ROM #1 : LE GRAND RETOUR DU CHEVALIER DE L'ESPACE CHEZ IDW

Au début des années 80, Parker Brothers, une compagnie qui n'allait pas tarder à être rachetée par Hasbro, lance une sorte de robot de l'espace, une action figure assez rudimentaire, sans points d'articulation, appelée Rom. C'est loin d'être un chef-d'œuvre mais les créateurs ont la bonne idée d'aller taper à la porte de Marvel, pour proposer d'en faire une série mensuelle. A partir de là c'est le succès, et le personnage devient pour la génération des quadras d'aujourd'hui, l'exemple type de ce qu'on peut appeler une série culte. Les aventures de Rom, en provenance de la planète Galador, et face à la menace pernicieuse des Spectres Noirs reste emblématique de la génération Lug. Le Spaceknight a fini par disparaître, victime d'une baisse de sa popularité et de la censure (en France, les pouvoirs décisionnels pensaient que le titre était devenu trop horrifique), aujourd'hui voici Rom de retour; cela se passe chez IDW, qui a récupéré les droits et qui relance la légende, dans des tons plus modernes et adaptés au jeune public du nouveau siècle. Le premier numéro à la bonne idée de représenter également les 11 premières pages offertes lors du dernier free comic book day, que tout le monde n'avait pas eu l'opportunité de lire. Nous voici donc plongés au moment de l'arrivée du personnage sur Terre. Il passe à l'action d'emblée, à la recherche de ses ennemis de toujours, qu'il parvient à identifier grâce à sa célèbre arme de poing, qui les démasque dans un premier temps, avant de les exterminer. Bien sûr, comme les Spectres se dissimulent sous des traits humains aux yeux de l'opinion publique, Rom est un extraterrestre assassin, une créature diabolique débarquée à l'improviste chez nous pour nous décimer. L'utilisation des réseaux sociaux, des smartphones, amplifie encore davantage le côté menaçant du Chevalier, dont l'arrivée et les agissements se retrouvent sur la toile rapidement. 


Les Spectres Noirs on été relooké pour les rendre plus menaçants,  plus crédibles. C'est là que le travail de David Messina, le dessinateur italien, est appréciable. Son trait et sa technique intègrent parfaitement l'utilisation de la conception graphique et de la colorisation modernes, et il associe design traditionnel et trouvailles originales avec naturel. Tout comme la série de Christos Gage et Chris Ryall parvient à associer technologie et magie, avec des envahisseurs dotés de nouveaux pouvoirs, qui parviennent même à manipuler et utiliser la faune et la flore locale, pour arriver à leurs fins. Des débuts assez classiques donc, mais qui remplissent parfaitement leurs fonctions et qui s'inscrivent dans un plan plus vaste, avec une tentative de la part de IDW de créer une grande saga qui interconnecte ses différentes séries (comme Transformers G.I.Joe ou les Micronauts par exemple) avec un crossover en septembre (Revolution). Résolument plus à la page, mais respectant les codes classiques de la série des années 80, cette nouvelle version de Rom est donc une surprise plaisante. 


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THE KILLING JOKE : UNE VERSION ANIMEE SANS GRANDE SURPRISE

The Killing Joke, oeuvre de Alan Moore et Brian Bolland, qui remonte à 1988, est adaptée cet été sous forme de dessin animé. La sortie était très attendue car il s'agit d'une histoire qui n'épargne rien au spectateur en termes de violence, de sous-entendus sexuels, et qui possède une véritable réflexion de fond sur la santé mentale d'un justicier déguisé en chauve-souris, mis en présence d'un criminel dingo et sans aucune retenue ou déontologie. Première constatation, il faut attendre une petite demi-heure pour que l'action commence vraiment : toute la première partie est en effet consacrée à Batgirl, un moyen habile pour que le spectateur ressente ensuite tout le pathos du drame qui survient. C'est pourquoi de simple coéquipière de Batman, la jeune Barbara Gordon finit par entretenir une véritable liaison avec son maître, dont le point d'orgue est une scène de sexe en costume, rapidement évacuée. Si les fans de comics considèrent la chose comme une véritable profanation, c'est toutefois une conséquence logique, se diront les autres, qui ne connaissent pas véritablement l'univers de Gotham. Le vrai problème selon moi c'est que cette première partie est sans saveur, elle se traîne en longueur et l'opposition entre Batgirl et le prétendu nouveau chef de la pègre locale, qui se déploie selon un axe séduction-fascination-répulsion est mal présentée et déclenche quelques bâillements.  La petite rouquine n'en sort pas grandie et l'ensemble est presque misogyne. Et puis à un certain moment, étant donné qu'ils se sont un peu trop rapprochés physiquement, les deux héros de la ville se séparent, et c'est alors que Barbara retourne vivre seule, et que l'enfer va pouvoir commencer, en respectant les canons classiques du Killing Joke des comics. Inutile de vous rappeler quand et où la tragédie débute... le commissaire Gordon est venu rendre visite à sa jolie petite fille et les deux devisent allègrement autour d'un verre, lorsqu'on frappe à la porte. Barbara se lève et va ouvrir... il est trop tard désormais. Bang.


