X-MEN : DIEU CRÉE, L'HOMME DÉTRUIT (INDISPENSABLE LECTURE MUTANTE)


 Il est sans doute inutile de revenir sur l'importance fondamentale de Chris Claremont dans l'histoire et le succès des X-Men : non seulement ce scénariste de génie savait tisser, longtemps à l'avance, des intrigues complexes aux ramifications multiples, mais il est aussi celui qui a su rendre crédible, mieux que quiconque, l’hystérie anti-mutants — l’un des thèmes majeurs de la série, comme le souhaitait d’ailleurs Stan Lee dès les origines. Année après année, le climat s’est fait de plus en plus tendu, et les mutants ont été placés sur la sellette, jusqu’à être stigmatisés comme l’ont été, et le sont encore aujourd’hui, certaines catégories de la population en raison de leurs origines ou de leurs croyances religieuses. Tout cela s’inscrit dans l’ère Jim Shooter, qui choisit d’offrir au lectorat des œuvres plus adultes et ambitieuses, à travers une série de graphic novels qui, sur la forme, se rapprochent davantage de la bande dessinée européenne que du comic book traditionnel. C’est dans cet écrin que naît ce qui deviendra l’une des pierres angulaires de la mythologie des X-Men. God loves, man kills. Claremont y dénonce l’hystérie qui s’empare des États-Unis dès qu’il est question de religion, et l’écoute complaisante accordée aux discours de la droite religieuse extrémiste. Autrefois, c’était le Ku Klux Klan qui s’en prenait à la population noire ; aujourd’hui, c’est le révérend William Stryker — sorte de double maléfique du professeur Xavier — qui lance une croisade contre l’Homo superior. À ses yeux, ce dernier représente une perversion absolue de l’humanité, et il est prêt à tout pour l’exterminer, jusqu’à tendre un piège à Xavier et à ses élèves, au terme d’un débat télévisé. Les Purificateurs recourent systématiquement à la violence, à l’enlèvement, au meurtre ; pour eux, tous les moyens sont bons pour éradiquer ce qu’ils considèrent comme une mauvaise herbe. Le climat social est d’ailleurs particulièrement tendu : il suffit de voir cette scène où la jeune Kitty Pryde en vient aux mains avec un camarade d’étude, simplement parce que celui-ci reprend à son compte les idées de Stryker. Fatalement, l’étau se resserre, et les mutants finissent par être perçus comme une menace par l’opinion publique — sans qu’ils aient la possibilité de se défendre ni de faire entendre un quelconque contradictoire.



Les X-Men ne se retrouvent pas face à un vilain traditionnel qu'il est possible de détruire à coup de super pouvoirs, mais face à un homme très dangereux qui utilise son influence, les médias, l'ignorance des masses, pour semer la haine dans la société. Tout le monde est victime, y compris les enfants, et il n'est pas facile d'extirper les préjudices quand ceux-ci ont atteint les cœurs et les cerveaux. Regardez-le donc, ce Diablo et sa fourrure bleue, n'est-ce-pas forcément un monstre, une engeance pour l'humanité, puisqu'il est si différent "des hommes" à première vue ? Conséquence ultime, nos mutants préférés en arrivent à s'allier avec Magneto, pourtant considéré comme un ennemi, et ils font front commun pour mettre sur pied une résistance illusoire mais nécessaire. Le dessin de Brent Anderson subit l'influence de Neil Adams et il vaut surtout par la mise en page, dense mais inventive, et la qualité de l'utilisation des ombres. Certes, certains premiers plans ne sont pas des plus gracieux, l'artiste fera beaucoup mieux par la suite, néanmoins cela reste un travail de bonne facture, qui nécessite de la part du lecteur un véritable investissement : les dialogues et les didascalies sont très présents et ce n'est pas un album qui se lit en un quart d'heure, entre le café et les photocopies, au boulot. Toujours aussi moderne et d'actualité, Dieu créé l'homme détruit nous rappelle la grandeur des X-Men du passé, la raison pour laquelle nous en sommes tombés amoureux, et dont Jonathan Hickman a su raviver récemment la flamme (qui vacille déjà, tant je m'ennuie ces derniers moi avec le nouveau relaunch). L'ouvrage reste tristement d'actualité tant nous avons l'impression d'entendre nombre de personnes influentes ou (ir)responsables politiques tenir des propos de la même trempe de ceux de Stryker, même si l'étranger remplace systématiquement le mutant. Ce qui revient, pour finir, à poser cette question fondamentale : comment est-il possible de nourrir un vote clairement xénophobe (dois-je vous rappeler les condamnations pour incitation à la haine raciale de certains ?) et de lire et apprécier l'univers des X-Men ? Un grand écart idéologique que des lecteurs parviennent à faire, apparemment. C'est la version Extended Cut de 2020 que vous trouverez dans le Must Have édité chez Panini ces jours-ci, avec dix pages supplémentaires inédites, une postface, des tas de couvertures, des pages en noir et blanc… De quoi se faire plaisir jusqu'au bout. 



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