Harren nous entraînent dans une aventure steampunk victorienne où un docteur ambitieux et un ingénieur un peu fou s’aventurent dans l’espace. Mais une présence spectrale hante leur vaisseau… Mars peut attendre, car l’horreur a déjà pris place à bord. C'est surtout la tension psychologique qui domine, avec un zeste de science sans conscience. "Le Kelpie", signé Becky Cloonan, plonge dans une ambiance plus terre-à-terre, mais non moins effrayante. Dans un village isolé, un fantôme surnommé le Kelpie rôde. Ceux qui s’approchent trop près de cette créature finissent par disparaître. Quand il débarque un soir avec son cheval et tout ruisselant à la porte du logis d'une charmante demoiselle, on comprend que la rencontre ne va pas être sans conséquences funestes. "La Nuit du Jabberwock", par Mike Mignola, est une aventure entre rêve et réalité. Un homme, au coin du feu, partage un souvenir étrange avec sa famille : une rencontre qui défie la logique et le temps. Mystérieux et typiquement "Mignolien". Avec un langage qui oscille entre verbiage victorien et élucubrations linguistiques. Si vous ne comprenez pas tout, personne ne vous en voudra, j'ai moi-même des doutes à ce sujet. Enfin, "Le Cadeau du Major Courtenay", une création du seul Powell, revient à l’époque victorienne avec une histoire de noblesse, de secrets, et… d’intrus inquiétants. Quand un vieil ami et son domestique débarquent, le manoir devient le théâtre de révélations surprenantes. Les invités décident de coucher dehors, dans une tente, et semblent bien décidés à ne pas entrer dans la somptueuse demeure. Et lorsque ça se produit, c'est le drame ! Dans l’ensemble, Petits Contes Macabres est une déclaration d’amour au genre fantastique et horrifique. Les amateurs de frissons et de récits surnaturels trouveront ici de quoi nourrir leurs insomnies, tandis que les fans des auteurs apprécieront le mariage harmonieux entre leurs styles distincts. Et si le ton des histoires est inégal, le charme opère, au point qu'on regrette la faible pagination de l'ensemble. Alors, à défaut de fantômes dans votre salon pour les fêtes de fin d'année, voilà un petit cadeau apprécié : digne compagnon d'une lecture hivernale, près de la cheminée, pourquoi pas accompagnée d'une tasse de thé bien fumante. Si vous optez pour avoir de la compagnie, vérifier bien qu'elle sera un peu plus inoffensive que celle qui déroule les contes de cet album !
L'APPEL À CTHULHU : LE TALENT DE NORM KONYU CHEZ BLACK RIVER
Alors oui, je l’avoue sans rougir (ou presque) : je n’ai jamais aimé Lovecraft. Voilà, c’est dit. Ne tapez pas trop fort, ça fait mal. Mais reconnaissons-le, même si ses idées et son style me laissent de marbre, cet album parvient à transformer tout ça en un véritable plaisir visuel et narratif. Et rien que pour ça, il mérite qu’on s’y attarde. D'autant plus que tout le processus créatif est disséqué minutieusement dans une partie de "bonus" qui est aussi conséquente que celle consacrée aux illustrations. Vous pouvez y trouver une interview très complète, des exemples de la manière dont Norm Konyu passe du sketch préparatoire au fignolage de sa production sur Photoshop. C'est pertinent car à première vue, le procédé peut sembler simple, voire naïf. Or, il n'en est rien, et on se rend compte de la tâche avec toutes ces précisions nécessaires. Black River propose donc un ouvrage qui ressemble surtout à un artbook. En version originale, le travail de Norm Konyu avait été proposé sous la forme d'un financement participatif, qui était déjà dans la poche au bout de soixante minutes. C'est devenu une véritable production grâce à Titans Book, et aujourd'hui c'est disponible en français. On pourra juste émettre, à défaut de réserves, quelques doutes sur certains choix de traductions qui auraient pu être plus inspirés. De même, on attend avec beaucoup d'intérêt ce que proposera l'éditeur dans les mois prochains. Nous avions un peu l'impression d'une pause prolongée, ces temps derniers, et d'un manque de direction claire dans la ligne éditoriale. Ce type de livre est peut-être une ressource à explorer pour le futur.
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COSMIC DETECTIVE : POLAR ET SCIENCE-FICTION AVEC LEMIRE, KINDT ET RUBIN
AVENGERS TWILIGHT : LE CRÉPUSCULE DES HÉROS
VENOM THE LAST DANCE : UN DERNIER VOLET (IN)DIGNE DES DEUX AUTRES ?
LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA 3e KAMERA
- La sortie de l’album Les météores que nous devons au scénario de Jean-Christophe Deveney, au dessin de Tommy Redolfi et le tout est édité chez Delcourt
- La sortie du deuxième tome de la série Inoubliables que l’on doit à Fabien Toulmé et qui est édité chez Dupuis
- La sortie du 7e tome de la série Les aigles de Rome, un série que l’on doit à Enrico Marini et aux éditions Dargaud
- La sortie de l’album Eurydice que signe Lou Lubie au scénario, Solen Guivre au dessin et qui est édité chez Delcourt
- La sortie de l’album Les femmes ne meurent pas par hasard que l’on doit au scénario de Charlotte Rotman qui suit l’avocate Anne Bouillon, au dessin de Lison Ferné et c’est publié aux éditions Steinkis
- La réédition en intégrale du Spirou que l’on doit à Émile Bravo baptisé L’espoir malgré tout, un titre paru aux éditions Dupuis.
SOMNA : LE PLAISIR DÉMONIAQUE DE CLOONAN ET LOTAY
Somna est le fruit d'une équipe artistique exclusivement féminine. Becky Cloonan, qui s’occupe de la majeure partie du « monde réel », démontre qu'elle a vraiment atteint une forme de maturité enviable. Elle excelle dans la représentation des costumes d'époques, apporte un soin méticuleux aux détails. Tula Lotay, en revanche, se concentre sur les rêves. Ses planches sont construites sur un modèle différent et plus libre, elles privilégient des gros plans suggestifs : des mains, des visages, des corps dans des poses lascives. C'est elle qui doit insuffler la charge érotique puissante qui porte toute l'œuvre et elle y parvient particulièrement bien ! Son usage de couleurs vives confère à la plupart des scènes un attrait tentateur et onirique bienvenu, et le lecteur parvient vite à ressentir ce qui faire peur et dans le même temps attirer irrésistiblement Ingrid, qui accepte l'inavouable et y succombe rêve après rêve. Car oui, Somna parle de sexe, et bien que les dessins ne soient pas non plus pornographiques (des caresses appuyées, des corps nus qui s'étreignent, mais les parties intimes restent dans l'ombre) les scènes de passion physique sont celles qui rythment l'ensemble, qui caractérisent l'évolution du personnage féminin, qui vont aussi amener à sa chute. Un choix narratif et thématique qui sied parfaitement au style de Lotay, dont le travail a toujours porté une dimension érotique affirmée, visible même dans ses couvertures d’œuvres dites grand public. Une tension émerge entre ce que les deux artistes essaient de raconter et cette sensualité omniprésente. Les personnages féminins, et occasionnellement masculins, sont des objets de désir magnifiés, ils sont tous beaux, esthétisés, sauf le prêtre libidineux qui est une caricature de cette religion abjecte dans sa volonté de dominer grâce à l'hypocrisie. Le démon existe bien, mais il est à trouver dans le cerveau malade de ceux qui voudraient nier l'accès à la sexualité, plutôt que dans la luxure présumée de celles qui acceptent d'embrasser le plaisir physique, comme la plus naturelle des choses. Somna a remporté l'Eisner Award de la meilleure nouvelle série, cet été à San Diego. Venant de la culture puritaine et chafouine par excellence, la récompense n'en a que plus de prix. Il s'agit aussi, soulignons-le, du premier album targué Delcourt, qui adapte en Vf des histoires publiées chez DSTLRY, un nouvel éditeur qui compte dans son catalogue naissant et à venir des poids lourds du secteur. L'ouvrage est d'une beauté évidente, et brille comme un cadeau implacable.
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L'ÉXÉCUTEUR : L'INTÉGRALE SIGNÉE WAGNER ET RANSON CHEZ DELIRIUM
Exton, le personnage central, devient de plus en plus fascinant à mesure qu’on tourne les pages. Au fil de son existence, il a même la chance de connaître quelques instants de relative tranquillité, qu’il aurait pu exploiter pour tenter de se reconstruire. C'est le cas au début de Les Proies, troisième volet de cet ouvrage. Hélas, entre un peu de déveine et une tendance presque compulsive à chercher les ennuis, il finit toujours par retomber dans ses travers. Et, inévitablement, c'est le Jeu qui le rattrape. L'ultime partie de cette sombre trajectoire est particulièrement marquante : Exton, désormais désigné comme la cible à abattre aux yeux de tous les autres gros joueurs, devient le gros lot final d'un tournoi qui ressemble à une chasse à l'homme dramatique. En parallèle, un film inspiré de tout ce que nous venons de lire s’apprête à sortir en salle et brouille la frontière entre plusieurs niveaux de fiction, que juxtapose le scénario de Wagner. L’exécuteur suprême finira-t-il par être lui-même exécuté, ou la proie ne fera-t-elle qu'une bouchée de ses chasseurs ? La réponse s’étale sur plusieurs dizaines de pages intenses, où des affrontements explosifs se succèdent. Dans tout ce chaos, notre héros — qui n’en a jamais été un — transforme une forêt glaciale en un