De l'instant où le Joker fait irruption, l'histoire commence à être fidèle, voire servile, à ce que Moore et Bolland ont pu produire par le passé. Coté graphisme, on sent bien une tentative de coller au style du dessinateur, en respectant l'esprit de départ, mais ajouter une ride de ci, une ride de là ne suffit pas à donner le caractère nécessaire pour rivaliser avec le gaufrier stylé du grand Brian. On recommandera bien entendu le visionage en Vo pour ne pas perdre la performance de Mark Hamill, qui est le grand spécialiste dès lors qu'il faut donner voix au dingo de service, au rire si agaçant. J'employais le mot servile car tout est fait pour respecter, trop même, The Killing Joke format papier. Y compris le doute du viol/pas viol que beaucoup ont en tête, lorsque Barbara est blessée grièvement et sans défense, avec ici un Joker qui dégraphe lentement son petit haut. Sûrement pas pour porter les premiers secours... La bonne nouvelle vient de tout ce qui concerne l'évocation du passé de l'ennemi majeur de Batman. Dans des tons sépias réussis et convaincants, le dessin animé sait traduire à l'écran toute cette généalogie officieuse du personnage, et explicite clairement le lien qui pourrait unir le Dark Knight et la création de ce meurtrier sans scrupules. Ce qui ert nécessaire pour bien comprendre la fin, et la volonté ferme et définitive de Batman de tendre la main à sa némésis, après qu'il ait secouru un Commissaire Gordon humilié et blessé dans sa chair, mais pas dans sa déontologie et sa rectitude. Les héros plient mais ils ne rompent pas, et ce sera bien ça la grande leçon de The Killing Joke, qui va loin dans l'abject et l'horreur, mais dont les victimes parviennent malgré tout à garder leur équilibre mental, alors que le vilain de l'histoire, lui, n'en retire, au delà de l'échec final, qu'une amère constatation de solitude, de vacuité. Cette adaptation réalisée par Sam Liu et écrite par Brian Azzarello est donc plaisante à regarder, mais sans génie, dès lors qu'on parvient à échapper à la narcolepsie induite par la première partie. En fait les lecteurs de comics peuvent directement sauter à la 28 ème minute, et s'épargner le prologue sans rien perdre au change.




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COSPLAY MANIA (13)

Cosplay, ton univers impitoyable... Nous revoici donc pour une sélection sympathique, où priment avant tout les interprétations les plus réussies et les plus singulières. Je voulais réussir à placer quelques clichés du San Diego Comic-Con mais ce sera pour la prochaine fois. Il y a déjà de quoi faire ce coup ci (encore) comme vous allez le constater. Et je ne vous cache pas que prochainement j'aimerais bien me lancer la dedans moi aussi, un projet à étudier sérieusement pour début 2017. Et c'est parti pour Cosplay Mania.



Une question à poser? Demandez au Riddler, version charme


Forcément, Ant-Man est devenu un cosplay très assumé cette année...


