
Christophe Bec continue de tisser son anthologie pleine d'adrénaline avec
Survival, série-concept chez Soleil qui explore les recoins sombres de la psyché humaine… et des bois profonds. On l'avait quitté dans une prison de haute sécurité brésilienne, avec une lutte entre détenus qui tournait clairement au vinaigre (lire
ici), on le retrouve dans un cadre bucolique mais terrifiant. Avec
Palmyra (petit village du Maine niché à l'orée d'une forêt gigantesque), nouvel opus de cette saga aux airs de collection B sérieusement vitaminée, Bec nous offre toute la panoplie attendue et nécessaire pour frissonner comme un bucheron : créatures griffues, cabane isolée, chiens paniqués, et une famille qui n’avait rien demandé. Le récit s’ouvre sur une triple temporalité : 10 500 avant J.-C., un monstre préhistorique harcelé par des chasseurs amérindiens ; en 1849, un convoi de pionniers est attaqué dans les Rocheuses ; et aujourd’hui, dans la petite bourgade déjà évoquée, les Saville pensent trouver un nouveau départ… mais emménagent en fait au pied d’un cauchemar. Les codes sont posés avec une précision presque scolaire, mais la mécanique est efficace : isolement, nuit tombante, et ces fichus yeux qui brillent dans le noir. On y retrouve un petit côté Shyamalan, plutôt la fille que le père, d'ailleurs, avec son tout récent
Les Guetteurs, qui joue un peu des mêmes ressorts narratifs. Eric, patriarche aux instincts de survie aiguisés mais handicapé par une mauvaise blessure à la jambe, sa femme Shelley, et leurs enfants vont vivre un huis clos nocturne haletant, pris en tenaille par des créatures humanoïdes grotesques, mi-loups, mi-cadavres. Fusils inaccessibles, voiture calcinée, police sur laquelle on ne peut pas compter (ben voyons) : la nuit sera longue. Heureusement, un cousin chasseur de fauves est disponible pour ajouter une touche de testostérone et un sacré lot de cartouches au menu.

Côté narration, Bec ne cherche pas l’originalité absolue mais l'efficacité narrative. On est dans le Survival pur jus, ou comment se faire peur en laissant monter la pression : quelques traumas familiaux, des décisions déchirantes, et un crescendo dramatique sans pitié. Les fans de Stephen King, Carpenter ou des histoire de Bigfoot hantant les bois à la recherche de chair fraîche sont clairement priés de passer à la caisse de leur librairie préférée. Sans négliger la bonne surprise qui vient du dessin : Kamil Kochanski, pour sa première incursion dans la BD française, livre un travail tendu comme un arc. Son trait réaliste, nerveux, toujours en mouvement, joue des contreplongées et des gros plans avec un sens du rythme quasi cinématographique. Les ambiances sont poisseuses, les visages habités, et l’angoisse visuelle s’installe planche après planche. On se croirait dans du très bon Swamp Thing, ou les récits horrifiques d'EC Comics. Avec Facio aux couleurs, le duo assure un rendu glaçant, du plus bel effet. Certes, Palmyra ne révolutionne pas le genre. On coche toutes les cases au bingo du genre : créatures nocturnes, famille en danger, tension psychologique, et le twist final. Mais derrière ces poncifs se cache un amour sincère pour le genre, et une capacité rare à en tirer une aventure aussi nerveuse que plaisante. Ce n’est pas du caviar, mais un bon gros burger saignant à dévorer à la lueur d’une lampe-torche. Vivement la suite, Guna Yala, qui nous promet de nouvelles frayeurs en terres tropicales. Survivre, encore et toujours.

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