Conséquences au combien méritées d'un talent et d'une prolixité remarquables, Jeff Lemire est actuellement partout. Chez Marvel Comics, chez DC Comics, chez Image... et désormais chez Dark Horse, avec une nouvelle série qui vient de voir le jour. Il s'agit de Black Hammer, qui met en scène un groupe de personnages à super-pouvoirs, qui a dû prendre par la force des choses une retraite de tout activités héroïques il y a une dizaine d'années de cela. Depuis ils vivent tous ensemble dans une ferme, dans un patelin paumé des États-Unis. Il est évident que ces personnages sont tous plus ou moins des caricatures de héros que nous connaissons bien... nous trouvons ainsi un avatar de Superman, une sorte de Martian Manhunter -croisé avec une version loquace et triste de Groot- ou encore un pseudo Adam Strange. Mais finalement les pouvoirs de ces types là, ce qu'ils savent faire, ce qu'ils ont fait, tout cela n'est pas si important; d'ailleurs Lemire ne prend pas le temps de nous expliquer pourquoi ils en sont là, pour quelle raison ils ont dû décrocher. Il se contente pour le moment de nous montrer comment réagissent toutes les individualités, face à une sorte de réclusion bucolique, une vie hors du temps et de la société, passée à traire les vaches où aller boire un café au bar miteux de la ville voisine. Certains le vivent très bien et finalement c'est pour eux une bénédiction, surtout pour le "chef" Abraham Slam... les autres par contre ont bien du mal à gérer tout cela, comme par exemple la petite Barbalien qui se retrouve enfermée dans le corps d'une fillette de 9 ans (là aussi nous n'avons pas les explications) et qui n'apprécie pas du tout le nouveau statu quo. Bref c'est du Jeff Lemire, un monde super-héroïque est créé de toutes pièces devant nous, mais le plus important c'est le caractère humain, l'attachement viscéral et honnête aux qualités et défauts des uns et des autres, aux forces, aux attentes et aux rêves, qui permet au lecteur de se plonger dans ce Black Hammer. Certes j'adore ce scénariste, donc il est possible que je ne sois pas la personne la plus objective du monde, mais nous tenons là une nouvelle série particulièrement sensible et agréable à lire, qui parvient en une vingtaine de pages à emporter l'adhésion, dès lors que les personnages sont amenés avec grâce et naturel. Le dessin est confié à Dean Ormston, son trait volontairement caricatural et sale colle bien avec l'ambiance poisseuse du petit village de campagne. Parfois certaines scènes nous ramènent à l'époque où ces héros étaient actifs, dans un pur esprit Golden Age qui ajoute encore à la mélancolie de l'ensemble. Voilà donc notre lecture inattendue de l'été. Oubliés l'espace d'un instant Rebirth ou la seconde Civil War et plongez-vous dans Black Hammer, nouvelle petite trouvaille ingénieuse d'un Jeff Lemire décidément brillant.
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