Une grosse moto et un costume, voilà un Avenger prêt pour l'aventure


La clone et l'original. Histoire de griffes chez les mutants


Il fait peur ce Fatalis. Mieux vaut ne pas le croiser en soirée ou en Latvérie


Pour se la jouer Spider-Woman, il faut aussi avoir le corps de Spider-Woman


Un tour chez Dc. Cyborg en bonne compagnie avec Hawkgirl


Netflix a vu juste, Luke Cage sort ses chaînes et ça va faire mal

SUICIDE SQUAD TOME 2 : LA LOI DE LA JUNGLE

Quand on voit le genre de profils qui composent la Suicide Squad, et le type de missions qui leur est assigné, on comprend pourquoi cela tourne généralement en sucette. Trahisons, violence, crise de sociopathes, tout y passe et explique pourquoi la solidarité n'existe pas dans le groupe. Dernièrement il a fallu faire face au coup de sang d'Harley Quinn, qui n'a pas supporté le destin funeste de son "chéri" le Joker, et a pété un câble. Son retour au bercail n'est pas sans heurts, et pire encore, l'heure est venue de se rendre à l'évidence, il y a un traître au sein même de la division d'Amanda Waller. Ce second tome commence par une aventure qui voit apparaître le Resurrection Man, héros de son propre titre chez Dc Comics, mais totalement inédit en Vf. Du coup les lecteurs s'en ficheront un peu, et passeront à coté de la chose. Ils préféreront se focaliser sur la menace de Basilisk, et ce noyautage de l'intérieur de la Squad, qui va être le grand mystère de ces pages. Dès le début je ne peux m'empêcher de faire la grimace. Tout d'abord la caractérisation d'Harley Quinn vire un peu au n'importe quoi. A force de vouloir trop en faire, elle perd de son identité pour devenir une vulgaire traînée psychopathe qui ajoute à son propre chaos celui du scénario d'un Adam Glass pas franchement inspiré. Ensuite cette Amanda Waller là, cette figure de mode cynique et perverse, est loin de l'agent rondouillarde et parfois humaine des premiers temps. Une tentative de l'humaniser en cours de route est faite, mais c'est trop tard, on la déteste tellement déjà que finalement ses affres personnels ne nous concernent plus. Dommage, pour revenir à Harley, que la résurgence de la face "psychotérapeute" de sa personnalité soit si mal exploitée et ne soit qu'un truc scénaristique facile et sans enjeux. Pour le reste, l'interaction entre les membres du groupe est bien sur le plus réjouissant, et chacun développe une personnalité, parfois outrancièrement grossie, pour que la dynamique et les contrastent gardent le lecteur en éveil.

Pour aller au bout de l'aventure, il faudra suivre la Suicide Squad jusqu'au Mexique, et un temple maya, avant de connaître le fin mot de l'histoire. Qui implique un face à face musclé avec Regulus, le bras armé de Basilisk, son leader, droit sorti d'un comic-book de la grande époque Image/Heroes Reborn. Coté dessins on a l'impression d'être parfois dans les années 90, notamment avec une mise en couleur un peu pompière par endroits (exagération aussi bien du coté sombre que des couleurs vives elles-mêmes) alors que les dessinateurs qui se succèdent ont un trait et des styles qui ne se complètent pas toujours harmonieusement.  Fernando Dagnino est celui qui me plait le plus, mais attention, lui aussi est donc un de ces épigones qui ont du apprécier le graphisme d'il y a vingt ans, et qui fait dans la planche "pompière" sans trop se soucier du reste. Au moins ses héros ne sont pas disgracieux ou toujours grimaçants, mais l'imagination est loin d'avoir pris le pouvoir. L'impression est que cet album, moins passionnant que le Tome 1 (qui n'était pas un chef d'oeuvre non plus) est plutôt à déconseiller au lecteur qui voudrait découvrir la Suicide Squad, avant le film. Du reste cette série n'a pas eu un grand succès aux States, et elle est relaunché à l'occasion de Rebirth, pour coller un peu plus au long métrage. Jetez vous plutôt sur les archives qui vont sortir en août, et seront l'opportunité de lire ce qui s'est fait de plus pertinent avec ces criminels en mission, lors de leurs premières sorties. Ici c'est surtout à proposer aux fans hardcore des personnages, ou ceux qui n'en peuvent plus d'attendre. Pour résumer, on a l'impression de lire quelque chose de très stéréotypé, en mode écriture automatique, qui ne laisse guère de souvenirs flamboyants. On attend toute autre chose du film, ne plaisantez-pas, hein...




