
Faites-vous partie de ceux qui pensent qu’un criminel ne peut jamais se racheter ? Que les pires éléments de notre société — ceux qui transgressent les règles, les lois, les normes — méritent à jamais l’enfermement, voire la peine capitale ? Dans l’univers dérangeant imaginé par le scénariste britannique Peter Milligan, il existe pourtant une échappatoire. Une porte de sortie. Un espoir totalement foutraque. Mais pour cela, il faut accepter de se livrer à une mécanique de rédemption particulièrement vicieuse : participer à une émission de télé-réalité ultra-violente, baptisée Absolution. Le principe ? Simple. Cruel. Parfaitement cynique. Le candidat — souvent un criminel lui-même, contraint plus que volontaire — est armé jusqu’aux dents, propulsé en terrain hostile, et chargé de traquer d’autres malfaiteurs dans un jeu de chasse à l’homme aux allures de purgatoire sanglant. Pendant ce temps, des millions de spectateurs suivent ses moindres gestes en temps réel, à travers les caméras greffées sur son corps, en commentant à tout va, comme on le fait aujourd’hui sous une vidéo YouTube ou un stream Twitch. Sauf qu’ici, ce ne sont pas des parties de jeu vidéo ou des bêtisiers de chatons qui sont à l’écran, mais la vie, la mort, le sang, et cette forme moderne de la crucifixion médiatique qu’est l’humiliation publique. Le personnage principal, Nina Ryan — ancienne agente de la paix et meurtrière involontaire — tente de racheter sa faute en jouant ce jeu de massacre en direct, tout en sachant que son salut dépendra du bon vouloir d’un public versatile, friand de violence, prompt à juger et à la condamner depuis le confort de son salon. Milligan pousse à l’extrême la logique du divertissement contemporain, où la frontière entre justice et spectacle s’est depuis longtemps dissoute dans un bain (sanglant) de pixels.

Avec Absolution, Peter Milligan livre une charge brutale contre une société où la justice est devenue un produit de consommation, et où le pardon se monnaie à coups de clics et de coups de feu. Pour parvenir à l'absolution, Nina doit évidemment tenir compte du caractère voyeuriste de ceux qui la suivent en ligne. Plus ses interventions seront spectaculaires, plus elle se complaira dans les meurtres et dans les moyens employés pour y parvenir ; et plus elle aura de chances de susciter l’adhésion de ses suiveurs. Bien entendu, ces courageux lions cachés derrière leur clavier se permettent aussi de l’insulter, de commenter de la pire des façons ce qu’ils voient, bien à l’abri de leur écran. C’est extrêmement bien écrit par Milligan, car il propose une vision parfaitement crédible, sarcastique et tristement contemporaine de cette manière qu’ont tant d’internautes de venir vomir leur ennui sur le Net. Peut-on vraiment se racheter quand on est exposé comme un gladiateur numérique ? Est-ce encore de la justice, ou juste une nouvelle forme de cirque romain, avec des drones à la place des fauves ? Absolution n’apporte pas de réponse facile. Mais il oblige à poser les bonnes questions et c'est un sacré bon divertissement ! Côté dessin, Mike Deodato, avec sa mise en page désormais caractéristique et son style en grande partie photo-réaliste, renforce le ton glaçant de l’histoire. Il livre des planches d’une grande efficacité, qui transforment cette bande dessinée en une sorte de B-movie d’action dramatique. Publié en V.O. chez AWA Studios, Absolution est toujours en attente d'un éditeur français. On peine à comprendre pourquoi.

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