véritable champ de bataille, une zone de guerre dont personne ne ressort indemne. Son territoire, un cimetière pour les autres. Il faut saluer ici le travail remarquable du dessinateur, Arthur Ranson, qui insuffle une ampleur vibrante à chaque planche. Les cadrages sont inventifs et variés, souvent focalisés sur de petits détails ou des éléments en apparence secondaires. Cette approche met en lumière le caractère désespéré et aléatoire de ces duels mortels, où la vie humaine ne vaut qu’un paquet de billets promis par une voix anonyme au bout d’un téléphone. La couleur se révèle souvent glaciale, le trait raffiné et chirurgical; impossible de ne pas être happé par un binôme qui fonctionne à merveille et ne nous laisse jamais le moindre moment de répit (tout comme c'est aussi le cas pour Exton). Initialement prévu pour être publié dans un magazine britannique qui a rapidement cessé de paraître, L’Exécuteur a finalement trouvé sa place dans les pages de la célèbre revue anthologique 2000 A.D.. Habituellement orienté vers la science-fiction, l'hebdomadaire a su reconnaître le génie de cette œuvre, portée par un humour anglais à la fois froid et sarcastique, savamment distillé, qui fait mouche. Retrouver les trois parties réunies dans une belle intégrale est un pur plaisir. Cette brique compacte retrace la trajectoire mortifère d’un homme programmé pour tuer, mais qui tente désespérément d’échapper à son propre sort. Tout en se révélant extrêmement doué pour ce à quoi on le condamne, au point d'inverser in fine les rôles et d'alimenter un carnage qui ne cesse jamais. C’est l’un de ces cadeaux de fin d’année pour lesquels on ne peut que remercier l’éditeur Delirium et sa passion inébranlable pour la bande dessinée de genre venue d’outre-Manche. Qui regorge de trésors : la preuve !
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COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)
MARVELS : VERSION ANNOTÉE ET ULTIME POUR LE CHEF D'OEUVRE DE BUSIEK ET ROSS
Mais tout ceci ne serait pas un chef d'œuvre reconnu sans la partie graphique, sans les dessins magnifiques d'un certain Alex Ross. Son style est hyperréaliste, et emprunte beaucoup à la photographie. D'ailleurs, avant de dessiner ses planches, Ross demandait à certains proches de prendre la pose en costume, afin de réaliser des clichés lui permettant d'accentuer l'effet final escompté. Ce qui explique pourquoi certaines cases ressemblent à s'y méprendre à des photos. Je me souviens avoir été bluffé par ce Spider-Man grimpant le long d'un building, ou par ma rencontre avec les X-Men des origines, à la première lecture de ce Marvels. A quoi ressembleraient donc Giant-Man, la Chose, ou Namor, s'ils existaient vraiment, autrement que comme incarnations de movies super-héroïques? Ross livrait déjà une réponse éloquente dans les années 1990, avec une minutie, un soin du détail jamais égalé avant lui. Regardez ce jeune Scott Summers, traqué et surpris dans une ruelle sombre, avec son viseur lumineux. Jamais un mutant n'aura été dépeint avec autant de justesse; en une planche c'est toute l'hystérie anti-mutante, toutes les craintes et les angoisses dont Claremont nous a abreuvés, qui prennent corps et deviennent tangibles. Hulk n'a jamais été aussi puissant et monstrueux à la fois, et que dire de Galactus, dont l'arrivée est le point d'orgue de l'inimaginable devenu quotidien. Bien sur, un tel succès ne pouvait qu'entraîner une série de suites plus ou moins officielles et réussies, ou d'épigones surfant sur la vague. Busiek réalisa Astro City (formidable) , ou encore Arrowsmith (publié chez Delcourt), et Alex Ross le suivit durant son parcours, quelques temps. Chez Marvel on put lire des titres comme Code of Honor (les super-héros vus cette fois à travers les yeux d'un flic, la trame familiale jouant là également un grand rôle dans l'économie du récit) ou plus tard Eye of the Camera (l'oeil de l'objectif), qui marque le retour de Phil Sheldon sur la scène. Mais jamais plus la grandeur et la beauté de Marvels n'a été atteinte à nouveau. Cette nouvelle (sublime) version est disponible dans un format géant avec dos toilé, et vous livre bien des secrets, les annotations pour comprendre le dessous des cartes, le scénario et les instructions originales, des détails et des illustrations inédites. 504 pages qui vont jusqu'au bout du bout des choses, le cadeau ultime pour ceux qui en veulent toujours plus, encore plus. Pour les autres, un simple Marvels dans la collection Must Have fera l'affaire, à seulement seize euros.
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Comme chaque samedi désormais, nous vous proposons de plonger dans l'univers de la bande dessinée au sens le plus large du terme,...
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UNIVERSCOMICS LE MAG' 46 Octobre 2024 / 60 pages / gratuit Disponible ici (lecture + téléchargement) : https://madmagz.app/fr/viewer/...