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OLDIES : DAREDEVIL TREE OF KNOWLEDGE (INEDIT EN LIBRAIRIE VF)

En 1994 la série Daredevil connaît une véritable révolution artistique copernicienne, avec l'arrivée d'un artiste qui bouscule les habitudes des lecteurs du Diable Rouge. Scott McDaniel s'empare du scénario de Chichester, et fait du titre un laboratoire expérimental fascinant, au service d'une trame complexe et drue, que Semic propose sous la forme de deux albums Top Bd intitulés Renaissance (Fall from Grace, en Vo). Cet arc narratif est salué par la critique, mais peu de lecteurs s'y intéressent chez nous, et le suivant, Tree of Knowledge, reste à ce jour inédit en librairie en France. Nous allons donc en toucher un mot, tout en rappelant les enjeux. Au terme de Fall From Grace, Matt Murdock a simulé sa mort, et Daredevil opère sous un nouveau costume, une véritable armure grise et rouge, alors que nombre de ses alliés pensent qu'il s'agit là d'un nouveau venu sous le masque. Après avoir écarté (et profité) de la menace du virus about face, permettant de réécrire l'Adn des victimes contaminées, Daredevil va se retrouver embarqué dans un récit qui convoquent science cyberpunk et conspiration de la vieille école, avec notamment le Baron Von Strucker dans les coulisses. Cette histoire est sortie il y a presque vingt ans, et la technologie n'était pas encore aussi sophistiquée, toutefois c'est elle qui est l'enjeu de cet arbre de la connaissance. DD tombe dessus un peu par hasard, le jour où il arrête deux petits voyous qui s'amusent à cloner des cartes bancaires aux distributeurs de billets. De là il remonte la piste d'un certain Knowbot, génial pirate informatique, que son employeur protège en lui allouant les services d'un colosse ultra moderne, le dénommé Killobyte. Pour le coup, le lecteur de l'an 2016, habitué aux connections 4G et qui sait monts et merveilles de l'Internet, pourra s'étonner. Qu'est ce donc que cette vision burlesque du monde virtuel que nous présente Dan Chichester? Le reflet d'un moment de l'évolution où Internet était encore perçue comme un privilège, une autoroute vers le savoir que ne pourraient parcourir que les grosses cylindrés, et qui devait laisser trop de citoyens démunis, sans accès, impuissants devant les nouveaux patrons du Web, et donc des marchés de demain. Rétro-fiction.


Chez le scénariste, Internet et la réalité virtuelle se confondent pleinement. Les vilains chassent Daredevil et évoluent comme dans un jeu en ligne, avec des points bonus pour chaque victime innocente tuée, ou bien avec une vision distordue des faits, le héros en collant étant représenté par un dragon. System Crash, c'est le nom de l'association de cyber-terroristes qui sèment la pagaille en ville, et les morts (un ferry boat qui explose, des dizaines de morts, des snipers qui tirent depuis le World Trade Center...), tandis que le Baron Struker et l'Hydra se frottent les mains, de voir New-York glisser vers le chaos, grâce à des méthodes et une technologie que les justiciers ne maîtrisent pas encore. Captain America vient bien prêter main forte à Daredevil, mais ce n'est pas Steve Rogers, un vieux de la vieille qui écoute sa musique au gramophone, qui sera de grande utilité. Les guest stars défilent dans Tree of Knowledge, avec Elektra (qui est revenue à la vie et a récupéré la part sombre de son essence vitale dans Fall From Grace, justement), le Shield (Fury et son sempiternel cigare) ou encore Gambit (de passage...) et Iron Fist. Karen Page est aussi au menu, détruite par la présumée mort de Matt Murdock, au point qu'elle est hantée par son passé d'actrice porno, qui refait surface, juste à temps pour qu'elle se lance dans une croisade contre une brève vidéo mettant un scène un acte pédophile. Scott McDaniel en met plein les yeux à chaque planche...ou il vous donne la nausée, selon qu'on aime, ou pas. Il est vrai que parfois son style ultra baroque et décomposé est au détriment de la lisibilité, et que ces épisodes sont sombres, très sombres, sans la moindre attention aux anatomies académiques. Tout est distordu, broyé, expressif et expressionniste, c'est un cauchemar des sens et des formes, mais c'est aussi fascinant de voir comment il est possible, d'un coup, de faire sauter les codes classiques dans ce genre de série mainstream, pour oser quelque chose de follement audacieux. En France ce matériel n'a jamais été publié. La saga comprend cinq parties, plus un interlude dont s'occupent deux autres artistes (Greg Wright et Sergio Cariello), et un épilogue. En tout, nous allons de Daredevil #326 à #332, dans ce qui est un des cyber délires les plus romanesques et improbables que les comics des années 90 ont su nous régaler. Il existe une belle édition américaine, dans la recherchée Marvel Epic collection (le volume 18) qui reprend l'intégralité de la période Fall From Grace/Tree of knowledge, y compris l'annual #10 qui fait la transition entre les deux (la réaction à la mort prétendue de Matt Murdock, alors que DD tente de faire croire à tous qu'un autre individu se balade sous le costume). Si vous ne connaissez pas ce pan de l'histoire de Tête à cornes, pensez à remédier, et à tanner Panini, sait-on jamais... (en kiosque cette saga a été présentée dans Special Strange 100 à 104, dans les années 90)




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BLACK HAMMER : NOUVELLE SERIE POUR JEFF LEMIRE CHEZ DARK HORSE

Conséquences au combien méritées d'un talent et d'une prolixité remarquables, Jeff Lemire est actuellement partout. Chez Marvel Comics, chez DC Comics, chez Image... et désormais chez Dark Horse, avec une nouvelle série qui vient de voir le jour. Il s'agit de Black Hammer, qui met en scène un groupe de personnages à super-pouvoirs, qui a dû prendre par la force des choses une retraite de tout activités héroïques il y a une dizaine d'années de cela. Depuis ils vivent tous ensemble dans une ferme, dans un patelin paumé des États-Unis. Il est évident que ces personnages sont tous plus ou moins des caricatures de héros que nous connaissons bien... nous trouvons ainsi un avatar de Superman, une sorte de Martian Manhunter -croisé avec une version loquace et triste de Groot- ou encore un pseudo Adam Strange. Mais finalement les pouvoirs de ces types là, ce qu'ils savent faire, ce qu'ils ont fait, tout cela n'est pas si important; d'ailleurs Lemire ne prend pas le temps de nous expliquer pourquoi ils en sont là, pour quelle raison ils ont dû décrocher. Il se contente pour le moment de nous montrer comment réagissent toutes les individualités, face à une sorte de réclusion bucolique, une vie hors du temps et de la société, passée à traire les vaches où aller boire un café au bar miteux de la ville voisine. Certains le vivent très bien et finalement c'est pour eux une bénédiction, surtout pour le "chef" Abraham Slam... les autres par contre ont bien du mal à gérer tout cela, comme par exemple la petite Barbalien qui se retrouve enfermée dans le corps d'une fillette de 9 ans (là aussi nous n'avons pas les explications) et qui n'apprécie pas du tout le nouveau statu quo. Bref c'est du Jeff Lemire, un monde super-héroïque est créé de toutes pièces devant nous, mais le plus important c'est le caractère humain, l'attachement viscéral et honnête aux qualités et défauts des uns et des autres, aux forces, aux attentes et aux rêves, qui permet au lecteur de se plonger dans ce Black Hammer. Certes j'adore ce scénariste, donc il est possible que je ne sois pas la personne la plus objective du monde, mais nous tenons là une nouvelle série particulièrement sensible et agréable à lire, qui parvient en une vingtaine de pages à emporter l'adhésion, dès lors que les personnages sont amenés avec grâce et naturel. Le dessin est confié à Dean Ormston, son trait volontairement caricatural et sale colle bien avec l'ambiance poisseuse du petit village de campagne. Parfois certaines scènes nous ramènent à l'époque où ces héros étaient actifs, dans un pur esprit Golden Age qui ajoute encore à la mélancolie de l'ensemble. Voilà donc notre lecture inattendue de l'été. Oubliés l'espace d'un instant Rebirth ou la seconde Civil War et plongez-vous dans Black Hammer, nouvelle petite trouvaille ingénieuse d'un Jeff Lemire décidément brillant.


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SUPERMAN RED SON (DC COMICS LE MEILLEUR DES SUPER-HEROS TOME 25 CHEZ EAGLEMOSS)

Un volume à ne pas perdre en ce moment, dans la collection Dc Eaglemoss, en kiosque. Il s'agit de Red Son, de Mark Millar. Si vous ne connaissez pas cette histoire, voilà de quoi il s'agit.
Superman est un extra-terrestre, et son apparition au coeur du Kansas n'est du qu'à un heureux hasard, son astronef ayant habilement choisi le sol américain pour déposer le bambin prodige. Mais à une douzaine d'heure près, le crash aurait pu se produire en Ukraine, et la face du monde (tel que vu par Dc Comics) en aurait été profondément bouleversé. Superman grandit donc dans un kolkhoze soviétique (on ne verra rien de ces années de formation dans cette aventure) et devient à l'age adulte le bras droit de Joseph Staline, avant d'en être le successeur, après la mort du dictateur. Luttant contre les jalousies d'un des fils illégitimes de son protecteur, s'opposant aux américains et leurs visées déviantes inspirées par un Lex Luthor génial et dangereux (il parvient à créer une sorte de “Bizarro”, une réplique dégénérée du héros), Superman est le sauveur de l'Union Soviétique, puis du monde. Les américains résistent, et sur le sol russe, les rares opposants trouvent en Batman une figure courageuse pour entretenir l'espoir. Superman se rapproche également de Wonder Woman, ambassadrice de Thémiscyra, mais l'amour ne filtre jamais, étouffé par la politique et ses exigences. Le monde selon Superman finit par ressembler à une sorte d'utopie policière à la Orwell, où le bien commun ne s'embarrasse pas toujours du libre arbitre ou des libertés individuelles (qui conteste trop peut être “reconditionné” par Brainiac, allié de Superman). Le lecteur, lui, peut s'amuser à comparer les versions classiques des héros ou personnages secondaires de l'univers Dc, ici revisités souvent avec pertinence, comme Lois Lane, Hal Jordan, Jimmy Olsen, et d'autres encore. Une bonne salade russe.

Honneur à Mark Millar d'avoir su pondre un récit totalement ancré dans une réalité virtuelle, et d'avoir su garder l'attention du lecteur sur l'ensemble de son oeuvre. Ce genre de projet peut vite devenir lassant, mais ici, l'analyse de ce que serait la réaction américaine face à la suprématie russe (qui détient avec Superman une arme comme chaque gouvernement en rêverait, sans oublier que c'est aussi un puissant argument de propagande), en pleine guerre froide de surcroît, est plutôt intelligente et éloquente. Superman garde en grande partie ses caractéristiques, il reste une force du bien, soucieux d'aider l'humanité, et pas seulement sa patrie d'adoption, mais les logiques de la politique globale, les concessions qu'elle implique, finissent par pervertir un homme bon et droit, et l'entraînent vers une série d'erreur de jugement qui le rendent peu à peu beaucoup moins sympathique que ce que nous connaissons habituellement. On pourra juste regretter le choix de l'auteur de ne pas avoir forcé le trait, et de ne pas nous avoir montré la vie quotidienne en Urss, qu'on suppose éprouvante, comme dans tous les régimes totalitaires où rien ni personne ne peut s'opposer aux forces dominantes. Coté dessins, Dave Johnson (puis Kilian Plunkett en renfort pour la fin de ce Red Son) mélange habilement le style graphique typique de l'art communiste avec les exigences et habitudes des comic-books traditionnels. On fermera un oeil sur les visages féminins pas très gracieux, et on appréciera le fait qu'on ne s'ennuie guère dans cet album, qui tient en haleine avec une plongée glaçante dans les affres de l'équilibre (bouleversé) de la terreur, et se termine par une pirouette scénaristique intéressante, qui transforme Superman en une figure iconique et cyclique. Il reste de tout ceci, des années après, l'impression que nous avions là une véritable grande maxi série à développer, de manière à prendre le temps d'explorer les conséquences d'un tel renversement de point de vue géopolitique. Un album fortement recommandé, qui ne fait qu'alimenter le regret de ne pas en avoir eu et lu plus, tant il reste à dire et montrer dans les marges de ce Red Son.



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